jeudi 24 mars 2022

Lu « Ce qu’il faut de nuit » de Laurent Petitmangin paru au Livre de poche.

Un petit livre qui m’a été signalé parce qu’il avait reçu une série de prix: prix des
lecteurs 2022, prix Femina des lycéens ( il faut toujours s’intéresser aux prix décernés par les lycéens…) mais aussi le prix « Libr’à Nous » ou le prix Stanislas. Joli palmarès pour ce premier roman de l’auteur. 

L’histoire se passe en Lorraine, à proximité de la frontière luxembourgeoise, où un père élève seul ses deux fils adolescents. Il est veuf, salarié de la SNCF, amoureux de football fréquentant régulièrement le stade du FC Metz, et militant du Parti Socialiste dans une section locale qui n’a cessé de décliner au point d’être réduite à la portion congrue. Son fils cadet est brillant et part faire des études à Paris. Son fils ainé, avec qui il vit mais échange très peu, fréquente des jeunes qu’il n’apprécie guère. Le voile sur ses fréquentations va se lever avec un drame : ce sont des jeunes du Rassemblement National avec lesquels il va se faire prendre dans une bagarre dont il sortira bien amoché. Animé par la vengeance et armé d’une barre de fer, il retrouve l’auteur des coups, le rosse…et le tue. Prison. Désespoir d’un père. 

Histoire d’amour paternel, histoire de la transmission et de ses échecs. Émotion retenue mais toujours présente. A lire.

vendredi 18 mars 2022

Israel Galvan, le grand maître du flamenco, était au Zénith de Pau cette semaine.

Curieux choix de salle d’ailleurs tant il semblait perdu, seul sur cette immense scène.
Car il était seul danseur avec deux pianistes au milieu d’un drôle de décor : divers tapis de danse éparpillés, aux sonorités plus ou moins graves ou aigües, plus ou moins sourdes ou résonnantes, parfois objets de bruitages étranges. Musique sans âme, avec notamment une adaptation du «Sacre » de Stravinsky assez troublante. De flamenco point …si ce n’est dans les pieds ou quelques mouvements de bras. Car on n’est pas dans cette culture-là mais dans l’innovation. C’est intéressant mais jamais émouvant. Dommage.




Vu « Belfast », le film de Kenneth Branagh avec Caitriona Balfe et Jamie Dornan.

Belfast dans les années 60, un quartier ouvrier où une famille, un couple et deux
garçons, vit pauvrement mais heureuse, par la solidarité joyeuse et concrète des voisins. Le plus jeune fils, en particulier, le personnage central du film, y vit une enfance heureuse, dépouillée de tout luxe mais profondément heureuse, entre sa mère très aimante ( le père est souvent absent pour son boulot ), ses grands parents affectueux, ses copains, sa « fiancée », ses jeux dans la rue. Tout cet équilibre et ce bonheur familial vont exploser sous le triple effet de la violence entre communautés religieuses, protestants et catholiques, qui va toucher le quartier et la rue de plein fouet, la proposition faite au père de « s’expatrier » en Angleterre pour un boulot mieux payé ( avec « une maison avec jardin »!) , et la mort du grand père d’un cancer du poumon. Dilemme familial: partir ? La mère et le fils cadet ne veulent pas en entendre parler mais….

C’est un beau film, plein de tendresse et d’émotion, joué simplement et très bien réalisé avec la profondeur particulière du noir-et-blanc et de très belles images de paysages urbains sous la pluie irlandaise.

Comme je ne lis presque plus de livres politiques, j’ai décidé de traiter cette grave maladie par des cures très espacées… je viens donc de lire trois ouvrages politiques en quelques jours histoire de juguler le mal:

 

- “génération offensée “ de Caroline Fourest paru dans la collection du Livre de poche. Je ne cache ni mon estime ni mon admiration ni mon affection pour Caroline Fourest qui mène un combat courageux -et parfois téméraire...- pour la République, la laïcité, l’universalisme, les droits humains et, en particulier, les droits de la femme ou ceux des homosexuels… dans ce livre, elle ne se contente pas de décrire très concrètement et exemples à l’appui, cette vague venue des universités américaines où, des minorités et même des individus, s’érigent en défenseurs d’une identité soi-disant menacée, pour s’ériger en juges de ceux qui auraient le droit d’évoquer le sujet ou pas. Cette vague «essentialiste » qui veut par exemple qu’un mâle blanc ne pourrait pas traiter du sujet des femmes noires. La réalité c’est que les universités françaises sont touchées par ce phénomène et que l’on a vu ces dernières années des représentations théâtrales ( Ah ! Eschyle… ce facho !) ou des conférences voire des cycles de formation ( Mohamed Sifaoui) purement et simplement interdits.
Je ne veux pas rentrer ici dans le débat sur le wokisme ou l’islamo-gauchisme, les mots étant si connotés qu’ils provoquent des ires malvenues, mais je veux insister sur un point : c’est la violence verbale - quand elle n’est que verbale …- de ces excommunications . Une violence qui est le summum de l’intolérance, le tombeau de la
liberté d’expression et une menace grave pour notre démocratie. Il est urgent de retrouver toutes les voies du respect de l’autre, de l’échange serein, du débat fructueux . Sinon lisez Caroline Fourest qui montre bien les dangers encourus.

 


- « Comment la gauche a déposé son bilan » de Jacques JULLIARD paru chez Champs actuels. JULLIARD, éditorialiste au Figaro, longtemps intellectuel de gauche très proche de Rocard mais qui maintenant appelle à voter Pécresse (!) publie un certain nombre de ses éditos regroupés sur ce thème résumé dans le titre. Et son diagnostic est sans appel : la Gauche a déposé son bilan parce qu’elle a purement et simplement abandonné la République, ses valeurs et la laïcité au premier chef, et le régalien autour du triptyque identité-sécurité -immigration. Parce que, dit-il, ces thèmes concernent et préoccupent le peuple et que la gauche les a abandonnés à la droite. C’est comme cela qu’on perd le peuple: quand sur ces sujets lourds, on ne livre pas la bataille politique et idéologique. Évidemment, je schématise et JULLIARD me le pardonnera. Mais c’est assez convaincant et, en tout cas, cela mérite le débat.

- « Liberté -égalité -fraternité » de Cynthia Fleury, Mona Ozouf et Michelle Perrot (ces

deux dernières nous ayant offert un bien joli échange à la grande librairie la semaine dernière …) . Un bien joli petit livre, tout petit, paru aux éditions de l’Aube à l’initiative d’Eric Fottorino. J’ai déjà dit et redit ma grande vénération pour Mona Ozouf, son travail, ses écrits, sa pensée, sa personnalité. Et là, elle fait une belle démonstration du fait que les trois valeurs du triptyque républicain sont indissociables et complémentaires et que, surtout, le troisième, c’est-à-dire la fraternité si souvent oubliée, est indispensable pour évoquer le « commun », ce qui nous réunit. La liberté est une affirmation individuelle et l’égalité une aspiration jamais réalisée. Mais la fraternité marque la limite indépassable au champ d’action des deux premières. Ça me rappelle «  Le moment fraternité « de Régis Debray bien sûr. Et ça ne fait que relancer mon exaspération de voir ce triptyque dévoyé toujours dans le même sens, celui de l’oubli de la fraternité… Ah c'est insupportable « Liberté- égalité-actualité » de France 24 !!! Je vous en prie Madame
Mme Saragosse  faites cesser cette infamie !

 


 

mardi 15 mars 2022

Lu « Alabama 1963 » de Ludovic Manchette et Christian Niemiec dans la collection Pocket des éditions du Cherche-midi, le premier roman ( en 2020) de deux traducteurs de profession.

Un très joli petit livre qui se situe dans la ville de Birmingham en Alabama, en 1963,
c’est à dire au cœur, géographique, politique et chronologique des USA racistes et ségrégationnistes. L’année où, aussi Kennedy est assassiné…

Une, puis deux, puis trois petites filles noires sont retrouvées assassinées mais la police, blanche faut-il le préciser, ne se précipite pas pour enquêter. Une des familles des victimes saisit donc un détective privé, ancien flic, viré de la police quelques années auparavant pour des raisons mystérieuses qui s’éclairciront sur la fin, célibataires très solitaire pour d’autres raisons tout autant mystérieuses, aussi raciste que ses anciens collègues, et… alcoolique invétéré. Avec l’aide inattendue de sa femme de ménage, noire évidemment, il va se mettre au travail. Celle-ci, Adela, est la véritable héroïne du livre. Porteuse de tous les traumatismes et handicaps sociaux véhiculés par un racisme endémique ahurissant, elle est aussi d’une grande humanité, d’une sensibilité magnifique, et d’un courage notoire. Le décalage et la confrontation entre les deux cultures, vu à travers son prisme, est parfois drôle, naïf, toujours sensible et émouvant. Et le suspens dure jusqu’au bout. Oui, un très joli petit livre.

dimanche 6 mars 2022

Pendant la guerre en Europe du Nord, la culture continue …il le faut à tout prix !

 - Vu « Un autre monde » le film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Sandrine
Kimberlain et Marie Drucker. L’histoire d’un chef d’entreprise sommé par le groupe multinational auquel elle appartient de mettre en œuvre un plan de licenciement purement financier. Dilemme dudit chef d’entreprise joué par Vincent Lindon et qui vit, en même temps, un divorce difficile, et une évolution psychologique douloureuse de son fils adolescent délaissé..Mais la pression de sa supérieure dans le groupe, jouée par Marie Drucker, impeccable dans un rôle odieux est trop forte et il va finir par disjoncter…mais je sors de là avec un sentiment mitigé : la critique, ô combien nécessaire..,- du capitalisme financier me paraît un peu dépassée et à certains égards caricaturale. La scène où le grand patron du groupe, depuis New York en vidéo, explique qu’il n’a qu’un patron, Wall Street, manque singulièrement de finesse.

 

 

 - vu le dernier spectacle de Stéphan Guillon au théâtre Tristan Bernard ( l’immeuble voisin du siège de LREM…il en joue subtilement…). L’homme est drôle, très drôle quand il parle politique. Beaucoup moins quand il évoque son divorce…mais il imite Luchini à la perfection et Guy Bedos, dont il s’inspire largement, à merveille.


 


  • vu aussi «  Rimbaud en feu » un texte de Jean-Michel Djian, joué dans un remarquable «  Seul en scène » par Jean-Pierre Darroussin., au théâtre Antoine chez l’amie Stéphanie Bataille. Un décor dépouillé, celui d’une chambre à l’hôpital psychiatrique de Charleville et Rimbaud qui raconte sa vie, parfois interrompu par les protestations d’un voisin de cellule gêné par ses cris ou par les coups de sifflet des gardiens. Le texte de Djian a quelque chose de surprenant: c’est la première écriture théâtrale d’un homme de culture prolixe et touche-à-tout, connu jusque là comme journaliste, éditorialiste, documentariste de talent, et cette écriture est probablement imprégnée de ce vécu. Un documentaire théâtral sur Rimbaud ? Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que les liens d’amitié entre l’auteur et l’acteur sont tels, anciens et fidèles, que ce texte est fait pour, et sans doute aussi un peu, avec Darroussin qui en tire le meilleur.

L’horreur ukrainienne et le spectre de Grozny qui se dessine…le champ de ruines des villes martyrisées sous les tapis de bombes de l’armée d’un dictateur paranoïaque et mégalomane s’étend…

 Je lis dans un journal de ce dimanche sous la plume d’un psychiatre expert devant
les tribunaux une analyse convaincante de la paranoïa de Poutine. Mais que ne l’a-t-il écrite il y a quelques années ? Après coup, les « je vous l’avais bien dit » fleurissent…

Je lis les circonvolutions des leaders politiques des deux extrêmes, droite et gauche réunies, après nous avoir expliqué pendant des années que Poutine était l’agressé et l’OTAN l’agresseur, nous expliquer aujourd’hui la main sur le cœur qu’ils ont toujours été lucides sur Poutine…
Je lis les efforts méritoires de responsables politiques européens qui veulent distinguer la folie destructrice de Poutine et le peuple russe qui est notre ami et avec lequel nous avons tant à partager. Ils ont raison….en théorie.
Ce qui est sûr c’est que ce Poutine, par sa barbarie mise en œuvre, aura réussi deux exploits:
D’une part ne plus laisser aucun doute sur ce dont il est capable : du pire !…plus personne n’en doute.
D’autre part, d’avoir fait faire à l’Europe des progrès considérables en quelques semaines : la concrétisation spectaculaire d’une diplomatie et d’une défense communes, des sanctions financières inimaginables pour des libéraux économiques de culture . De tout mal peut naître un bien.
Mais pendant ce temps, le peuple ukrainien poursuit son martyre….