Lu
" Heurs et malheurs de l'autorité " de Henri Madelin, sous
forme d'entretien avec Yohan Picquart aux éditions Lessius.
Henri
Madelin est un jésuite, il fut même "provincial" des
jésuites français c'est-à- dire à la fois leur chef et leur
autorité de référence, politologue et écrivain. Il représente
aujourd'hui l'Office catholique d'information et d'initiative pour
l'Europe au Parlement de Strasbourg. Henri Madelin a été mon prof à
Sciences Po et j'avais noué une belle relation intellectuelle avec
lui avant de le perdre de vue. Je compte d'ailleurs profiter de cette
lecture pour renouer des liens précieux pour l'athée que je suis.
Il livre ici un ouvrage au caractère autobiographique centré autour
de la question de l'autorité, celle qui se perd chez les parents
comme chez les enseignants, celle qui devient rare chez les
politiques quand elle est naturelle, celle qu'il ne faut pas
confondre avec l'autoritarisme, celle des personnes qui comptent
vraiment parce qu'elles "font autorité", celle qui ne se
décrète pas et qu'aucune école ne peut enseigner. C'est sérieux
et grave et pas "people" pour deux sous, tout comme
l'auteur.
Lu encore " Parlez-vous cerveau ?" de Lionel
et Karine Naccache aux éditions Odile Jacob, encore une
transcription de chroniques radiophoniques tenues par l'auteur
sur France Inter l'été dernier.
Je connais un peu Lionel Naccache,
neurologue, Professeur à La Pitié Salpêtrière et chercheur à
l'ICM, l'institut du cerveau dont je suis membre fondateur et
administrateur. Mon petit " jardin secret " en dehors de la
politique auquel je consacre de plus en plus de temps maintenant que
la politique m'en laisse beaucoup. Il a tenu à écrire ce livre de
vulgarisation avec son épouse qui n'est pas neurologue mais
romancière, histoire d'être sûr d'être compris et convaincant. Et
c'est assez réussi , permettant d'avoir un point assez exhaustif des
progrès de la connaissance sur notre cerveau, cet organe de 100
milliards de neurones sur lequel on dit un peu tout et n'importe
quoi. Très intéressant.
Lu toujours " Le lambeau" de
Philippe LANÇON aux éditions Gallimard.
Formidable livre d'une
sensibilité exceptionnelle et d'une véracité bouleversante.
L'auteur est journaliste à Libération et à Charlie Hebdo, mais il
est aussi écrivain et cela se sent tant il aime l'écriture et le
choix des mots. Le 7 janvier 2015, il était dans la salle de
conférence de Charlie quand les deux terroristes djihadistes ont
surgi et provoqué le carnage que l'on sait . Au milieu de tous ses
compagnons morts, Philippe Lançon fut un des rares survivants.
Rescapé miraculeux mais salement amoché de plusieurs blessures par
balle aux bras et, surtout au visage, le bas de celui-ci, la mâchoire
inférieure, véritablement explosé et béant. Commençait alors
pour lui, en même temps que le deuil et la gestion d'un choc
psychologique insoutenable, une longue et lente reconstruction faite
de dix-sept opérations dont de nombreuses greffes, les longs séjours
à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière d'abord, des Invalides
ensuite. C'est tout cela que l'auteur raconte, depuis ce qu'était sa
vie avant le drame, les jours et les heures qui l'ont précédé, le
moment de l'attentat et sa vie à partir de là. C'est raconté avec
une grande pudeur, une humanité touchante, une sensibilité extrême.
Ce livre est, de facto, un hymne mérité à la gloire des personnels
hospitaliers, chirurgiens, internes, infirmières et
aides-soignantes, psychologues et kinésithérapeutes, et un hommage
plein de respect à leur dévouement et leur efficacité. C'est une
autobiographie d'une très brûlante actualité et ça fait un grand
livre .
J'ai lu aussi, dans cette période de grande lecture, "
Faire mouche" de Vincent Almendros aux Éditions de Minuit.
Ou
comment faire de l'ambiguïté une vertu littéraire : un jeune homme
retourne dans son Auvergne natale, où il n'est pas retourné depuis
bien longtemps bien que sa mère y vive, pour le mariage de sa
cousine. Curiosité : on ne sait pas pourquoi, il y revient sans sa
femme mais avec une amie qu'il fait passer ... pour sa femme ! Pas
grave puisque personne ne connaît cette dernière par ici. Alors on
découvre une atmosphère lourde et oppressante, beaucoup
d'arrière-pensées et de non-dits, de sous-entendus et de soupçons,
dans une drôle de famille de la France rurale profonde. Sauf
que...sauf que le problème, comme on dit, n'est pas là. Le
problème, on ne le découvre qu'à la dernière ligne du livre et ça
donne un résultat curieux. Je sais que certains raffolent de cette
littérature-la. Elle me laisse plus perplexe.
Et puis j'ai
lu aussi " La vie secrète des arbres" de Peter Wohlleben,
publiée un aux éditions " les Arènes" , le fameux
best-seller traduit en trente-deux langues de ce forestier allemand.
Comment s'organise la société des arbres, ces végétaux qui
n'ont pas de cerveau comme les hommes ou les animaux, mais qui n'en
sont pas moins des êtres vivants. Et qui, comme dans les familles,
aident leurs enfants à grandir - mais pas trop !..- , comme
dans les sociétés solidaires, aident leurs congénères voisins
et malades à se nourrir, et inventent des stratégies sophistiquées
pour se défendre contre les agressions animales ou parasitaires.
C'est assez passionnant même si, parfois, cela verse dans le
scientifique moins pédagogique. Et cela donne encore plus envie de
se balader en forêt avec toujours plus d'attention à la vie secrète
qui s'y niche.