Elle est épuisée, exsangue financièrement, dépressive…son deuxième mari, Angelo Pellegrino, homme de lettres également, inquiet pour elle, lui suggère de tenir un journal intime en lui offrant un premier carnet. Jusqu’à sa mort en 1996, il va comme cela lui offrir des carnets à remplir régulièrement au rythme de son écriture. Ce sont donc près de 8000 pages réparties sur une quarantaine de carnets qu’il récupérera après la mort de l’écrivaine et qu’il publiera d’abord en deux volumes, puis dans cette édition d’extraits choisis par lui et traduits en français par Nathalie Castagné.
Une page de vie très émouvante d’une femme libre et engagée dans l’Italie des années 1970-90, un journal intime qui porte bien son nom en ce qu’il révèle les tourments profonds de son autrice: tourments d’une féministe assumée qui fait face aux contradictions de sa vie, d’une femme engagée à gauche, de parents socialistes anarchistes face aux ruptures vécues par la Gauche italienne ( et pas seulement elle !) dans la deuxième partie du XXème siècle, tourments d’une femme remariée après un divorce douloureux, qui n’a pas d’enfants, tourments d’une écrivaine qui vient d’achever l’œuvre de sa vie dont les éditeurs ne veulent pas, d’une actrice qui a joué pour Visconti mais ne trouve plus de rôle à son goût, à sa mesure, d’une fille qui voudrait écrire un livre sur sa mère qu’elle vénère mais qui n’y parvient pas, d’une femme dans la difficulté financière qui a connu la prison pour avoir dérobé un collier, tourments, tourments, tourments….il y aurait une thèse de lettres passionnante à élaborer sur les traits d’union, de ressemblance ou de dissemblance, d’inspiration autobiographique directe ou indirecte de Goliarda Sapienza, telle qu’elle se révèle dans ces Carnets et Modesta, son héroïne de « L’art de la joie », deux femmes siciliennes, libres, profondément libres…
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