vendredi 30 décembre 2022

Lu « Miracle à la Combe aux Aspics » d’Ante Tomic aux Editions Libretto, traduit du croate par Marco Despot.

 Ange Tomic est un journaliste et romancier croate contemporain auteur de plusieurs
romans. Celui-ci, qui se passe à Split et dans ses environs, est particulièrement déjanté et très amusant à lire : Jozo Aspic vit dans les montagnes, pas très loin de Split donc, avec ses quatre fils, dans un village abandonné, hors du temps, de l’hygiène, des lois et règlements, armés jusqu’aux dents, éliminant tous ceux qui s’approchent. Un double événement va bousculer la vie de ce clan: d’abord, la visite de deux contrôleurs du service d’électricité qui viennent réclamer le paiement de nombreuses et anciennes factures impayées. Miraculeusement ils ne seront pas exécutés mais séquestrés. Ensuite l’aîné ressent un irrésistible besoin de femme et part donc à la ville pour en chercher une et se souvient d’une serveuse de bar qui lui faisait du gringue quand il était à l’armée…. De là démarre une cocasse histoire aux multiples rebondissements. Très amusant et plaisant à lire. Ne chercher ni profondeur ni poésie, juste de la distraction.

mercredi 28 décembre 2022

Lu « Reine de cœur » d’Akira Mizubayashi paru chez Gallimard.

 J’avais beaucoup aimé le précédent ouvrage de cet écrivain et universitaire japonais
qui écrit en français, «Âme brisée » , une histoire d’amour franco-japonais brisée par la guerre, autour d’un instrument de musique et dans une ambiance de musique classique. C’était d’une grande sensibilité et très bien écrit.
 

Eh bien ce nouveau livre reprend les mêmes ingrédients : c’est toujours bien écrit et d’une belle sensibilité, ce qui donne toujours une beau plaisir de lecture, mais comme c’est aussi une histoire d’amour franco-japonais brisée par la guerre dans une ambiance de musique classique et autour d’un instrument ….ça donne un petit air de déjà vu. Changer un violon pour un alto est un bien mince renouvellement.

Lu « Impossible » d’Erri De Luca, traduit de l’italien par Danièle Valin et paru dans la collection Folio.

Un très joli petit livre. Je n’avais encore jamais rien lu de cet auteur italien
contemporain, traduit dans de nombreux pays et plusieurs fois primé dans le nôtre. Il était temps de réparer cette lacune. Dans les Dolomites, un homme meurt dans une chute lors d’une randonnée en solitaire. L’enquête fait vite apparaître que sur ce même parcours un autre homme randonnait lui aussi en solitaire et que celui-ci est un ancien extrémiste qui a passé des années en prison tandis que la victime est….un ancien repenti qui avait « donné » tous les membres de son réseau. Et le livre est un compte-rendu des interrogatoires menés par un juge persuadé qu’il s’agit d’un meurtre par vengeance et l’ancien extrémiste, assagi par l’âge, qui nie et philosophe. Justice contre fraternité. Dialogues entrecoupés par les lettres que l’accusé adresse à une amoureuse lointaine depuis la cellule de sa prison. Bien fait, bien écrit, bien senti, c’est un très joli petit livre.
 

lundi 26 décembre 2022

Lu « Éteignez tout et la vie s’allume », le dernier roman de Marc Levy paru chez Robert LAFFONT.

M’accordant une lecture facile, très facile, je n’ai pas été déçu du voyage….une
rencontre impromptue entre Adèle et Jeremy, 20 ans de moins qu’elle. Elle est spécialiste en grandes horloges, lui organiste. Les hasards de la vie les font se rencontrer sur un bateau puis poursuivre le voyage en voiture ensemble. Un cabriolet décapotable…C’est, comme prévu, d’une très grande légèreté, un peu trop sans doute. Et, curieusement, ce qui m’a beaucoup énervé dans ce récit, c’est qu’il n’est pas situé : il y a des bateaux, des ports, des campaniles…mais sommes-nous en Italie, en Espagne ou en Grèce , on ne le saura jamais. Et faut-il que cet aspect des choses manque à ce point pour qu’il emporte un jugement sur le livre ?

Vu «  Les bonnes étoiles «  le dernier film de Hirokazu Kore-Eda, le cinéaste japonais qui réalise et produit ce film en Corée ( du sud évidemment…) et l’avait présenté au dernier festival de Cannes.

 Une histoire de famille comme les affectionne l’auteur, qui est aussi une histoire de
trafic d’enfants: la mère, une prostituée qui n’a pas voulu avorter ( « mieux vaut abandonner que tuer» dit-elle dans un curieux raccourci), son bébé et deux experts en trafics d’enfants, auxquels s’ajoute un gamin déluré, forme une sorte de famille recomposée qui vit ensemble en recherchant le gros lot de la vente . La police les poursuit et veut les prendre « la main dans le sac » . C’est bourré de tendresse et de sentiments attachants, ce qui est plutôt un exploit dans le cadre d’une histoire sordide, même si c’est aussi plein de longueurs inutiles. Le film aurait pu faire une demie-heure de moins.

jeudi 22 décembre 2022

Vu « Nos frangins » le film de Rachid Bouchareb avec Lyna Khoudri, Reda Kateb et Raphaël Personnaz, sélectionné au festival de Cannes 2022.

 Un film qui évoque deux « bavures » policières de 1986: la mort de Malik Oussekine,
tabassé à mort par une brigade de « voltigeurs » motocyclistes à la fin d’une manifestation contre le projet Devaquet de réforme des Universités - manifestation à laquelle il n’avait pas participé !- et celle, au même moment, d’Abdel Benyahia, descendu d’un coup de pistolet par un flic à la sortie d’un bar en banlieue alors qu’il n’avait fait que s’interposer dans une bagarre.

Une sorte de biopic à mi-chemin entre la fiction et le documentaire avec des images d’archives sur l’actualité de l’époque. Un film militant certes mais sans excès, visant à dénoncer des violences policières et, surtout, la volonté politique, d’étouffer ces affaires. Un film pour dire la tragédie vécue par ces deux familles.
C’est assez remarquablement fait et très émouvant. Reda Kateb est égal à lui-même, un acteur de grande qualité et la jeune Lyna Khoudri, qu’on avait découvert dans « Novembre» , s’affirme comme une future grande actrice de sa génération.
Je me faisais juste une réflexion en pensant à ces marchands d’illusion qui nous expliquent que « La Gauche, la Droite, tout ça est dépassé, ça n’existe plus »….bla-bla-bla… Voyez les images d’archives de ce film et les déclarations qu’elles retranscrivent de Chirac-Pasqua- Pandraud d’une part, Mitterrand, Mauroy ou Kiejman de l’autre et dites-moi si tout cela est dépassé. En tout cas, moi, je suis plutôt fier, dans ces évènements dramatiques d’avoir été du côté des derniers nommés…comment disent-ils ? C’est « vieux monde » comme réflexion ? Mais tellement actuel pourtant….

mercredi 21 décembre 2022

Vu « Maestro(s) » le film de Bruno Chiche avec Pierre Arditi, Yvan Attal, Miou-Miou, Caroline Anglade.

 On est chefs d’orchestre de père en fils dans la famille Dumar….mais le père et le fils
 n’ont pas une relation affective épanouie et heureuse. On dira plutôt une rivalité froide et distante. Aussi quand la Scala de Milan se trompe de Dumar et contacte le père au lieu du fils pour lui proposer une saison dans cette maison prestigieuse, se noue une intrigue psychologique originale et tendue ( Le dialogue père-fils un soir tard au domicile du dernier est assez pathétique et joliment rendu). C’est très remarquablement joué et cela baigne dans une ambiance musicale classique délicieuse. Ce n’est pas un chef d’œuvre mais c’est un joli film qui offre un bon moment.

mardi 20 décembre 2022

Angelin Preljocaj présentait sa dernière création, « Mythologies »

 La semaine dernière au théâtre du château de Versailles, comme il le fait chaque 

année depuis 2009, le chorégraphe Angelin Preljocaj présentait sa dernière création, « Mythologies » sur une musique de Thomas Bangalter, pour 20 danseuses et danseurs, 10 du ballet Preljocaj et 10 du corps de ballet de l’Opera National de Bordeaux. Une sorte de tableau impressionniste pour décrire nos rituels contemporains et leurs liens avec les mythes de l’antiquité. C’est très enlevé, rythmé, varié, sans temps mort ni longueur. C’est très remarquablement dansé. Mais si bien léché qu’au fond, on ne ressent aucune véritable émotion. De la très belle danse mais un peu froide….

Lu  «Performance » de Simon Liberati, paru chez Grasset et qui vient d’obtenir le Prix Renaudot 2022.

Un écrivain septuagénaire, malade et endetté, alcoolique et drogué régulier, vit une
histoire d’amour avec Esther, une jeune femme plus jeune de 50 ans, magnifique mannequin qui était la fille de sa dernière femme, morte dans des conditions dramatiques auxquelles il est fait allusion à plusieurs reprises dans le livre sans qu’on puisse en savoir plus. Il bénéficie d’une commande inattendue, l’écriture du scénario d’une série sur les Rolling Stones et, plus particulièrement sur l’épisode de la mort de Brian Jones en 1969, après que le célèbre groupe ait fait l’objet d’une arrestation collective pour usage de drogues diverses en 1967, ce qui fit à l’époque un vrai scandale au Royaume-Uni. Et le roman raconte l’histoire de l’écriture du scénario, les rapports avec les producteurs, le metteur en scène, les acteurs, les intuitions littéraires de l’auteur largement inspirées de ses recherches rigoureuses sur le fait divers et d’une connaissance assez approfondie des évènements anciens, le tout mélangé, imbriqué, confondu, interverti avec son histoire d’amour contemporaine. Bon, c’est très sophistiqué assurément, mais ce genre de littérature me motive assez peu. Si je n’avais pas peur de jouer au snob provincial, je dirais que c’est très «germanopratin » … 

jeudi 15 décembre 2022

Lu « Veritas tantam » d’Olivier de KERSAUSON paru au Cherche Midi.

 Le titre complet est « Veritas tantam potentiam habet ut non subverti possit » ce qui,
traduit du latin, signifie « La vérité a une telle puissance qu’elle ne peut être anéantie».

Je connais l’auteur depuis une quarantaine d’années et j’ai navigué un certain nombre de fois sur ses trimarans, y compris en course. C’est dire que je ne suis pas d’une objectivité à toute épreuve sur le personnage: passer des nuits et des nuits en mer ensemble m’a permis, assurément, de découvrir la vérité de cet homme qui est loin, très loin du personnage que certains médias lui font jouer depuis des décennies comme aux «Grosses têtes » par exemple. L’homme est cultivé, poète et, au fond, un vrai humaniste : ses convictions personnelles sont aux antipodes de toute forme de racisme et les propos qu’il tient actuellement sur les naufrages de migrants en Méditerranée et sur l’immigration en général en sont la meilleure démonstration. 
Alors, le marin nous propose ici un recueil de pensées sur « le bon sens » tiré de ses expériences de vie, dont notamment, le cancer qu’il vient de surmonter. Ce n’est pas de la littérature haut de gamme, et bien de ses propos peuvent paraître abrupts, mais c’est du vrai bon sens…

lundi 12 décembre 2022

Lu « Le rocher de Süsten » dans son tome 2, deuxième tome des Mémoires de l’ami Jean-Noël JEANNENEY qui porte sur la période 1982-1991 et relate deux expériences majeures de l’auteur: la Présidence de Radio-France et celle de la Mission de commémoration du bicentenaire de la révolution française de 1789. 

Deux responsabilités éminemment politiques dans une période de l’histoire
contemporaine de la France qui, quoiqu’on en dise, ne fut pas totalement négligeable: les 10 premières années de la Gauche au pouvoir.

Mais deux responsabilités qui éclairent d’un jour particulier et passionnant cette période. 
Car à Radio-France, l’auteur défrichait les premiers moments d’une réforme majeure engagée par la Gauche et que beaucoup de français - et de responsables politiques ! - ont oubliée : la coupure des liens entre le pouvoir politique et les médias publics. La fin de la ligne directe entre le Ministre de l’Information et le dirigeant de la télévision publique. La fin des titres des journaux télévisés rédigés par le Ministre…Oh  ! Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain ! Au début, même, des responsables politiques socialistes de haut rang n’admettaient pas disons « spontanément » les conséquences de cette liberté conquise sur la liberté de ton des journalistes….mais c’est surtout la Droite et le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac en 1986-88 qui n’admettront pas du tout cette liberté acquise et la remettront en cause brutalement dans un mouvement typiquement « réactionnaire », au sens premier du terme, avant que François Mitterrand et le gouvernement de Michel Rocard ne la remettent sur de bons rails. Les anecdotes rapportées par l’auteur sur la période de la première cohabitation sont, à cet égard, savoureuses avec des portraits acérés de Philippe de Villiers, François Léotard ou Edouard Balladur. J’emploie le mot « acérés » pour ne pas faire allusion à l’usage du vitriol….
Quant à la commémoration du bicentenaire de la Révolution, elle est tout autant politique dans la mesure où, là encore, la droite réactionnaire la boycotta d’une façon très sectaire. Pas toute la Droite bien sûr et, à cet égard, les éloges dressés à Philippe Séguin, Jacques Chaban-Delmas ou Lucien Neuwirth sont précieux et honnêtes. Mais, là encore, Chirac et la Mairie de Paris se montrèrent sous un jour bien peu républicains.
Pour eux, la révolution française c’était la terreur point. La fin de l’ancien régime, la déclaration universelle des droits de l’homme et le début de l’universalisme, les balbutiements de la démocratie et de la République, Valmy et le lien Armée-Nation…tout cela ne les intéressait pas.
Mais sont tout aussi savoureux à découvrir les liens que les responsables socialistes entretinrent avec la mission: François Mitterrand attentif mais soucieux d’en tirer le meilleur miel, Michel Rocard très bienveillant et, en même temps, moins mobilisé par ces grandes commémorations et le sens de l’histoire que par la bonne gouvernance, Chevènement focalisé sur le lien Armée -Nation, Lang obsédé par la récupération du succès…
Et puis, ce livre dense et riche raconte en détails la « querelle des historiens» qui vit s’affronter les deux grandes écoles, celle de François Furet et celle de Michel Vovelle, «la révolution est-elle un bloc à prendre ou à laisser? », «donne-t-on assez de places aux mouvements sociaux dans l’approche de ce grand moment de l’histoire de France? » ….ces pages m’ont passionné même si, je les ai trouvées parfois un peu ésotériques. Tous les lecteurs ne sont pas des historiens, personne n’est parfait…
Enfin je dois dire, mais là mon plaisir est inversement subjectif à ce que je viens d’écrire, que le récit des conversations de l’auteur avec François Mitterrand sur l’ensemble de la période et les deux grands dossiers abordés m’a captivé. Car, au fond on voit deux hommes qui ne se connaissaient quasiment pas en 1981, apprendre à se connaître après s’être mutuellement jaugés et nouer peu à peu une relation de confiance qui ne sera jamais une intimité mais fondée sur le respect, ça va de soi, et l’estime réciproque.

Un beau livre pour les historiens et ceux qui ne le sont pas mais se soignent… 

dimanche 11 décembre 2022

Vu «  Elie SEMOUN et ses monstres », le dernier spectacle de l’intéressé aux Folies Bergères. C’était la dernière…

 Un humoriste passionné par l’âme humaine et par ces monstres que peuvent être un


pédocriminel, un djihadiste repenti, un touriste sexuel, une «stand-uppeuse» vulgaire, un raciste ordinaire ( si tant est qu’un raciste puisse être ordinaire…) , un handicapé tombé  amoureux sur un site de rencontres, un lâche qui veut négocier avec des cambrioleurs ….attention ! Ne rien prendre au premier degré. D’ailleurs l’artiste, quelquefois, interpelle le public pour le lui préciser puis prévient «  bon, je reviens dans le sketch ». 

Un moment intriguant et tendre autant que drôle quand il annonce qu’il veut nous présenter sa mère qui a tant compté pour lui, sort en coulisses et revient …avec une urne funéraire ! Pour lui raconter ce qu’il est devenu depuis sa mort.

J’aime beaucoup ce personnage et son humour si particulier.

mardi 6 décembre 2022

Lu « le braconnier du lac perdu » de Peter May, aux Editions Babel Noir,

     troisième et dernier tome de la trilogie de « L’homme de Lewis ». Toujours le même
 
personnage central, Fin, l’ancien inspecteur de police de retour dans son île, toujours le même décor, celui des îles Hébrides au Nord-Ouest de l’Ecosse et leur climat violemment changeant, toujours la même qualité littéraire autour d’une nouvelle intrigue, toujours le même régal. J’ai vraiment beaucoup apprécié cette trilogie et l’évasion passionnante qu’elle procure. Lire c’est voyager ? En voilà une nouvelle preuve…

Vu « Armageddon Time » le film de James Gray, Palme d’Or, Prix du Jury du Festival de Cannes.

 New York, les années 80, un jeune garçon d’une famille aisée mais pas riche ( le
père est un plombier qui réussit) s’ennuie à l’école et n’aime que le dessin. Mais il s’y lie d’amitié pour un camarade de classe, noir, très pauvre et victime du racisme qu’on qualifie d’ordinaire. Disons d’un racisme diffus ou de tous les jours.

Ce jeune garçon est ballotté entre ces trois pôles, la famille, l’amitié, l’école, et cherche sa voie, tenté par toutes les aventures. Il bénéficie pourtant des conseils sages et affectueux de son grand père, magnifiquement joué par Anthony Hopkins. Mais celui-ci, malade, va mourir et le laisser seul face à sa destinée…
Un joli film, fin, subtile, réaliste, édifiant avec, sans doute quelques longueurs inutiles.

mercredi 30 novembre 2022

Vu « Tout le monde savait » au théâtre de l’Oeuvre, pièce d’Elodie Wallace d’après le livre de Valérie Bacot, mise en scène par Anne Bouvier et jouée, seule en scène, par Sylvie Testud.

 L’ histoire vraie de cette femme, Valérie Bacot, victime d’un « monstre » ( je ne vois pas quel autre terme adopter même s’il s’agit d’un homme..), qui battait et violait sa mère, puis elle, qu’elle fut contrainte d’épouser enceinte, et pour qui tout recommençait chaque jour…y compris pour sa petite fille. L’horreur des horreurs. 

La pièce est organisée sur le thème de son titre : tout le monde savait ! Les parents, la famille, les amis, les voisins, les gendarmes, l’adjointe au maire…tout le monde ! Et non seulement personne ne réagissait mais, au contraire, sa parole était évidemment mise en doute.. jusqu’à ce que le monstre ne l’oblige à se prostituer et qu’elle trouve un flingue pour le tuer. Elle fut donc incarcérée, jugée, condamnée….
Cette pièce est un coup de poing au plexus d’une grande violence. Elle laisse k.o…
Et elle est jouée magnifiquement, admirablement, somptueusement par une Sylvie Testud bouleversante.

Lu « L’homme de Lewis », de Peter May, traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue et paru chez Babel Noir.

 Le deuxième tome de la trilogie . Toujours le même héros, l’inspecteur Fin Macleod,
mais désormais démissionnaire et divorcé et de retour dans son île de Lewis sans vrai projet professionnel et personnel mais vite rattrapé par sa vocation policière. Toujours le même décor, celui des îles Hébrides au Nord-Ouest de l’Ecosse, somptueux et sauvage, envoûtant et violent, brutal et tendre. Et toujours un très, très beau livre.

dimanche 27 novembre 2022

Vu, au théâtre du Lucernaire, « Monsieur Proust »,

 une pièce conçue et mise en scène par Ivan Morane, d’après le livre éponyme, fruit
des entretiens entre Céleste Albaret et Georges Belmont, avec Céline Samie, seule en scène. Céleste Albaret, a été la bonne de Marcel Proust pendant de longues années et jusqu’à sa mort, le 18 novembre 1922. Dans ce témoignage, elle révèle un Marcel Proust intime, attentionné, affectueux. Un Proust malade, s’épuisant au travail la nuit, dormant le jour, ne voyant que très peu de monde. Et, aux côtés de Proust, on découvre la personnalité de Céleste, plus encore qu’une bonne, qu’une servante, compagne de tous les jours, participant directement ou indirectement à son travail ( elle rédigeait sous sa dictée !), « prisonnière volontaire » d’après ses propres termes, vivant avec cet homme sous son charme avec une grande intensité de joie et de plaisir. Elle disait de lui « il a rempli ma vie » et, en écho, il parlait d’elle comme son « amie de toujours » . Belle histoire humaine.

L’adaptation et la mise en scène d’Ivan Morane, un grand Monsieur du théâtre, sont d’une grande sensibilité, d’une grande délicatesse, d’une belle personnalité.
Et Céline Samie, ancienne du « Français » comme sa mère, joue ce rôle avec un grand talent, une virtuosité qui est émouvante.

Lu « Face à une guerre sainte » de Sylviane Agacinski, paru au Seuil.

 On connaît l’auteure, philosophe, écrivaine prolixe, militante féministe de toujours.
Elle livre là un bien intéressant essai sur cette « guerre sainte », celle de l’islamisme politique qui a durement frappé la France ces dernières années. Ce faisant, en nommant les choses, elle restitue cette guerre dans l’histoire longue des religions et des guerres de religions. En chemin elle démontre avec pertinence que la France n’a pas de problème avec l’islam, ni bien entendu avec les musulmans, mais bien avec l’islamisme, l’islamisme politique, l’islamisme radical. D’ailleurs, les musulmans sont les premières victimes, démontre-t-elle, de cet islamisme, chiffres des victimes de tous les attentats à l’appui. En chemin également elle règle son compte avec ce terme d’islamophobie, devenu l’étendard de tous les communautarismes, inventé par les islamistes pour masquer leur prosélytisme.

Mais c’est sur le terrain du féminisme et de ses liens étroits, indéfectibles avec la laïcité que le livre est précieux, à la fois dans la mesure où l’auteure va chercher loin dans l’histoire combien toutes les religions, sans exception aucune, ont été des vecteurs d’inégalité hommes-femmes et même, disons le mot, de domination des femmes, mais aussi parce qu’elle nous offre une analyse du voile conçu à l’origine comme un «Purda » c’est à dire un rideau pour cacher la femme et qui, paradoxe, aboutit au résultat inverse dans les sociétés comme la nôtre : il signale la femme cachée. Et elle règle son compte à la théorie de la liberté des femmes de porter le voile défendue par les féministes extrémistes en affirmant ce qu’elle appelle «le paradoxe de Martine chez Molière » qui, dans la pièce « Le médecin malgré lui » affirme «et s’il me plait d’être battue ?» . Traduisons: « et s’il me plait de me soumettre en portant le voile ?».
Derrière tout cela se cache la loi de 1905 dite de séparation des églises et de l’Etat que trop d’idéologues réduisent soit à une liberté ( à l’extrême gauche et, hélas, beaucoup à gauche) en oubliant l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen montre bien que nos libertés ont une limite ( ce qui nuit à autrui), soit à des interdits ( à droite et à l’extrême droite )en  oubliant que l’affirmation de la liberté de conscience est, quoiqu’on en dise l’affirmation d’un droit à la différence ( qui ne peut certes pas aboutir à la différence des droits ). Les uns et les autres oublient que la République est un équilibre subtile et prospère entre les droits et les devoirs et que, en particulier, la laïcité est l’affirmation et la protection d’une liberté parmi les plus belles, la liberté de conscience, mais qu’elle la place « dans le respect de l’ordre public », ce qui, en droit n’est rien d’autre que l’ensemble de nos droits et règlements qui définissent notre « commun ». Et dans celui-ci, l’égalité entre les femmes et les hommes, comme le démontre avec force Sylviane Agacinski, tient une place de plus en plus centrale.

samedi 26 novembre 2022

Vu « La maison » le film d’ Anissa Bonnefont avec Ana Girardot et Aure Atika, d’après le roman d’Emma Becker.

 J’avais beaucoup aimé le livre de celle-ci qui racontait avec une grande finesse, une
grand sensibilité, cette expérience d’écrivaine assez étonnante de la prostitution dans une maison close de Berlin. Malgré une très belle prestation d’Ana Girardot, j’ai trouvé que le film était un peu en-dessous. Et je crois que l’explication tient à la grande difficulté qu’il y a à adapter un roman quand son sujet central tient, non pas tant au scénario qu’à la démarche de son auteur. J’avais déjà remarqué cela avec «Ouistreham », l’adaptation du très beau livre de Florence Aubenas, qui, malgré la performance de Juliette Binoche, avait buté sur la même difficulté : retranscrire la subtilité de l’expérience de l’auteure qui s’était délibérément située, pendant de longs mois, « au cœur » du milieu social qu’elle voulait raconter. Il en va de même avec ce film et la démarche de l’écrivaine. D’ailleurs, à la fin du film, en voix off, Ana Girardot reprend dans une conclusion presque trop pédagogique la posture de l’écrivaine explicitant sa démarche. Comme si le film ne l’avait pas bien fait et qu’il fallait y insister.

Vu l’installation de Théo Mercier à la Conciergerie.

 D’abord, il y a le plaisir esthétique et l’émotion de retrouver cette salle mythique,
cette colonnade et ces voûtes du VIème siècle chargées d’histoire ( ce fut une prison sous la Révolution et, notamment, la dernière prison de Marie-Antoinette). Ensuite il y a cette installation dénommée « Outremonde » de Théo Mercier qui y a déposé ….des châteaux de sable. Pour être honnête et précis, ce ne sont pas des châteaux mais ce sont bien des statues de sable et d’eau représentant, étalées à même le sol, des chiens allongés, des lits, des matelas, des colonnes. C’est très bien fait, original, intriguant même (comment cela peut-il tenir ? ), relevant d’une sorte de gageure admirable quand cela représente les plis de tissus ou draps, et assez esthétique. On se promène au milieu de tout cela pendant une petite demi-heure et l’on y passe un beau moment.

Vu « La Fontaine et le confinement » de Fabrice Luchini au théâtre Montparnasse.

Une divagation littéraire de Luchini, seul sur scène bien entendu, pendant plus d’une
heure et demie, presque deux heures, autour du thème du confinement et de trois auteurs : La Fontaine, Pascal et Baudelaire. C’est un véritable régal. Le talent de cet homme est à la fois de faire aimer la littérature avec une sorte de profondeur culturelle évidente, et de divertir voire de faire vraiment rire à partir d’improvisations souvent provoquées par les spectateurs eux-mêmes: là une toux, ici un retardataire ou encore une lumière qui s’allume, un portable qui sonne ….ce qui, au passage,  provoque une critique féroce mais ô combien bienvenue des réseaux sociaux et des selfies ! Bref, l’homme a le talent de vous rendre plus intelligent tout en vous divertissant. 
Je me répète : un régal . 

jeudi 24 novembre 2022

Lu « l’île des chasseurs d’oiseaux » de Peter May, traduit - remarquablement- de l’anglais par Jean-René Dastugue et paru aux Editions Babel Noir.

C’est le premier tome de ce qui est présenté par l’auteur et l’éditeur
comme « La trilogie de Lewis ». Je voulais lire Peter May depuis longtemps et je m’en voulais de retarder sans cesse cette échéance. Ce qui m’a finalement décidé, ce sont deux récents voyages dans les Hébrides, cet archipel du Nord-Ouest de l’Ecosse, l’un il y a quelques années avec ma femme et des amis, l’autre l’été dernier avec trois copains navigateurs sur un voilier lors duquel nous nous fîmes copieusement chahuter dans le Minch, ce bras de mer qui sépare les Hébrides de l’Ecosse, nous obligeant à prendre abri à Stornoway, le port de l’île de Lewis . Par deux fois, je me suis enthousiasmé pour ces paysages d’une beauté sauvage éblouissante, ces falaises de roche noire, le blanc éblouissant du sable des quelques plages nichées entre ces falaises, ces champs de tourbe et ces troupeaux de moutons innombrables, ce climat si changeant et brutal, ces vents violents portés par les dépressions atlantiques qui trouvent là leur premier relief où se défouler, ces pluies à l’horizontale, la chaleur de ces pubs, l’alternance heureuse des bières et du whisky….

Et ma femme, ma principale conseillère en matière de lecture, en avait conclu : «il faut que tu lises Peter May! » J’ai commencé il y a quelques temps par un premier roman qui m’avait beaucoup plu et elle a donc renchéri : «maintenant il faut que tu lises la trilogie de Lewis ».

Me voilà donc dans ce premier tome de cette trilogie.Histoire de suivre l’enquête de l’inspecteur Fin Macleod de retour dans l’île de Lewis 30 ans après l’avoir quittée, sous prétexte que le meurtre qui vient de s’y dérouler ressemble à bien des égards à celui sur lequel il enquête déjà à Glasgow où il vit et où il vient de perdre un enfant de 8 ans. Mais ce retour à Lewis, cette enquête, va lui faire redécouvrir les paysages de son enfance, la maison familiale, le cimetière où sont enterrés ses parents, son école, son collège, des amis d’enfance, son grand amour d’adolescence…et la victime du meurtre qui était à l’école avec lui, vulgaire brute épaisse qui régnait sur sa génération par la force. Au milieu de tout cela : une tradition qui ,depuis des décennies, voit une douzaine d’hommes de Lewis partir chaque année pour deux semaines sur un îlot inhabité au grand large de l’Atlantique afin de chasser des oiseaux maritimes migrateurs afin de nourrir l’île, dans des conditions d’inconfort et de dangerosité absolues. Encore des souvenirs violents…Enquête palpitante et souvenirs douloureux s’entremêlent avec beaucoup de mystère qu’on n’éclaircît qu’à la fin dans les dernières pages et même les dernières lignes.

C’est un grand et beau livre. Très grand et très beau. Bien écrit et bien traduit, avec une intrigue précise et bien menée, des sentiments profonds et souvent poignants, une humanité simple, un rythme haletant, dans ce décor sublime que j’apprécie tant ( fût-ce à petites doses…). Oui, vraiment, un très beau livre. Les deux autres tomes de la trilogie ne sauraient tarder.

jeudi 17 novembre 2022

Vu « Mascarade », le film de Nicolas Bedos avec Pierre Niney, Marine Vacth, Isabelle Adjani, François Cluzet, Emmanuelle Devos, un sacré casting, soit dit en passant, et qui ne peut pas laisser indifférent.

 Une histoire qui se passe sur la Côte d’Azur et même, plus précisément sur la riviera
c’est à dire l’extrême-Est de cette côte, vers Saint Jean Cap Ferrat. Le nec plus ultra du snobisme des très riches, où l’on passe de villas somptueuses en appartements gigantesques, d’hôtels dix étoiles en restaurants luxueux, de yachts à voile ou à moteur plus magnifiques les uns que les autres, de réception mondaine en réception mondaine.

Dans ce petit monde très autocentré vont se rencontrer deux jeunes et belles personnes, un homme et une femme joués par Pierre Niney et Marine Vacth, qui sont là pour des raisons comparables qui se situent entre le parasite et le gigolo. Lui, en particulier, vit aux crochets de femmes plus âgées dont celle jouée par Isabelle Adjani, magnifique. Ils tombent amoureux et vont tendre un piège machiavélique à un promoteur immobilier ( François Cluzet) et sa femme ( Emmanuelle Devos). Il y a un vrai scénario qui se termine par une fin inattendue, du rythme, de magnifiques acteurs et malgré quelques longueurs, ça fonctionne bien et je dois dire que j’ai bien aimé ce film. Si j’ose dire je me suis laissé faire, sans me poser trop de questions politiques si ce n’est au premier degré, celui de la satire cruelle de ce petit monde surfait. Et c’est très divertissant.

mercredi 16 novembre 2022

Vu « Close » le film franco-belge- néerlandais de Lukas Dhont dernière palme d’or et grand prix du festival de Cannes,

 

avec deux adolescents inconnus et magnifiques de vérité et de sensibilité et Emilie
Duquenne et Léa Drucker en mères de familles attendrissantes. Histoire de deux adolescents fusionnement liés d’une amitié merveilleuse qui vont être séparés par un drame à peine évoqué très allusivement, le suicide de l’un. L’autre, survivant au sens pur du terme, silencieux en diable va se rapprocher de la mère du disparu pour chercher à comprendre. Mais comment comprendre l’incompréhensible, le mystère d’une âme tourmentée, comment comprendre un drame qui, par définition, n’a pas d’explication simple ou rationnelle, surtout quand on n’ose pas poser les questions ?

Ce film fait de silences et d’allusions est d’une grande sensibilité et d’une émotion parfois bouleversante . J’ajoute qu’il y a deux scènes qui sont d’une qualité photographique étonnement évocatrices, quand les acteurs, ici un adolescent, là une mère, dans la pénombre et le flou des silhouettes ont des regards brillants, reluisants. Comme pour exprimer que la lumière intérieure des êtres éclairent la grisaille épouvantable de leurs vies. C’est très beau .

Vu le film « Couleur de l’incendie » de Clovis Cornillac

( qui joue d’ailleurs dans son film) d’après le roman de Pierre Lemaitre , avec Léa
Drucker et Benoit Poevoorde et Fanny Ardant. Joli film, fidèle au roman qui était déjà de grande qualité mais l’enrichissant, remarquablement joué( notamment par Léa Drucker qui s’affirme comme une grande actrice et Fanny Ardant, égale à elle-même…) pour illustrer la vengeance d’une femme qui, dans l’entre-deux guerres, se voit dépossédée d’une fortune industrielle et financière que lui avait léguée son père, par le fondé de pouvoir de celui-ci, aussi malhonnête qu’ambitieux. Un très bon moment de cinéma. 

Lu « La désindustrialisation de la France » de Nicolas DUFOURCQ paru aux éditions Odile Jacob.

 Nicolas DUFOURCQ est un inspecteur des finances que je connais bien pour des
raisons personnelles et qui dirige depuis sa création il y a une dizaine d’années la BPI, Banque Publique d’investissement une des rares mais très spectaculaires réussites du quinquennat de François Hollande. Il publie là un livre d’autant plus intéressant sur ce phénomène de désindustrialisation de la France, qu’il décrit, date et chiffre d’une façon incontestable, qu’il est étayé par des dizaines de témoignages d’industriels eux-mêmes, de politiques et de hauts fonctionnaires. C’est très interessant et concret. Trois remarques cependant:

1. D’abord sur les témoignages des politiques de Gauche: dommage que seul Chevènement soit dans cette liste. Car son côté « je l’avais bien dit mais on ne m’a pas écouté « aurait mérité d’être contre-balancé…de hauts fonctionnaires comme Louis Gallois ou Pascal Lamy le font un peu mais quand même, cela manque.


2. Les 35 heures. Sans vouloir vexer l’auteur, je ne m’attendais pas à autre chose que cette descente en flamme des 35 heures compte tenu de la doxa libérale ambiante…mais , car il y a un mais ! Il suffit d’ailleurs de lire Madelin dans le texte : après avoir dénoncé le « non-sens » de la mesure ( on n’en attendait pas moins de sa part…), il ajoute avec une honnêteté inattendue d’une part qu’il n’y a pas eu de surcoût du travail puisqu’elles ont été compensées et, d’autre part, qu’elles ont ouvert un espace de dialogue social appréciable. Tiens donc… alors je renchéris sur Madelin: on ne peut pas dire que la compensation financière des 35h, versée par l’Etat aux entreprises pour éviter l’augmentation du coût du travail et la perte de compétitivité, a représenté une fortune pour les finances publiques, ce qui est vrai et, en même temps, qu’elles ont représenté un surcoût pour les entreprises. Quant au dialogue social, c’est un point qui échappe habituellement aux libéraux mais il est essentiel : les 35h ont fait faire un progrès considérable à celui- ci avec l’annualisation du temps de travail notamment. Et je plaide même pour les vertus économiques de cette dernière car je connais des chefs d’entreprises ( plusieurs ! Et il doit y en voir bien d’autres … Mais ils ne sont jamais cités ni par le MEDEF ni par les médias, ni …dans ce livre) qui m’ont dit « sans la souplesse de l’annualisation, je n’aurais pas sauvé mon entreprise »…
Je suggère un argument différent à l’auteur: si les 35h ont eu un effet négatif sur les entreprises c’est peut-être aussi parce qu’elles ont servi d’exutoire au patronat sur le thème « c’est la faute aux 35h ! », empêchant nombre d’entrepreneurs de se remettre en cause… je reconnais que l’argument est un peu politique mais est-il si faux ?


3. À propos de l’apprentissage, l’auteur indique que les enseignants des lycées professionnels l’ont refusé dans leurs établissements. Ce n’est pas tout à fait exact et je connais bien le sujet car j’étais en charge de ce dossier quand j’étais dans le gouvernement de Pierre Beregovoy et il est dommage que Nicolas DUFOURCQ ne m’en ait pas parlé. La réalité, qui m’a d’ailleurs opposée à Martine Aubry qui avait ce projet, c’est que j’ai fait remarquer au sein du gouvernement qu’il était difficile voire impossible d’avoir au sein des mêmes établissements des jeunes en formation rémunérés et d’autres pas et que pour répondre à la volonté de Martine, il serait préférable de rapprocher les deux systèmes sur le fond. Beregovoy m’a donné raison et nous avons décidé de généraliser l’alternance sous statut scolaire. Ça ne clôt pas le débat mais ça rétablit les faits.


Pour le reste, il y a un point évoqué dans le livre qui, à mon sens, n’est pas assez développé c’est celui de ce que j’appellerais les « exceptions territoriales » : pourquoi alors que cet environnement politico-administratif était si défavorable, certains territoires de la République - cités dans le livre - ont-ils échappé à la désindustrialisation? Ils vivaient et vivent toujours dans le même cadre législatif que les autres non ? Alors pourquoi ? Voilà une réponse qui m’intéresserait bigrement.
Mais le grand mérite de ce livre est de finir sur une note d’espoir, une note d’ailleurs largement imprégnée de l’action de la BPI depuis 10 ans: la France serait enfin sur de bons « rails industriels », à preuve, cette multitude de projets soutenus et qui sont en voie d’éclosion sur le territoire national. J’en accepte volontiers l’augure…

mardi 15 novembre 2022

Lu « Vivre vite » de Brigitte Giraud, paru chez Flammarion, le prix Goncourt 2022.

 

Brigitte Giraud est une autrice expérimentée qui a déjà publié une dizaine
 de livres dont un, « L’amour est très surestimé », avait reçu le Goncourt de la nouvelle en 2007. Ce roman est le récit du drame de la vie de l’auteure: elle a perdu son compagnon en 1999, des suites d’un accident de moto à Lyon où ils habitaient. Elle avait 36 ans et un jeune enfant d’âge scolaire…et il lui aura fallu plus de 20 ans pour acquérir ( conquérir ?) la distance nécessaire pour écrire sur cet évènement douloureux.

Le parti- pris littéraire est assez original puisqu’elle énumère une vingtaine de « si » comme autant d’éventualités non avérées qui aurait empêché l’accident : si son frère ne lui avait pas déposé en gardiennage cette moto dangereuse, s'il n’avait pas plu, s’il était passé au feu orange, si elle l’avait appelé depuis Paris pour lui dire qu’il n’était pas nécessaire d’aller chercher leur fils à l’école, si, si, si…
La seule critique que l’on puisse faire à ce livre est relative à cette liste de «si»: certains sont tirés par les cheveux, mais c’est sans doute parce qu’ils sont si personnels qu’ils peuvent apparaître abscons, d’autres plus évidents paraissent manquer mais c’est peut-être parce qu’ils sont trop sociétaux…
Pour le reste c’est un livre triste, un livre de deuil, très bien écrit, extrêmement facile à lire, et d’une belle sensibilité souvent émouvante. Peut-être pas un chef d’œuvre mais un bon Goncourt.

Lu « Le mage du Kremlin » de Giuliano da Empoli paru chez Gallimard, grand prix de l’Académie Française, le livre arrivé premier ex aequo au Goncourt mais battu au 14ème tour de scrutin par la voix double du président du jury.

 L’auteur est un universitaire italien, proche de Matteo Renzi dont il fut un adjoint à la
mairie de Florence et son conseiller à la présidence du Conseil, auteur, chercheur, dirigeant d’un think-tank, très francophile puisqu’il enseigne aussi à Sciences Po Paris.

Son livre est un magnifique exercice de fiction - c’est un roman !- remarquablement assis sur une étude très approfondie sur le parcours de Poutine, sa personnalité, ses méthodes, ses décisions mais aussi des sondages et études d’opinion sur la société russe. Le parti pris littéraire est assez simple puisqu’un chercheur européen ( l’auteur ? Peu importe…) recueille les confidences d’un ancien conseiller de Poutine, Baranov, qui fut avant l’accession au pouvoir de celui-ci, un homme de télévision, producteur de spectacle, avant de devenir son conseiller en communication puis son conseiller politique et confident, avant de prendre ses distances…et de se confier à l’auteur, sans amertume mais avec une grande lucidité. Baranov est le seul personnage fictif encore qu’il soit inspiré d’un autre conseiller de Poutine. Tous les autres noms sont vrais. Baranov, donc, se livre et c’est passionnant, surtout, évidemment, en cette période où Poutine est au cœur de l’actualité mondiale et des inquiétudes généralisées face à sa guerre ukrainienne. Ce qui est remarquable dans ce livre, c’est qu’il met en valeur des traits du peuple russe que Poutine exploite, parfois cyniquement, pour asseoir son pouvoir: la détestation de la faiblesse et son corollaire le besoin d’autorité, la soif de grandeur et sa conséquence impérialiste, en Géorgie, en Crimée, en Ukraine, la construction - parfois artificielle- d’une identité nationale « contre » l’Occident.
Alors, bien sûr, on aimerait en savoir plus sur la frontière entre la fiction et la réalité dans cette accumulation d’informations d’une grande richesse mais, au fond, on est vite emporté par la conviction que la réalité n’est pas seulement loin de la fiction, elle la dépasse….
Ce livre est remarquable et passionnant, il aide à comprendre le monde tel qu’il est.

lundi 7 novembre 2022

Lu « La Belle époque » de Franz-Olivier Giesbert, deuxième tome de «L’histoire intime de la Vème République » que Gallimard a commandée à l’auteur.

 Le premier tome essentiellement consacré à De Gaulle m’avait beaucoup plu par son  
rythme, son enthousiasme, cette obsession d’aller chercher l’intime des responsables politiques sans jamais fouiller dans les poubelles, avec cette volonté intéressante d’éclairer bien des décisions par la personnalité de leur auteur, son caractère, ses angoisses. Une sorte de «face cachée » de l’histoire qui explique autrement les choses. Eh bien ce deuxième tome est à l’image du premier, passionnant et jubilatoire. La période racontée couvre les Présidences de Pompidou et Giscard, et l’on a la confirmation que Giesbert est l’incarnation du proverbe « qui aime bien châtie bien »: il aime les chefs d’Etat et de gouvernement, les grands responsables politiques, il apprécie leur fréquentation, intime si possible, et ne s’en trouve en rien prisonnier: c’est pour mieux les critiquer sans retenue. Et même si c’est parfois romancé et invraisemblable, c’est très passionnant.

Vu « La conspiration du Caire » le film du suédois Tarik Saleh, dont le père est égyptien, sélectionné officiellement à Cannes cette année, où il a obtenu le prix du scénario.

 L’histoire se passe au sein de la grande mosquée Al Azhar du Caire qui est aussi
une Université, grand phare de l’islam sunnite, qu’on qualifiera de «plutôt modérée» mais qui est, on le devine, en proie à bien des tensions. L’histoire raconte comment les services de la police politique du régime actuel, celui du Maréchal Al Sissi, à l’occasion de la mort du recteur de la grande mosquée et du processus de désignation de son successeur, s’assurent de mettre hors-jeu un candidat suspecté de connivence avec l’islamisme radical. Mettre hors-jeu s’entend, bien sûr, « par tous les moyens» ce qui n’étonne en rien de la part d’un régime aussi peu démocratique. Critique ferme et dénonciatrice ô combien méritée cela va sans dire, au travers d’un scénario conçu de l’intérieur de la mosquée, au milieu des étudiants. Et c’est plutôt bien fait et convaincant . Mais ce qui gêne dans cette approche, c’est son parti-pris visant bon an - mal an, à faire des islamistes radicaux des victimes, passant par pertes et profits les déviations antidémocratiques des islamistes du temps du régime de Morsi. Je partage cette critique radicale du régime égyptien actuel, mais n’arrive pas à absoudre le régime précédent. Et c’est d’ailleurs bien le drame du peuple égyptien qui, tel Moïse, tombe de Charybde en Scylla….

Vu « La femme qui danse » , spectacle chorégraphique du Théâtre du Corps, conçu et choregraphié par Marie-Claude PIETRAGALLA et Julien DEROUAULT, et dansé par la première nommée, seule en scène.

 Un joli spectacle, fruit naturel d’une vie de danseuse aux expériences multiples, à la
sensibilité exacerbée, à la curiosité artistique et culturelle presque sans limites.
Un spectacle d’une grande diversité où l’on va jusqu’à découvrir ce que les images numériques peuvent apporter à la chorégraphie, et où Pietra , comme on l’appelle dans le monde de la danse, l’immense danseuse rend de bien beaux hommages à deux magnifiques danseurs et chorégraphes hélas disparus: Rudolf Noureev et Patrick Dupont. La fin de l’hommage à ce dernier est d’ailleurs l’objet d’un moment de grâce: ayant dansé cet hommage dans un grand voile de plastic transparent léger, elle finit par en déchirer un morceau qui devient une feuille volant dans le vent et avec laquelle elle joue, lui redonnant de l’altitude en soufflant dessus, dans des attitudes d’une élégance rare et d’une poésie achevée…

jeudi 3 novembre 2022

Vu « L’innocent » le film de Louis Garrel avec Anouk Grinberg, Roschdy Zem, Noémie Merlant et…Louis Garrel lui-même.

 Le sujet: Abel, une trentaine d’années, apprend que sa mère qui anime des actions
culturelles en milieu pénitentiaire, va se marier avec un détenu. Ça l’inquiète au plus au point de sorte qu’à la sortie de prison de son beau-père, il le surveille étroitement. Le type est sympa, très sympa mais la manière dont il a offert un magasin à sa nouvelle femme est intrigante…. Et Abel va se retrouver embarqué malgré lui dans une aventure rocambolesque.

Le film est une comédie policière parfois burlesque et détendante. Les acteurs y sont de grande qualité, assurément. Mais je n’y ai pas trouvé le «bijou » dont certaines critiques m’avaient parlé…..

mercredi 2 novembre 2022

Il y a quelques jours est née la Fondation Kader Belarbi dont j’ai l’honneur d’assumer la Présidence.

 Son nom est celui de l’ancien danseur étoile de l’Opera de Paris, chorégraphe et
directeur du corps de ballet de l’opéra national du Capitole à Toulouse depuis quelques années déjà. Avec lui, un groupe d’amis liés par l’affection portée à Kader d’une part, et la passion partagée de la danse d’autre part, se sont réunis pour faire connaître son œuvre, ses créations, et diffuser la danse vers tous les publics et, en particulier, ceux qui en sont trop souvent privés.

Pour baptiser cette Fondation il y a quelques jours, au Carreau du Temple à Paris, nous avons présenté la restitution d’un travail réalisé par Kader dans un collège de La Courneuve dans le 93, avec 17 adolescents de 6ème et 5ème, pendant quelques ateliers de 2 heures répartis depuis la dernière rentrée scolaire. Ces 17 gosses, 14 filles et 3 garçons étaient magnifiques, attachants, émouvants et ont démontré à merveille ce que notre Fondation souhaite développer.

lundi 31 octobre 2022

Je viens de publier « Itinéraire d’un militant » aux éditions Le Bord de l’Eau avec la Fondation Jean Jaurès.

Le fruit naturel d’un exercice de dialogue enregistré, auquel la Fondation Jean Jaurès
invite un certain nombre de responsables politiques socialistes de ces 50 dernières années, histoire de constituer une vidéothèque riche et originale. J’ai donc enregistré ce dialogue il y a un an environ avec un homme que je connais et apprécie , Emeric BREHIER, ancien député socialiste, professeur à Sciences Po- Bordeaux et directeur du département d’études politiques de la Fondation Jean Jaurès. Je n’ai qu’un reproche à faire à Emeric: dans sa préface, il situe mon département de domicile et d’élection pendant près de trente ans dans les Pyrénées orientales …alors que chez moi, les Pyrénées sont « hautes ». Pas très grave mais quand même…

L’occasion pour moi de revenir sur mon histoire personnelle avec François Mitterrand, longue d’une dizaine d’années de collaboration, de seize années d’amitié, mais aussi de parler de Jospin, un grand Premier Ministre, de mon implantation dans les Hautes-Pyrenées justement, de mon amour du Parlement et, bien sûr, de cette valeur si essentielle qu’est la Laïcité. L’occasion de faire un point d’étape …

 

Lu « Les années» d’Annie ERNAUX paru chez Gallimard.

Un livre paru en 2008 soit 14 ans avant que l’auteure ne reçoive le Prix Nobel de
littérature. Je n’avais lu d’elle jusque là que son «Jeune homme » dans lequel, en 70 pages à peine, elle relatait sa liaison avec un homme ayant trente ans de moins qu’elle, et je dois dire que cela ne m’avait point convaincu. Ni sur le fond ni sur la forme. Mais comme, avec l’âge, je m’efforce de ne pas m’en tenir aux premières impressions et d’écouter les autres points de vue, les Nobel m’ont décidé à y revenir. Eh bien, bien m’en a pris: voilà un livre très séduisant intellectuellement et en sensibilité. Voyons, on ne dit pas l’âge d’une femme mais disons que l’auteur est née au début de la deuxième guerre mondiale. Elle publie ce livre en 2008 soit 68 ans plus tard. 68 années qu’elle va raconter dans ce qui reste une autobiographie mais de caractère très inusité : une autobiographie plus sociétale que personnelle, plus collective qu’individuelle, plus pointilliste qu’analytique. A partir de photos de l’auteur décrites soigneusement à des périodes différentes, depuis la naissance à Yvetot où ses parents tenaient un bistrot-épicerie, marque sociale à laquelle elle restera fidèle toute sa vie, jusqu’à sa vieillesse dans la maison de Cergy, en passant par ses longues et brillantes études littéraires et les étapes de son métier d’enseignante, on nous amène à survoler la période, les chansons à la mode, les grands événements internationaux, l’actualité politique, l’évolution des mœurs, la montée du racisme et de l’extrême-droite autant que le frigidaire dernier cri, les vedettes de la télé du moment et leurs émissions à succès, les grèves ou les goûts alimentaires des enfants. Cela peut paraître superficiel dit comme cela - et ça l’est terriblement quand elle parle de politique notamment- mais au total, et pour employer une expression tirée d’une des écoles de l’impressionnisme qui me paraît très adaptée, ce pointillisme-là est à la fois très évocateur, personnel et sensible. Et, donc, très original.


 

vendredi 28 octobre 2022

Je ne connais pas le nouveau Ministre de l’Education Nationale, Pap N’Diaye, et me garderai bien de le juger a priori, attendant de comprendre et mesurer sa politique dans un domaine si essentiel pour la République.

Son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, avait fait quelques bonnes choses - je pense au dédoublement des classes de primaire en ZEP, ou à la mise en place d’un conseil des sages de la Laïcité - mais à force d’étaler son arrogance de haut fonctionnaire « qui sait tout et ne négocie rien », a fini par se mettre toute la communauté éducative à dos…et s’est impuissanté.
J’ai donc lu avec un grand intérêt l’entretien que le nouveau Ministre a accordé au journal 
Le Monde la semaine dernière pour essayer de comprendre ses objectifs. Un entretien plutôt imprégné de sagesse, de mesure et de prudence. L’homme assurément est moins arrogant que son prédécesseur.
Et puis, il est interrogé sur la laïcité et là, malheureusement, les choses se sont gâtées puisqu’il a lâché cette formule édifiante : « il faut faire de la pédagogie et défendre une laïcité positive, et non synonyme de contrainte ou d’interdiction ». Intention respectable et sans doute utile face à toutes ces enquêtes qui montrent que les jeunes générations, en particulier dans nos banlieues ne voient dans la laïcité qu’une agression contre leurs libertés, mais expression malheureuse, très malheureuse.
« LAÏCITÉ POSITIVE »….nous y voilà, ou plutôt nous y revoilà. J’imagine que notre nouveau Ministre ne savait pas que cette formule avait fait l’objet d’un couronnement présidentiel avec Nicolas Sarkozy dont on se souvient de l’engagement laïque si exemplaire. L’expression avait d’ailleurs été évoquée auparavant par le Vatican.
J’imagine également que le Ministre n’avait pas lu la si brillante et convaincante explication de mon ami et compagnon de tant de combats, Henri PENA RUIZ, pour qui « adjectiver la laïcité c’est forcément la réduire ».
Car allons au fond des choses: s’il existe une laïcité positive ce serait qu’il en existe une, négative. Or, on ne voit pas comment la protection de la plus intime des libertés, la liberté de conscience, pourrait être « négative ». En particulier, face aux nombreuses victimes des intégrismes religieux depuis des siècles, on ne sache que la laïcité ait jamais provoqué mort d’homme…
Alors d’où viennent ces sornettes ?
Eh bien me semble-t-il, à cause de la captation du débat sur la laïcité par des extrêmes opposés qui parlent beaucoup de laïcité mais ne sont que ce que j’appelle des laïcs hémiplégiques : les libertaires d’une partie de la Gauche et de l’extrême-gauche d’un côté, les assimilationnistes autoritaires de la Droite extrême et de l’extrême-droite d’autre part. D’un côté on dit que la laïcité est une liberté et qu’il est « interdit d’interdire » comme on le disait en 1968, de l’autre on ne veut pas entendre parler de droit à la différence et on veut faire de la laïcité un combat contre « l’Autre », une arme de défense de l’identité nationale. Les droits d’un côté, les devoirs de l’autre.
Et les uns et les autres sont symétriquement hémiplégiques car ils oublient que la République et la citoyenneté sont des constructions équilibrées de droits ET de devoirs.
Le Ministre, comme tous les libéraux, défend les libertés et les droits, et il oublie les devoirs. Il méconnaît la loi de 1905 dite « loi de séparation » qui, certes, affirme la liberté de conscience, mais place celle-ci dans le cadre du respect des mesures d’ordre public, c’est-à-dire l’ensemble des lois et règlements de la République.
Il croit défendre les droits de l’homme mais il oublie que la déclaration universelle des droits de l’homme, dans son article 4 précise que la liberté se limite à « tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Toujours l’équilibre entre droits et devoirs.
Dommage pour un Ministre de la République….


Lu « Les vertueux » de Yasmina Khadra paru aux Editions Mialet-Barrault.

Khadra, qui fut plus de 25 ans militaire dans l’armée algérienne, s’est reconverti dans
la littérature et a écrit un grand nombre de romans, policiers pour la plupart, mais aussi consacrés à la violence systémique dans le monde musulman ( dont le magnifique « Les hirondelles de Kaboul » ).
 

Il change totalement de registre pour livrer ici une fresque pluri-décennale, et faire le récit de la vie d’un algérien entre les deux guerres mondiales. Issu du bled le plus pauvre de l’oranais, il part « pour le compte d’autrui» acheté par un chef tribal pour remplacer son fils, comme tirailleur dans l’armée française et connaître la tragédie des tranchées de Verdun. Retour au pays indemne avec une citation à l’ordre de l’armée, il n’en tirera aucun avantage et connaîtra une réadaptation aussi tumultueuse que douloureuse dans l’Algérie colonisée qui commence ça et là à se rebeller, puisqu’il passera de longues années en prison après avoir été victime d’une manipulation d’une riche commerçante d’Oran, et perdra complètement de vue femme et enfant. 

Une longue quête émaillée de rebondissements en tous genres le ramènera vers eux pour une vieillesse apaisée. 

Un joli livre plein d’humanité et d’émotions fortes.

mercredi 26 octobre 2022

Lu « Il n’y a pas de Ajar . Monologue contre l’identité » de Delphine Horvilleur paru chez Grasset.

On connaît Delphine Horvilleur, rabbin laïque, religieuse libérale, qui a percé dans
l’opinion avec son livre « Vivre avec nos morts », femme de sagesse et d’humanisme. Ce petit livre ( 88 pages) qu’elle nous propose, avec ce titre en jeu de mots ( il n’y a pas de hasard !…), est un drôle de plaidoyer contre la logique identitaire à partir de l’histoire d’Emile Ajar, prix Goncourt en 1975, qui n’était autre que le pseudonyme de Romain Gary ( qui avait déjà obtenu ce prix en 1956 avec Les racines du ciel). L’auteur se fait fils d’Emile Ajar, ce père inventé par Gary , et cherche à comprendre cette filiation : filiation d’une lignée ou bien des livres lus. « Nature ou culture». On le devine, l’auteur répond « Culture » sans hésitation, et son choix se transforme en plaidoyer contre tout raisonnement identitaire, réducteur par essence. Soit. Mais c’est un chemin de traverse dont on approuve la conclusion sans bien en comprendre les méandres, surtout quand l’auteur en trouve l’explication dans la culture juive, comparant Gary à un « dibbouk », ces êtres mystérieux qui collent à la peau et hantent votre existence….

lundi 24 octobre 2022

Lu « L’attrape rêves » de Daniel HERRERO aux Editions Équateurs.

 L’ami Daniel, car c’est un ami, n’est pas seulement ce passionné de rugby, fils de
joueur, frères de joueurs internationaux, joueur lui-même, entraîneur entraînant, conteur enflammé de l’ovalie , commentateur bouillonnant de matchs de rugby, c’est aussi un véritable humaniste. Un homme qui a le goût de l’Autre ( je mets une majuscule à dessein) qui aime aller vers l’Autre, découvrir l’Autre. A ce titre, c’est peu dire qu’il aime voyager ! Une sorte de passion. 

Et dans ce joli livre, il nous conte quelques unes de ses aventures de voyages qui révèlent ô combien cette aptitude et ce goût profond. Il se trouve que j’ai voyagé quelques fois avec lui et que j’ai partagé certaines des anecdotes qu’il relate, au Spitzbzerg avec l’ours blanc, en Ouganda avec les gorilles, à Scylla ( je crois bien être le Jeannot qu’il évoque, transformé ce jour- là en sauveteur en mer), ou à Delphes. 

J’ai partagé ces moments mais je ne les relaterais pas de la même façon ! Car nous n’avons pas le même regard, la même sensibilité et, surtout, je n’ai pas la même poésie provençale, la même imagination créatrice. Mais comme je le retrouve dans ces pages ! Celles, je l’ai dit d’un vrai humaniste pour qui l’universel a du sens.

Oh ! Dany !! On repart ?

dimanche 23 octobre 2022

Lu « connard » de Virginie Despentes paru chez Grasset.

 Le succès littéraire de la rentrée. Un livre original et dense, pas


toujours facile à lire, souvent répétitif, mais jamais anodin. Un échange épistolaire sur le net entre quatre acteurs, un homme et trois femmes: un auteur à succès accusé d’avoir harcelé l’attaché de presse de sa maison d’édition; cette dernière adepte, on le comprend, d’un féminisme très radical; la sœur de l’auteur, homosexuelle assumée ; et, enfin, une actrice à succès d’âge mûr, femme à hommes et autres addictions.

On y parle de sexe, bien sûr, de féminisme évidemment, de féminismes plutôt avec un « s » , de drogue beaucoup, des ravages de la notoriété, et incidemment de la violence desocialisante des réseaux sociaux. C’est ce procès-là qui m’a le plus intéressé.

Vu « Tori et Lokita » le film des frères Dardenne, Palme d’or, Grand Prix du festival de Cannes.

 Un coup de poing au plexus. 

Un jeune garçon, 9 ou 10 ans peut-être, et une adolescente de 13 ou 14 ans arrivent tout droit d’Afrique en Belgique. Les méandres de la bureaucratie font que lui est en situation régulière mais elle non. Leur amitié indéfectible et, à bien des égards, bouleversante, va les voir affronter très solidairement les difficultés et les violences de leur situation. Ils vont très vite tomber entre les pattes de trafiquants de drogues qui vont les instrumentaliser et les entraîner dans une violence indicible. 

Ces deux gosses sont magnifiques de naturel et de tendresse. Leur histoire est hélas vraisemblable et, au bout du compte, révoltante.

Un très beau film.

Vu deux films tournés « autour » des attentats de Paris en novembre 2015:

- « Revoir Paris » de Alice Winocour avec Virginie Efira et Benoît Magimel. Un


homme et une femme qui étaient assis à des tables voisines dans une des brasseries attaquées par les terroristes, et qui n’avaient en ce moment douloureux échangé qu’un regard, tous deux blessés grièvement, se retrouvent quelques années plus tard par le biais d’une association de victimes et son groupe de parole. Une liaison va naître entre eux, qui va devoir dépasser leurs traumatismes, physiques et psychologiques. Il y a une scène assez poignante où on les voit faire l’amour et, découvrant leurs corps, s’arrêter sur leurs cicatrices respectives. Un assez beau film, sensible et très bien joué.


-« Novembre » de Cédric Jimenez, le réalisateur de « Bac Nord, avec Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain et Anaïs Demoustier.  

Une plongée dans la brigade antiterroriste pendant les cinq jours qui ont suivi les
attentats, jusqu’à la fusillade impressionnante qui a clôturé l’enquête en même temps qu’elle a permis la « neutralisation » de celui qui est considéré comme le chef du commando, dans un vieil immeuble de Seine-Saint Denis où il avait trouvé une planque.
 

Une démonstration froide, presque mécanique du travail des policiers anti-terroristes où l’on découvre par exemple que ce terroriste-là avait échappé aux policiers à Athènes quelques mois plus tôt ou qu’une jeune inspectrice a flirté avec les procédures pour vérifier une piste…fructueuse, où bien qu’une informatrice précieuse - qu’on peut presque considérer comme une «repentie» - a joué un rôle déterminant. ( mais pourquoi donc le réalisateur l’a-t-il affublée d’un voile, obligeant l’intéressée dans la vraie vie à démentir ce détail ?? Troublant comportement …). C’est interessant, presque comme un documentaire sur le travail des policiers tellement l’équipe du film s’est plongée dans ce milieu et y a fait un quasi- travail d’ethnologue. Mais, à l’inverse de « Bac Nord » que j’avais beaucoup apprécié pour sa violence brute de décoffrage, cet aspect du travail des policiers fait de renseignement, de recoupements, d‘enquêtes discrètes est bien moins cinégénique. Et les trois principaux acteurs, qui ne manquent pourtant pas de talent d’habitude, ne sont pas vraiment convaincants dans leurs rôles.