Il est difficile de porter un jugement sérieux et serein sur ce mouvement dit des "gilets jaunes" .
D'abord parce qu'il est divers, très divers, qu'il regroupe des citoyens venus de tous les horizons politiques, et que ses revendications sont aussi très variées d'un département ou d'une région à l'autre.
Ensuite parce qu'il est "désincarné " au sens où il n'a pas de leader ou de porte-parole légitime, susceptible de synthétiser et porter ces revendications.
Enfin parce qu'il fait le choix d'un "désordre consciemment provoqué " qu'il est difficile d'approuver en République qui est un régime "d'ordre librement consenti".
Disons que tout cela exprime, dans une spontanéité plus ou moins "organisée" via les réseaux sociaux, un vaste " raz-le-bol" citoyen dont " la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" semble avoir été la hausse de la fiscalité dite " écologique" sur les carburants.
Soit.
Et le gouvernement comme le President ne savent pas comment prendre ce problème qui leur échappe. Il faut dire : la fameuse goutte d'eau qui a fait déborder le vase est plutôt intelligente d'un point de vue de l'urgence climatique et revenir dessus serait non seulement se renier mais aussi tourner le dos aux vraies urgences.
Seulement voilà, la politique est parfois irrationnelle et le "ressenti " par les citoyens n'est pas toujours celui que voudraient les gouvernants si rationnels et raisonnables : dans ce moment, c'est la revendication sur le pouvoir d'achat qui emporte - presque- tout sur son passage. Et l'exécutif ne l'a pas vu venir car ces "ressentis-là" ne s'enseignent pas à l'ENA et nos inspecteurs de finances n'en sont pas les meilleurs spécialistes....
Il est néanmoins une première leçon que je tire de cet épisode qui n'est pas encore achevé : c'est que l'absence de démocratie sociale porte toujours en elle les risques de ces débordements spontanés et non maîtrisables. Et quand un exécutif, bardé de ses certitudes et de leur infaillibilité, fait si peu de cas depuis un an et demi de ces "corps intermédiaires" pourtant indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie, il ne peut pas s'étonner de se trouver ainsi confronté à ces difficultés. On ne peut pas théoriser à l'infini sur..." les partis dépassés et archaïques, les parlementaires trop nombreux et qui ne servent qu'à ralentir les processus de décision, les élus qui ne pensent qu'à se faire réélire dans la démagogie et qui coûtent un pognon de dingue, les partenaires sociaux infoutus de s'entendre , les syndicats d'un autre âge qui ne comprennent rien à la modernité ".... non, on ne peut pas théoriser tout cela et se plaindre que la cocotte explose d'une manière ou d'une autre.
Car pour agir efficacement et durablement, il faut entraîner la société tout entière. Et pour cela la magie du verbe et l'outrance des certitudes assénées ne suffisent pas : il faut au pouvoir des relais pour partager les objectifs et les voies empruntées.
De ce point de vue, on ne peut que regretter la fin de non-recevoir opposée par le Premier Ministre, qu'on croyait plus sage, à la proposition de Laurent Berger d'engager une négociation sur cette transition écologique.
Oui, on attendrait volontiers que se lève un responsable politique qui dise haut et fort en ce moment : attention danger ! Il faut d'urgence retrouver les voies de la démocratie sociale !! Il faut d'urgence rétablir la confiance dans les corps intermédiaires qui sont indispensables à notre démocratie ! Il faut vite donner à ces derniers du grain à moudre pour la négociation !
Oui, messieurs les gouvernants, ne voyez-vous pas que notre pays a besoin, plus que jamais, d'un contrat social ?
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