Retour de mission parlementaire au Maroc et
en Mauritanie, deux pays amis de la France, membres d'un " Maghreb"
qui demeure, hélas, une virtualité plus qu'une réalité. Je reviendrai plus tard
sur cette mission qui nous conduira bientôt en Tunisie et en Algérie et nous
permettra de faire un point aussi exhaustif que possible sur cette rive sud de
la Méditerranée.
Je retiendrai pour l'instant un événement
majeur survenu le 20 août au Maroc et que nos médias français ont pour le moins
oublié, si ce n'est un édito très bien senti de Bernard Henry Lévy dans "
Le point" de la semaine dernière : ce jour-là, le roi Mohamed VI, dans un
grand discours du style " État de l'union", a évoqué avec clarté et
courage le difficile et douloureux problème de l'islamisme radical. Il l'a fait
comme chef de l'Etat mais aussi et peut-être surtout comme " chef des
croyants" de son pays. Et il n'y est pas allé de main morte, dénonçant
avec une fermeté spectaculaire ces " mécréants" qui usurpent leur
appartenance à l'Islam, leur déniant tout droit à s'exprimer et agir au nom de
celui-ci et leur promettant l'enfer comme issue collective fatale. On voit bien
ce que ce discours a de fondamental puisqu'il vient d'une personnalité du monde
musulman (et pas n'importe laquelle !)
au moment où, en France et face au terrorisme djihadiste, nous sommes
tant à nous plaindre que des grandes voix musulmanes ne s'élèvent pas, ou pas
assez, ou pas assez fort, pour en faire de même. C'est d'ailleurs pourquoi le
silence des médias sur ce discours du roi achemite a quelque chose de
déroutant.
Cette question est une question centrale et
j'en profite pour répondre à ceux qui, à Gauche notamment, nous font reproche
de mettre en cause l'unité de la Republique - rien que cela ! - en interpellant
de la sorte les musulmans de France. Mais le lien entre le terrorisme et
l'islam, ça n'est pas moi, ça n'est pas nous qui le faisons ! Ce sont les
terroristes eux-mêmes, qui disent agir au nom de l'Islam !! Et pour faire vivre
l'idée, que je crois juste, qu'il faut bien distinguer l'immense majorité des
musulmans de France, républicains et respectueux des lois de la République,
d'une infime minorité de fanatiques violents et barbares a bien des égards, il
faut bien couper ce lien ! Et qui d'autre que les musulmans est susceptible de
le faire ? J'avoue qu'autant je me sens, comme républicain, capable de dire
" ça n'est pas ça la laïcité " (ce qui n'est déjà pas toujours facile
tant les usurpations du terme ou le confusionnisme le concernant foisonnent
...), autant je ne me sens pas capable de dire " ça n'est pas ça l'islam
". Et ça n'est pas seulement une question de capacité ou de légitimité,
c'est aussi une question de légalité : la loi de 1905 n'a pas seulement pour
conséquence de priver les religions de toute ingérence politique, elle oblige
aussi les politiques à ne pas s'ingérer dans les affaires religieuses. J'ajoute que ladite loi de 1905 instaure un
équilibre que l'on ferait bien de mieux mesurer : elle garantit le libre
exercice des cultes dans la limite des considérations d'ordre public. Or, ce
n'est plus seulement l'ordre public qui est menacé en France, c'est la paix
civile mise en cause par la guerre que nous livrent les terroristes de l'islam
radical. Et il sera de plus en plus difficile pour la République de garantir le
libre-exercice de l'islam si ce fameux lien n'est pas coupé, c'est une évidence
.voila pourquoi le discours de Mohamed VI
méritait plus d'écho.
Paradoxe de l'histoire : à Rabat, nous
rencontrons le Premier Ministre Abdelilah Benkirane, chef du Parti de la
justice et du développement, que l'on qualifie " d'islamiste modéré
", et qui dirige la coalition gouvernementale depuis 2011 et sa victoire
aux élections avec 27% des élus (jusqu’aux prochaines élections au début du
mois d'octobre prochain.) Forcément, je l'interroge sur le discours du roi et
lui demande si son engagement islamiste n'a pas été malmené par sa loyauté
absolue au roi. Ou si c'est l'inverse. Il se lance alors dans un long
développement dans lequel il commence par approuver le roi puis insiste sur la
nécessaire dissociation entre l'engagement religieux, affaire personnelle
(" je ne suis pas un pratiquant
exemplaire" nous dit-il ...) et le service du pays qui ne peut être guidé
que par l'intérêt général. Comme l'homme est un séducteur manifeste, on aurait
presque tendance à le croire, jusqu' à ce qu'il nous reproche le vote, en
France, de la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école....
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