lundi 9 octobre 2023

Vu « Bernadette » le film de Léa Domenach,

    avec Catherine Deneuve dans le rôle de Bernadette Chirac, Sara Giraudeau dans celui de Claude Chirac, Michel Vuillermoz dans le rôle de Jacques Chirac et Denis Podalydès dans celui de Bernard Niquet, conseiller personnel de Bernadette Chirac.


Le récit de la vie de Bernadette Chirac, longtemps marginalisée, instrumentalisée, trompée, méprisée qui finit par se rebeller et revendiquer une indépendance révoltée que rien, et notamment ni son éducation ni sa culture, ne laissait entrevoir.
D’abord, tous ces acteurs sont vraiment formidables à commencer par Deneuve et Vuillermoz qui incarnent le couple présidentiel à merveille. Ensuite le ton du film, enlevé, rythmé, drôle souvent, est très agréable. C’est léger, entraînant distrayant.
J’ajoute que, politiquement, le fait que Chirac, Villepin ( le « stratège » dit Madame Chirac) ou Sarkozy ( le « traître » dit Chirac) soit égratignés n’a rien de déplaisant.
D’où vient alors un léger sentiment de malaise ?
Au fait que cette fiction car c’est une fiction qui joue avec la réalité au point de la tordre parfois ? Par exemple en inventant que ce serait un AVC qui aurait empêché Chirac de se représenter une troisième fois alors que c’est tout simplement la Constitution de la République qui l’interdisait ? Mais quand on joue une fois avec la réalité qui nous dit qu’on ne joue pas plus souvent ?
Ou bien au fait qu’on nous fait plonger dans l’intimité familiale et que cela peut flirter avec une forme d’indécence ? 

J’ai été très mal à l’aise avec la mise en scène des troubles neurologiques de Chirac après son AVC, ou bien celle de Laurence Chirac , l’autre fille, anorexique, du couple, disparue il y a quelques années et, même si son incarnation est digne et sobre, j’ai trouvé ça de mauvais goût.

Bref un film hybride, original, bien foutu mais gênant. 

mercredi 4 octobre 2023

Lu « Beyrouth sur seine » de Sabyl Ghoussoub paru chez Stock, un livre qui a obtenu le Prix Goncourt des lycéens en 2022.

  L’auteur est né en France en 1988, de parents libanais émigrés. On dira qu’il est
franco-libanais tant son éducation, sa culture, sa vie sont partagées entre les deux pays. Partagées au sens physique du terme tant son récit est imprégné de l’interrogation permanente : partir- revenir. 

Partir vivre au Liban comme sa mère le souhaite tant, revenir en France que son père ne veut pas quitter. Alors, comme on ne tranche pas, on part et on revient , on part et on revient… Sabyl Ghoussoub est journaliste, cinéaste, commissaire d’exposition et écrivain bien sûr. Un homme de culture éclectique. Ce livre est son troisième roman, construit à partir de nombreux entretiens avec ses deux parents afin qu’ils lui racontent le Liban d’avant sa naissance. Le Liban et ses si nombreux soubresauts de violence, la guerre ( civile ?) des années 75 et suivantes et sa barbarie insupportable, l’invasion de l’armée israélienne avec l’opération « paix en Galilée » de 1982, les épouvantables massacres dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, le blocus de Beyrouth… il est difficile de dresser une liste exhaustive de ces accès de violences surtout si l’on y ajoute les attentats ayant causé la mort de tant de responsables politiques libanais. Attentats qui ont leurs répliques en France ! C’est d’ailleurs un des intérêts historiques de ce récit que de construire ce parallèle à partir d’un recensement précis des attentats commis dans nos deux pays, comme si la même guerre était livrée sur deux théâtres…À partir de la fin des années 2000, l’auteur devenant adulte, son récit est émaillé de souvenirs personnels de ses très nombreux séjours au Liban jusqu’au douloureux épisode de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, «fruit naturel » de l’anarchie politique du pays, de la destruction de l’appareil d’Etat, de la paralysie démocratique issue d’un communautarisme exacerbé et de l’irresponsabilité généralisée qui en découle. 
C’est un très beau récit qui sort des griffes destructrices du cadre historico-journalistique grâce à l’histoire familiale qui y est mêlée, pleine d’humanité et de tendresse. Et qui en dit tellement long sur ce pays si proche de nous …