jeudi 29 septembre 2022

Lu « Chien 51 » de Laurent Gaudé, paru chez Actes Sud.

J’apprécie Laurent Gaudé, l’écrivain autant que l’homme , bardé d’humanisme,
l’amoureux de la Méditerranée et de sa civilisation multiséculaire qui sait décrire comme peu l’ambiance torride du travail de la vigne ou de l’oliveraie sous un soleil de plomb et les histoires humaines qui vont avec, faites de traditions claniques et de passions destructrices. J’aime la sagesse de cet homme qui, bien qu’encore très jeune, possède déjà une bonne part de sagesse dont l’amour de la littérature n’est sans doute pas le moindre responsable. 

Autant dire que j’ai ouvert son dernier roman avec un a-priori très favorable : je suis un lecteur fidèle de Laurent Gaudé.
De quoi s’agit-il ? D’un cri d’amour à la Grèce qui n’est plus ou plutôt, ne serait plus, d’un polar et d’un ouvrage d’anticipation. Sacré mélange !
Commençons par l’anticipation : la Grèce éternelle, celle qu’on aime autant que l’auteur serait morte après une faillite retentissante, et elle a été rachetée par une multinationale qui l’a aussitôt découpée en trois zones hermétiquement closes, check-points à l’appui : les riches, les classes moyennes et les laissés pour compte. Le tout régi par un régime totalitaire où les nouvelles technologies sont exploitées à l’extrême pour annihiler toute espèce de liberté individuelle. Triste à mourir.
Le polar : Zem Sparak est un flic de la troisième zone appelé à enquêter en zone deux sur des meurtres étranges dont les victimes sont éventrées scrupuleusement; Pour ce faire, il est placée sous les ordres d’une officier de police de la zone supérieure, autoritaire mais courageuse, qu’il devra «apprivoiser » et avec laquelle il va découvrir les méandres violents des concurrences politiques…
Reste la Grèce : quand il était jeune, Zem Sparak était, avec une bande d’amis étudiants dont sa compagne de l’époque, un militant de la liberté très engagé. Et il a trahi cette cause et ses amis, devenant prisonnier de cette trahison.
Mélangez les trois ingrédients et vous avez « chien 51 » de Laurent Gaudé. Dans le genre anticipation le 1984 d’Orwell (écrit en 49 !) était plus convaincant. Dans le genre polar, les Khadra et les Norek sont plus haletants. Et dans le genre cri d’amour à un pays Méditerranée, Gaudé lui-même a fait mieux.
Mais le mélange des trois est audacieux et mérite indulgence.

vendredi 23 septembre 2022

Lu « L’inconduite » de Emma Becker paru chez Albin Michel.

Emma Becker est cette jeune auteur ( elle doit avoir 34 ans), dont c’est déjà le
quatrième  roman, qui avait défrayé la chronique avec le précédent, « La maison », où elle racontait avec une grande liberté de ton son expérience heureuse de la prostitution dans un bordel de Berlin où elle était partie vivre. J’avais beaucoup aimé ce livre original, sensible, dérangeant, cassant les codes, bien écrit. J’ai donc abordé celui-ci avec un a-priori très favorable même s’il faut toujours se méfier de ses a-priori… Eh bien j’ai encore beaucoup aimé celui-ci, auto-fiction comme le précédent, et suite chronologique ; elle a quitté la prostitution et est devenue mère d’un garçon, Isidore. Mais elle aime toujours « ça », faire l’amour, baiser, baiser les hommes, beaucoup d’hommes, et parler de leurs bites comme de sa chatte avec une liberté de ton ahurissante, dérangeante toujours, mais pleine de sensibilité et de charme. Esprits rétrogrades s’abstenir. Deuxième nouveauté, en plus d’être mère, elle tombe amoureuse ! Assez souvent même. Sans grande constance même si elle croit rencontrer « Le » grand amour. Mais peut-on rester femme en étant mère et rester libre et soi-même en fréquentant tant

d’hommes ? Emma Becker aborde ces questions sans fioritures et avec une féminité assumée, exacerbée. Et un charme indéniable.

vendredi 9 septembre 2022

Poursuivant ma ballade en littérature étrangère, voici « Là où chantent les écrevisses » de Delia Owens paru au Seuil dans la collection « Grands romans-Points », grâce à la traduction de l’américain par Marc Amfreville.

Je n’avais encore rien lu de Delia Owen, qui avait déjà publié trois ouvrages
consacrés à la nature et aux animaux, tous best-sellers aux Etats-Unis mais dont ce livre est le premier roman, qui a déjà conquis des millions de lecteurs et connait un succès grandissant dans le monde entier. Nous sommes à Barckley Cove en Caroline du Nord et une famille vit dans une cabane perdue dans la végétation luxuriante des marais. Le père, ancien combattant du Vietnam, handicapé et pensionné, alcoolique et violent, bat sa femme et ses enfants qui, les uns après les autres, s’enfuient sans laisser d’adresse. Tous sauf Kya, la petite dernière, qui vit un temps seule avec son père pendant son enfance, assumant la marche de la petite cabane perdue sans jamais connaître les processus « normaux » de socialisation et notamment l’école. Son père la quitte et elle se trouve seule, perdue dans la nature obligée de se débrouiller à l’âge de dix ans, fuyant les services sociaux quand ceux-ci montrent le bout du nez. Au village, on l’appelle « la fille des marais », créature sauvage et analphabète et sa réputation y est exécrable. Pourtant, un jeune garçon, un peu plus vieux qu’elle, se prend de passion et lui apprend à lire et à écrire, à découvrir la science, l’aquarelle et la poésie. Tout est possible avec la tendresse et l’affection. Mais ce garçon-là, une fois ses études secondaires terminées, doit partir à l’Université et l’abandonner à son tour. La voilà de nouveau seule, dans ses marais, entourée de ses mouettes, ses hérons, ses biches et ses herbes folles. Et quand s’abat sur elle une terrible suspicion, elle ne peut vraiment compter que sur elle-même.

C’est un très beau livre, plein d’humanité, formidable hymne à la nature, animale et végétale, et condamnation intraitable de la rumeur et du mépris de classe. A lire !!

samedi 3 septembre 2022

Je n’aime pas les jet-skis …

 ... ça pue, ça fait du bruit, ça perturbe la quiétude et la sérénité des bords de mer, c’est comme les motos tout-terrain sur les chemins de randonnée en montagne: une faute de goût doublée d’une atteinte à l’environnement. Autant dire que la photo du Président chevauchant son jet-ski au fort de Bregançon m’est apparue comme vulgaire, nouveau riche et déplacée. Mais les mots ont un sens et je pèse les miens. Mais que Madame Sandrine Rousseau qualifie cet acte présidentiel de «crime » est ahurissant et inacceptable. Cela contribue à la dégradation du débat public qui n’en a vraiment pas besoin.
Dans l’autre sens, entendant Madame la Première Ministre sur France Inter, déclarer penaude que la France Insoumise n’est pas dans l’arc républicain sous prétexte qu’elle refuse de négocier avec le gouvernement les textes des projets de lois, me paraît tout à fait ahurissant. Pour tout dire, il arrive à LFI de ne pas respecter les valeurs de la République, par exemple en matière de laïcité. Mais le critère édicté par Madame Borne est inacceptable : c´est un argument d’autorité qui ne relève pas du fond des choses. Et ce n’est pas à elle de décider ce qui est républicain ou ne l’est pas. En l’occurrence, j’ai trouvé ce propos…. peu républicain.