lundi 31 octobre 2022

Je viens de publier « Itinéraire d’un militant » aux éditions Le Bord de l’Eau avec la Fondation Jean Jaurès.

Le fruit naturel d’un exercice de dialogue enregistré, auquel la Fondation Jean Jaurès
invite un certain nombre de responsables politiques socialistes de ces 50 dernières années, histoire de constituer une vidéothèque riche et originale. J’ai donc enregistré ce dialogue il y a un an environ avec un homme que je connais et apprécie , Emeric BREHIER, ancien député socialiste, professeur à Sciences Po- Bordeaux et directeur du département d’études politiques de la Fondation Jean Jaurès. Je n’ai qu’un reproche à faire à Emeric: dans sa préface, il situe mon département de domicile et d’élection pendant près de trente ans dans les Pyrénées orientales …alors que chez moi, les Pyrénées sont « hautes ». Pas très grave mais quand même…

L’occasion pour moi de revenir sur mon histoire personnelle avec François Mitterrand, longue d’une dizaine d’années de collaboration, de seize années d’amitié, mais aussi de parler de Jospin, un grand Premier Ministre, de mon implantation dans les Hautes-Pyrenées justement, de mon amour du Parlement et, bien sûr, de cette valeur si essentielle qu’est la Laïcité. L’occasion de faire un point d’étape …

 

Lu « Les années» d’Annie ERNAUX paru chez Gallimard.

Un livre paru en 2008 soit 14 ans avant que l’auteure ne reçoive le Prix Nobel de
littérature. Je n’avais lu d’elle jusque là que son «Jeune homme » dans lequel, en 70 pages à peine, elle relatait sa liaison avec un homme ayant trente ans de moins qu’elle, et je dois dire que cela ne m’avait point convaincu. Ni sur le fond ni sur la forme. Mais comme, avec l’âge, je m’efforce de ne pas m’en tenir aux premières impressions et d’écouter les autres points de vue, les Nobel m’ont décidé à y revenir. Eh bien, bien m’en a pris: voilà un livre très séduisant intellectuellement et en sensibilité. Voyons, on ne dit pas l’âge d’une femme mais disons que l’auteur est née au début de la deuxième guerre mondiale. Elle publie ce livre en 2008 soit 68 ans plus tard. 68 années qu’elle va raconter dans ce qui reste une autobiographie mais de caractère très inusité : une autobiographie plus sociétale que personnelle, plus collective qu’individuelle, plus pointilliste qu’analytique. A partir de photos de l’auteur décrites soigneusement à des périodes différentes, depuis la naissance à Yvetot où ses parents tenaient un bistrot-épicerie, marque sociale à laquelle elle restera fidèle toute sa vie, jusqu’à sa vieillesse dans la maison de Cergy, en passant par ses longues et brillantes études littéraires et les étapes de son métier d’enseignante, on nous amène à survoler la période, les chansons à la mode, les grands événements internationaux, l’actualité politique, l’évolution des mœurs, la montée du racisme et de l’extrême-droite autant que le frigidaire dernier cri, les vedettes de la télé du moment et leurs émissions à succès, les grèves ou les goûts alimentaires des enfants. Cela peut paraître superficiel dit comme cela - et ça l’est terriblement quand elle parle de politique notamment- mais au total, et pour employer une expression tirée d’une des écoles de l’impressionnisme qui me paraît très adaptée, ce pointillisme-là est à la fois très évocateur, personnel et sensible. Et, donc, très original.


 

vendredi 28 octobre 2022

Je ne connais pas le nouveau Ministre de l’Education Nationale, Pap N’Diaye, et me garderai bien de le juger a priori, attendant de comprendre et mesurer sa politique dans un domaine si essentiel pour la République.

Son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, avait fait quelques bonnes choses - je pense au dédoublement des classes de primaire en ZEP, ou à la mise en place d’un conseil des sages de la Laïcité - mais à force d’étaler son arrogance de haut fonctionnaire « qui sait tout et ne négocie rien », a fini par se mettre toute la communauté éducative à dos…et s’est impuissanté.
J’ai donc lu avec un grand intérêt l’entretien que le nouveau Ministre a accordé au journal 
Le Monde la semaine dernière pour essayer de comprendre ses objectifs. Un entretien plutôt imprégné de sagesse, de mesure et de prudence. L’homme assurément est moins arrogant que son prédécesseur.
Et puis, il est interrogé sur la laïcité et là, malheureusement, les choses se sont gâtées puisqu’il a lâché cette formule édifiante : « il faut faire de la pédagogie et défendre une laïcité positive, et non synonyme de contrainte ou d’interdiction ». Intention respectable et sans doute utile face à toutes ces enquêtes qui montrent que les jeunes générations, en particulier dans nos banlieues ne voient dans la laïcité qu’une agression contre leurs libertés, mais expression malheureuse, très malheureuse.
« LAÏCITÉ POSITIVE »….nous y voilà, ou plutôt nous y revoilà. J’imagine que notre nouveau Ministre ne savait pas que cette formule avait fait l’objet d’un couronnement présidentiel avec Nicolas Sarkozy dont on se souvient de l’engagement laïque si exemplaire. L’expression avait d’ailleurs été évoquée auparavant par le Vatican.
J’imagine également que le Ministre n’avait pas lu la si brillante et convaincante explication de mon ami et compagnon de tant de combats, Henri PENA RUIZ, pour qui « adjectiver la laïcité c’est forcément la réduire ».
Car allons au fond des choses: s’il existe une laïcité positive ce serait qu’il en existe une, négative. Or, on ne voit pas comment la protection de la plus intime des libertés, la liberté de conscience, pourrait être « négative ». En particulier, face aux nombreuses victimes des intégrismes religieux depuis des siècles, on ne sache que la laïcité ait jamais provoqué mort d’homme…
Alors d’où viennent ces sornettes ?
Eh bien me semble-t-il, à cause de la captation du débat sur la laïcité par des extrêmes opposés qui parlent beaucoup de laïcité mais ne sont que ce que j’appelle des laïcs hémiplégiques : les libertaires d’une partie de la Gauche et de l’extrême-gauche d’un côté, les assimilationnistes autoritaires de la Droite extrême et de l’extrême-droite d’autre part. D’un côté on dit que la laïcité est une liberté et qu’il est « interdit d’interdire » comme on le disait en 1968, de l’autre on ne veut pas entendre parler de droit à la différence et on veut faire de la laïcité un combat contre « l’Autre », une arme de défense de l’identité nationale. Les droits d’un côté, les devoirs de l’autre.
Et les uns et les autres sont symétriquement hémiplégiques car ils oublient que la République et la citoyenneté sont des constructions équilibrées de droits ET de devoirs.
Le Ministre, comme tous les libéraux, défend les libertés et les droits, et il oublie les devoirs. Il méconnaît la loi de 1905 dite « loi de séparation » qui, certes, affirme la liberté de conscience, mais place celle-ci dans le cadre du respect des mesures d’ordre public, c’est-à-dire l’ensemble des lois et règlements de la République.
Il croit défendre les droits de l’homme mais il oublie que la déclaration universelle des droits de l’homme, dans son article 4 précise que la liberté se limite à « tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Toujours l’équilibre entre droits et devoirs.
Dommage pour un Ministre de la République….


Lu « Les vertueux » de Yasmina Khadra paru aux Editions Mialet-Barrault.

Khadra, qui fut plus de 25 ans militaire dans l’armée algérienne, s’est reconverti dans
la littérature et a écrit un grand nombre de romans, policiers pour la plupart, mais aussi consacrés à la violence systémique dans le monde musulman ( dont le magnifique « Les hirondelles de Kaboul » ).
 

Il change totalement de registre pour livrer ici une fresque pluri-décennale, et faire le récit de la vie d’un algérien entre les deux guerres mondiales. Issu du bled le plus pauvre de l’oranais, il part « pour le compte d’autrui» acheté par un chef tribal pour remplacer son fils, comme tirailleur dans l’armée française et connaître la tragédie des tranchées de Verdun. Retour au pays indemne avec une citation à l’ordre de l’armée, il n’en tirera aucun avantage et connaîtra une réadaptation aussi tumultueuse que douloureuse dans l’Algérie colonisée qui commence ça et là à se rebeller, puisqu’il passera de longues années en prison après avoir été victime d’une manipulation d’une riche commerçante d’Oran, et perdra complètement de vue femme et enfant. 

Une longue quête émaillée de rebondissements en tous genres le ramènera vers eux pour une vieillesse apaisée. 

Un joli livre plein d’humanité et d’émotions fortes.

mercredi 26 octobre 2022

Lu « Il n’y a pas de Ajar . Monologue contre l’identité » de Delphine Horvilleur paru chez Grasset.

On connaît Delphine Horvilleur, rabbin laïque, religieuse libérale, qui a percé dans
l’opinion avec son livre « Vivre avec nos morts », femme de sagesse et d’humanisme. Ce petit livre ( 88 pages) qu’elle nous propose, avec ce titre en jeu de mots ( il n’y a pas de hasard !…), est un drôle de plaidoyer contre la logique identitaire à partir de l’histoire d’Emile Ajar, prix Goncourt en 1975, qui n’était autre que le pseudonyme de Romain Gary ( qui avait déjà obtenu ce prix en 1956 avec Les racines du ciel). L’auteur se fait fils d’Emile Ajar, ce père inventé par Gary , et cherche à comprendre cette filiation : filiation d’une lignée ou bien des livres lus. « Nature ou culture». On le devine, l’auteur répond « Culture » sans hésitation, et son choix se transforme en plaidoyer contre tout raisonnement identitaire, réducteur par essence. Soit. Mais c’est un chemin de traverse dont on approuve la conclusion sans bien en comprendre les méandres, surtout quand l’auteur en trouve l’explication dans la culture juive, comparant Gary à un « dibbouk », ces êtres mystérieux qui collent à la peau et hantent votre existence….

lundi 24 octobre 2022

Lu « L’attrape rêves » de Daniel HERRERO aux Editions Équateurs.

 L’ami Daniel, car c’est un ami, n’est pas seulement ce passionné de rugby, fils de
joueur, frères de joueurs internationaux, joueur lui-même, entraîneur entraînant, conteur enflammé de l’ovalie , commentateur bouillonnant de matchs de rugby, c’est aussi un véritable humaniste. Un homme qui a le goût de l’Autre ( je mets une majuscule à dessein) qui aime aller vers l’Autre, découvrir l’Autre. A ce titre, c’est peu dire qu’il aime voyager ! Une sorte de passion. 

Et dans ce joli livre, il nous conte quelques unes de ses aventures de voyages qui révèlent ô combien cette aptitude et ce goût profond. Il se trouve que j’ai voyagé quelques fois avec lui et que j’ai partagé certaines des anecdotes qu’il relate, au Spitzbzerg avec l’ours blanc, en Ouganda avec les gorilles, à Scylla ( je crois bien être le Jeannot qu’il évoque, transformé ce jour- là en sauveteur en mer), ou à Delphes. 

J’ai partagé ces moments mais je ne les relaterais pas de la même façon ! Car nous n’avons pas le même regard, la même sensibilité et, surtout, je n’ai pas la même poésie provençale, la même imagination créatrice. Mais comme je le retrouve dans ces pages ! Celles, je l’ai dit d’un vrai humaniste pour qui l’universel a du sens.

Oh ! Dany !! On repart ?

dimanche 23 octobre 2022

Lu « connard » de Virginie Despentes paru chez Grasset.

 Le succès littéraire de la rentrée. Un livre original et dense, pas


toujours facile à lire, souvent répétitif, mais jamais anodin. Un échange épistolaire sur le net entre quatre acteurs, un homme et trois femmes: un auteur à succès accusé d’avoir harcelé l’attaché de presse de sa maison d’édition; cette dernière adepte, on le comprend, d’un féminisme très radical; la sœur de l’auteur, homosexuelle assumée ; et, enfin, une actrice à succès d’âge mûr, femme à hommes et autres addictions.

On y parle de sexe, bien sûr, de féminisme évidemment, de féminismes plutôt avec un « s » , de drogue beaucoup, des ravages de la notoriété, et incidemment de la violence desocialisante des réseaux sociaux. C’est ce procès-là qui m’a le plus intéressé.

Vu « Tori et Lokita » le film des frères Dardenne, Palme d’or, Grand Prix du festival de Cannes.

 Un coup de poing au plexus. 

Un jeune garçon, 9 ou 10 ans peut-être, et une adolescente de 13 ou 14 ans arrivent tout droit d’Afrique en Belgique. Les méandres de la bureaucratie font que lui est en situation régulière mais elle non. Leur amitié indéfectible et, à bien des égards, bouleversante, va les voir affronter très solidairement les difficultés et les violences de leur situation. Ils vont très vite tomber entre les pattes de trafiquants de drogues qui vont les instrumentaliser et les entraîner dans une violence indicible. 

Ces deux gosses sont magnifiques de naturel et de tendresse. Leur histoire est hélas vraisemblable et, au bout du compte, révoltante.

Un très beau film.

Vu deux films tournés « autour » des attentats de Paris en novembre 2015:

- « Revoir Paris » de Alice Winocour avec Virginie Efira et Benoît Magimel. Un


homme et une femme qui étaient assis à des tables voisines dans une des brasseries attaquées par les terroristes, et qui n’avaient en ce moment douloureux échangé qu’un regard, tous deux blessés grièvement, se retrouvent quelques années plus tard par le biais d’une association de victimes et son groupe de parole. Une liaison va naître entre eux, qui va devoir dépasser leurs traumatismes, physiques et psychologiques. Il y a une scène assez poignante où on les voit faire l’amour et, découvrant leurs corps, s’arrêter sur leurs cicatrices respectives. Un assez beau film, sensible et très bien joué.


-« Novembre » de Cédric Jimenez, le réalisateur de « Bac Nord, avec Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain et Anaïs Demoustier.  

Une plongée dans la brigade antiterroriste pendant les cinq jours qui ont suivi les
attentats, jusqu’à la fusillade impressionnante qui a clôturé l’enquête en même temps qu’elle a permis la « neutralisation » de celui qui est considéré comme le chef du commando, dans un vieil immeuble de Seine-Saint Denis où il avait trouvé une planque.
 

Une démonstration froide, presque mécanique du travail des policiers anti-terroristes où l’on découvre par exemple que ce terroriste-là avait échappé aux policiers à Athènes quelques mois plus tôt ou qu’une jeune inspectrice a flirté avec les procédures pour vérifier une piste…fructueuse, où bien qu’une informatrice précieuse - qu’on peut presque considérer comme une «repentie» - a joué un rôle déterminant. ( mais pourquoi donc le réalisateur l’a-t-il affublée d’un voile, obligeant l’intéressée dans la vraie vie à démentir ce détail ?? Troublant comportement …). C’est interessant, presque comme un documentaire sur le travail des policiers tellement l’équipe du film s’est plongée dans ce milieu et y a fait un quasi- travail d’ethnologue. Mais, à l’inverse de « Bac Nord » que j’avais beaucoup apprécié pour sa violence brute de décoffrage, cet aspect du travail des policiers fait de renseignement, de recoupements, d‘enquêtes discrètes est bien moins cinégénique. Et les trois principaux acteurs, qui ne manquent pourtant pas de talent d’habitude, ne sont pas vraiment convaincants dans leurs rôles.

samedi 22 octobre 2022

Vu « Les enfants des autres » de Rebecca Zlotowski avec Virginie Efira, Roschdy Zem et Chiara Mastroianni.

Un film très contemporain qui traite avec délicatesse du rôle de la belle-mère dans les familles
recomposées, de la question de la parentalité comme épanouissement d’un couple et, accessoirement - mais ça n’est en rien accessoire- de la femme. Rachel, enseignante en banlieue, a une liaison avec un père célibataire. Ils tombent amoureux et partagent leur vie avec, en garde alternée, l’enfant de l’homme. Rachel s’attache à cet enfant et s’occupe de plus en plus de lui. Tout va pour le mieux : la belle-mère, après les difficultés du début, réussit son examen affectif auprès du gamin.… jusqu’à ce que l’homme, pour le bien de l’enfant -c’est en tout cas sa thèse même si elle n’est pas convaincante du tout- retourne vivre avec son ex-femme et plante Rachel du jour au lendemain sans élégance aucune.
Ce film est d’une formidable sensibilité. Mais il tient d’abord et surtout par la prestation exceptionnelle de Virginie Efira, désormais immense actrice. Elle est belle, émouvante, drôle, expressive, intelligente …
Un bémol néanmoins: on connaît l’engagement religieux de la réalisatrice et c’est bien son droit. Le rappel de celui-ci dans quelques scènes où apparaît son père dans la vraie vie, dans un rôle de rabbin, n’apporte rien à ce beau film. Vraiment rien, comme quelque chose de saugrenu.

mardi 18 octobre 2022

Vu « Sans filtre » le film de Ruben Östlund, palme d’or au festival de Cannes.

 Histoire d’une croisière pour cinq ou six couples richissimes auxquels sont invités un
jeune couple formé d’un jeune mannequin et d’une influenceuse, sur un yacht de luxe avec un équipage surabondant dont le commandant est alcoolique. Et tout cela va dégénérer dans une comédie complètement déconnante, une tempête, des vomissements abondants ( pourquoi en abuser ?…), un naufrage, quelques Robinson échoués sur une île. Le tout agrémenté d’une critique politique très acerbe qui met dans un même panier oligarques russes et progressistes américains, mais sonne la révolte quelque peu caricaturale du personnel non qualifié philippin. 

C’est parfois drôle mais souvent trop répétitif, avec des longueurs pénibles. Bon, un mélange de Titanic et de Grande Bouffe, c’est marrant mais, au bout du compte, sans grand intérêt que celui d’un divertissement à peine passager.

lundi 17 octobre 2022

Vu, au théâtre de la Madeleine, « La leçon » par la compagnie « Le théâtre du corps »,

        un spectacle chorégraphique, tiré du texte d’Eugène IONESCO, de Marie-Claude
PIETRAGALLA et Julien DEROUAULT, dansé par ce dernier et six autres danseurs. J’avais été voir les premières répétitions de ce spectacle il y a un an dans le studio de cette compagnie à Alfortville et j’avais été séduit et intrigué, impatient d’en voir le résultat. Eh bien, le résultat est remarquable ! Original, rythmé, varié, esthétique et physique, très physique, drôle parfois, émouvant à d’autres ( il faut dire que le texte de Ionesco se prête à ces contrastes …) et remarquablement dansé. Et Julien DEROUAULT, le compagnon de Pietra est non seulement un formidable danseur, mais il se révèle un acteur convaincant. 

Il faut voir ce spectacle.

mercredi 12 octobre 2022

Lu « Homo Numericus » ou « la civilisation qui vient » de Daniel Cohen paru chez Albin Michel.

 Daniel Cohen, brillant économiste français contemporain, président de l’École
d’économie de Paris est un homme très médiatique, très pluridisciplinaire ( au sens où il n’est pas enfermé dans sa discipline mais aime « piocher » dans les disciplines voisines et complémentaires des sciences sociales) et très médiatique, commentateur avisé de l’actualité économique mais pas seulement. Un grand témoin de son temps. J’ajoute, ce qui ne m’est pas indifférent, un homme de gauche, un humaniste démocrate et républicain.

Il dresse là un tableau édifiant, honnête et impitoyable de la civilisation du numérique, porteuse de beaucoup de progrès humains, notamment dans l’accès à la connaissance, et de plus encore de déviations et de dangers épouvantables. Ces dangers si bien symbolisés par ce que j’appelle depuis longtemps les réseaux « asociaux » où l’anonymat, le mensonge et l’agressivité règnent en maîtres. Où le « Courage de la nuance » si cher à Jean Birnbaum et si essentiel dans le débat démocratique est battu en brèche. Où les algorithmes sont rois et l’addiction menaçante.
J’ai appris beaucoup de choses dans ce livre qui est pas ésotérique du tout (même si j’ai mis un long moment à comprendre ce qu’était la « SF »….la science fiction ! ) mais, au contraire, ouvert à tous les non-spécialistes et grandement pédagogique. J’ai même été convaincu, ce qui n’était pas une mince affaire pour le tenant indécrottable du « Vieux monde » que je suis, qu’il ne fallait pas désespérer de cette civilisation du numérique, troisième grande révolution économique après les révolutions agraire et industrielle, et qui cherche sa voie pour se débarrasser de ses épouvantables scories. Il ne faut désespérer de rien !