En
commençant par ce débat à bien des égards ahurissant sur le
«déboulonnage des statues ». Les sectaires fascisants ne se
contentent plus de vouloir nous interdire de lire les livres de
grands écrivains qui ont - fût-ce gravement - pêché par racisme
ou de visionner les films de grands cinéastes qui auraient fauté
auprès de jeunes femmes, ils ne veulent pas seulement nous empêcher
de distinguer les œuvres des auteurs, ils veulent aussi réécrire
l’histoire de France. Et en gommer tout ce qui dépasse en termes
de bien-pensance orthodoxe, n’en retenir que les personnages «
purs et parfaits» incritiquables en tous points...seulement voilà,
la nature humaine est passée par là et l’ambition est non
seulement démesurée, elle est aussi totalitaire ( déboulonner les
statues est l’apanage de régimes peu recommandables) ou bien alors
tartuffière («prenez ce mouchoir et cachez ce sein que je ne
saurais voir »...).
De
voir l’ancien Premier Ministre Jean-Marc Ayrault prêter son
concours à cette entreprise a quelque chose de navrant : il veut
débaptiser la salle Colbert de l’ Assemblée Nationale sous
prétexte que ce monsieur Colbert ne fut pas seulement l’inventeur
d’un État moderne mais aussi l’auteur d’un « code noir »
beaucoup plus contestable. Mais Ayrault a siégé dans cette salle
pendant trente ans ou presque ( je le sais j’y étais...) sans que
cela l’émeuve le moins du monde. Curieuse attitude. Comme il a été
maire de Nantes pendant vingt ans qu’il n’oublie pas de
débaptiser aussi la rue Colbert de cette ville ! Et puis, là je
vais être provocateur, comme il préside désormais la Fondation
Jean Jaurès, il faut qu’il la débaptise illico ou bien on devra
lui rappeler que cet immense socialiste qui fut et reste le maître,
la référence de beaucoup d’entre nous, a aussi beaucoup tardé à
prendre partie dans l’affaire Dreyfus, tenant des propos bien peu
recommandables sur la « race juive et sa fièvre du gain »...
Où va-t-on ? Où cela s’arrêtera-t-il ? Et que cherche-t-on en la circonstance ? Oubliera-t-on collectivement que l’identité française est complexe, qu’elle est le fruit d’une histoire faite d’ombres et de lumières, que ses héros n’étaient pas tous des hommes ou des femmes parfaits et que juger le passé avec nos connaissances d’aujourd’hui est un exercice qui entraîne bien souvent vers la malhonnêteté intellectuelle ?
Et puisque j’évoque un ancien Premier Ministre, je veux aggraver mon cas en en évoquant un autre : Manuel Valls accorde cette semaine un entretien très remarquable à l’hebdo « Valeurs actuelles » que j’ai lu attentivement. Bien sûr on peut s’interroger sur le fait qu’il accorde cet entretien à cet hebdo si conservateur voire réactionnaire et parfois nauséabond . Ne cherchez pas, j’ai la réponse : Valls est influencé depuis longtemps par certains communicants qui ne jurent que par la fameuse théorie de la « triangulation» selon laquelle il faut aller dans l’autre camp politique chasser sur les terres idéologiques de ses adversaires. Quitte à paraître provocateur. C’est réussi et c’est très contestable sur la forme. Mais sur le fond, il n’y a rien à dire, ni sur l’analyse des violences policières ou du racisme dans la police qui n’a rien à voir avec ce qui se passe aux USA, ni sur le jeu pervers, néfaste, que jouent les indigénistes et post-coloniaux qui, en jetant de l’huile sur ce feu du racisme latent- qu’il ne faut surtout pas minimiser et, encore moins, nier-, font le jeu objectif de l’extrême droite. Comme toujours : les extrêmes se font la courte échelle...
Alors, Valls emploie cette expression qui a fait mouche dans les médias : « la lutte des classes disparaît au profit de la guerre entre races ». Aussitôt le Premier Secrétaire du PS réagit pour dénoncer ce « déviationnisme » idéologique insupportable et condamner Valls avec vigueur. Voilà bien l’un des maux dont souffre la Gauche et qui l’empêchent de se reconstruire : quand survient le débat d’idées, ses dirigeants se précipitent dans le positionnement politicien plutôt que de réfléchir....Car Valls, avec cette formule, n’a nullement émis un souhait ou formulé un projet politique ! Il dénonce, au contraire, ce risque majeur - voir disparaître la réalité sociale au profit d’une guerre des races artificiellement organisée - que veulent nous imposer ces groupuscules et il a raison de dire qu’ils ont contaminé une grande partie de la Gauche. Simplement, il faut commencer par lire les textes avant de les critiquer. De la difficulté du débat d’idées en démocratie ....
Tiens justement, mardi dernier je déjeunais dans un restaurant parisien de la place des Invalides où le même Premier secrétaire du PS arriva tardivement avec un ancien Ministre de Hollande, Patrick Kanner. Petit dialogue improvisé, je suis invité à livrer mon analyse de la situation et je délivre trois messages :
1. La Gauche ne se reconstruira que par le fond des idées et des projets. Sans cela toute stratégie d’alliance porte en elle de grands risques de fragilité. Inventer une social-démocratie écologique ou une social- écologie, oui. Mais pas n’importe quelle écologie et, donc, pas n’importe quels écologistes . Car il en est, parmi eux qui sont de vrais conservateurs, ceux qui pensent que la nature est bonne par nature et l’homme mauvais, dans la lignée de cette école de pensée très réactionnaire au 19 ème siècle.
2. Les socialistes doivent retrouver la République. Ils ont été républicains avant d’être socialistes et ils se sont peut-être, sans doute perdus en oubliant d’être républicains. En octroyant des droits, c’est leur culture et c’est respectable, tout en oubliant les devoirs. En cultivant les différences, qu’il faut respecter bien sûr, mais en oubliant le commun, ce qui nous unit. Et quand j’entends un responsable du PS interpeller violemment Valls justement en proclamant que les socialistes n’auraient jamais manqué à la République, je me pince. Il a dû venir au socialisme bien récemment...
3. Enfin, il nous faut réfléchir à ce qui provoque la déception voire la désillusion quand nous gouvernons. Le décalage entre nos promesses et ce que nous réalisons effectivement quand nous sommes au pouvoir, assurément. Mais est-ce seulement parce que nous trahissons par nature ? N’est-ce pas aussi parce que nous promettons trop et mal ? Vous souvenez- vous d’un certain discours du Bourget et de ce « mon ennemi c’est la finance»? Ses mots à peine prononcés n’entrainaient- ils pas la désillusion assurée ?
J’ai quitté le Premier Secrétaire du Parti Socialiste et Patrick Kanner qui n’étaient là que pour parler des sénatoriales, sujet bien plus important et, sortant sur la place des Invalides, me suis retrouvé au milieu de la manifestation de défense du service public hospitalier. Comme j’allais visiter un ami hospitalisé de l’autre côté de la place, je me dis que je vais traverser celle-ci, ce qui sera ma manière à moi de dire ma solidarité aux personnels soignants. Tout est calme, détendu. Soudain, deux grenades lacrymogènes explosent à mes pieds. Je peste contre les forces de l’ordre qui, sans doute, ont « dégainé » trop tôt . Mais tout aussitôt je vois surgir de la foule quelques dizaines de personnages casqués, cagoulés, tout de noir vêtus qui commencent à caillasser consciencieusement lesdites forces de l’ordre. Les black-blocs, là, sous mes yeux. Bien sûr, je m’éloigne en pressant le pas mais ma pensée n’est plus la même : peut-être ces forces de l’ordre ont-elles réagi à une provocation de ces casseurs qui se contrefoutent de la défense de l’hôpital public et ne viennent là que pour casser du flic ?
Où va-t-on ? Où cela s’arrêtera-t-il ? Et que cherche-t-on en la circonstance ? Oubliera-t-on collectivement que l’identité française est complexe, qu’elle est le fruit d’une histoire faite d’ombres et de lumières, que ses héros n’étaient pas tous des hommes ou des femmes parfaits et que juger le passé avec nos connaissances d’aujourd’hui est un exercice qui entraîne bien souvent vers la malhonnêteté intellectuelle ?
Et puisque j’évoque un ancien Premier Ministre, je veux aggraver mon cas en en évoquant un autre : Manuel Valls accorde cette semaine un entretien très remarquable à l’hebdo « Valeurs actuelles » que j’ai lu attentivement. Bien sûr on peut s’interroger sur le fait qu’il accorde cet entretien à cet hebdo si conservateur voire réactionnaire et parfois nauséabond . Ne cherchez pas, j’ai la réponse : Valls est influencé depuis longtemps par certains communicants qui ne jurent que par la fameuse théorie de la « triangulation» selon laquelle il faut aller dans l’autre camp politique chasser sur les terres idéologiques de ses adversaires. Quitte à paraître provocateur. C’est réussi et c’est très contestable sur la forme. Mais sur le fond, il n’y a rien à dire, ni sur l’analyse des violences policières ou du racisme dans la police qui n’a rien à voir avec ce qui se passe aux USA, ni sur le jeu pervers, néfaste, que jouent les indigénistes et post-coloniaux qui, en jetant de l’huile sur ce feu du racisme latent- qu’il ne faut surtout pas minimiser et, encore moins, nier-, font le jeu objectif de l’extrême droite. Comme toujours : les extrêmes se font la courte échelle...
Alors, Valls emploie cette expression qui a fait mouche dans les médias : « la lutte des classes disparaît au profit de la guerre entre races ». Aussitôt le Premier Secrétaire du PS réagit pour dénoncer ce « déviationnisme » idéologique insupportable et condamner Valls avec vigueur. Voilà bien l’un des maux dont souffre la Gauche et qui l’empêchent de se reconstruire : quand survient le débat d’idées, ses dirigeants se précipitent dans le positionnement politicien plutôt que de réfléchir....Car Valls, avec cette formule, n’a nullement émis un souhait ou formulé un projet politique ! Il dénonce, au contraire, ce risque majeur - voir disparaître la réalité sociale au profit d’une guerre des races artificiellement organisée - que veulent nous imposer ces groupuscules et il a raison de dire qu’ils ont contaminé une grande partie de la Gauche. Simplement, il faut commencer par lire les textes avant de les critiquer. De la difficulté du débat d’idées en démocratie ....
Tiens justement, mardi dernier je déjeunais dans un restaurant parisien de la place des Invalides où le même Premier secrétaire du PS arriva tardivement avec un ancien Ministre de Hollande, Patrick Kanner. Petit dialogue improvisé, je suis invité à livrer mon analyse de la situation et je délivre trois messages :
1. La Gauche ne se reconstruira que par le fond des idées et des projets. Sans cela toute stratégie d’alliance porte en elle de grands risques de fragilité. Inventer une social-démocratie écologique ou une social- écologie, oui. Mais pas n’importe quelle écologie et, donc, pas n’importe quels écologistes . Car il en est, parmi eux qui sont de vrais conservateurs, ceux qui pensent que la nature est bonne par nature et l’homme mauvais, dans la lignée de cette école de pensée très réactionnaire au 19 ème siècle.
2. Les socialistes doivent retrouver la République. Ils ont été républicains avant d’être socialistes et ils se sont peut-être, sans doute perdus en oubliant d’être républicains. En octroyant des droits, c’est leur culture et c’est respectable, tout en oubliant les devoirs. En cultivant les différences, qu’il faut respecter bien sûr, mais en oubliant le commun, ce qui nous unit. Et quand j’entends un responsable du PS interpeller violemment Valls justement en proclamant que les socialistes n’auraient jamais manqué à la République, je me pince. Il a dû venir au socialisme bien récemment...
3. Enfin, il nous faut réfléchir à ce qui provoque la déception voire la désillusion quand nous gouvernons. Le décalage entre nos promesses et ce que nous réalisons effectivement quand nous sommes au pouvoir, assurément. Mais est-ce seulement parce que nous trahissons par nature ? N’est-ce pas aussi parce que nous promettons trop et mal ? Vous souvenez- vous d’un certain discours du Bourget et de ce « mon ennemi c’est la finance»? Ses mots à peine prononcés n’entrainaient- ils pas la désillusion assurée ?
J’ai quitté le Premier Secrétaire du Parti Socialiste et Patrick Kanner qui n’étaient là que pour parler des sénatoriales, sujet bien plus important et, sortant sur la place des Invalides, me suis retrouvé au milieu de la manifestation de défense du service public hospitalier. Comme j’allais visiter un ami hospitalisé de l’autre côté de la place, je me dis que je vais traverser celle-ci, ce qui sera ma manière à moi de dire ma solidarité aux personnels soignants. Tout est calme, détendu. Soudain, deux grenades lacrymogènes explosent à mes pieds. Je peste contre les forces de l’ordre qui, sans doute, ont « dégainé » trop tôt . Mais tout aussitôt je vois surgir de la foule quelques dizaines de personnages casqués, cagoulés, tout de noir vêtus qui commencent à caillasser consciencieusement lesdites forces de l’ordre. Les black-blocs, là, sous mes yeux. Bien sûr, je m’éloigne en pressant le pas mais ma pensée n’est plus la même : peut-être ces forces de l’ordre ont-elles réagi à une provocation de ces casseurs qui se contrefoutent de la défense de l’hôpital public et ne viennent là que pour casser du flic ?
Demain,
il y aura sûrement un débat sur les violences policières place des
Invalides ce jour-là....
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