L’auteur
est essayiste, scénariste, réalisateur, historien de formation qui
a écrit
plusieurs ouvrages sur la vie politique française
contemporaine, notamment avec Hervé Hamon. Un intellectuel de gauche
assurément, versus deuxième gauche, pas vraiment mitterrandienne,
plutôt anticommuniste. Il livre ici un ouvrage original et assez
passionnant : Ivo, c’est Ivo Livi plus connu sous le pseudonyme
d’Yves Montand, l’immense chanteur, acteur, fils d’une famille
d’immigrés italiens, issu d’un quartier pauvre, très pauvre de
Marseille, ayant quitté l’école à 9 ans, amant d’Edith Piaf
pendant deux ans vers la fin de la guerre, longtemps mari de cette
femme exceptionnelle de beauté, d’intelligence et de sensibilité,
Simone Signoret, tous deux longtemps compagnons de route du Parti
Communiste; et Jorge, c’est Jorge Semprun, républicain
anti-franquiste, réfugié très jeune en France avec sa famille,
résistant arrêté par la Gestapo et déporté à Buchenwald puis
ancien dirigeant du Parti Communiste espagnol clandestin sous Franco,
avant d’être Ministre dans le gouvernement socialiste de Felipe
Gonzalez, et auteur prolixe amoureux de la France et de sa langue,
membre aussi de l’académie Goncourt.
Le
livre, très vivant, dresse un parallèle entre les deux vies
contemporaines des deux hommes qui vont se rencontrer et devenir
amis, passant de l’un à l’autre en permanence à partir
d’épisodes parfois anecdotiques de leurs vies.
Outre
de nombreuses anecdotes et informations sur les vies de ces deux
hommes qui permettent de mieux les connaître ( c’est surtout sur
Semprun que j’ai appris tant la vie de Montand fut publique, même
si j’ai regretté qu’il ne soit fait aucune allusion aux
douloureux épisode du « rapport Semprun » sur Robert Antelme,
aboutissant à l’exclusion de celui-ci du PC, épisode confirmé
par Marguerite Duras et Edgard Morin, qui démontre qu’avant de
rompre avec le stalinisme, il y avait bien cotisé….).
Car
c’est sur la rupture avec le stalinisme que le livre est le plus
interessant, Semprun précédant de quelques années Montand sur
cette voie, et le long voyage d’Yves et Simone à Moscou et dans
les pays de l’Est en 1956 étant à la fois édifiant et
pitoyable.
Mais
la conversation de Montand avec son frère ainé, vieux militant du
PC, refusant d’ouvrir les yeux et l’accusant de « faire le jeu »
de la Droite et du capitalisme parce qu’il se met (enfin !…) à
dénoncer la tragédie du stalinisme, a quelque chose de
bouleversant. Et la rencontre des deux hommes avec le troisième
compère, Costa-Gavras, pour écrire et tourner « Z » et « L’aveu
», deux immenses œuvres de dénonciation des totalitarismes, est
particulièrement passionnante.
La
démonstration est faite là que rompre avec le stalinisme comme au
fond avec toute forme de totalitarisme, ouvrir les yeux et comprendre
puis dénoncer, est un chemin de croix, une bien douloureuse
expérience . Car il s’agit de rompre avec une part de soi-même.
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