dimanche 26 décembre 2021

Lu « Apeirogon » de Colum Mc Cann,

traduit de l’anglais - de l’Irlandais pour être précis- par Clément Baude, paru en 2018, dans la collection 10/18.  

Un « apeirogon » est une figure géométrique dont le nombre de côtés est …infini! Autant dire une figure géométrique impossible à réaliser, un exercice mathématique sans solution concrète. En l’occurrence, la figure géométrique en question, c‘est le conflit israélo-palestinien. Un conflit aux multiples facettes, un conflit dont l’issue semble impossible à trouver. Je dis bien «semble » car les accords d’Oslo y sont presque parvenus ce qui aurait tendance à prouver, au moins pour les indécrottables optimistes dont je fais partie ( ceux de la volonté, pas de la raison ) que tout est toujours possible quand des hommes de bonne volonté se rejoignent et unissent leurs forces pour forcer le destin.
L’auteur, un irlandais, journaliste de profession, qui doit avoir entre 55 et 60 ans et vit à New York en famille, est mondialement connu et ses livres atteignent des tirages faramineux ( dont « Et que le vaste monde poursuive sa course folle »), remportant des prix du meilleur livre étranger un peu partout, en France pour celui-là en particulier.
Ce livre, un pavé de plus de six cent pages est un roman imaginé autour d’une histoire présentée comme vraie, celle de l’amitié entre deux hommes, un israélien et un palestinien, fondée sur des tragédies personnelles similaires : ils ont tous les deux perdu une de leur filles : Rami Elhanan, israélien, fils d’un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour a perdu la sienne, Smadar, dans un attentat-suicide de trois membres du Hezbollah, et Bassam Aramin, palestinien qui a fait de longues années de prison pour sympathie avec la « cause », a perdu la sienne, Abir, d’une «balle perdue » d’un soldat israélien devant son école . Et tous les deux que tout poussait, au-delà de la douleur et du deuil, vers la haine et la vengeance, choisissent le combat pour la paix et l’engagement dans une association transpartisane. Ils s’y lient d’amitié.
Le livre prend la forme d’une grande fresque s’étendant sur vingt ou trente ans, relatée par de petits éclairages, autant de paragraphes numérotés qui vont d’une ligne à plusieurs pages, passant d’un des deux hommes à l’autre, d’un côté du « Mur » à l’autre, d’une époque à l’autre avec, à l’évidence, un parti-pris majeur: l’histoire est faite de la chose humaine et ce conflit se traduit comme toujours par des tragédies humaines. Il s’évade vers d’autres horizons, jusqu’à New York, convoque des témoins divers comme John Cage ou le chanteur Prince voire François Mitterrand ( « convoqué » à une dizaine de reprises !… sans que je puisse en saisir le sens profond car j’ai du mal à croire qu’il ne sache aller au-delà du fameux dernier dîner du réveillon 95-96 autour d’ortolans,dont on sait qu’il a été complètement « inventé » par un pseudo journaliste sans scrupules, mais que l’auteur reprend à son compte dans un allégorie sur le monde dans lequel nous vivons, à la fois délicieux et…cruel !).
La fresque est très convaincante pour son humanisme mais aussi par sa mise en évidence de l’extrême complexité de ce conflit. Sans subjectivité excessive ni manichéisme il démontre aussi avec humilité l’infernal engrenage de la violence autour du lien humiliation-violence. Convaincant aussi pour son plaidoyer pour l’écoute, le dialogue fondé sur le respect de l’autre. Un respect bien mal partagé dans cette région du monde. Mais, éternel optimiste lui aussi, l’auteur défend avec conviction la thèse du « qui aurait pu croire ? ». Qui aurait pu croire, du temps de la Shoah, qu’Israël ait un jour une ambassade en Allemagne et ce pays à Tel Aviv ?


mercredi 22 décembre 2021

Vu « Un héros », dernier film d’Asghar Farhadi, Grand Prix du Jury au dernier festival de Cannes.

Asghar Farhadi est ce cinéaste iranien qui avait notamment réalisé le très beau et très
émouvant film « La séparation ». Après avoir plusieurs fois tourné à l’étranger, Farhadi est retourné tourner ce film en Iran et cela n’est pas indifférent…le héros en question est artisan dessinateur-graphiste qui est emprisonné pour dette. Lors d’une permission de sortie, il découvre par hasard sur le trottoir un sac de femme rempli de pièces d’or. Son premier réflexe est de les vendre pour s’acquitter de sa dette et retrouver sa liberté mais le prix qu’on lui en offre ne lui permettrait pas de le faire : pour son créancier intransigeant, c’est tout ou rien…alors il décide de retrouver la propriétaire du sac pour lui rendre son bien et retourne en prison. Les responsables de la prison, apprenant ces faits, veulent récompenser leur pensionnaire pour cet acte de civisme généreux. A partir de là s’enclenche un scénario tout en rebondissements et en quiproquos, alimentés par l’attitude à bien des égards désemparante du héros, son sourire permanent même dans les moments les plus tristes, et sa personnalité équivoque bien résumée par la question du directeur de prison : es-tu malin ou naïf?

Le tout entretenu par…les réseaux sociaux, qu’on ne voit pas, qu’on entend pas, qu’on ne « concrétise » pas, mais dont on comprend qu’ils sont à l’œuvre, puissamment, d’abord pour glorifier Rahim, le héros, puis pour le démolir avec encore plus d’irrationnalité. J’ai été pris et interessé par ce film qui est un bon film même s’il n’est pas du niveau de « une séparation ». Car jamais j’en n’ai été ému. Je dirais même que l’intervention d’un enfant handicapé, le fils bègue du héros, m’est apparu comme une ficelle un peu grosse pour faire pleurer dans les chaumières. Mais ce qui m’a le plus frappé et déçu, c’est que le film est tourné en Iran, par un iranien, et qu’il donne del a société iranienne une image étrange ; pas un flic à l’horizon - pas un !-, encore moins de mollahs, aucune allusion à la situation politique et sociale, cette famille pauvre semblant vivre très correctement….il y a là quelque chose d’assez irréel, troublant et pour tout dire décevant.

jeudi 16 décembre 2021

Vu « De son vivant », film d’Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Cécile de France et Gabriel Sara.

Un film poignant sur la «condamnation à mort » et à court terme d'un cancer du pancréas d’un homme jeune ( joué par Benoît Magimel) , moins de 40 ans, sur la détresse de sa mère ( Catherine Deneuve) et sur le dévouement exemplaire d’un service hospitalier spécialisé. Et, de mon point de vue, c’est de là que vient la force et l’originalité de ce film : car le médecin, chef de ce service, est un vrai médecin qui s’appelle Gabriel Sara et qui joue son propre rôle d’oncologue d’origine libanaise, parlant un remarquable français avec un fort accent de ce pays. Dans la vraie vie, il exerce à New York et sa réputation est mondiale. Sa « méthode » d’accompagnement des malades dans leur fin de vie repose beaucoup sur la musique et la chanson. Et le film est bourré d’humanité et de tendresse qu’elle qu’en soit la gravité et la tristesse. Hommage à ces médecins, ces infirmières, ces aides-soignantes qui remplissent cette fonction socialement si éminente....et qui défendent avec ardeur la signification profonde du mot « humanité ».

Vu « Les choses humaines» le film d’Yvan Attal

 d’après le roman de Karine Tuil, avec Pierre Arditi, Charlotte


Gainsbourg, Mathieu Kassovitz, Benjamin Lavernhe, Ben Attal, Suzanne Jouannet...
L’histoire est connue tant le livre de Karine Tuil a été médiatisé, et d’une grande actualité : un jeune homme «bien sous tous rapports », polytechnicien, étudiant à Stanford, fils d’un journaliste très connu, est accusé du viol.... de la fille de son beau-père, le nouveau compagnon de sa mère, à la fin d’une soirée de la jeunesse dorée parisienne où l’on boit beaucoup, où l’on fume et se drogue, et où l’on fait des paris machistes stupides. La famille fait bloc, les couples se lézardent, les médias s’en emparent et le tout fini dans un procès ( où seules les plaidoiries sont convaincantes avec une palme pour la plaidoirie de l’avocate de la victime très éblouissante et poignante). Le film est bon mais n’apporte rien au livre. Les acteurs sont très moyens sauf Arditi dans un rôle à contre-emploi ( entendez « contre -convictions ») pour lequel il a dû mobiliser tout son talent .
On peut ne pas le voir... surtout si on a lu le livre.

Lu « Scato le parfait » de Phtaléine du Phénol ( c’est un pseudonyme) aux éditions Publibook.

 Ce roman est l’œuvre d’une amie personnelle qui en est à son
deuxième roman. 

Le premier était déjanté et partiellement autobiographique. Celui-ci est tout aussi déjanté mais c’est une vraie fiction avec une véritable intrigue. 

En progrès ! Mes encouragements affectueux vont à cette auteure qui poursuit son rêve littéraire.

Vu Alex Vizorek au Théâtre de l’œuvre.

 Figurez-vous que le comique belge de France Inter se produit sur


scène ( pour un deuxième spectacle , le premier très réussi m’avait donné envie d’y revenir) sur un thème surprenant quand il s’agit de rire : la mort ! Et ça fonctionne. Très bien même . Ce qui prouve que lorsqu’on a du talent, on peut rire de tout . 

Il propose notamment un jeu de commentaires de photos animales qui est hilarant lors duquel, par exemple, il disserte sur le délit de faciès d’une façon surprenante... et comme on a déjà eu l’occasion de se rencontrer, on en a profité pour poursuivre la conversation d’une façon chaleureuse : l’homme est très sympa, ce qui ne gâte rien !

vendredi 10 décembre 2021

Vu , à la cartoucherie de Vincennes, « L’île d’or » création collective du théâtre du soleil sous la direction d’Ariane Mnouchkine avec la collaboration «littéraire » d’Hélène Cixous.

Une grande fresque en hommage au Japon, à sa culture, ses paysages, ses
traditions, son art de vivre. L’histoire de ce spectacle est très liée à la vie personnelle d’Ariane Mnouchkine et, en particulier, d’un voyage qu’elle fit au Japon quand elle avait 25 ans et qui l’avait beaucoup marquée. Comment dire ? Ça part dans tous les sens ! Certains diront peut-être que ça n’a « ni queue ni tête » et que cela « manque de cohérence » ( je reconnais que le thème du projet immobilier des grands capitalistes spéculateurs peut apparaître pauvre mais...le Japon n’offrirait-il pas cette cohérence en lui-même ?) mais c’est d’une telle richesse d’une telle imagination, d’une telle créativité, entre rires et larmes ( il y a des moments où l’on rit vraiment de bon cœur, d’autres très émouvants ) qu’on a l’impression qu’on pourrait voir dix fois la pièce et en découvrir toujours de nouveaux aspects, de nouvelles allusions, de nouvelles subtilités...

Et puis il y a Ariane Mnouchkine. La grande dame du théâtre est là, accueillant elle-même les spectateurs au contrôle des billets, bavardant avec eux à l’entracte ou à la fin du spectacle, simple, chaleureuse, lumineuse. Faire sa connaissance et échanger avec elle est, en soi, un bonheur intense ... Enfin il y a l’ambiance du théâtre du soleil, le restaurant d’avant-spectacle , le dîner japonais lui aussi, cette convivialité particulière. Bref, vous aurez deviné : un sacré moment .

mercredi 8 décembre 2021

Lu quatre livres, quatre romans de femmes en cette rentrée littéraire:

- « Le voyage dans l’Est » de Christine Angot paru chez Flammarion.
Un roman autobiographique: l’auteure, adolescente vit seule avec sa mère, de père non pas inconnu mais qui, marié, ne l’a pas reconnu. Ce père refait surface et renoue une relation suivie avec sa fille, profitant de voyages d’affaires dans l’Est de la France où elle réside pour lui rendre visite… et pour la violer régulièrement. Douloureux récit de l’inceste qui dure des années, dans le silence d’une victime qui n’ose pas en parler à l’extérieur, et le déni d’un père qui lui explique que « ça se fait » entre un père et sa fille. Jusqu’à la mort du père aux obsèques duquel elle décide de ne pas se rendre quand elle apprend par son demi-frère que leur père la traitait d’affabulatrice…un roman de qualité qui se lit facilement.

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« L’éternel fiancé » d’Agnès Desarthe aux éditions de l’Olivier. L’histoire d’une vie, celle de la narratrice, famille de musiciens, construisant une famille avec un homme qu’elle aime et dont elle aura des enfants, dans une vie que l’on pourrait qualifier de « classique », alternant bons et mauvais moments, bonheurs et malheurs, chutes et rebonds …avec, toujours, le souvenir d’un homme rencontré à l’âge de 4 ans et dont elle s’était persuadée qu’il serait l’homme de sa vie. Quand ils se retrouvent pendant leurs études, devant son indifférence, elle se résigne. Mais des années plus tard, et par le plus grand des hasards, quand il fait de nouveau irruption dans sa vie, elle croit qu’enfin l’hypothèque va être levée. Mais ce sera pour mieux retrouver son mari…

Agréable à lire également.

- « Premier sang » d’Amélie Nothomb paru chez Albin Michel. La


biographie romancée du père de l’auteure, Patrick Nothomb, élevé par sa grand mère et qui finira diplomate, pris en otage - avec 1500 de ses concitoyens - à Stanleyville au Congo belge en 1964, et libéré par l’intervention sanglante des parachutistes belges. Un livre qu’on pourrait appeler « en mémoire de mon père », un hommage honnête, qui n’a pas les défauts de la subjectivité aveugle, mais s’attache en particulier à raconter l’enfance et l’adolescence d’un homme qui passait ses vacances chez des cousins où la dureté des conditions de vie et une forme de maltraitance ne gâchaient en rien le bonheur de vivre à la campagne et de rompre avec la vie de fils unique. Un Nothomb facile à lire…

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« S’adapter » » de Clara Dupont-Monod paru chez Stock. Douloureuse histoire d’une famille vivant dans la montagne cévenole et dont on ne sait pas grand chose ( ni les prénoms des membres de la famille, ni la profession des parents par exemple) si ce n’est qu’elle vit un drame : la présence d’un enfant très lourdement handicapé, aveugle, muet et polytraumatisé. Il vivra huit ans de ce martyre. Et le roman est construit en trois parties correspondant au vécu du frère ainé, de la cadette et…du dernier fils, né après la mort, de son « frère-fantôme » et plus ou moins chargé de réparer…. Sujet difficile, ambiance douloureuse, écriture réaliste et triste.





lundi 6 décembre 2021

Vu « Madres paralelas » le dernier film de Pedro Almodovar avec Penélope Cruz et Milena Smit.

Deux jeunes femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une maternité
où elles font « chambre commune » pour des accouchements qu’elles n’ont pas vraiment souhaités l’une et l’autre. Et elles ont l’occasion de nouer une amitié avant que leurs enfants, gardés « en observation », leur soient rendus. Début d’une intrigue où leurs destins vont à la fois évoluer parallèlement, et alterner dans leurs rapports au bonheur. Avec, en fond de décor, les fantômes du franquisme: le père de l’enfant de Janis, est un universitaire, chercheur qui travaille avec une association qui œuvre pour la réouverture des fosses communes dans lesquelles étaient jetées les victimes du franquisme sans identification ni, bien sûr, sépultures. Or Janis est originaire d’un village très rural de l’Espagne profonde où existe une telle fosse et où la mobilisation pour son ouverture est unanime. Ces deux intrigues vont évoluer parallèlement jusqu’à la fin, heureuse en même temps que poignante, du film. C’est du bon, du très bon Almodovar. Cet homme-là a un talent tout particulier pour filmer les femmes et donner ainsi à ses films un charme particulier. Il sait aussi marier les deux Espagnes, l’actuelle et sa modernité et l’ancienne plus douloureuse et déchirée. Mariage doublement réussi.

A l’Opera de Paris où je n’étais plus allé depuis longtemps, un spectacle chorégraphique Ashton-Nijinski-Eyal.

 « Rhapsody » d’Ashton sur une musique de Rachmaninov, n’a pas très
bien vieilli et apparaît comme un peu kitch sauf peut-être à la fin qui est plus alerte. Le « Sacre du printemps » de Nijinsky sur la célèbre musique de Stravinsky, a été beaucoup démodé par les chorégraphies exceptionnelles de Béjart et Pina Bausch. Il faut dire que ça date d’il y a un siècle…mais ça tient encore la route avec son ambiance de campagne russe du début du 20ème.

Quant à « Faunes » de Sharon Eyal, l’ancienne danseuse israélienne devenue chorégraphe, sur une musique de Debussy, nouvelle version de l’Après-midi d’un faune, c’est un véritable petit bijou, dépouillé et émouvant. Quel dommage que ce soit si court ! 12 minutes à peine…

J’étais déjà allé à la Philharmonie de Paris

 mais uniquement pour des

expositions dont l’une, exceptionnelle, sur Barbara. Il était donc temps de découvrir la salle de concert ! C’est chose faite, pour un concert de Maurizio Pollini le pianiste italien et des œuvres de Schumann et Chopin. L’artiste est un virtuose qui n’est plus tout jeune et marche des coulisses vers son piano comme un voûté fragile. Et la salle est d’une sonorité tout à fait exceptionnelle. J’y retournerai avec plaisir.

jeudi 2 décembre 2021

3 films vus lors de ma « cure d’automne »:

-« Aline » réalisé et joué par Valérie Lemercier. Ce n’est pas un « biopic » de la vie de
Céline Dion mais une fiction inspirée par la vie de Céline Dion; L’équipe du film tient à le préciser, y compris pour répondre aux critiques malvenues de certains amateurs intégristes - notamment familiaux- de la chanteuse canadienne. La vie de celle-ci, outre son succès mondial extraordinaire, n’a rien de subjuguant. Mais il y a la performance - et le mot est bien faible- de Valérie Lemercier, et ça c’est autre chose…

 


- « Amants » de Nicole Garcia, avec Pierre Niney, Stacy Martin et Benoît Magimel. Un bon film sans être un chef d’œuvre, très bien joué sans être bouleversant, qui raconte une histoire d’amour qui commence mal, dans les petits trafics de drogue et une mort par overdose, se poursuit par une rupture pour éloignement imposé, puis par des retrouvailles hasardeuses dans l’océan indien…et se termine mal aux bords du lac de Genève. Il y a «l’ambiance Nicole Garcia » pour tirer le film vers le haut.

 

 

-« BAC Nord » de Cédric Jimenez avec Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou


et Adèle Exarchopoulos. Ce film est « tiré » ( avec toute la prudence nécessaire) d’une histoire vraie survenue il y a quelques années dans les quartiers Nord de Marseille, la zone la plus criminogène de France, qui avait défrayé la chronique et vu « plonger » plusieurs policiers. Le scénario est assez simple: ces quartiers sont le terrain d’action, au quotidien, d’une équipe de trois hommes de la brigade anti-criminalité (BAC). Trois flics de base confrontés à une mission quasi-impossible quand la hiérarchie exige « du chiffre » ( entendez des statistiques de crimes et délits) à tout prix, mais « sans casser la baraque », y compris en ne s’affrontant pas aux caïds qui tiennent ces quartiers et qui sont armés jusqu’au cou. Et qui se sentent tellement intouchables qu’ils sont arrogants et provocateurs à l’égard de ces policiers, contraints « d’avaler leur salive » et baisser la tête. La police de terrain et ses dilemmes…et quand cette hiérarchie pétocharde est confrontée à un événement dramatique qui exige une riposte, quand elle se décide enfin à donner un coup de pied dans la fourmilière faute de renseignements issus d’une police de proximité digne de ce nom, elle doit utiliser des méthodes moins académiques et « payer en nature » des informateurs… l’opération -violente, haletante et magnifiquement filmée - a lieu et est une belle réussite: réseau démantelé, prise-record de drogue et d’argent de la drogue. Mais l’IGPN, la police des polices, informée des méthodes employées, enquête….et nos trois flics, héros du jour, deviennent des parias.

Ce film a fait l’objet d’une controverse selon laquelle le parti-pris caricatural aurait emprunté tous les poncifs pro-policiers et fait le jeu du Front National. Je ne suis pas d’accord du tout avec cette posture: ce film est magnifique, bluffant, bouleversant. Il est magnifiquement joué par la triplette de flics avec une mention particulière à Gilles Lellouche, pathétique. Et ce n’est pas faire le jeu du Front National que de décrire concrètement et spectaculairement ce qu’est la vie des flics de terrain dans ces quartiers . C’est l’état de ces quartiers, abandonnés par la République depuis des décennies qui fait le lit du Front National. Ne confondons pas les causes et les conséquences. Un très grand film.



 


Deux expositions pour un séjour parisien:

 - Eva Jospin au Musée de la chasse et de la nature. La « fille de »…poursuit son
chemin de talent, de notoriété et d’admiration avec une nouvelle exposition rue des Archives à Paris qui permet de découvrir quelques nouvelles œuvres monumentales et, notamment, un « tunnel » à l’intérieur duquel le visiteur passe pour découvrir un plafond travaillé en relief comme ceux de certains palais orientaux et, dans des vitrines, de petites œuvres originales et diverses. Un seul bémol pour cette expo un peu perdue au milieu des animaux empaillés -drôle d’ambiance…- et bien mal signalée, mais bon. Ce que Eva ( que j’ai connue toute petite !…) a réussi à faire dans une spécialité qui s’est imposée à elle à ses débuts comme le fruit d’une contrainte économique, travailler le papier-carton comme matière première à bas coût, pour en tirer un art à la fois très personnalisé, original, créatif et émouvant, est une sacrée réussite. Mais voilà que le succès aidant, elle se remet à une vieille passion, la sculpture du cuivre et c’est tout aussi prometteur. On commence à dire « vous savez, le père d’Eva Jospin, celui qui fut… ».

- Dali et Gaudi à l’Atelier des Lumières, rue Saint Maur dans le 11ème arrondissement. J’ai déjà raconté dans ces lignes comment j’avais découvert le travail de l’équipe de « Culturespaces » il y a quelques années dans les carrières des Baux de Provence et comment je suis devenu un fidèle de l’atelier ouvert depuis quelques années dans une ancienne fonderie parisienne. Ce travail artistique, simple « son et lumière » dans son approche mais fondé sur un procédé informatique qui permet de projeter les images dans toutes les dimensions et ainsi d’envelopper le spectateur par l’image est époustouflant. Ajoutez-y une sono exceptionnelle et vous voilà dans une ambiance envoûtante. C’est le 4ème ou 5ème spectacle que je vois là et je dois dire que Dali, qui m’intéresse depuis longtemps sans me passionner outre mesure, qui m’intrigue sans m’émouvoir, accompagné ici par une musique de Pink Floyd exceptionnelle, en arrive à donner des frissons.


mercredi 1 décembre 2021

Lu, de Gilles CLAVREUL, « Dans le silence de l’Etat », sous-titré « Comment l’impuissance publique livre la société à elle-même », paru aux éditions de l’Observatoire.

Gilles CLAVREUL est un jeune et brillant haut-fonctionnaire, membre du corps
préfectoral, qui fut un courageux délégué interministériel à la lutte contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme de 2015 à 2017. Je l’ai connu dans ces années-là et nous avons très vite noué une amitié fondée sur une grande complicité politique et intellectuelle révélée, notamment, par des combats communs pour une laïcité dépouillée de tout adjectif qualificatif et simplement républicaine. Nous avons créé ensemble le Think-tank « L’Aurore » il y a quelques années, dont il est le délégué général et que j’ai le plaisir et l’honneur de présider avec l’objectif, justement, de faire vivre ces idées. Autant dire que cette recension de son livre est pour moi un exercice très difficile dans la mesure où elle résonne comme un test de ma capacité à développer un esprit-critique minimal…un esprit-critique « malgré tout ».

Le livre de Gilles est d’une grande profondeur qui tourne le dos à bien des analyses ou commentaires à l’emporte-pièces et s’engage résolument sur les chemins de la philosophie politique ( il y a, en particulier, une approche philosophique de l’insécurité globale du peuple qui dépasse de loin les rodomontades de tel ou tel Ministre de l’Intérieur…)ce qui, on en conviendra, est plutôt rare par les temps qui courent. Mais sa singularité ne s’arrête pas là car, loin encore des idées à la mode imprégnées du libéralisme débridé qui fait de tout ce qui est « public » une sorte d’expression d’une bureaucratie haïssable et de tout ce qui est « privé » le remède à tous les maux de la société, la thèse renvoie tous ces préjugés dos à dos: si l’Etat n’est pas « La» solution, l’étatisme l’est encore moins. Et pour construire une œuvre de réhabilitation de la « puissance publique » ô combien nécessaire, il s’emploie à revisiter l’histoire pour mieux comprendre l’affaissement de celle-ci et, surtout, analyser aussi finement que possible, tous les renoncements qui l’ont affaiblie. En commençant par démontrer que l’approche budgétaire de l’Etat, triomphante depuis tant d’années, est celle … de ceux qui n’ont pas de réflexion sur celui-ci. Pour aboutir à un constat incontournable et, en même temps, original dans son énoncé: quand ceux qui nous gouvernent, et en particulier les élites politico-administratives, cessent de croire que l’Etat a pour première mission d’être « L’Instituteur » de la société, alors celui-ci n’est plus le garant de la communauté politique, sa raison d’être disparaît et l’unité du pays est menacée. C’est sur le chapitre de la laïcité, et ce n’est pas une surprise, que l’ouvrage est le plus percutant, d’autant qu’il sort d’une façon tout à fait bienvenue des sentiers battus en reprenant pour la développer la question soulevée par Edgard Quinet il y a un siècle et demi: la République saura-t-elle élever une puissance spirituelle propre à rivaliser avec la foi religieuse, apte à lui résister non par la coercition mais par l’éclat ? A quoi Gilles répond par l’ardente obligation pour l’Etat et ceux qui le dirigent d’assumer le pouvoir spirituel. Ce que j’avais appelé, il y a quelques années «une spiritualité laïque »et qui n’est rien d’autre que la défense et la promotion de valeurs publiques qui, sans nier les valeurs privées et encore moins s’y opposer, ouvrent un espace propre, celui de la vie citoyenne. Ces valeurs que Ferdinand Buisson, en son temps, avait si bien définies: le goût de l’effort, le respect de l’autre et de sa différence, le sens civique, l’amour de la patrie, le sens de la solidarité, la foi dans l’universalité de la condition humaine …La défense et la promotion de ces valeurs, leur incarnation par l’Etat républicain  participant, d’ailleurs,  activement à la construction du 
« commun » si précieux et répondant concrètement à des interrogations profondes : qu’est-ce qu’être français ? Que faisons-nous ensemble ? Comment conjuguer harmonieusement toutes nos différences avec ce qui nous rassemble? 
C’est peut-être sur le terrain politique que j’aurais - éventuellement ! Juste pour poursuivre le débat…- quelques nuances à apporter aux propos ou plutôt aux interprétations de Gilles. Mais c’est sans doute tout simplement parce qu’étant plus vieux, j’ai vécu des moments que sa jeunesse lui fait découvrir a posteriori : sur 1989 et l’affaire dite « des foulards du collège de Creil », où je pense qu’il simplifie le dilemme qui partageait les esprits de toute la Gauche sans voir d’ailleurs que celle qui dirigeait l’Etat ( Mitterrand et Rocard, pour une fois d’accord…) avait partagé équitablement la même sous-estimation du danger;  sur le désastreux bilan du quinquennat de François Hollande( au moins sur le sujet qu’il développe dans ce livre…) pour lequel son très respectable  devoir de loyauté à l’égard d’un homme qu’il a servi le prive d’une lucidité suffisante sur l’incapacité majeure de celui-ci d’incarner cet État républicain qu’il appelle de ses vœux; et sur la laïcité, dont il fait un acquis consensuel de la vie politique française, en passant un peu vite par perte et profit tous les combats revanchards de la Droite tout au long  de la deuxième moitié du 20ème siècle notamment sur l’enseignement catholique. Comme si la droite extrême et l’extrême droite étaient devenues vraiment laïques et pas seulement déterminées à combattre  une religion et une seule, l’Islam….
Mais peu importe, tout cela n’est que de la nuance politique ! Il reste que cet ouvrage est le fruit d’un travail remarquable et qui vient à point nommé : voyez les temps qui courent où le constat unanime tend à venir au secours des hôpitaux publics comme de l’Education Nationale ou bien de la Justice : il faut plus de moyens ? Chiche ? La défaite du libéralisme se traduira-t-elle simplement par des chiffres alignés ou par une nouvelle ambition pour la puissance publique ? Le livre de Gilles CLAVREUL nous invite à penser intelligemment cette indispensable mutation.


samedi 27 novembre 2021

Vu « Le roi Lear » de William Shakespeare dans une mise en scène de Georges Lavaudant au théâtre de la Porte Saint-Martin.

Pièce bien connue de Shakespeare où le vieux roi, pour organiser son héritage,
privilégie deux de ses filles qui ont su exprimer leur affection avant de le trahir, et déshérite la troisième qui n’a pas voulu jouer la comédie des mots d’amour artificiels et... qui lui restera fidèle.

La mise en scène de Lavaudant est dynamique, sobre, dépouillée même, moderne. Il adopte le parti-pris d’un Lear peut-être plus fou que nature, et donc peut-être moins pathétique, mais cela fonctionne bien
Jacques Weber dans le rôle du roi est.... Jacques Weber ! Immense acteur de théâtre. Les puristes du masque et la plume diront qu’il joue trop de sa voix, qu’il en serait presque esclave ( il leur faut bien perpétuer leur réputation de dezingueurs...) et même si celle-ci est si grave et puissante qu’elle en est une ou deux fois inaudible, elle reste poignante et donne au personnage une profondeur remarquable.
François Marthouret joue un Gloucester convaincant . Sage, modéré, précis, émouvant.
Enfin un satisfecit particulier pour Manuel Le Lièvre qui joue un fou du roi «rock’ n roll » très original et convaincant.
Du très bon théâtre

vendredi 26 novembre 2021

La tragédie du naufrage d’un bateau de migrants dans la Manche il y a trois jours,

 

une fois l’émotion, la tristesse et la colère exprimées, doit imposer la nécessaire réflexion sur le fond c’est-à-dire la gestion de la frontière Franco-britannique. Et de ce point de vue, je veux dire une conviction profonde qui est la mienne depuis près de 20 ans et dont je m’étonne un peu plus chaque jour qu’elle ne soit pas évoquée et prise en compte.
On sait que la gestion de ce problème ( l’afflux de migrants à la frontière franco-britannique de la Manche) est régie par les accords du Touquet signés en 2003 par un ministre de l’Intérieur nommé Sarkozy qui les avait triomphalement présentés comme « réglant définitivement le problème trop longtemps repoussé comme on pousse la poussière sous le tapis ». Le principe de ces accords était « simple » : la France accepte que la frontière franco-britannique soit placée en France en échange d’une contribution financière du Royaume-Uni. À nous les camps de réfugiés refusés par les anglais, à eux la signature d’un chèque.
Pendant des années au Parlement, j’ai interrogé les Ministres de l’Intérieur de Droite comme de Gauche pour comprendre les véritables fondements de ces accords par lesquels la France acceptait de porter le fardeau de ce drame humanitaire dont les responsables se déchargeaient allègrement. Comment pouvait-on accepter le principe : «Je ferme ma porte à double tour mais c’est vous qui êtes chargés de la surveiller et de gérer l’afflux de ceux qui voudraient la franchir » ? . Je trouvais ces accords tellement déséquilibrés que j’imaginais qu’il pût y avoir une clause secrète que je cherchais à élucider. En vain. Tous les Ministres refusaient de répondre. Tous sauf un, Bernard CAZENEUVE, pour qui j’ai grande estime et amitié et qui m’assura : « on ne peut pas revenir sur ces accords, au risque de créer un appel d’air ingérable ». A quoi je me souviens lui avoir répondu : « Mais Bernard, cet appel d’air ingérable n’est-il pas déjà là ?? »
Toutes réflexions faites, je fais donc cette proposition : la France doit dénoncer les accords du Touquet et placer nos amis britanniques devant la responsabilité d’assumer les conséquences de leurs actes sur leur territoire. En clair, placer la frontière non pas à Calais mais à Douvres, non pas sur la côte française mais sur la côte anglaise. Et la France, plutôt que de financer la construction d’un mur artificiel et sa conséquence épouvantable , les camps de la misère, pourrait alors mettre en œuvre un plan exemplaire de sauvetage en mer pour prévenir les tragédies au milieu de la Manche.

samedi 20 novembre 2021

Lu « La plus secrète mémoire des hommes » de Mohamed Mbougar Sarr, paru aux éditions Philippe Rey et Jimsaan, le roman qui vient d’obtenir le Prix Goncourt 2021.

Amateurs de lecture facile s’abstenir ! Celle-ci est fastidieuse...j’aurais même pu dire
« ennuyeuse » si, de fait, je n’avais jamais eu la tentation d’abandonner la lecture. L’histoire en elle-même n’est pas centrale ni même majeure : un jeune auteur sénégalais découvre un livre «Le labyrinthe de l’inhumain » d’un certain T.C.Elimane, un livre datant de 1938 à la durée de vie très courte puis qu’après qu’il fût accueilli quasi triomphalement, son auteur étant qualifié de « Rimbaud nègre », il fut vite rattrapé par une polémique le taxant de plagiat et, donc aussitôt retiré de la vente. Et ce jeune découvreur va partir en voyage sur les traces du livre, de son auteur, de ses éditeurs, un voyage qui va le mener en Europe, à Amsterdam, en Argentine, au Sénégal bien sûr, et où il va croiser les grandes tragédies du monde contemporain, de la Shoah au colonialisme.... mais si j’ose dire, cette histoire n’est qu’un prétexte : ce roman est, d’abord et avant tout, un essai sur la littérature. Il se veut même « hymne à la littérature » sur un mode que je qualifierais de shakespearien : le « être ou de pas être «devient « écrire ou ne pas écrire ».

On imagine alors que, pour être à la hauteur d’un tel projet, il faut « cotiser à la cause » !
J’entends par là, multiplier les angles, diversifier les témoignages, utiliser une écriture travaillée, soignée, un vocabulaire riche, original, une syntaxe sophistiquée. De ce point de vue, on est servi. Très bien servi. Trop bien servi ? De ce point de vue, je pense que les critiques littéraires qui, François Busnel en tête, ont usé de la dithyrambe à propos de ce livre, ont sans doute oublié ces excès pour tomber dans un snobisme littéraire classique et bien connu.

mercredi 17 novembre 2021

Vu « Cry macho » le dernier film de Clint Eastwood,

   avec lui-même et d’autres acteurs qui n’ont pas une


importance majeure. L’histoire non plus d’ailleurs. Disons qu’en voyant la première séquence où l’on découvre un vieux pick-up roulant dans un décor rural du sud des USA sur une musique de folk des années 60 ou 70, je me suis dit : « c’est la suite de la route de Madison »!. Ça aurait été bien d’ailleurs…bon, pour information, « Cry macho », c’est le nom d’un coq de combat qui est l’animal de compagnie d’un adolescent vivant au Mexique avec sa mère et que le vieux Clint doit ramener à son père aux USA…avec quelques obstacles dont le passage n’atteint jamais une dramaturgie insupportable.

Le film est bourré mais vraiment bourré de bons sentiments. Et Clint est lui-même…vieilli. C’est un film qui n’est ni fatiguant ni enthousiasmant.

Vu « Les Olympiades », film de Jacques Audiard qui vient à peine de sortir,

     adaptation d’une série de bandes dessinées ( « Les intrus ») d’Adrian Tomine,
avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant et Jehnny Beth. «Les Olympiades », c’est une cité du 13ème arrondissement de Paris, que certains appellent désormais « Chinatown » et le film est une chronique de la vie de quatre jeunes gens vivant là, d’origines et de cultures diverses, chronique de couples qui se forment et se déforment ( puis se reforme pour l’un), où les boulots des uns et des autres ( l’enseignement, l’immobilier, un centre d’appel, l’érotisme sur le net) se conjuguent avec les fêtes, l’alcool, la drogue, et les scènes d’amours ( nombreuses mais pas envahissantes du tout) dans une ambiance de grande liberté… une chronique qui respire la contemporanité à plein nez. Toute la jeunesse française n’est sans doute pas à cette image, mais elle est aussi cela. Autant le dire : c’est bourré de charme! Vraiment bourré de charme…C’est d’une sensibilité qui m’a réellement transporté : on a plaisir à « vivre » ce film du début à la fin. Évidemment, le talent d’Audiard avec ce cinéma de sensibilité fine accentué par le choix du noir et blanc qui « donne de la profondeur », est là, présent, confirmé. Les acteurs sont d’autant plus formidables de naturel qu’ils sont soit débutants soit amateurs: une palme particulière à la jeune Lucie Zhang, étudiante dans la vraie vie à l’Université de Paris-Dauphine, qui inonde le film de sa spontanéité et de son charme ( c’est amusant : j’ai vu depuis une interview d’elle où elle apparaît timide, réservée…) et à Makita Samba, le black perdu à Chinatown qui joue un prof de littérature au collège voisin et qui prépare l’agrégation dans la turbulence de ses amours, qui apparaît plus sympa qu’imaginable. Un vrai régal. Vrai de vrai

vendredi 12 novembre 2021

Lu « Génie de la France » d’Abdennour BIDAR .

Abdennour BIDAR est philosophe, musulman et laïque, plus laïque que musulman si
j’ose dire, auteur notamment, il y a quelques années d’un « Plaidoyer pour la fraternité» bien convaincant. Comme c’est un ami, ma subjectivité risque évidemment d’éloigner mon jugement de toute objectivité - ce qui ne me gênerait point !- et peut-être d’honnêteté - ce qui serait plus embêtant -.
Le « Génie de la France » dit Abdennour, tient pour une part essentielle à la laïcité qui serait la condition politique de la vie spirituelle la plus haute. Pourquoi ? Parce qu’en instituant la « séparation », celle des églises et de l’Etat, elle « fait le vide » le vide créé par la destruction à la fois mystique et métaphysique des idoles. Vieille théorie déjà abordée par Régis Debray. Bref la laïcité serait d’après l’auteur une valeur politique ET spirituelle.
Disons qu’il y a dans ce livre riche, profond, parfois très profond ( trop ? …) un volet qui m’enthousiasme, un autre qui m’intrigue et un troisième qui m’irrite.
Mon enthousiasme vient d’une approche de la laïcité qui vise au cœur de la problématique très actuelle de notre société : la laïcité est le compromis équilibré et républicain dans la gestion de deux contraires : la diversité et le commun. Car la France est diverse, très diverse, et c’est une richesse qu’il faut sauvegarder à tout prix par le respect fondamental des différences, en même temps qu’elle est une, par son histoire, par ses combats, par sa langue et sa culture et c’est une autre richesse sur laquelle il faut tout autant veiller. Conjuguer le divers et le commun, voilà l’ardente obligation de la République laïque, que l’auteur présente à merveille.
Et dans le débat politique actuel, faute de rappeler cette évidence, de l’enseigner, de la promouvoir, on a vu fleurir des « faux-laïcs » des deux côtés ( celui de la diversité et du commun) et surgir des débats biaisés entretenus par des chaînes d’info ou des réseaux asociaux qui, au mieux, n’y entendent rien et, au pire, jettent de l’huile sur le feu.
Faux-laïcs, les défenseurs acharnés de la diversité qui clament avec ardeur que la laïcité ne serait que liberté et oublient le commun, à commencer par le respect des lois de la République et, notamment du respect scrupuleux de l’égalité femmes-hommes.
Ceux-là que l’on trouve à l’extrême-gauche et, hélas, trop souvent dans ce qui fut la gauche, contribuant ainsi activement à son discrédit, oublient d’une façon surprenante ce qu’on apprend dans nos écoles (« ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ») . Ils aiment l’article 2 de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen mais pas son article 29. Ils aiment les droits, pas les devoirs.
Mais faux-laïcs tout autant ceux qui ne parlent que d’unité, d’indivisibilité, et de leurs corollaires, rejet des différences et, donc, rejet de l’autre, des autres, des différences. Faux-laïcs qui n’ont pourtant que ce mot à la bouche pourtant, qui se trouvent à la droite-extrême et à l’extrême -droite et qui oublient le fondamental respect des différences.
J’aime donc cette défense de la laïcité comme conjugaison du divers et du commun car elle est la seule qui puisse être d’essence républicaine.
Mon intrigue face à ce livre tient sans doute à mon ignorance crasse à moins que ce ne soit à ma réticence à suivre une théorie trop sophistiquée de la spiritualité laïque. C’est amusant de constater qu’Abdennour évoque cet aspect des choses comme je l’avais fait moi-même il y a dix ou quinze ans dans un ouvrage ( « La laïcité, un combat pour la paix » paru chez Héloïse d’Ormesson) en évoquant explicitement la richesse potentielle d’une spiritualité laïque et, d’ailleurs ( autre convergence) en partant des écrits de Ferdinand Buisson. Simplement, et c’est là mon interrogation, j’étais parti du propos de Buisson autour de la morale et l’auteur part de propos plus «religieux ». C’est sans doute le fait qu’Abdennour est un croyant laïque tandis que je suis un laïque non-croyant….du coup, quand il approfondit sa réflexion sur le « vide » créé par la destruction des « idoles » ouvrant la porte à une spiritualité très riche, il a peut-être tendance à n’envisager qu’une spiritualité religieuse… le débat reste d’autant plus ouvert qu’il n’a pas à être tranché…
Mon irritation vient d’un autre point: au début du livre, l’auteur dénonçant à juste titre le racisme d’une droite et d’une extrême-droite reculant devant trop peu de scrupules pour user de l’amalgame ( islam égal islamisme) , en vient lui-même à envisager un autre amalgame: l’Islam serait victime de la République, en n’étant pas assez admis, accepté. Cela vient d’une manque de pédagogie sur les religions et leurs intégrismes : en gros, la République dit « les religions oui, au titre de la liberté de conscience, les intégrismes religieux non, au titre du respect des lois et règlements ». Cela veut dire , en particulier : l’Islam oui, l’islamisme non.
Simplement si l’auteur avait fait la pédagogie des intégrismes religieux, il aurait pu déconstruire son amalgame. Voyez : au moment où l’on découvre la confirmation de l’épouvantable vague de « pédocriminalité » ( je nous en prie, bannissons le mot « pédophilie » de notre langage, ces salauds n’aiment pas les enfants, ce sont des criminels) qui déshonore l’église catholique française depuis des années, et que l’on constate la condamnation unanime du peuple français dans ses profondeurs face à de telles pratiques, il me semble que c’était ( c’est toujours!) l’occasion de s’adresser aux musulmans de France pour leur dire : « voyez comme, contrairement à ce que beaucoup d’irresponsables vous racontent, la République ne s’acharne en rien sur l’islam ! Elle condamne autant les pédocriminels de l’église catholique que les mariages forcés ou les circoncisions des intégristes de l’islam ». La République ne fait pas de distinction quand il s’agit d’appliquer ses lois et règlements. Il n’y a de victimisation possible que si on n’équilibre pas les constats…..

Une rentrée cinématographique pétaradante avec trois films:

- « Les illusions perdues » de Xavier Giannoli avec Benjamin Voisin et Cécile de


France, d’après le célèbre roman d’Honoré de Balzac publié en trois parties entre 1837 et 1843. La fameuse histoire de Lucien de Rubempré, jeune provincial épris de gloire littéraire, « débarquant » à Paris fort de cette ambition ravageuse et qui, après avoir cru enclencher une dynamique positive de succès, se heurte aux jalousies et aux vengeances qui auront, violemment, la peau de ses ambitions.

Autant le dire tout de suite, les partisans de la thèse selon laquelle il n’est pas de grand film en adaptation d’un grand livre subissent là un démenti flagrant : c’est un grand film. Et c’est un grand film qui ne se contente pas, comme Balzac, d’évoquer et commenter les affres de la « comédie humaine », mais qui nous présentent et annoncent les dérives naissantes d’une presse politique subjective, manipulatrice, malhonnête… il y a dans ce film remarquablement bien tourné et bien joué, plusieurs « fenêtres » ouvertes sur la politique contemporaine qui lui donnent encore plus de piment.
- « Lui » de Guillaume Canet avec Guillaume Canet… et Virginie Efira , Mathieu

Kassovitz ou Nathalie Baye. « Lui », c’est le personnage central joué par Guillaume Canet, un compositeur de musique qui plaque femme et enfants pour se retirer dans une ile bretonne afin de retrouver l’inspiration créatrice. Mais « lui », c’est « lui et lui »…car il y a deux personnages dans un seul deux volets de la personnalité qui dialoguent et s’affrontent, comme un mauvais génie parle au bon…La personnalité avec ses qualités, ses projets, et son contraire fait de défauts et de renoncements. Et tout ça dialogue, s’affronte, rebondit spectaculairement à tout moment. Canet a toujours un peu de mal à juguler son narcissisme mais là, avec ses deux personnages qui constituent sa propre personnalité, il y rajoute une grosse dose de schizophrénie et ça n’est pas vraiment convaincant. Seulement voilà : le film est tourné à Belle-Ile et les décors sont somptueux. Cette nature-là, que je connais depuis ma plus tendre enfance et qui me bouleverse par sa beauté m’amène à un interdit : je me sens incapable de dire du mal du film. Mais je reconnais aux vrais cinéphiles un sens critique de meilleure qualité…

-« Tralala »  des frères LARRIEU, Arnaud et Jean-Marie. Nouvelle subjectivité de ma

part car je connais ces deux garçons depuis leurs débuts, qu’ils sont de Bigorre et d’une famille à laquelle me lie une amitié ancienne. En plus, ils ont tourné ce film à Lourdes et, plus précisément aux bords du lac de Lourdes, autre décor somptueux. Pour le reste, le personnage central joué par Mathieu Amalric, vieux copain des LARRIEU et habitué de leurs films, revient à Lourdes après dix ans d’absence et un long voyage aux USA . Tel un clochard il retrouve sa mère puis son frère, sa fiancée, sa maîtresse…et tout est l’occasion de rebondissements cocasses et, à bien des égards, déjantés. Oui, déjanté. Comme le cinéma des LARRIEU. Et ce caractère est accentué, au milieu du film par son évolution en …comédie musicale . Et si c’est désarçonnant en diable c’est aussi drôle et bien fait, magnifiquement joué par une palette d’acteurs où la triplette féminine formée par Josiane Balasko, MaÏwenn et Mélanie Thierry déborde de charme et de tendresse.

J’imagine que l’orthodoxie des critiques cinématographiques sera sévère mais j’ai passé un délicieux moment.


mercredi 27 octobre 2021

Lu «  Ivo & Jorge » de Patrick Rotman paru chez Grasset.

L’auteur est essayiste, scénariste, réalisateur, historien de formation qui a écrit
plusieurs ouvrages sur la vie politique française contemporaine, notamment avec Hervé Hamon. Un intellectuel de gauche assurément, versus deuxième gauche, pas vraiment mitterrandienne, plutôt anticommuniste. Il livre ici un ouvrage original et assez passionnant : Ivo, c’est Ivo Livi plus connu sous le pseudonyme d’Yves Montand, l’immense chanteur, acteur, fils d’une famille d’immigrés italiens, issu d’un quartier pauvre, très pauvre de Marseille, ayant quitté l’école à 9 ans, amant d’Edith Piaf pendant deux ans vers la fin de la guerre, longtemps mari de cette femme exceptionnelle de beauté, d’intelligence et de sensibilité, Simone Signoret, tous deux longtemps compagnons de route du Parti Communiste; et Jorge, c’est Jorge Semprun, républicain anti-franquiste, réfugié très jeune en France avec sa famille, résistant arrêté par la Gestapo et déporté à Buchenwald puis ancien dirigeant du Parti Communiste espagnol clandestin sous Franco, avant d’être Ministre dans le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, et auteur prolixe amoureux de la France et de sa langue, membre aussi de l’académie Goncourt.

Le livre, très vivant, dresse un parallèle entre les deux vies contemporaines des deux hommes qui vont se rencontrer et devenir amis, passant de l’un à l’autre en permanence à partir d’épisodes parfois anecdotiques de leurs vies.
Outre de nombreuses anecdotes et informations sur les vies de ces deux hommes qui permettent de mieux les connaître ( c’est surtout sur Semprun que j’ai appris tant la vie de Montand fut publique, même si j’ai regretté qu’il ne soit fait aucune allusion aux douloureux épisode du « rapport Semprun » sur Robert Antelme, aboutissant à l’exclusion de celui-ci du PC, épisode confirmé par Marguerite Duras et Edgard Morin, qui démontre qu’avant de rompre avec le stalinisme, il y avait bien cotisé….).
Car c’est sur la rupture avec le stalinisme que le livre est le plus interessant, Semprun précédant de quelques années Montand sur cette voie, et le long voyage d’Yves et Simone à Moscou et dans les pays de l’Est en 1956 étant à la fois édifiant et pitoyable.
Mais la conversation de Montand avec son frère ainé, vieux militant du PC, refusant d’ouvrir les yeux et l’accusant de « faire le jeu » de la Droite et du capitalisme parce qu’il se met (enfin !…) à dénoncer la tragédie du stalinisme, a quelque chose de bouleversant. Et la rencontre des deux hommes avec le troisième compère, Costa-Gavras, pour écrire et tourner « Z » et « L’aveu », deux immenses œuvres de dénonciation des totalitarismes, est particulièrement passionnante.
La démonstration est faite là que rompre avec le stalinisme comme au fond avec toute forme de totalitarisme, ouvrir les yeux et comprendre puis dénoncer, est un chemin de croix, une bien douloureuse expérience . Car il s’agit de rompre avec une part de soi-même.

mercredi 20 octobre 2021

Lu « La mécanique du ciel » de CharlElie Couture paru aux Editions Le Castor Astral.

On connaît l'auteur-compositeur-interprète aux nombreux succès dont le formidable «Comme un oiseau sans aile » mais on connait moins le peintre qui vient d’exposer à Paris une série fort intéressante de portraits d’Arthur RIMBAUD « actualisé » c’est-


à-dire « Made in 21ème siècle» mais à romantisme inchangé. Et on ne connait pas assez le poète qui a pourtant été primé l’an dernier par l’Académie française pour ce recueil de poésies. Dans ces textes inédits de 1973 à nos jours,

qui nous font voyager de Nancy ( la ville de sa naissance et de son enfance) à Paris et New York où il a vécu une grosse dizaine d’années, l’auteur nous entraine dans la poésie de rencontres, d’amours parfois torrides, de la vie des banlieues ou de la rade de Toulon. D’abord, il y a beaucoup d’humanité dans tout cela, la chose humaine en est la composante essentielle. Ensuite, il y a de la colère voire de la révolte contre le cours injuste des choses du monde, une citoyenneté bien comprise. Enfin il y a la musique des mots, dans une grande liberté de style et, en particulier, sans esclavage à l’égard de la rime. Bref, de l’humanisme et de l’élégance.

Je connais un peu, pas assez, et apprécie beaucoup CharlElie Couture qui m’avait fait l’amitié de venir peindre à Maubourguet il y a une vingtaine d’années. Je l’ai retrouvé avec grand plaisir il y a peu pour son exposition autour de Rimbaud. J’aime l’éclectisme créatif de cet homme.

jeudi 14 octobre 2021

Lu « Les raisons du cœur » de Jean-Paul ENTHOVEN, paru chez Grasset, une maison d’édition dont il a longtemps été un des piliers.

 Ce roman est autobiographique et s’organise autour du récit du grave accident de
santé rencontré par l’auteur il y a deux ans, commençant par un malaise sur un terrain de tennis et se poursuivant par une très lourde opération à cœur ouvert dans une clinique de Neuilly.

Mais ce n’est pas un récit comme un autre, journaliste ou historique, détaillé et minutieux. Non, c’est un récit psychologique et philosophique où sont convoqués des «grands témoins » intimes de l’auteur, dont les noms de famille ne sont jamais prononcés: morts comme Michel, on devine vite qu’il s’agit de Michel Berger ( décédé suite à un malaise cardiaque sur un terrain de tennis justement et qui fut son ami dès le lycée) ou Françoise, comprenez Sagan, ou vivants comme Bernard Lesvies - là, c’est facile à deviner, BHL…- son ami intime, son frère, ou…son fils ainé. Ce fils ainé, c’est Raphaël ENTHOVEN, le jeune philosophe médiatique, avec lequel il a écrit « Le dictionnaire amoureux de Marcel Proust », entretenant avec lui une relation étroite, fusionnelle, jusqu’à la parution il y a deux ans d’un roman où le fils dresse du père un portrait d’une sévérité violente. Les deux hommes ne se parlent plus depuis. Cette rupture affective douloureuse est-elle, directement ou indirectement, à l’origine de la rupture des vaisseaux du cœur ? Le livre tourne autour de cette question mystérieuse et passionnante qui se conjugue avec une autre :la « révolution » physique ( au sens sanitaire du terme) du père alité : change-t-on avec une telle opération, quand son cœur s’arrête de battre pendant 155 minutes ? Il faut croire que la réponse à cette deuxième question est oui puisque l’auteur finira par adresser à son fils un message de paix et de réconciliation, comme une bouteille jetée à la mer…
J’ai dévoré ce livre. Vraiment. Quelques heures à peine, trop vite achevées. Ce mélange d’auto-biographie sans étalage et de réflexions psychologiques ou philosophiques spontanées et vivantes est un vrai genre littéraire. Alors, bien sûr, comme l’auteur le fait dire à son éditeur Olivier ( comprenez NORA..) comme pour s’en excuser, on n’est pas dans le Paris du peuple et des gens qui souffrent mais plutôt dans le Neuilly-Auteuil-Passy ( avec une grosse touche de Saint-Germain des Prés) des riches et des gens connus, mais je ne sais pas pourquoi, talent de l’écriture, ça ne pèse pas, ça ne compte pas . Les raisons du cœur dépassent tout cela.

samedi 9 octobre 2021

Lu « Nocturne indien » d’Antonio Tabucchi paru chez Gallimard avec une traduction de Bernard Comment.

 Je n’avais encore rien lu de Tabucchi, cet auteur italien né à Pise en 1943 et mort à
Lisbonne en 2012, qui partagea sa vie entre nos trois pays, Italie, Portugal et France, auteur de nombreux ouvrages traduits dans le monde entier. Voilà une lacune comblée, en tout cas très partiellement puisqu’il me faudra y revenir pour aller un peu plus loin que ce petit livre si je veux affiner mon jugement.

 
Ce « Nocturne indien » qui obtint le Prix Médicis étranger en 1987, est un roman qui fut adapté au cinéma par Alain Corneau, roman d’invitation au voyage puisque l’auteur y raconte son périple en, Inde à la recherche d’un ami, manifestement intime et disparu là-bas. L’Inde, de Bombay à Goa, dans sa diversité si contrastée d’hôtels pouilleux aux palaces les plus luxueux, des prostituées de Bombay aux prêtres d’un couvent de jésuites portugais. Tout est subtil et en nuances ou en allusions dans ce récit, jusqu’à la fin, mystérieuse et suggestive. 

Ça se lit aisément même si on reste un peu sur sa faim ( sa fin ?). Je reviendrai lire d’autres Tabucchi.