samedi 18 novembre 2017

En janvier 2015, j'étais Charlie, expression de ma solidarité pleine et entière avec le journal satyrique ravagé par la barbarie. Je le reste.



Je le reste parce que je ne vois pas de raison objective, apparue depuis, qui puisse me faire changer d'avis.
Je le reste parce qu'il me paraît du devoir de tous les démocrates et les républicains de défendre la liberté d'expression et le droit à la caricature humoristique comme des valeurs fondamentales. 
Je le reste parce que, dans le combat laïque contre tous les obscurantismes religieux, l'équipe de Charlie, depuis des années, fait preuve d'un courage et d'une constance remarquables. 
Ca ne veut pas dire que Charlie soit ma " Bible" , ce serait un comble en la circonstance, ni que je partage tout des positions - d'ailleurs très diverses- de l'hebdo satirique. Ca veut dire que sur l'essentiel, il faut se rassembler.
Alors, dans la polémique actuelle entre Charlie et le patron de Mediapart, je reste Charlie, fermement, sereinement, indiscutablement.
Voilà pour le fond . Reste la forme : le poids des mots. Ces mots qui ont un sens et à qui, si on n'y prend garde, on peut faire dire n'importe quoi. Les mots de la langue française qui sont d'une richesse exceptionnelle, au point de recéler le meilleur... comme le pire. Or, dans le maniement des mots et leur manipulation, les réseaux sociaux jouent un rôle 
dramatiquement délétère. Je prends deux exemples , rencontrés lors de mes travaux parlementaires :
- lors d'un travail pour la Commission des Affaires Étrangères sur la " Géopolitique de l'eau" , je me suis rendu - notamment !- en Palestine et, décrivant le traitement infligé aux Palestiniens par l'Etat d'Iraël, dans ce domaine de l'accès à l'eau comme dans beaucoup d'autres, j'avais parlé d'une forme" d'apartheid ". Ce mot, je l'avais emprunté à Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, dans les mêmes circonstances, et je l'avais longuement réfléchi, pesé, mûri . Quel séisme ! Pendant six mois les réseaux sociaux se sont déchaînés, animés par les milieux de la droite religieuse israélienne pour m'agonir d'injures, me traiter d'antisémite bien sûr , et me menacer y compris physiquement. Ce fut d'une violence rare.
- lors d'un autre travail parlementaire, ceux d'une mission d'information sur l'interdiction de la burqa dans l'espace public, nous avions auditionné le prédicateur Tariq Ramadan, celui qui, justement, est au cœur de la polémique dont je parle. Et, je dois le reconnaître, je n'avais pas été aimable avec lui : sans lui manquer de respect je lui avais dit combien je pensais que l'Assemblée Nationale de la République française, dans sa volonté respectable d'écouter toutes les opinions, lui faisait  un cadeau tout à fait démesuré en lui accordant une respectabilité qu'il ne méritait pas. Notre échange fut tendu et je ne le regrette pas, aujourd'hui moins que jamais, maintenant que la vérité de cet homme s'éclaire d'un jour si peu reluisant. Aurais-je eu raison trop tôt ? 
Là encore, quel déchaînement sur les réseaux sociaux !!  J'étais , pour le coup, le raciste anti-arabe de service, l'ennemi de l'islam et le suppôt du sionisme destinataire de la même violence verbale et, bien sûr, des mêmes menaces.
Pourquoi dis-je cela ? Parce que le débat public mérite la mesure, le respect de l'autre et de ses idées, qui suppose aussi le respect du poids des mots. Ces mots qui ont un sens avec lequel il ne faut pas jouer dans notre monde  de violence où le terrorisme est là, présent chaque jour et partout, prêt à se jeter sur n'importe quel prétexte.
Le devoir de tous les démocrates, de tous les républicains est de débattre, bien sûr, de confronter les idées, toujours, de faire vivre la démocratie avec ce souci permanent de la liberté d'expression, mais dans la mesure des mots .
Voilà pourquoi la phrase de Monsieur Edwy Plenel, qualifiant la une de Charlie comme "faisant partie d'une campagne générale de guerre aux musulmans " est dangereuse, irresponsable, condamnable.

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