lundi 27 février 2023

Lu « AVERS. Des nouvelles des indésirables » de Jean-Marie Gustave Le Clezio paru chez Gallimard.

 On savait notre prix Nobel de Littérature humaniste et voilà qu’une
nouvelle fois, il le confirme ô combien. Cet homme considère qu’écrire est d’abord et avant tout un moyen de diffuser des idées  et en décrivant des parcours de vie de ce qu’il appelle des « indésirables », son projet est de faire naître chez ses lecteurs un sentiment de colère voire de révolte face à l’injustice qui les frappe. Et ça marche bien : au travers d’une petite dizaine de nouvelles, du Sud de l’océan indien, dans l’île Rodrigues cette perle à une encablure de son île chérie, Maurice, jusqu’à la Colombie dans cette Amérique latine qu’il a tant fréquentée, son talent d’écriture autant que sa sensibilité si ouverte sur « l’autre », ce frère, cette sœur de notre fratrie, l’ humanité provoquent naturellement émotion et solidarité. A lire absolument.

mercredi 22 février 2023

Lu  « La mort heureuse » d’Albert Camus paru dans la collection Folio.

 Je croyais avoir tout lu de Camus quand un de mes étudiants m’a fait découvrir ce
roman écrit en 1936-37 mais publié seulement après sa mort, en 1971. On dit de ce livre qu’il fut le brouillon de « L’étranger » écrit à partir de 1938, après l’abandon de ce manuscrit, et publié en 1942 même si Camus avait tout repris de zéro. De fait, même si ce livre est écrit non pas à la première personne comme l’Etranger mais à la troisième, Mersault a précédé Meursault et tous les deux sont des assassins. Mais si Meursault fut emprisonné et condamné, son prédécesseur ( dans le temps de l’écriture) réalisa un crime « parfait », jamais soupçonné. Et dans leur Algérie commune, l’un trouvera la sérénité aux portes de son exécution quand l’autre aura passé sa vie à courir après le bonheur, par le voyage, les femmes, le retour au pays, la construction d’un havre. Un parcours assurément nourri de la jeunesse difficile et ardente de l’auteur et de ses réflexions sur le bonheur qu’on retrouve aussi dans « Noces » ou sur l’argent comme cette célèbre sentence : « Je suis certain qu’on ne peut être heureux sans argent. Voilà tout. Je n’aime ni la facilité ni le romantisme. J’aime à me rendre compte. Eh bien, j’ai remarqué que chez certains êtres d’élite il y a une sorte de snobisme spirituel à croire que l’argent n’est pas nécessaire au bonheur. C’est bête, c’est faux, et dans une certaine mesure, c’est lâche. »

En tout cas, c’est un petit roman de Camus qui se lit presque comme un polar sauf qu’il amène à réfléchir aussi…

samedi 18 février 2023

Lu « Histoire d’un ogre » d’Erik ORSENNA paru chez Gallimard.

 Le choix de cet éditeur est au cœur de la naissance de ce livre car Erik n’était pas un
« auteur Gallimard » : il le devient. Pourquoi ? Pour fuir ses traditionnels éditeurs ( Stock principalement, Fayard et quelques autres) placés désormais sous l’emprise de « l’ogre » dont il raconte l’histoire sous la forme d’un conte voltairien. L’ogre, bien évidemment, c’est Vincent Bolloré mais son identité n’est jamais citée et son histoire ici racontée est, on le devine un pamphlet catégorique sans être excessif. Mais l’aptitude du breton de l’Odet à dévorer les entreprises à coups de raids capitalistiques, bien loin de l’entrepreneuriat industriel classique y est décrite de façon à la fois sévère et drôle. L’auteur est un homme bien élevé et les coups en-dessous de la ceinture, notamment sur la vie privée, ne sont pas son genre. C’est très amusant à lire car le pamphlet n’est pas obsessionnel : il est noyé dans une tranche de vie de l’auteur, parsemé d’anecdotes autobiographiques, et de récits de rêves amusants. Et sa conclusion « Ah si les bretons connaissaient mieux le Tibet » , ode à l’ascétisme tibétain face à l’appétit dévorant de l’ogre, est à l’image du livre : drôle et convaincant.

dimanche 12 février 2023

Lu « Le silence et la colère » de Pierre Lemaitre, paru chez Calmann-Lévy.

 La suite de la saga de la famille Pelletier: après l’entre-deux-guerres du Grand
Monde, voici les années d’après-guerre, fin des années 40 et début des années 50. Les parents sont toujours à Beyrouth où le père, avec l’argent de sa savonnerie, se pique de soutenir un boxeur freluquet, dont il fait monter artificiellement la côte histoire de spéculer… sur ses adversaires ! 

Les trois enfants, après la mort de leur frère en Indochine, vivent à Paris: François est journaliste et vit avec Nine, jolie femme sourde qu’il découvre kleptomane et alcoolique; Hélène est aussi journaliste et, enceinte, enquête sur la construction d’un barrage dans l’Yonne qui va entraîner la disparition d’un village ; et Jean, personnage fade mais dont on se souvient qu’il a déjà assassiné une femme dans un train, dominé par sa femme odieuse et manipulatrice, cherche à réussir sa vie dans le lancement d’un magasin de fringues place de la République….
Tout cela est décrit par l’auteur dans un bouillonnement incroyable de détails et de rebondissements inattendus fruit d’une imagination créatrice digne de lui.
Un intéressant aspect de ce roman - parmi tant d’autres !- est ce récit du vécu d’une femme - et d’un médecin- dans sa volonté de subir une IVG à une époque où cela ne relevait pas seulement de l’interdiction mais du pénal et où des équipes de policiers étaient spécialisées dans la traque de ces «criminels » avec des méthodes très directement inspirées du régime de Vichy…
Bref, cela va sans dire, tout cela est d’une formidable humanité et mérite indiscutablement une lecture aussi distrayante qu’émouvante ou instructive.

mardi 7 février 2023

Lu « Autour d’une bouteille avec Henri DUBOSCQ » , de Gilles Berdin aux Editions Elytis.

 Henri DUBOSCQ est d’abord un ami de 40 ans ce qui, on en conviendra, n’est pas


une mince affaire. Il est aussi le propriétaire -exploitant du Haut-Marbuzet à Saint-Estèphe, mon vin préféré, le vin de ma vie…Une exploitation familiale vieille de 70 ans ce qui, aux prix actuels des hectares de vignes dans le bordelais, entraînant les investissements faramineux des milliardaires divers, relève de l’exploit. Et Henri est un humaniste qui parle de ses vins comme il parle des hommes et des femmes, avec tendresse, avec amour, avec passion. Car Henri est un homme du verbe et sa truculence n’a d’égale que sa culture, et son attachement à sa terre à sa fidélité à son histoire familiale.

Cet entretien avec l’auteur est à l’image de l’homme: très, très attachant.

Je suis allé participer à la manifestation sur le projet « retraites ».

 Je suis vieux et retraité , évidemment favorisé, mais je voulais dire ma solidarité avec ceux qui luttent dans le cadre d’une unité syndicale bienvenue.

Ma condamnation de ce projet est catégorique :


  • sur la forme car le refus d’avoir une vraie négociation avec les partenaires sociaux pour obtenir un vrai compromis est exaspérant et significatif. Le Président et son gouvernement ont refusé la main tendue par Laurent Berger, dirigeant du premier syndicat de France et homme de responsabilité courageux. Il a préféré négocier avec Ciotti. C’est clair non ?

  • sur le fond car cette obsession de la mesure d’âge est confondante. On raisonne par affichage de symboles….mais surtout elle est injuste ! Le gouvernement peut raconter ce qu’il veut, il y a une différence politique majeure entre les mesures d’âge et la durée de cotisation. Une mesure d’âge s’appliquant à tous sans distinction est par nature injuste car elle ne différencie pas les plus défavorisés des autres, les carrières longues des plus courtes, les métiers pénibles des autres, les femmes des hommes etc…alors, après, on essaye de poser des rustines mais c’est trop tard ! 

    Cette différence majeure est, si j’ose dire, celle qui distingue la droite de la gauche, une distinction qui reprend des couleurs qu’elle n’aurait jamais dû perdre….c’est peut-être le seul mérite de ce débat.


    Voilà ce que je voulais signifier par ma présence aujourd’hui.

Lu, relu, feuilleté, consulté « Notre revanche sera le rire de nos enfants » de Sorj Chalandon, recueil des articles de reportages de l’auteur en Irlande pour Libération entre 1977 et 2006.

 Quand on aime l’Irlande passionnément comme moi, ce pays comme ce peuple, cespaysages comme cette culture celte, on est depuis longtemps gâté par Sorj Chalandon, journaliste et écrivain marqué du sceau de l’humanisme et de la sensibilité qui y a consacré de longues années d’enquête, notamment lors du long et douloureux conflit politique, démocratique, religieux marqué par une grande violence. Sorj Chalandon a déjà écrit plusieurs ouvrages passionnants sur ce conflit dont le très émouvant « Retour à Killybegs » que j’avais beaucoup aimé. Et voilà un recueil d’articles de l’époque. J’avais lu la plus grande part de ces articles mais je les ai relus avec émotion et toujours avec la même admiration amicale pour cet homme qui a quitté Libé pour le Canard où il tient une chronique sur la télévision où on retrouve ses mêmes qualités.