lundi 24 avril 2023

Vu, à l’Astrada à Marciac, « Tous les marins sont des chanteurs », spectacle de François Morel,

             avec celui-ci,  un conteur et trois musiciens dont son vieux compère Antoine Sahler, époustouflant pianiste-trompettiste-accordéoniste ( je dois dire que voir un musicien jouer en même temps du piano d’une main et de la trompette de l’autre me met en pamoison !) ….un spectacle pour faire revivre un chanteur breton inconnu, Yves-Marie Le Guilvinec, pêcheur mort en mer en 1900 et pour diffuser la culture de la chanson de marins si essentielle dans la culture bretonne. 

Qui aime la Bretagne, la mer et François Morel, son humanisme et son humour,  ne peut passer alors qu’un moment délicieux. Ce fut mon cas, bien sûr.

Lu « Ma vie avec Mauriac » de Bernard Cazeneuve paru chez Gallimard dans la collection « Ma vie avec ». 

 On connaît Bernard Cazeneuve, ancien Premier Ministre, homme d’Etat aux 
convictions républicaines affirmées, social-démocrate assumé, qui privilégie la raison sur la passion, le compromis sur la violence, la responsabilité sur l’extrémisme. Et on connaît Mauriac, l’écrivain bourgeois catholique de Gironde, conservateur éclairé de la deuxième partie du XXème siècle, capable d’admirer De Gaulle et Mendès France, de respecter Mitterrand, de critiquer l’église catholique quand elle était conservatrice, ou de morigéner la droite quand elle était colonialiste ou réactionnaire. Deux hommes d’Etat donc, l’un en politique, l’autre en littérature. Ce petit essai, un hommage du politique à l’écrivain, en dit peut-être plus (en contre-point) sur le politique qui ne se livre pourtant guère que sur son sujet d’étude. Quand la politique et la littérature se marient, ça ne peut qu’élever le débat.

mardi 18 avril 2023

Vu, à la Fondation Louis Vuitton, l’exposition « Basquiat-Warhol à quatre mains ».

 Les deux immenses artistes américains de la fin du vingtième siècle se sont non
seulement bien connus à New York dans les années 80, mais ils ont réalisé ensemble des dizaines d’œuvres à quatre mains ( et même à six mains pour quelques unes d’entre elles, avec Francesco Clemente). Ce sont ces œuvres, plus de 150, qui sont exposées là dans une expo assez fascinante, agrémentée de vidéos qui illustrent la relation, tendre et complice, entre les deux hommes : Warhol, le blanc plus âgé ( 32 ans de plus ) que Basquiat le noir, le premier partant en 87 à 58 ans, le second d’une overdose un an après à 28 ans . Keith Haring, qui a bien connu les deux, a dit un jour que cette œuvre à quatre mains était «  une invention du troisième esprit, la fusion de deux esprits qui en créent un troisième » . C’est assez juste et bien illustré par cette expo assez extraordinaire.

Un très mauvais point pour les organisateurs : le véritable « bouchon » de la circulation des visiteurs entre les salles 6 et 7, pénible et, à certains égards, dangereux… comme quoi on peut être milliardaire et faire des bêtises dans l’accueil de ses visiteurs .

Visite au musée Albert Kahn à Boulogne Billancourt.

 Albert Kahn, le banquier philanthrope du début du 20ème siècle, animé d’une
philosophie très universaliste, pacifiste et défenseur de la diversité culturelle avait, notamment, financé un projet ahurissant d’ambition : l’envoi d’une douzaine d’expéditions photographiques à travers le monde pour accumuler une photothèque et une filmographie considérables, témoins de la diversité des paysages et des peuples du monde. Et il avait imaginé de les conserver et les exposer là, sur un terrain qu’il avait acheté à Boulogne-Billancourt, juste avant le Pont de Saint-Cloud avant que le Conseil Départemental des Hauts de Seine n’en fasse l’acquisition et confie la réalisation d’un musée ultramoderne à un architecte japonais, Kengo Kuma. Les moyens déployés sont impressionnants avec un usage des nouvelles technologies de communication considérables et, sans doute, un peu trop concentrés : pour voir tout ce qui est offert au public, il faut trouver une place dans une des deux ou trois salles équipées de la sorte et y passer le temps que l’on veut. On peut y passer des heures sans tout voir…. Un peu de didactisme ou de pédagogie ne nuirait point.

Mais Albert Kahn avait une autre passion qu’il avait concrétisée aussi sur place : le jardin ! Un jardin vaste et d’une grande beauté, tourne aussi vers la diversité du monde. On y déambule successivement dans un jardin japonais très sophistiqué où dans une forêt vosgienne, région d’origine de son créateur. La promenade y est vraiment très agréable .

dimanche 16 avril 2023

Mon fils cadet m’a entraîné à Saint-Jean de Luz voir en avant-première le film « Pour l’honneur » de Philippe Guillard avec Olivier Marchal, Olivia Bonamy, Mathieu Madenian et Paco Fuster.

Philippe Guillard, dit « La guille » est un ancien jouer de rugby passé par le
journalisme sportif avant d’arriver au cinéma. Son premier film « le fils à Jo » avait eu un joli petit succès il y a quelques années. Il reprend ici la même recette, un « feel-good-movie » avec son copain Marchal, dans le monde du rugby avec ses potes internationaux en figurants, un tournage festif où la troisième mi-temps est érigée en règle de vie . Mais, pour ce film, la palette des bons sentiments est élargie à une forme d’engagement puisqu’il s’agit de l’histoire de 9 migrants demandeurs d’asile qui débarquent dans un petit village de Corrèze, provoquant les réactions primaires et réactionnaires - au sens propre du terme- que l’on devine, sauf chez l’entraîneur de l’équipe de rugby locale et sa femme qui tiennent un hôtel déclinant qui va leur servir de centre d’accueil. Et l’équipe de rugby va devenir le vecteur d’intégration de cette petite bande…

C’est sans prétention, au sens où on n’est ni dans du Pasolini ni dans du Rohmer, mais ça se tient et c’est bien agréable à voir. 

Vu au Musée du quai Branly - Jacques Chirac, l’exposition « Senghor et les arts. Réinventer l’universel ».

 Une très intéressante exposition, didactique, pédagogique, vivante, sur
 la passion de l’ancien Président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, pour les arts et la culture. Celui qui était à la fois un député socialiste, un poète et académicien, fut avec Aimé Césaire un des pères fondateurs de la « Négritude » , ce courant littéraire et politique qui était à la fois un courant de libération politique contre le colonialisme et une force d’affirmation de l’identité culturelle de l’Afrique. Pour Senghor, « la Négritude est un fait, une culture », pour Aimé Césaire elle est «  un rejet de l’assimilation culturelle », pour Sartre « la négation de la négation de l’homme noir ».

Senghor, Président, engagea son pays dans une politique éducative et culturelle ambitieuse et l’expo illustre bien cette ambition politique. On y voit aussi bien des poèmes de Senghor illustrés par Soulages ou Chagall, des vidéos montrant Bejart créant une école de danse à Dakar, des témoignages divers, des œuvres d’art représentatives de ce bouillonnement culturel. Assez passionnant .

Vu au théâtre du gymnase Marie Bell, « Le Montespan »

     d’après l’œuvre de Jean Teulé, adaptée par Salomé Villiers et mis en scène par
Étienne Launay ( comme deux distributions d’acteurs se succèdent, je ne sais pas quels acteurs ont joué ce soir-là.). Dans les années 1660, le marquis de Montespan, accablé de dettes, s’engage dans les armées du roi Louis XIV et se réjouit que sa femme, en son absence, soit introduite à la cour. Mais cette introduction devient vite un cauchemar pour lui quand sa femme devient la maîtresse du roi puis accouche de plusieurs enfants de celui-ci. Montespan se lance dans une guerre folle, sans limites et évidemment vaine contre le roi, pour retrouver l’amour de sa vie. Entre humour et amertume, cette adaptation offre un spectacle qui a peut-être un peu de mal à démarrer mais qui finit par trouver un rythme très vif.

Vu « Les Fabelman », film de Steven Spielberg,

       avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams et Paul Dano, sorti en 2022 et qui avait reçu
les prix du meilleur film dramatique et du meilleur réalisateur aux Golden Globes. Un film directement inspiré - on dira « autobiographique »- de la propre jeunesse du cinéaste qui a bien sûr participé à l’écriture du scénario.
Un film qui retrace la naissance d’une passion pour le cinéma d’un jeune adolescent sous tous ses aspects et toutes ses conséquences parfois inattendues.
Une passion déclenchée par une scène d’un film que l’enfant va voir avec ses parents ( une catastrophe ferroviaire dans « Le plus grand chapiteau du monde ») qui le marque profondément : il croit y déceler une attirance pour les chemins de fer et se fait offrir un train électrique mais c’est le film de la scène qui l’a, de fait, impressionné….
Adolescent, il ira ensuite de caméra en caméra, chaque fois un peu plus sophistiquée, filmant des fêtes familiales ou réalisant ses premiers courts-métrages.
Deux évènements vont marquer cette approfondissement de sa passion cinématographique : le fait qu’en visionnant le film d’une fête familiale il y découvre des gestes tendres de sa mère avec un de ses oncles, évènement qui sera au cœur d’une rupture familiale. Comme si le cinéma cachait l’intime parfois sans le vouloir.
Et le film qu’il réalise au lycée - où, soit dit en passant, il est victime d’un antisémitisme «banal » comme quoi le cinéma est bien plongé dans la réalité sociale- à la fête annuelle qui va provoquer les réactions contradictoires de deux élèves avec lesquels il s’est heurté auparavant : l’un et l’autre pour se plaindre de l’image qui y est donnée d’eux, mais l’un parce qu’il ne l’a mérite pas et l’autre parce qu’elle est conforme.
Comme quoi le cinéma ça peut être différent de la vie.

Beau film. Bien fait mais ça n’est pas une surprise avec Spielberg. Bien joué. Émouvant. 

Lu « La clé des champs . Et autres impromptus » d’André Comte-Sponville paru aux Presses Universitaires de France (PUF).

Comte-Sponville est un philosophe parmi les plus lus et les plus traduits
dans le monde ce qui s’explique, sûrement, par son sens aigu de la pédagogie, issu on l’imagine d’une longue expérience professionnelle. Il livre là un recueil de douze articles dont un seul, celui sur sa mère morte suicidée à 64 ans, à la fois le plus long et le plus intime, est inédit. Les autres sont des sortes d’Essais à la Montaigne, que l’auteur vénère, écrits d’une façon impromptue comme Schubert composait ses petits morceaux musicaux graves et mélancoliques.

Il y évoque le droit à mourir dans la dignité, la mort des enfants ou le handicap et y exprime un humanisme profond teinté de cette laïcité républicaine de bon aloi. Il y écrit des lettres émouvantes à Blaise, Pascal ou à son maître à La Sorbonne, Marcel Conche, pour les remercier de leurs influences bénéfiques, ou bien y dresse le portrait posthume de son meilleur ami.

Tout cela tourne autour de la mort et, dit comme cela, on pourrait imaginer que c’est assez lugubre. Mais c’est bien le mérite de cet ouvrage que d’être sérieux et grave sans être jamais triste. Ne serait-ce pas, d’ailleurs, le principal apport de la philosophie?  

jeudi 13 avril 2023

J’ai longtemps été membre de la Ligue des droits de l’homme.

J’ai même, un temps, collaboré - bénévolement !- à sa revue, « Après-demain » alors dirigée par une amie très chère, Françoise Seligmann, femme merveilleuse hélas disparue depuis.

Mais je me suis éloigné d’elle, la LDH, depuis un certains nombres d’années, pour des raisons essentiellement politiques: j’ai trouvé que dans tous les débats sur la Laïcité autour de la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école ( contre laquelle elle s’érigea) ou, un peu plus tard, sur l’irruption violente de l’islamisme radical dans notre pays, ses positions publiques en se focalisant sur la défense des droits - même si je comprends que c’était bien sa fonction…- l’avaient empêché de prendre de la hauteur républicaine et d’admettre que face à ces droits il y avait des devoirs citoyens.

C’est ainsi qu’en 2014, la LDH avait participé - avec Jean-Luc Mélenchon…- à cette incroyable manifestation contre « l’islamophobie », invraisemblable concept inventé par les islamistes pour tenter de solidariser les musulmans de France autour d’eux et contre la République laïque, lors de laquelle on cria « Allahou Akbar » dans les rues de Paris…
C’est ainsi qu’en 2015 elle participa à un meeting aux côtés de Tariq Ramadan, modèle bien connu de défenseur des droits de l’homme et, plus encore, de la femme…
C’est ainsi qu’elle refusa de se porter partie civile lors du procès de Charlie Hebdo ou qu’elle s’est opposée à la dissolution du Collectif contre l’islamophobie après l’assassinat de Samuel Paty.
Ce sont de vraies divergences politiques, lourdes, sérieuses qui, désormais m’éloignent et m’opposent à la Ligue des Droits de l’Homme . Et qui m’attristent d’autant plus que j’ai eu, avec elle une longue histoire commune et que, surtout, je n’oublie pas, moi, comment est née cette grande organisation, il y a cent vingt ans lors de l’affaire Dreyfus . Et je n’oublie pas, non plus, moi, que seul le gouvernement de Vichy s’était permis d’interdire la LDH.
Pourquoi dis-je « je n’oublie pas moi » ?
Parce qu’un Ministre de l’Intérieur que je préfère ne pas qualifier par respect de la dignité du débat démocratique, lui, oublie cette histoire et se permet d’envisager de couper les vivres de cette organisation. En plus, je vais vous dire : il ne le fera pas, le rouleur de mécaniques ! Car il doit y avoir autour de lui ou dans d’autres sphères de l’Etat encore quelques personnes qui lui expliqueront qu’on ne joue pas avec ça, même pour faire plaisir au Rassemblement National. Ou bien alors, ce serait à désespérer de la République.

mercredi 12 avril 2023

Lu « Pourquoi la guerre ? » de Frédéric Gros, paru chez Albin Michel.

Frédéric Gros est un philosophe, spécialiste de Foucault à l’origine, universitaire et
professeur à Sciences Po où j’ai eu le plaisir de le connaître ces dernières années. Auteur prolixe, il avait notamment écrit en 2017 un essai décoiffant , « Désobéir » , qui avait eu un joli succès. A l’occasion du retour de la guerre en Europe avec le conflit ukrainien et l’agression de Poutine, l’auteur s’interroge sur cette notion de « vraie guerre » : ainsi, celle-ci ne serait pas morte à Hiroshima comme l’avait annoncé quelques stratèges militaires … Convoquant de grands philosophes politiques, de Platon à Marx, en passant par Machiavel - bien sûr !-  ou Hobbes, l’auteur répond à bien d’autres questions sur le sujet comme, en particulier « qu’est-ce qu’une guerre juste ? » . Pour tout dire , j’apprécie beaucoup ce philosophe aussi peu bardé de certitudes qu’enclin à bousculer les idées reçues mais ce petit livre me laisse sur ma faim: aborder tant de questions si sérieuses et graves en 145 pages fait courir le risque d’une certaine superficialité. Un risque qui n’est pas totalement évité…dommage.
 

mercredi 5 avril 2023

Il faut regarder le résultat de l’élection législative partielle de dimanche en Ariège,

     qui a vu la victoire d’une socialiste qu’on qualifiera de « dissidente » parce qu’elle n’était pas soutenue par la direction actuelle du PS , sur la sortante de la France Insoumise, soutenue par la NUPES et donc… par le PS, avec sérieux, rigueur, distance et surtout perspective !
Ce que je n’ai entendu personne faire depuis dimanche : que Melenchon et Bompard caricaturent cette élection comme « acquise avec les voix de la droite » est de bonne guerre mais se limite au slogan : que la socialiste ait été élue avec « des » voix de droite c’est évident mais je parierais volontiers que la candidate LFI en a obtenu aussi… moins sans doute mais prudence. Comme Jean-Luc, dans sa longue vie politique et électorale a sans doute, parfois, obtenu des voix de droite qui le trouvaient cultivé et très bon orateur, par exemple. J’en connais. Et ce ne sont pas les déclarations, à bien des égards ridicules, de Ministres ou responsables macronistes se réjouissant de l’élection de la socialiste qui changeront quoi que ce soit à notre réflexion. Tout cela est politicien en diable et on s’étonne que Bompard leur accorde quelque crédit ce qui ne doit pas lui arriver souvent quand il s’agit de propos macronistes…
Non, tout cela n’est pas très intéressant.
La seule vraie leçon à tirer de cette élection tient à la nature de l’accord NUPES du printemps dernier, ses qualités, ses défauts et son devenir.
Comme beaucoup à gauche, je me suis réjoui de cet accord électoral qui sonnait et concrétisait le rassemblement de la Gauche. Que voulez-vous, j’ai toujours été et suis toujours, en bon mitterrandiste, un indécrottable militant de l’Union de la Gauche, et on ne se refait pas à mon âge…
Mais si j’ai approuvé l’accord NUPES dans son principe, j’ai été beaucoup plus critique sur la forme sur deux grands points:
- au plan programmatique, le silence coupable sur des divergences majeures comme l’Europe ou l’Ukraine ( rien que ça !) ou bien sur la nature de la démocratie que l’on veut pour notre pays. Travailler sur ces divergences permettrait-il de les dépasser ? En tout cas, il faudra bien essayer.
- au plan électoral, et nous arrivons à l’Ariège, parce que cet accord rompait avec la tradition républicaine à Gauche: au 1er tour on se présente sous ses couleurs et au second, on se désiste pour le candidat de gauche le mieux placé. C’était la règle du jeu démocratique entre les composantes de la Gauche depuis des décennies et elle a été rompue avec l’accord NUPES par lequel LFI a imposé au PS l’interdiction de présenter des candidats au 1er tour dans un grand nombre de circonscriptions, dont celle de l’Ariège. C’était et ça reste choquant et ça a rendu cet accord léonin .
Il faut absolument, si on veut recréer cette indispensable dynamique de rassemblement, que celui-ci se fasse sur des rapports de forces actualisés par le peuple et non pas imposés par les appareils.
Pour finir, deux remarques:
- si la diversité de la Gauche avait été respectée en Ariège et donc si le Parti Socialiste au plan national avait soutenu la candidate socialiste au 1er tour et si les résultats avaient été ce qu’ils ont été ( ce qui reste à prouver) , il aurait été en droit de lui demander de se désister pour le candidat de Gauche le mieux placé. La dynamique de rassemblement l’aurait emporté . Souvenons-nous de l’élection législative partielle dans le 19ème arrondissement de Paris après l’annulation de l’élection de la députée socialiste Lamia El Aaraje: le parti LFI avait considéré que puisqu’elle avait été invalidée elle n’était pas sortante et que la compétition devait être réouverte, afin de les faire battre (avec des voix de droite ?) soit l’inverse de ce qu’il a fait en Ariège. Vérité parisienne, erreur dans les Pyrénées ? En tout cas la Gauche et d’abord le PS gagnerait à se réengager sur le chemin de la cohérence .

Je ne sais pas s’il y aura un stade 2 de l’accord NUPES. Mais s’il doit exister il devra résoudre cette double exigence: approfondissement et respect de la diversité démocratique. 

dimanche 2 avril 2023

Lu « Blizzard » de Marie Vingtras paru aux éditions de l’Olivier et réédité dans la collection Points.

 C’est le premier roman de cette rennaise, un roman qui a reçu une belle collection de
prix dont le prix des libraires en 2022.

L’intrigue de ce joli petit roman se situe dans un coin perdu de l’Alaska, lors d’une tempête de neige et de vent, le blizzard, dans laquelle ont disparu un petit garçon et la femme chargée de le garder.
Le rythme du livre est très bien soutenu par le parti-pris littéraire qui vise à donner la parole à tour de rôles, pour deux ou trois pages chacun, à 4 acteurs de ce drame aux parcours de vies atypiques mais qui se rejoignent là sans qu’on comprenne très bien pourquoi, en tout cas au début. Petit à petit, le puzzle se met en place, le rideau se lève et l’intrigue s’éclaircit définitivement dans les dernières pages.
C’est vraiment très agréable à lire, très bien construit et doté d’une sensibilité remarquable.
Joli coup d’essai pour un premier roman.

samedi 1 avril 2023

Vu deux films cette semaine:

- « De grandes espérances »  le film de Sylvain Desclous avec Rebecca Marder et


Benjamin Lavernhe. Un couple de jeunes étudiants brillants préparent l’ENA dans une luxueuse maison de vacances de Corse. Un matin sur une route déserte, une algarade avec un automobiliste autochtone tourne au drame. Ils s’en sortent tant bien que mal à coups de mensonges et de dissimulations mais leur couple n’y résiste pas. Un ou deux ans plus tard, l’un et l’autre se retrouvent dans les hautes sphères de l’Etat, mais dans des camps opposés, quand ils sont rattrapés par l’épisode corse….

Un assez bon film, sans plus, avec de très belles images de Corse et le jeu  remarquable des deux acteurs. Rebecca Marder, en particulier, s’affirme comme une magnifique actrice. 
- « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry avec une distribution très

remarquable qui va de Miou-Miou à Adèle Exarchopoulos, en passant par Leïla Bekhti (éblouissante) , Elodie Bouchez, Gilles Lellouche, Denis Podalydes, Jean-Pierre Darroussin et de jeunes sociétaires de la Comédie française, Dali Benssalah ou Birane Ba…

Un film magnifique, bouleversant, convaincant sur ce qu’on appelle la justice restaurative qui consiste à mettre en présence, sous la direction de médiateurs et après une longue préparation, des victimes avec des détenus pour des crimes et délits comparables à ceux qu’ils ont subis. Pour que l’échange et la parole aident à prendre conscience et à dépasser les traumatismes. Une justice restaurative qui serait née chez les peuples primitifs d’Amérique du Nord, s’est surtout développée au Canada et a été introduite en 2014 en France par Christiane Taubira.
Les décors du film sont très dépouillés, essentiellement une pièce froide de la prison avec des chaises placées en cercle et la mise en scène très construite sur les visages. Deux ou trois scènes sont bouleversantes comme les coups de gueule de Leïla Bekhti ou Gilles Lellouche et, surtout le tête-à-tête pathétique de Chloé, jouée par Adèle Exarchopoulos, avec son frère ainé qui l’a violée pendant des années de son enfance et qui, après un séjour en prison, a refait sa vie.

Vraiment un très beau film, aussi émouvant qu’édifiant. 

Lu « Le dernier souffle. Accompagner la fin de vie », de Claude Grange et Régis Debray paru dans la collection Témoins chez Gallimard.

 Claude Grange est médecin et dirige l’unité de soins palliatifs de l’hôpital d’Houdan
dans les Yvelines. Avec son ami Régis Debray, il nous livre un très interessant petit ouvrage sur la fin de vie, présenté comme un échange mais qui est surtout un témoignage du médecin encadré par une introduction et une postface du philosophe ( ou supposé tel puisque il aime cette précision qui honore sa modestie …) .

J’ai lu avec d’autant plus d’intérêt et d’émotion ce témoignage d’un médecin humaniste que mon frère ainé, mort il y a déjà 20 ans, était aussi chef d’un service de soins palliatifs et que nos échanges sur ce sujet difficile et, en même temps incontournable, m’ont beaucoup aidé à me faire une opinion.
Claude Grange est très convaincant par son engagement plein d’humanisme, de générosité et de délicatesse. Pourtant, il n’est pas favorable à l’évolution de la loi comme je peux le souhaiter moi, vieux militant de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, que je considère comme une liberté fondamentale encore à conquérir, au nom d’ailleurs de mes convictions laïques qui refusent que quelque religion que ce soit régisse ce qui nous est le plus intime. Pourquoi ?
Eh bien d’abord me semble-t-il, parce que ses patients n’en ont pas besoin. Je m’explique : quand il explique que sa seule motivation est de combattre la douleur ce qui est tout à fait honorable et louable, mais que pour ce faire il doit d’une part augmenter régulièrement les doses de morphine jusqu’à, finalement une sédation et, d’autre part, qu’au-delà d’un certain stade, continuer à nourrir et hydrater les patients peut être contre-productif du point de vue de la douleur, ma réflexion est que la frontière avec la décision de mettre fin à la vie est tellement infime que notre divergence n’en est plus vraiment une.
Sauf que je dirais aussitôt à Claude Grange, à qui je redis mon respect, mon estime et mon admiration, que peut-être devrait-on commencer par multiplier des unités comme la sienne partout sur le territoire national ! Ce qui est loin d’être le cas et règlerait une grande partie du problème.
Mais peut-être aussi parce qu’il y a des mots qui font peur, à juste titre : «suicide », « euthanasie »… allez expliquer à ces milliers de familles françaises qui ont vécu la tragédie d’un suicide que le « suicide assisté » serait un progrès de l’humanité ! Et allez faire la pédagogie de « l’euthanasie passive » quand l’histoire de nos civilisations est marquée par l’équivalence de l’euthanasie avec la tragédie des génocides et de l’eugénisme .
Il faut trouver les mots, d’autres mots ! Si l’on veut faire évoluer la loi il faut la présenter avec les mots ne feront pas peur et qui convaincront : la liberté , le respect, la dignité…
Bien sûr, les religieux intégristes seront toujours opposés à une mesure qui substituerait le libre-choix au choix de leurs dieux. Mais je suis convaincu qu’alors ce progrès de l’humanisme se ferait dans la douceur de l’évidence.