dimanche 30 juillet 2023

Lu « Une rencontre » de Milan Kundera dans la collection Folio de Gallimard.

 Après un roman, un essai. Un recueil de réflexions, parfois courtes, sur de sujets très
divers rencontrés par un homme de son siècle : d’abord ceux d’un écrivain passionné de littérature qui lit beaucoup et qui lit tout, dans un éclectisme assez étourdissant et qui essaie de classer tout cela sans forcément être convaincant; ceux d’un exilé qui explique pourquoi il n’a pas tant souffert de cet exil, à la fois de par sa découverte heureuse d’un autre pays, d’une autre culture intimement partagée, mais aussi par la reconnaissance que cet exil l’a utilement servi à sortir de son pré-carré ; sur la fidélité en amitié il écrit de belles pages, rendant un hommage appuyé à Mitterrand qu’il a beaucoup aimé pour cela : sa fidélité en amitié que Kundera place au-dessus de la fidélité aux convictions; et puis ses réflexions sur la musique, Beethoven ou Stravinsky, le père de l’auteur ayant été un musicologue réputé et ayant, manifestement laissé quelque héritage.

Au total un recueil de réflexion d’un esprit libre de la fin du XXème et du début du XXIème siècle, moins captivant que son roman mais bien intéressant quand même.

lundi 24 juillet 2023

Lu « L’insoutenable légèreté de l’être » de Milan Kundera, dans la collection Folio de Gallimard.

 Une lecture de circonstance, comme un hommage à l’écrivain très récemment
disparu. Je ne me souvenais pas avoir déjà lu quoi que ce soit de l’auteur tchèque exilé en France et naturalisé dans notre pays par la volonté de François Mitterrand au début des années 1980 ce qui, j’en conviens, était comme une lacune inexcusable de la part d’un honnête homme du 21ème siècle. Réparation effectuée ou, en tout cas entamée car je vais poursuivre…. J’ai donc découvert le style tout à fait particulier de Kundera au travers d’un roman qui fut un livre-culte pour toute une génération. Un style où tous les sentiments évoqués sont disséqués, analysés pour être sûr de bien comprendre ce qu’ils cachent, « ce qu’il y a derrière ». Avec l’histoire de Thomas, chirurgien en vue de Prague dans les années 60, séparé de sa femme et de son fils après une rupture brutale, séducteur invétéré et Tereza, femme belle et simple, photographe par inadvertance, on aborde ainsi tous les sentiments de l’humanité, l’être et le paraître, le lourd ( la « Pesanteur »)  et le superficiel ( la légèreté de l’être), ce qui laisse une trace et ce qui passe, la fidélité, la dépendance ou la domination…. Le tout sur le fond du coup d’Etat soviétique de Prague en 68, de police politique, de dégradation inhumaine : Tomas se retrouve laveur de carreau. On a même droit à un chapitre tout à fait émouvant sur la condition animale à travers la fin de vie du chien du couple, Karenine ( comme Anna bien sûr), histoire de démontrer que les relations entre un humain et un chien sont dépourvus des miasmes de la jalousie ou autres faiblesses humaines. Je vais poursuivre ma découverte de Kundera avec avidité.

vendredi 21 juillet 2023

Lu « Armistice » de Nicolas Le Nen paru aux Editions du Rocher.

 Nicolas Le Nen est un général de division ( d’active !) de l’armée de terre. Je l’ai
connu il y a une dizaine d’années en Afghanistan : il commandait un régiment de chasseurs alpins installé sur un piton rocheux de Kapisa, cette vallée perdue et meurtrière à plus d’une heure d’hélicoptère de Kaboul et moi je participais à une mission parlementaire sur place. J’avais tout de suite été séduit par sa personnalité de chef militaire posé et réfléchi, humaniste à l’évidence, républicain conscient de la lourdeur et de la délicatesse de la tâche qui lui avait été confiée. Je dirais « un officier supérieur républicain comme je les aime » à travers le prisme de ma jeunesse baignée dans ce milieu. Il se trouve, hasard de l’histoire que je l’ai revu assez vite après son retour en France grâce à un ami commun - qui avait été mon étudiant à Sciences Po- et que nous avons d’ailleurs tous les deux accompagné vers la mort depuis. Cela crée des liens….Très vite une belle amitié nous a liés et nous nous retrouvons régulièrement pour parler défense nationale, politique ou…littérature. Apres l’Afghanistan, Nicolas a commandé le service « Action » de la DGSE, et est actuellement à l’Etat-Major en charge de la coordination du soutien militaire à l’Ukraine, autres missions d’importance et de confiance. Et ce général-là est écrivain ! Il n’est pas le premier de la sorte mais cela caractérise aussi un homme. Jusqu’ici, il n’avait écrit que des ouvrages de stratégie militaire ou de géopolitique dont un, étayé et passionnant, sur De Gaulle. Mais voilà qu’il nous livre son premier roman !

Inattendu et….bienvenu. L’histoire se passe au Vietnam en 1954, au moment de l’effondrement de l’armée française à Dien Bien Phu. Trois soldats de l’armée française se retrouvent prisonniers: un jeune lieutenant brillant et idéaliste, un légionnaire allemand qui a déjà vécu la campagne de Russie, et un fils de paysan du Limousin plutôt couard et magouilleur. Dans leur marche pénible vers la captivité ces trois tempéraments se confrontent et révèlent une lente progression vers un armistice…avec eux-mêmes c’est-à-dire avec leurs consciences. Pour retrouver une dignité d’homme après les horreurs, subies ou pratiquées, de la guerre.
J’ai beaucoup aimé ce livre subtil et douloureux, sensible et lucide. Même si, on me le pardonnera, ma subjectivité était engagée…

Lu « Souveraineté, l’obsession des nations » de Nicolas LERON paru aux Editions Bouquins.

 L’auteur est docteur en sciences politiques, chercheur associé au Cevipof et à
l’OFCE, deux organismes de recherche de Sciences Po Paris, et depuis quelques mois, directeur de l’Institut François Mitterrand que j’ai l’honneur de présider depuis à peu près la même date. Il dénonce dans cet essai nourri, dense, étayé, le fait que les souverainistes, de gauche comme de droite, ait fait de cette souveraineté une sorte d’obsession comme cause de tous les maux de nos sociétés européennes, ce qu’elle n’est pas, de fait. Et, selon lui, cette obsession détourne nos regards, notre attention et nos énergies du vrai enjeu qui est essentiellement démocratique. A partir de ce constat à peine contestable, il jette les bases de ce que lui et d’autres appellent « la double démocratie européenne » articulation indispensable entre la démocratie interne à l’Union Européenne et les démocraties nationales qui n’échappent pas au besoin de rénovation. Une « double démocratie » qui nécessitera d’être précisée, développée, concrétisée, au risque de rester un concept un peu abstrait de chercheur, fût-il brillant et persuasif.

J’ose ajouter deux réflexions personnelles tirées de mes expériences d’enseignant d’une part, de praticien de l’Europe d’autre part:
- comme enseignant, je ressens un très profond besoin de pédagogie de l’Europe, de son histoire et de ses acquis. Une pédagogie fondée sur cette idée simple: Connaît-on une seule autre zone géographique du monde où des pays se sont unis pour faire la paix ( menacée à ses frontières certes mais réelle en son sein ) après trois conflits meurtriers en moins de 100 ans, imposé la démocratie à tous ses membres, construit un système juridique fondé sur l’état de droit et le droits de l’homme et, bon an mal an, partagé un modèle social certes très perfectible mais unique au monde ? Un acquis considérable ! Or, tout cela n’est pas enseigné aux enfants d’Europe à qui on expose les instances européennes dans leur complexité rébarbative mais pas dans ce qui fait notre commun à nous tous européens. La démocratie commence par l’éducation !
- comme praticien je fais référence à mon expérience de Ministre de l’Agriculture et de la pêche ayant pendant 4 ans participé à des dizaines de conseils européens et tant de nuits blanches d’échanges et de négociations. Qu’y ai-je appris essentiellement ? Que l’Europe est un COMPROMIS : on se retrouve autour d’une grande table avec des responsables politiques venus d’une petite trentaine de pays, produits d’histoires, de cultures, de traditions différentes pour traiter de sujets sérieux et ….il faut se mettre d’accord ! Trouver un compromis par l’échange, la confrontation, les avancées, les concessions aussi. Mais toujours dans le respect scrupuleux de tous ses interlocuteurs. Je plaide, moi, qu’il n’y a pas que l’Europe qui fonctionne à coups de compromis. La gestion de nos communes, départements et régions aussi: si on veut avancer, il faut passer des compromis. La vie tout court, d’ailleurs, est un compromis entre ce que l’on veut et ce que l’on peut . Mais il n’y a qu’au niveau politique national que cette évidence a du mal à s’imposer, sous la férule des « Yakafaucon » ….et pour l’Europe, tous nos Yakafaucon ont plus d’idées que tout le monde réuni ! Parce qu’ils n’ont jamais été autour d’une table pour trouver des compromis. Et parce qu’ils défendent une conception de la politique ou tout compromis serait compromission. Malheureusement pour eux et pour notre démocratie, ce n’est pas comme cela que ça marche…
Alors, pour enrichir le livre passionnant de Nicolas LERON j’ajoute ces deux voies incontournables : pédagogie de l’Europe et apprentissage généralisé du compromis.

dimanche 16 juillet 2023

Lu « Le fil sans fin » de Paolo Rumiz paru chez Arthaud.

Un ami commun, franco-italien ou italo-français je ne sais plus, un amoureux érudit
de nos deux pays en tout cas, m’a offert ce livre dédicacé par l’auteur qui fut longtemps un journaliste très en vue de La Republica et un écrivain-voyageur prolixe. 
Le propos de ce livre est d’une ambition plus que louable : donner à la jeunesse européenne des raisons d’adhérer au projet européen et, mieux encore, de retrouver l’enthousiasme des pères fondateurs de l’Union Européenne. On souscrit sans réserve au projet. Seulement voilà….pour ce faire, l’auteur emprunte un chemin étonnant et, à bien des égards, décontenançant : il voyage à travers l’Europe de monastère en monastère, de couvent en couvent, de cathédrale en cathédrale, sur les traces de Benoit de Nursie, le saint patron de l’Europe ou, pour être plus précis, le fondateur du premier ordre monastique européen: les bénédictins. Soit. Cela donne un ouvrage qui, en matière de culture religieuse, est d’une érudition remarquable. Mais quid de l’objectif que s’était fixé l’auteur ? On comprend bien son projet : pour réenchanter l’Europe il faut revenir à ses valeurs essentielles. Et c’est là que nos divergences apparaissent : non seulement je ne crois pas que la méthode puisse être efficace mais, à bien des égards, je la pense contre-productive. Cela nous ramène au sempiternel débat sur les racines chrétiennes de l’Europe qui sont incontestables quoiqu’en disent les ignares. Le long chapelet des églises de nos villages de France n’en est-il pas un témoignage suffisant ? Mais ce constat du passé lointain vaut-il feuille de route pour le présent et pour l’avenir ? Évidemment non et c’est pourquoi vouloir constitutionnaliser ces valeurs chrétiennes était plus qu’une erreur, une faute. Pas seulement car d’autres religions sont apparues en Europe ces derniers siècles, ces dernières décennies plus encore, mais surtout car le projet européen s’est développé dans le cadre d’un vaste, lent mais inexorable mouvement de sécularisation, de séparation des pouvoirs politiques et religieux. Et si être fidèle au passé est une des conditions de la liberté véritable, tout retour en arrière ne peut être que vain: une immense majorité des jeunes européens sont athées, agnostiques ou, tout simplement, ne se posent pas la question de la religion comme majeure pour leur existence. Je ne crois donc pas que ce puisse être par ce biais qu’on les fera adhérer au projet européen.
Par quel chemin alors me direz-vous à juste titre ?
C’est plus qu’un ouvrage qu’il faudrait pour répondre mais mon intuition est que l’éducation doit être l’axe majeur de cette réponse .
 

samedi 8 juillet 2023

Lu « Les gens de Bilbao naissent où ils veulent » de Maria Larrea paru chez Grasset.

 Maria Larrea, native de Bilbao en 1979 a grandi à Paris où elle a suivi
des études de cinéma à la Fémis. Elle est scénariste et réalisatrice et publie, avec ce livre, son premier roman.
 

Est-il autobiographique ? Beaucoup de choses le laissent penser mais je n’en ai pas la preuve. 

L’histoire commence avec celle d’un couple de basques espagnols, tous deux orphelins abandonnés lui à des jésuites, elle à un couvent, émigrés en France et de condition bien modeste : elle est femme de ménage, lui gardien d’un théâtre et fort alcoolisé… ils retournent chaque été au pays basque pour leurs vacances et y font la connaissance d’un gynécologue qui pratique des adoptions illégales . Ils vont adopter un bébé, une fille , dès sa naissance dans la clinique en question. Maria va donc grandir à Paris dans une loge de gardien de théâtre et, malgré sa misère, faire des études brillantes. Mais elle ne sait rien de ses origines puisque ses parents lui ont caché la vérité. Une liseuse de cartes de tarot va bousculer sa vie…
Un livre très intéressant et sensible, voire émouvant, à partir du moment où il aborde son sujet, son objet, son cœur vivant. Mais la première partie est d’autant plus longue qu’on n’en comprend pas le sens. A lire tout de même .

Les émeutes dans les quartiers de la semaine dernière ont provoqué un déluge de réactions précipitées de toutes parts qui n’étaient point marquées du sceau de la sagesse. 

 « Je cherche à comprendre » disait le philosophe mais il n’a pas été entendu…

Alors je lance quelques pistes de réflexion, de ma réflexion sur le sujet qui n’est pas achevée, loin de là. Non pas pour polémiquer mais pour continuer à réfléchir, pour inviter à poursuivre la quête de compréhension :

  1. Les « émeutes » ? Les meutes ? On pense bien sûr à Hugo qui distinguait la foule - violente, aveugle- du peuple. On ferait d’autant mieux d’y réfléchir avant de voir dans ces nuits de violence un soulèvement du peuple, que la simple observation statistique fait apparaître une évidence : c’est une infime minorité de la population de ces quartiers qui était dans les rues. Des milliers ne représentent pas des millions.


    2. Deuxième évidence : l’âge des « émeutiers ». Jeunes, très jeunes. Beaucoup de mineurs.. Et si on n’y voit pas d’abord et avant tout un problème d’éducation, c’est qu’on est bien aveugle….le service public de l’éducation nationale est bien malade, surtout dans ces quartiers où enseigner est un véritable sacerdoce .


    3. Le débat sur la qualification de ces actes a été bien pitoyable: appel au calme contre appel à la justice… soit. Mais la République n’est-elle pas une conjugaison des deux ? L’ordre ET la justice . Pourquoi opposer les deux sinon dans une optique politicienne bien peu républicaine ?


    4. Les circonstances de ces émeutes sont à aborder avec sagesse : certes, on a eu affaire à des pillages organisés insupportables et inqualifiables. Mais il y a bien eu une étincelle, non ? Sans la mort de Nahel auraient-ils eu lieu ?


    5. Cette mort et ses circonstances ne doivent donc sûrement pas être éludées.

    J’ai voté la loi de 2017 dite loi Cazeneuve sur la police qui, contrairement à ce qu’avancent des politiciens irresponsables n’accordait pas de « permis de tuer ». Nullement. Mais le Parlement s’était interrogé avec le Ministre sur la définition de la « légitime défense » des forces de l’ordre devant la croissance des violences contre celles-ci qui est une réalité incontournable. Qu’il faille procéder à une évaluation des effets de cette loi, c’est une évidence. Mais pas en niant cette réalité.


    6. Le policier qui a tiré était-il en légitime défense ? J’ai mon avis sur la question. Mais à l’inverse du Président de la République je ne le donnerai pas car je ne sais pas tout. C’est à la Justice de le dire, après une enquête sérieuse et approfondie, en toute sérénité, pas au débat public.


    7. Dernière réflexion sur la police sous forme de questions:
    Qui a supprimé la mise en place de la police de proximité dans les quartiers en affirmant que la mission des policiers n’était pas d’organiser des tournois de foot dans les quartiers ? Histoire de dire que la prévention n’avait pas lieu d’être et sur seule la répression avait un sens …Sarkozy Ministre de l’Intérieur.
    Et qui a supprimé la direction de la formation de la police ? Le même, qui a ensuite supprimé comme Président des milliers de postes de policiers….

    On paye tout cela aussi.

mercredi 5 juillet 2023

Lu « La pêche du jour » d’Eric Fottorino paru aux Editions Philippe REY.

 L’ancien directeur du Monde nous offre un petit livre-pamphlet sur
l’hécatombe des migrants en Méditerranée. Sa cible: la lâcheté de l’humanité tout entière . Sa méthode : le récit d’un pêcheur de l’île de Lesbos  qui ramasse des cadavres dans son filet ou bien crochés à ses hameçons et les offre à la consommation sur son étal, comparant pour ses clients les mérites de telle ou telle chair….

Ça se lit en une heure ou deux et le coup de poing à l’estomac fait mouche.

lundi 3 juillet 2023

Lu « Le jeu des si » roman  d’Isabelle Carré, paru chez Grasset.

On connaît Isabelle Carré, actrice de théâtre surtout ( elle a déjà reçu deux « Molière
»), de cinéma aussi mais on la connaît moins comme auteure littéraire . Voici pourtant son troisième roman qui prouve un peu plus l’éclectisme culturel de cette personne bien intéressante.

L’histoire - dont je ne vais surtout pas déflorer le scénario et, encore moins, l’issue ! - est originale: une jeune femme vient en avion rejoindre son compagnon pour un week-end au Pays basque et à l’aéroport de Biarritz ( c’est ce qu’on devine), comme elle est la dernière à descendre de l’avion et qu’elle a la flemme de faire la queue pour un taxi, voyant un chauffeur brandissant un panneau sur lequel est écrit « Emma Auster », elle se fait passer pour elle et embarque avec lui. Elle embarque aussi pour une nouvelle vie, décidée à emprunter cette nouvelle identité jusqu' au bout, et se retrouve préceptrice de deux jeunes enfants dans un petit village de l’intérieur du Pays basque. Disparaître pour mieux recommencer est un jeu passionnant mais dangereux, tendre mais déstabilisant. 

Ce livre le démontre avec un certain talent. Pourquoi faut-il qu’en son milieu, la porte soit ouverte sur une autre histoire, toute différente, celle d’une femme mariée avec deux jeunes enfants qui surprend une conversation téléphonique bien tendre de son mari avec une autre personne qu’elle va chercher à connaître ? Cette partie est intitulée « Revanche » et, pour tout dire je n’ai pas bien compris pourquoi. Mais le retour vers l’histoire de départ m’a apaisé….