-d'abord
c'est une bonne nouvelle pour l'Allemagne et pour l'Europe, car cela
clôt une période d'incertitude et d'instabilité en Allemagne qui
n'était bonne pour personne. L'Europe a besoin d'une Allemagne
stable.
-
ensuite , regardons de près les résultats du vote d'hier : plus de
450.000 inscrits, près de 350.000 votants. Il reste encore des
militants en nombre au SPD. Ne soyons pas sévères ou défaitistes
mais je crains fort que le nombre de socialistes français qui
voteront à leur Congrès d'avril ne supporte la comparaison...
-
enfin, un clin d'œil : ainsi Madame Merkel, forte de cette majorité
de coalition, va-t-elle entamer son quatrième mandat à la tête du
gouvernement allemand. Dans le "nouveau monde " français
où tout élu politique qui fait plus de trois mandats est suspect
et condamnable, Mme Merkel serait jetée aux gémonies. Et pourtant,
c'est bien le choix fait par les électeurs allemands. Si on l'avait
empêchée de se présenter, n'aurait-on pas repris le chemin d'une
forme de suffrage censitaire ? Je provoque...
Donc,
revenons au fait politique : les socialistes allemands ont décidé
de former une coalition gouvernementale avec .... la Droite
allemande . Eh oui, il faut dire les choses comme elles sont, Mme
Merkel est une femme de Droite, chrétienne-démocrate héritière
d'Helmut Khol. Une femme de la Droite respectable, sans aucune
concession avec la Droite fascisante ou,pire, nazillonne, mais une
femme de Droite.
Et
les socialistes allemands le savent très bien, ils le font en
connaissance de cause.
Je
dis ça aussi en pensant à tous ces socialistes français qui n'ont
qu'un thème en tête et vous l'assènent dans une sorte de réflexe
pavlovien : "mais, enfin, Macron est de Droite!".
Peut-être, mais pas plus que Mme Merkel. Et les socialistes
allemands, qui ont choisi de gouverner avec elle ne sont ni des
salauds ni des traitres : ils ont pris leurs responsabilités. Et,
de toutes façons, ça n'est pas le problème.
Quel
est donc le problème ?
Le
problème, pour les socialistes européens, c'est de savoir s'ils
veulent retrouver les errements d'une Gauche protestataire qui
n'existe que pour s'opposer ou bien s'ils veulent confirmer leur
nature réformiste, leur vocation à se mettre les mains dans le
cambouis pour transformer la société. Spectateurs ou acteurs ?
C'est une question de fond dont je ne vois pas qu'elle soit abordée
dans les débats actuels des socialistes français...
Car
si l'on se dit bien "socialiste de gouvernement " ou
"socialiste réformiste", ce qui reste mon engagement en
tout cas, alors il faut continuer à approfondir la question et se
demander avec qui exercer le pouvoir, sauf à espérer avoir une
majorité à soi tout seul ce qui ne me paraît pas être
envisageable pour bien des socialistes européens avant longtemps
parce que les extrêmes sont forts, à Droite comme à Gauche ,
fruits naturels de la crise économique autant que de la crise
démocratique.
Pour
continuer à réfléchir à cette question, je voudrais revenir 15
ou 16 ans en arrière, en 2002. Au deuxième tour de cette funeste
élection présidentielle, la Gauche tout entière a voté Chirac
face à Le Pen. Il n'y avait pas le choix. Et Chirac a été élu
pour un second mandat avec une "majorité présidentielle"
- j'emploie ce terme à dessein pour le distinguer de la majorité
parlementaire- dans laquelle les électeurs de Gauche étaient,
plusieurs études l'ont bien montré, les plus nombreux.
Or,
qu'à fait Chirac de ce vote ? Il l'a trahi.
Refusant
de reconnaître démocratiquement ce vote et sa réalité, il a
nommé Raffarin premier Ministre à la tête d'un gouvernement de
Droite étriquée.
Et
qu'aurait-il dû faire pour ne pas trahir ses électeurs ? Je
continue à être provocateur : il aurait dû faire...comme Mme
Merkel ! Un gouvernement d'union nationale. Et les socialistes
français auraient d'ailleurs été bien embêtés mais au moins ils
auraient eu l'obligation de se poser les questions qu'ils refusent
de se poser aujourd'hui...
Continuons
à laisser l'Allemagne de côté et restons en France mais hâtons
le pas et arrivons en 2017 : poursuivant la provocation qui n'en est
peut-être pas une, je dirais que Macron, observant son électorat
du deuxième tour qui fut sans doute aussi plus de Gauche que de
Droite malgré l'invraisemblable attitude de Mélenchon, décida de
faire ... l'inverse de ce que fit Chirac en 2002 mais la même chose
que Merkel aujourd'hui : un gouvernement d'union nationale.
Alors,
certes, il a fait plus comme De Gaulle se situant au-dessus des
partis et refusant de négocier avec eux, que comme Merkel qui a
âprement discuté avec les responsables du SPD un véritable
compromis de gouvernement, avec de vraies concessions, celui soumis
aux militants hier, et ça n'est pas une mince différence. (Vous
verrez d'ailleurs que, comme De Gaulle qui vilipendait les partis et
affirmait se situer au-dessus d'eux, Macron n'aura de cesse que de
créer un Parti hégémonique, puissant et tout dévoué à son
chef...).
Et
c'est comme ça que des socialistes français, Le Drian, Collomb,
Parly, Belloubet, Travers et d'autres sont dans ce gouvernement que
je qualifie d'Union nationale. Et ceux-là qui étaient nos
camarades de Parti depuis des décennies ne sont pas plus des
traitres que les socialistes allemands. Ils restent des femmes et
des hommes de Gauche évidemment. Ils ont fait un choix de compromis
comme les socialistes allemands. Alors c'est vrai qu'à l'usage, ce
compromis n'apparaît pas évident, c'est le moins que l'on puisse
dire (franchement, considérer qu'un retraité est favorisé à
1200€ par mois ! ...et augmenter leur CSG en même temps que de
baisser l'ISF !!) puisqu'il ne fut pas négocié et qu'il ne
s'agissait que de ralliements individuels.
Mais
enfin, ma conviction est que si les socialistes français ne vont
pas plus loin dans leurs réflexions que des slogans du genre "
Macron est de Droite" et " es socialistes qui sont au
gouvernement sont des traitres" ( à quoi ils peuvent ajouter
désormais " et les socialistes allemands aussi"), s'ils
ne se posent pas la question que viennent de trancher leurs
camarades allemands, celle de l'union nationale face aux extrêmes,
quelle que soit la manière de le trancher, ils passeront à côté
de la plaque.