-
lu encore " Un Attentat " de Jean-Noël JEANNENEY paru au
Seuil. J'ai déjà écrit, ici, l'amitié et même l'affection que je
porte à Jean-Noël JEANNENEY, que j'ai croisé souvent dans ma vie
politique, avec lequel je partage ce qu'on peut appeler des
connivences politiques et intellectuelles, à quoi s'ajoute
l'admiration que j'éprouve pour cet historien hors pair. L'attentat
qu'il aborde ici, c'est celui du Petit Clamart du 22 août 1962,
quand un commando dirigé par le lieutenant-colonel Bastien-Thiry,
tenta d'assassiner le général De Gaulle. Avec la méticulosité de
l'historien et après, bien entendu, un gros travail de recherche, on
découvre pas seulement les faits mais aussi les parcours des 14
membres du commando, les milieux dont ils sont issus, l'OAS bien sûr,
l'enquête, le procès etc... Mais aussi les conséquences politiques
puisque l'auteur avance la thèse selon laquelle cet épisode a
accéléré la décision du Général d'instaurer l'élection du
Président au suffrage universel. Et il ouvre des débats, 54 ans
après, sur la peine de mort, le droit de grâce présidentielle, les
lois et les tribunaux d'exception, la capacité des sociétés
démocratiques à restreindre les libertés publiques quand la menace
est trop violente, ou bien encore le rôle joué par l'intégrisme
religieux dans la violence politique. L'éclairage du présent par
l'histoire comme forme incontournable de la culture politique.
- lu toujours " Dieu n'habite pas La Havane " de Yasmina KHADRA , paru chez Julliard. Je suis un fidèle lecteur de l'écrivain-ancien flic algérien, qui m'a habitué à voyager dans la violence terroriste de l'Orient, lointain comme l'Afghanistan, ou plus proche comme au Liban ou en Libye. Et là, nouveauté, Khadra nous emmène à Cuba, pour une histoire d'amour entre un chanteur de rumba sur le retour et une jeune femme "exilée de l'intérieur" aussi belle que violente. Très belle et très violente. Le tout au cœur d'une ville pauvre, d'une économie étatisée, aux privatisations déroutantes, des habitations familiales surpeuplées et des solidarités spontanées, des rues dangereuses et des nuits agitées. L'amour violent dans un environnement violent. Mais aussi aux rythmes envoûtants de la musique cubaine, celle dont les notes volent dans les rues, celle dont les chants sont sur toutes les lèvres. Et ça fonctionne très bien.
-
"Petit pays" de Gaël Faye, paru chez Grasset est un livre
beau, triste et bouleversant. Il raconte la destinée tragique d'une
famille franco-burundaise, à Bujumbura dans les années 90. Époque
marquée par l'épouvantable guerre entre Hutus et Tutsies et
le génocide qu'elle a provoqué, tant au Rwanda qu'au Burundi. À
travers le récit du jeune garçon de cette famille tragiquement
décimée, on voit la barbarie de la guerre remplacer peu à peu
l'innocence des jeux d'enfants et la naissance d'une blessure
épouvantable qui saigne et ne cicatrisera jamais. Pathétique
ouvrage, ce roman est un témoignage historique. Âmes sensibles ou
amateurs de légèreté, s'abstenir.
-
J'ai passé de très longs et bons moments avec " Les frères
Karamazov " de Fedor Dostoievski. Ce monument de la littérature
russe du 19ème siècle représentait pas moins de 1700
pages dans l'édition électronique que j'avais emportée sur ma
tablette. Mais quel régal ! Oublions les trois frères Karamazov,
Dimitri, le paradeur qui ressemble tant à son père que tout les
oppose, Ivan le sentimental chevaleresque et Aliocha, le mystique
généreux, oublions leur père vulgaire et nouveau riche, cette
petite ville russe du milieu du 19ème siècle et cette
intrigue autour d'un présumé parricide s'achevant sur un procès
pathétique. Retenons surtout de beaux développements sur la place
de la religion dans la société russe du 19ème, tant du
point de vue d'un athéisme naissant que de celui d'un militantisme
chrétien qui se veut éclairé et qui ne l'est pas toujours ... Et
retenons surtout cette leçon de littérature appliquée et vivante
qui nous est donnée par Dostoïevski : tout au long de l'ouvrage,
prenant la distance nécessaire par rapport à son récit, comme s'il
était un commentateur extérieur d'un fait divers plutôt que "
l'inventeur " de l'histoire, et s'adressant directement au
lecteur, il lui explique comment il construit son ouvrage et pourquoi
il procède de la sorte. C'est passionnant. Et c'est de la très
grande littérature.
- J'ai relu avec délectation " La porte étroite " d'André Gide, aux éditions Mercure de France, que j'avais lu adolescent et dont j'ai beaucoup mieux profité cette fois-ci. Le livre date de 1909 et n'a pas pris une ride comme toute œuvre littéraire de qualité. Quelle belle écriture ! Quel vocabulaire et quelle syntaxe ! Et quels beaux sentiments... Les amours éperdus, éperdus et perdus, de Jérôme et sa cousine Alissa, amours d'enfance nés dans la demeure familiale proche du Havre, amours d'adolescence, d'adultes, amours de toute une vie. Mais amours tourmentés bien que partagés en termes de sentiments mais jamais traduits dans une vie partagée. Car Alissa, mue par un engagement mystique et religieux, pense qu'il y a, pour eux, quelque chose de "meilleur" que l'amour. La vertu portée plus haut que l'amour. Une vertu admirable mais bien peu épanouissante... Un très, très beau livre que je relirai encore.
- "Comme une respiration" de Jean Teulé, paru chez JUILLARD. Quarante petites nouvelles, faites de souvenirs autobiographiques ou de l'imagination créatrice de l'auteur, pour quarante histoires de destins ordinaires. Teulé nous a prouvé par le passé qu'il pouvait faire mieux que ça.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire