samedi 30 mars 2019

Chronique d'un week-end culturel à Paris :



  • d'abord, deux visites-découvertes du street-art dans les rues de Paris,
    organisées par l'Association " Zig-Zag" : l'une dans le quartier du bassin de la Villette, l'autre à Belleville. Au-delà d'une information-formation sur la réalité du street-art français au XXIème siècle, c'est très amusant d'apprendre à lever la tête et de découvrir toutes les nombreuses, variées et riches traces de cet art urbain assez passionnant. C'est vivant, très gai, et souvent beau.
     
    - NORA Hamzaoui au théâtre de la République.
    La jeune humoriste qui s'est faite connaître d'abord à Canal puis France-Inter et , enfin, dans l'équipe de Yann Barthes sur TMC, fait un one-woman-show humoristique désopilant. Il y avait longtemps que je n'avais pas tant ri... cette jeune femme, que j'ai bien connu il y a longtemps par mes enfants et que j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver, a un vrai chic pour tourner en dérision ses angoisses de la vie de tous les jours et pour parler des choses simples de cette vie avec un humour très personnel. À voir.
    - " Van Gogh", le nouveau spectacle de L'atelier des lumières , dans le XIème arrondissement. J'ai déjà eu l'occasion de dire mon admiration pour le travail de cette équipe que j'avais découvert dans les carrières des Baux de Provence et qui est maintenant installée à Paris . Ce mélange
    d'informatique, d'images projetées en continu dans toutes les dimensions et de musiques adaptées donne toujours un résultat d'une grande esthétique et souvent émouvant. Cette rétrospective de l'œuvre de Van Gogh en est une nouvelle preuve. J'aime vraiment beaucoup ça.

     
    - " Plaidoiries " , d'après le recueil de Mathieu Aron, avec Richard Berry  au théâtre libre.

    Un joli one man show de Richard Berry qui reprend plusieurs grandes plaidoiries de l'histoire de la justice française contemporaine.  Tous les grands sujets y passent, de la peine de mort avec la plaidoirie, en défense de Ranucci, de Paul Lombard, à une plaidoirie de Gisèle Halimi pour défendre une femme accusée d'avoir avorté dans les années 70, en passant par une étonnante plaidoirie de Henri LECLERC  sur le " déni de grossesse " pour cette femme, Mme Courjaut, qui avait tué par congélation plusieurs de ses nouveaux -nés. Une belle performance d'acteur qui donne une image intéressante de cette profession.

dimanche 17 mars 2019

Vu " Green book " ...

...le film de Peter Farrelly avec Vigo Mortensen et Mahershala Ali. Film biographique racontant la tournée réalisée dans les États du sud des Etats-Unis , en 1962, par le pianiste noir, Don Shirley, et son chauffeur-garde du corps blanc . 

1962, on est en plein combat pour les droits civiques aux Etats-Unis et ces États du sud sont les derniers bastions d'un racisme structurel qui ressemble, à bien des égards, à une forme d'apartheid. Dans ce contexte, la tournée de ce pianiste noir, riche, distingué, accessoirement homosexuel, accompagné par un chauffeur blanc d'origine italienne, simple et vulgaire , est un mélange très attachant de moments surprenants entre ces deux êtres qui apprennent à se connaître, parfois drôles, très drôles, parfois graves , ou émouvants, très émouvants . Le concert improvisé dans un bar fréquenté par des noirs après l'annulation d'une représentation chez de  riches blancs qui se sont montrés racistes à en vomir, m'a procuré la même émotion que la représentation joue par cet orchestre juif d'Europe de l'Est dans " Le concert " avec Mélanie Laurent il y a quelques années.
 Une émotion musicale très forte dans un film très divertissant et pédagogique.

Lu " Au nom du temple. Israël et l'irrésistible ascension du messianisme juif (1967-2013) de Charles Enderlin, paru au Seuil.


Charles Enderlin, qui fut pendant près de trente ans le correspondant
permanent de France 2 à Jérusalem démontre que le fondamentalisme messianique juif, qui plonge ses racines dans l'antiquité biblique a, de fait, pu se développer après la guerre de six jours de 1967 et la conquête de la Cisjordanie par Israël et, en particulier, le Haram Al-Sharif, ce troisième lieu saint de l'Islam où se trouvent aussi les ruines du temple d'Herode , là où Abraham avait prétendu sacrifier Isaac, son fils. 
Et on retrouve-là les fondements théologiques qui font le lien entre croyance et territoire . Car ces militants politico-religieux, orthodoxes et extrémistes, sont convaincus que le monde est entré dans l'ère eschatologique, la fin des temps et le retour annoncé, et s'opposent à ce titre non seulement à  toute concession territoriale mais, plus fortement encore, à  toute création d'un État Palestinien souverain et, donc, à  tout  traité de paix reposant sur la solution dite " à  deux États" . 
Ces militants politico-religieux tournent donc ouvertement et agressivement le dos aux idéaux et aux aux principes qui avaient inspiré la création d'Israel, ce sionisme libéral et pragmatique peu à peu marginalisés dans la société israélienne.  Dans son très beau livre, Charles Enderlin, démontre avec sérieux et méthode comment la diffusion, la progression de l'idée messianique a, de fait, un corollaire incontournable, le développement de la colonisation juive en Cisjordanie et, donc l'empêchement concret - et inexorable ?- de toute solution de Paix dite " a deux États". 
Ce livre est passionnant. 
Il me rappelle un souvenir bien précis : en 1995, j'étais allé en mission parlementaire en Israël et en Palestine. Et j'avais été stupéfait et bouleversé par les nombreuses inscriptions sur les murs " à mort Rabin"...  quelques semaines, Ytzak Rabin, le Premier Ministre israélien qui voulait la Paix, était assassiné. Il n'était pas assassiné par un djihadiste ou un terroriste  palestinien mais par un israélien, un jeune nationaliste et religieux orthodoxe qui déclara avoir agi  "au nom de dieu" ...

dimanche 3 mars 2019

Une navigation, à voile bien sûr - magnifique mais inconfortable-  en Patagonie autour du cap Horn que j' ai donc franchi pour la deuxième fois de ma vie - mais d'Est en Ouest cette fois-ci ! - et des glaciers chiliens, somptueux et émouvants , m'a permis de lire beaucoup . En particulier : 
- "  sortir du chaos " de Gilles KEPEL, paru chez Gallimard dans la collection Esprits du monde. Le livre est sous-titré " Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient" et il est, de fait, un passionnant survol de l'histoire contemporaine de cette région si tourmentée du monde. L'auteur, remarquable spécialiste du monde arabe, Professeur d'université et Directeur de la chaire " Méditerranée et Moyen- Orient"  de l' École Normale Supérieure, revient sur l'éternel conflit du proche Orient, mais aussi sur l'espoir né lors des printemps arabes qui n'en furent pas puisque suivis, sauf en Tunisie, par des hivers démocratiques glaciaux ou bien, comme en Libye, sur un chaos qui n'en finit pas sur lequel la communauté internationale n'a pas de prise,  sur les guerres d'Irak et de Syrie et leurs conséquences, mais aussi sur la réalité du monde musulman, profondément divisé par la fracture entre chiisme et sunnisme et, au sein de ce dernier, par la rivalité agressive entre Arabie Saoudite et Qatar. Il y a , dans cet ouvrage, pays par pays, événement par événement, une mine de renseignements et d'analyses extrêmement précieuse. C'est peut-être sur la conclusion qu'il pourrait être un peu moins convaincant  : il faut dire que pour prôner une " sortie" de cet invraisemblable chaos il faut une bonne dose d'optimisme dont ne semble pas dépourvu l'auteur. Passionnant ouvrage.
- " Frères d'âme " de David Diop paru au Seuil. Ce roman qui revient, vu de l'intérieur, sur l'épisode douloureux de la participation des tirailleurs sénégalais à la première guerre mondiale et à la terrible bataille des tranchées, aurait pu être un grand livre. Cette manière de s'exprimer à la première personne, comme un de ces soldats venus d'Afrique pour sauver la puissance coloniale, de décrire la détresses simple et profonde de voir son ami d'enfance mourir décapité par un obus sous ses yeux, d'exposer ce naufrage vers une forme de sauvagerie démente, de raconter ce séjour en hôpital psychiatrique au retour vers l'arrière des combats, est très touchante, émouvante, convaincante. Mais hélas, la fin est incompréhensible à force d'ésotérisme et on reste  vraiment sur sa faim. Je n'ai, pour la part, rien compris à cette fin. C'est bien dommage car il reste un beau livre mais passe à côté du grand .
- " La nouvelle question laïque" de Laurent Bouvet paru chez Flammarion. Laurent Bouvet, Professeur de Sciences politiques à l'Université de Versailles, est un des fondateurs du Printemps républicain. Il est aussi un de ceux , avec Gilles CLAVREUL, avec qui nous avons créé l'Aurore, ce Think- tank composé de femmes et d'hommes profondément de Gauche et porteur de l'idéal républicain, dont j'ai le plaisir d'assumer la présidence. C'est aussi un compagnon de bien des combats laïques de ces dernières années en France, et il n'en pas manqué. Laurent livre là un essai très théorique , on dirait même de philosophie politique , sur la nouvelle question laïque en France, telle qu'elle se pose avec l'avènement de l'Islam comme deuxième religion dans notre pays, l'irruption d'un terrorisme islamique qui vise à détruire les fondements -mêmes de notre civilisation et, face à cela, la prédominance et l'hégémonie dommageable d'une conception essentiellement libérale de la laïcité , validée par le pseudo -observatoire de la laïcité du gentil Bianco aux convictions soixante-huitardes où il est surtout interdit d'interdire, et de l'ineffable Cadène qui était le mieux placé  pour écrire " la laïcité pour les nuls", mais aussi par le laisser-faire du Président HOLLANDE que ces choses-là n'intéressaient pas, puis les convictions bien peu républicaines du Président Macron . 
Pour toutes ces personnalités, derrière quelques intellectuels guidés par Jean Bauberot,  tous gonflés  de libéralisme exacerbé, la laïcité n'est qu'une liberté , un droit, jamais un devoir. Et ce libéralisme-là, comme toutes les formes de libéralisme, aboutit au même résultat : l'exaltation du droit à la différence qui débouche sur l'avènement de l'individualisme, du chacun pour soi, et le délitement de toutes formes de solidarité et de recherche du commun, non pas de ce qui nous différencie mais de ce qui nous unit.
Laurent Bouvet décrit très bien cette évolution dangereuse même s'il tombe parfois dans une forme d'ésotérisme, par exemple quand il évoque le substrat civilisationnel de la laïcité....mais bon, je crois ce livre utile et lucide, éclairant et riche. 
- Enfin, j'ai lu " Qui se souvient des hommes..." de Jean Raspail,  qui restitue l'histoire tragique d'une peuplade de la Terre de feu, les Alakalufs, détruite par les colons d'un monde moderne après des millénaires de survie  dans le grand vent des quarantièmes rugissants, le froid glacial  de ce bout du monde et ces tempêtes monstrueuses..
Un récit comme un cri d'amour à un peuple disparu.