L’auteur,
Jean Daniel, décédé en 2020 à l’âge de 100 ans, était un
natif de Blida,
résistant puis engagé dans la division Leclerc,
avant de prendre part au combat anti-colonial notamment aux côtés
du FLN. Journaliste, ami de Camus et de Jean-Jacques
Servan-Schreiber, il participa aux aventures de l’Express et de
l’Observateur qu’il dirigea pendant de longues années. Homme de
Gauche, il était de cette « deuxième gauche », plus proche de
Mendès et de Rocard que de Mitterrand. Mais l’élection de ce
dernier l’amena, par devoir professionnel autant que par ambition
personnelle, à se rapprocher du Président socialiste. Car Jean
Daniel , belle intelligence et belle culture, ne se rangeait pas
spontanément aux rangs des modestes: il fréquentait les grands
intellectuels mais aussi Kennedy ou Castro, Bourguiba ou Bouteflika
et avait une tendance naturelle à se placer parmi eux. Et il noua
avec François Mitterrand non pas une amitié mais une complicité :
ceux qui l’ont bien connu se souviennent que l’ancien Président
aimait particulièrement fréquenter ceux qui n’avaient pas
souhaité son élection ( et il avait toutes les raisons de connaître
l’ambiance funeste qui régna à l’Observateur le 10 mai 81 au
soir…) et qu’il s’acharnait à convaincre.
Jean
Daniel résume ainsi le propos de cet ouvrage, le dernier - inachevé
-de ses écrits : « Je ne pardonnerai jamais à ma famille, la
Gauche, d’avoir abandonné la Nation aux nationalistes,
l’intégration aux xénophobes et la laïcité aux communautarismes
». Et il définit alors sa conviction que la nation française ne
survivra qu’en retrouvant le sens de son histoire : l’ancrage
dans un territoire, la capacité à intégrer des étrangers et la
laïcité comme essence même de la République. Et tout cela face
aux grands défis auxquels elle fut et reste confrontée,
l’immigration, la construction européenne et la mondialisation et
en tirant les leçons des tragédies rencontrées, la collaboration
de Vichy, la guerre d’Algérie et le terrorisme islamiste .
«
Vaste programme » aurait dit De Gaulle. Mais qui ne pouvait
décourager Jean Daniel qui n’a pourtant pas pu achever ce livre
malgré ses presque 600 pages. Il est vrai que cette obsession du
devenir de la Nation l’avait occupé depuis des années au travers
de plusieurs ouvrages dans lesquels il avait traité, ces dernières
années, du « culte effarant de la différence » c’est à dire
des « identités meurtrières » pour reprendre l’ expression d’
Amin Maalouf ou Elie Barnavi. Car Jean Daniel, avec ceux-là, et bien
d’autres à Gauche, ne voulait surtout pas fuir le débat sur
l’identité et l’abandonner à des thèses nauséabondes. D’où
la nécessité de resserrer les liens trop distendus quand ils ne
furent pas rompus entre la Gauche et la République.
Il
y a sans doute une part de vanité dans ce livre, mais une vraie
profondeur et une réelle maestria.
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