dans les Yvelines. Avec son ami Régis Debray, il nous livre un très interessant petit ouvrage sur la fin de vie, présenté comme un échange mais qui est surtout un témoignage du médecin encadré par une introduction et une postface du philosophe ( ou supposé tel puisque il aime cette précision qui honore sa modestie …) .
J’ai lu avec d’autant plus d’intérêt et d’émotion ce témoignage d’un médecin humaniste que mon frère ainé, mort il y a déjà 20 ans, était aussi chef d’un service de soins palliatifs et que nos échanges sur ce sujet difficile et, en même temps incontournable, m’ont beaucoup aidé à me faire une opinion.
Claude Grange est très convaincant par son engagement plein d’humanisme, de générosité et de délicatesse. Pourtant, il n’est pas favorable à l’évolution de la loi comme je peux le souhaiter moi, vieux militant de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, que je considère comme une liberté fondamentale encore à conquérir, au nom d’ailleurs de mes convictions laïques qui refusent que quelque religion que ce soit régisse ce qui nous est le plus intime. Pourquoi ?
Eh bien d’abord me semble-t-il, parce que ses patients n’en ont pas besoin. Je m’explique : quand il explique que sa seule motivation est de combattre la douleur ce qui est tout à fait honorable et louable, mais que pour ce faire il doit d’une part augmenter régulièrement les doses de morphine jusqu’à, finalement une sédation et, d’autre part, qu’au-delà d’un certain stade, continuer à nourrir et hydrater les patients peut être contre-productif du point de vue de la douleur, ma réflexion est que la frontière avec la décision de mettre fin à la vie est tellement infime que notre divergence n’en est plus vraiment une.
Sauf que je dirais aussitôt à Claude Grange, à qui je redis mon respect, mon estime et mon admiration, que peut-être devrait-on commencer par multiplier des unités comme la sienne partout sur le territoire national ! Ce qui est loin d’être le cas et règlerait une grande partie du problème.
Mais peut-être aussi parce qu’il y a des mots qui font peur, à juste titre : «suicide », « euthanasie »… allez expliquer à ces milliers de familles françaises qui ont vécu la tragédie d’un suicide que le « suicide assisté » serait un progrès de l’humanité ! Et allez faire la pédagogie de « l’euthanasie passive » quand l’histoire de nos civilisations est marquée par l’équivalence de l’euthanasie avec la tragédie des génocides et de l’eugénisme .
Il faut trouver les mots, d’autres mots ! Si l’on veut faire évoluer la loi il faut la présenter avec les mots ne feront pas peur et qui convaincront : la liberté , le respect, la dignité…
Bien sûr, les religieux intégristes seront toujours opposés à une mesure qui substituerait le libre-choix au choix de leurs dieux. Mais je suis convaincu qu’alors ce progrès de l’humanisme se ferait dans la douceur de l’évidence.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire