Dans
ma retraite estivale, entre le Péloponnèse et la forêt landaise,
loin des fureurs du débat public, je songe avec perplexité à cette
polémique relative à la vaccination obligatoire. Et je commence par
essayer de ramasser des souvenirs : je pense d’abord à ce «
passeport international de vaccination » qu’on a très vite exigé
de moi, jeune voyageur enthousiaste pour, par exemple, aller dans des
pays exposés à la fièvre jaune. Une sorte de « pass-sanitaire »
avant l’heure non ? Puisqu’il s’agit de prouver une vaccination
pour entrer dans un pays….
Je
pense ensuite aux « livrets de vaccination » de mes enfants . Je me
souviens vaguement : diphtérie, tétanos, poliomyélite auxquels se
sont ajoutés ensuite la coqueluche, l’hépatite B, la rougeole,
les oreillons…. Je ne sais plus. La liste de ces vaccins
obligatoires s’élève au chiffre « 11 » depuis quelques années
et il parait que 70% des enfants les ont tous reçus, 80% si l’on
s’en tient aux huit principaux.
Vaccination
obligatoire également non ? Sans drame, sans heurts.
Alors
je réfléchis à cette histoire de vaccination obligatoire pour les
personnels soignants, dont je dis tout de suite qu’elle me parait
comme ça, spontanément, tomber comme une évidence : que les
médecins, infirmières, aide-soignantes qui nous soignent si bien se
mettent à l’abri en même temps qu’ils nous mettent à l’abri
en cas de pandémie, ça me parait juste du pur bon sens. Et, pour
tout dire, cela me paraissait tellement de bon sens, que je ne
comprenais pas pourquoi le pouvoir politique tardait tant à mettre
en place cette vaccination obligatoire ! Alors, j’ai interrogé des
amis médecins hospitaliers et j’ai découvert, je l’ignorais,
que les personnels soignants avaient aussi depuis longtemps une
longue liste de vaccinations obligatoires ! Avec une efficacité
avérée, on me dit notamment pour enrayer les hépatites B d’origine
professionnelle dans les années 70. Vaccinations obligatoires, sans
drames, sans heurts.
Alors,
comment se fait-il que le débat sur ce sujet atteint un tel degré
de violence et de tension ? Au point que la déraison la plus
choquante s’en empare quand on compare cette disposition à un
apartheid, ou que certains manifestants se parent d’une étoile
jaune ?? Provocations insupportables, inqualifiables, inacceptables,
condamnables ( pour avoir longtemps fréquenté l’Afrique du Sud et
étudié, là-bas, à de nombreuses reprises le désastre de
l’apartheid, je reste tétanisé par de telles comparaisons…
quant à cette utilisation révoltante de l’étoile jaune elle me
donne envie de crier « Primo Lévi reviens, ils sont devenus fous !
»…) mais qui en disent long sur l’état de notre démocratie et
du débat public.
Serait-ce,
comme on le dit ça et là, que c’est la nature du vaccin et ce
fameux « ARN-messager » qui provoquerait cette flambée ? J’ai du
mal à le croire …si j’ose dire, je n’ai pas lu sur les
pancartes des manifestants ni sur les réseaux asociaux ce slogan qui
eût frappé mon attention : « les vaccins oui mais pas l’ARN !
»
Malgré
tout, il doit bien y avoir, et ça peut être compréhensible, une
méfiance vis-à-vis de l’accélération du progrès scientifique :
un vaccin trouvé en moins d’un an, c’est presque trop beau pour
être vrai non ? Faut-il y croire ? Sans les partager, je comprends
ces réflexions.
Il
doit bien y avoir aussi une sorte de « bofitude » classique : «
bof, on verra ça plus tard » ou bien « bof, c’est bon pour les
autres mais pas pour moi »…les réactions récentes d’afflux
dans les centres de vaccination après les dernières déclarations
plus fermes du Président montrent que cette attitude n’est pas
négligeable.
Après,
que les réseaux asociaux poursuivent à l’occasion leur œuvre
destructrice de la raison et la rationalité, qu’ils alimentent les
complotismes les plus divers à coup de fake-news, comment s’en
étonner ? L’occasion est trop belle ….
Et
que des partis politiques ou des politiciens en mal d’audience
alimentent ce feu qui couve, ce n’est pas glorieux mais, à moins
d’un an d’une élection présidentielle, c’est tout sauf
étonnant…
Ce
qui me navre le plus dans cette affaire, c’est qu’on en soit à
rappeler des évidences : la liberté, la mienne, la tienne, la
vôtre, s’arrête où commence celle des autres. On l’apprend
dans les écoles et c’est même dans la déclaration universelle
des droits de l’homme ! On a donc parfaitement le droit de ne pas
se faire vacciner mais, dans ce cas, on reste chez soi et on ne met
pas en danger la santé voire la vie d’autrui.
Vivre
ensemble dans la République, notre bien commun si précieux suppose
que l’on respecte tous ensemble nos droits ET nos devoirs. Nos
droits et nos libertés certes. Mais aussi nos devoirs et, en
particulier, l’ardente obligation de respecter les lois de la
République qui sont l’expression de la volonté générale et
définissent l’intérêt général. Oui, l’intérêt général
au-dessus de nos intérêts particuliers. Ce ne sont pas que de
vagues concepts généraux de philosophie politique, cela vaut aussi
pour la vaccination…..
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