vendredi 27 mars 2020

Lu « Clemenceau », la biographie de Michel Winock paru aux éditions Perrin.


L’auteur, historien, professeur émérite à Sciences Po, a obtenu le prix Aujourd’hui pour cet ouvrage. Un sacré pavé de 650 pages avec des caractères très petits pour mes vieux yeux. J’ai mis plusieurs semaines, aidé par le confinement, pour en venir à bout tant l’ouvrage est riche et que je voulais en profiter.
Georges Clemenceau le républicain, le radical, le Tigre, le Dreyfusard, le Père-la-victoire, l’homme aux mille facettes. Le médecin vendéen, né et enterré en ses terres chouanes, qui fut tout autant détesté par la droite pour son anticléricalisme virulent que par la gauche pour son goût immodéré de l’ordre, de l’ordre républicain. 
L’homme qui fut aux côtés de Jaurès dans le long et douloureux combat de l’affaire Dreyfus ou dans celui de la loi de séparation, mais contre lui dans son approche « socialiste », trop «collectiviste » pour lui, ou dans celle des rapports avec l’Allemagne, trop pacifiste pour lui. L’homme qui, chef du gouvernement, incarna le « sursaut » au milieu de la guerre de 14-18 et qui, avocat infatigable de l’unité nationale, a conquis une popularité exceptionnelle parce qu’il allait régulièrement et courageusement au front encourager les poilus...
Michel Winock a du mal à cacher une réelle admiration pour ce grand républicain mais nul ne le lui demande. Il va jusqu’à ranger Clemenceau au rang des grandes personnalités qui, dans l’histoire de France ont incarné le «sursaut », de Jeanne d’Arc à De Gaulle, et on le rejoint sans peine.
Mais dans cette biographie d’une grande richesse, s’appuyant sur des travaux de recherche impressionnants, respectant scrupuleusement l’ordre chronologique, notamment de l’histoire politique et parlementaire foisonnante des débuts d’une troisième République si riche en la matière, Winock n’hésite pas, et c’est heureux, à s’évader sur les chemins plus intimes du personnage, son goût pour sa famille, sa Vendée, l’art, son amitié avec Claude Monet, les civilisations étrangères...jusqu’à cet incroyable amour rencontré après ses 80 ans avec une jeune éditrice, Madame Baldensperger, amour platonique sans doute ( encore que...personne n’en sait rien ) mais qui fut à la base d’une correspondance intime incroyablement fournie !
Au total, un ouvrage passionnant pour ceux qui aiment l’histoire et la République .

J'ai bien connu Michel Hidalgo,


ancien sélectionneur de l'équipe de France de football, l'homme du premier titre du football français, champion d'Europe en 1984, qui vient de nous quitter.
Quand j'étais Maire de Maubourguet et que j'organisais les Rencontres de l'art et du sport, il avait répondu à mon invitation et nous avions passé de longs moments ensemble . Et nous nous sommes revus ou téléphonés plusieurs fois pour confirmer des sentiments partagés . 
Je ne suis pas joueur ni technicien du foot, incompétent donc pour juger Michel au plan sportif . Tout juste pourrais-je dire que son palmarès de joueur et d'entraîneur plaide suffisamment pour lui . Mais je peux parler de l'homme simple, chaleureux, généreux, fidèle en amitié, respectueux, confiant dans les hommes, ses joueurs en particulier, confiant dans les valeurs humaines . Au fond, je parle d'humanisme là .
Michel était un humaniste. Qu'il repose en paix accompagné de notre souvenir affectueux .

vendredi 13 mars 2020


J’ai des désaccords politiques avec Emmanuel Macron, beaucoup de désaccords. Et, si j’ose dire, cette satanée réforme des retraites, mal fagotée, mal préparée, peu et mal négociée, injuste, incroyablement idéologique, et finalement imposée a été comme une goutte d’eau faisant déborder le vase. 
Bon, c’est dit.
Je me sens d’autant plus libre de dire que j’ai trouvé son allocution d’hier soir, consacrée à la lutte contre ce fichu coronavirus, particulièrement bien sentie.
Parce que, pour une fois, il ne s’est pas adressé à une catégorie de français, les catholiques, les musulmans ou je ne sais qui, mais à tous les français.
Parce qu’il n’a pas parlé de nos différences mais de notre commun.
Parce qu’il n’a pas parlé de croyances mais de science et de connaissance.
Parce que ses mots « protéger les plus vulnérables d’entre nous » semblaient relever d’un humanisme vrai .
Parce qu’il a parlé des valeurs qui font la France éternelle.
Parce qu’il s’est montré, pour une fois, rassembleur.
Alors, les mauvais esprits diront que tout cela n’était que des mots et de la communication politique. Mais d’une part ce serait se placer sur le plan des procès d’intention et, de plus, en période de crise, quand les citoyens ont peur ou s’interrogent, les bons mots et le bon ton sont vraiment les bienvenus.

Lu « Retours d’histoire, l’Algérie après Bouteflika » de Benjamin Stora paru chez Bayard.


Benjamin Stora, que j’ai connu dans les années 70, alors qu’il militait dans l’équipe de Lionel Jospin au Secrétariat International du Parti Socialiste, est un historien spécialiste de l’Algérie (où il est né et qu’il a quittée en 1962) et du Maghreb, sur lesquels il a écrit de très nombreux ouvrages. Il a, en outre, présidé pendant quelques années le conseil d’orientation du Musée National de l’Histoire de l’Immigration. Il livre ici sa réflexion et son analyse du mouvement populaire né en Algérie à partir de février 2019, le « Hirak » qui a empêché Bouteflika de se présenter à un cinquième mandat mais qui n’a pas pu empêcher la tenue d’une élection présidentielle fin 2019 et l’élection, malgré une très forte et significative abstention, dès le premier tour, de Abdelmadjid Tebboune, ancien Ministre et chef de gouvernement de Bouteflika, qui semble bien - mais il faut le dire avec prudence tant on n’en est qu’au début de cette présidence -, mettre en œuvre une politique de “normalisation” et de retour à l’ordre ancien, même si de hauts dignitaires ont été condamnés à de la prison ferme pour corruption et que de timides mesures d’apaisement ont été prises à l’égard de membres du Hirak . Stora considère que c’est une véritable révolution qu’on a vue à l’œuvre en Algérie et que, au fond, rien ne sera plus comme avant . C’est aussi la thèse de Jean-Pierre FILIU, l’un et l’autre étant plus optimistes que Kamel Daoud en la matière. Sa thèse est que l’on assiste à la naissance dans le monde arabe, et en Algérie en particulier, de l’individu affranchi des tutelles de l’Etat mais aussi de la famille ou de la religion, et que cette naissance-émancipation ne s’arrêtera pas. L’historien expérimenté qu’il est sait que cette histoire reste à écrire et qu’elle peut s’inscrire dans le temps long....

samedi 7 mars 2020

Lu « Désobéir » de Frédéric Gros, paru chez Flammarion dans la collection «Champs-Essais ».

Frédéric Gros est un philosophe, grand spécialiste de Foucault, essayiste et romancier, professeur de «Pensée politique» à Sciences Po. Et je m’intéresse à ses travaux parce que Sciences Po, justement, m’a proposé de reprendre une conférence autour de son cours.
Il livre ici un essai sur la désobéissance, à partir de l’obéissance : pourquoi et comment obéissons-nous ? Car il y a de multiples manières d’obéir, depuis la plus soumise jusqu’à la plus volontaire . Et c’est en repérant les différentes formes d’obéissance qu’on peut imaginer de nouvelles formes de désobéissance. Car dans le monde dans lequel nous vivons, violemment inégalitaire, autodestructeur et péniblement démocratique, la désobéissance civile n’est-elle pas, au fond la norme raisonnable ? 
De Platon à Socrate, de La Boétie à Kant, de Hannah Arendt à Sartre, en passant par Thoreau et sa célèbre promenade, ils sont tous convoqués pour participer à l’élaboration de cette théorie de la désobéissance. Mais c’est sans doute la sagesse Socratique qui l’emporte avec le dialogue entre les deux « moi », ce «deux en un » qui permet de penser : penser c’est se désobéir, désobéir à ses certitudes, à son confort, ses habitudes. Et si on désobéit, c’est pour ne pas être les « traîtres de nous-même »...
Un livre pour aider à se penser soi-même.

lundi 2 mars 2020

Vu « Le cas Richard Jewell», le dernier film de Clint Eastwood avec Paul Walter Hauser .


Le récit de l’histoire vraie de l’attentat au sac piégé lors des Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 qui avait fait deux morts et une centaine de blessés. Et, plus précisément, l’histoire vraie de Richard Jewell, un américain moyen, obèse, un peu naïf pour ne pas dire simpliste, vivant seul avec sa mère, amoureux des armes et de l’ordre, vouant une admiration absolue pour le FBI qu’il rêve d’intégrer, mais se contente d’être salarié dans une entreprise de sécurité privée.
Dans cet attentat, il est celui qui découvre le sac piégé et qui, en donnant l’alerte et en provoquant le début de l’évacuation, a évité un vrai carnage. Le voilà héros, adulé, invité dans les grands médias. Et puis le vent tourne : le FBI enquête sur lui parce qu’il parait qu’on commence toujours par enquêter sur le découvreur du crime ... comme on enquête sur le pompier de l’incendie criminel. Et parce qu’il est naïf et simpliste, il ne se défend pas ou mal . Le voilà suspect . Et victime d’un lynchage public invraisemblable où les méthodes à vomir d’une certaine presse jouent un rôle abject . Le voilà martyr. Et l’on se solidarise avec ce gros bonhomme maladroit et naïf qui ne rêvait que d’être flic mais qui découvre que les flics, justement, sont capables de drôles de trucs...Grace à un avocat débutant et pugnace, la justice lui sera rendue mais il lui aura fallu du temps de souffrance . Bien du temps !
Ce film est passionnant par la vision de Clint Eastwood, ce vœux réac de 90 ans qui n’est peut-être pas si reac que ça... Il est passionnant aussi pour cette vision de la société américaine où l’on glorifie les héros avant de les lyncher du jour au lendemain et où les médias, pour faire de l’audience, vont au-delà de tout ce qu’on peut imaginer .
Mais ce film est peut-être et surtout passionnant pour le jeu de cet acteur , Paul Walter Hauser qui est tout simplement éblouissant de naturel dans un jeu original et complexe. Ce film est bluffant par le talent d’un vieil acteur devenu réalisateur et par le jeu admirable d’un acteur inconnu...