lundi 21 février 2022

Lu « Regardez-nous danser » de Leïla Slimani paru chez Gallimard.

Le livre est sous-titré « Le pays des autres 2 » puisqu’il est la suite du roman que
cette autrice avait publié en 2020, après avoir obtenu le prix Goncourt en 2016 pour « Chanson douce ». Ce roman est donc la poursuite d’une fresque de l’histoire d’une famille franco-marocaine ( père marocain, mère alsacienne) de paysans des alentours de Meknès : le tome 1 relatait les difficultés d’installation de la ferme et les débuts chaotiques de l’exploitation, la vie dans une relative misère; le tome 2 se situe à la fin des années 60 et les années 70, où l’exploitation est devenue importante et dynamique, ses propriétaires découvrant les bienfaits - et les méfaits !- d’une véritable aisance financière, l’attention se portant de plus en plus sur le devenir des enfants de Mathilde et Amine : leur fille Aïcha, devenue médecin-gynécologue à Rabat après des brillantes études à Strasbourg, et leur fils Selim, mauvais élève qui découvre la vraie vie avec sa tante et se situe plutôt dans une logique de rupture avec l’histoire familiale au point de partir vers les USA sans trop donner de nouvelles. Et, comme dans le premier tome de cette fresque, l’environnement politique et sociétal imprègne énormément le récit : 68 et les bandes de hippies qui débarquent à Marrakech ou, surtout, Essaouira, sans vraiment entraîner la jeunesse autochtone; les années 70 et la tentative de coup d’Etat de SKHIRAT ou bien l’attentat contre l’avion du roi et les répressions policières qui suivirent.

Lire Leïla Slimani, ce n’est pas seulement découvrir l’histoire attachante et sensible d’une famille courageuse, c’est aussi mieux connaître le Maroc et son histoire contemporaine.

mercredi 16 février 2022

Vu « Adieu Monsieur Haffmann » le film de Fred Cavayé, adaptation de la pièce de théâtre de Jean-Philippe Daguerre, avec Daniel Auteuil, Gilles Lellouche et Sara Giraudeau.

1941, dans Paris occupé, un bijoutier juif ( joué par Daniel Auteuil, remarquable)
envoie sa femme et ses enfants en province dans la zone libre avec le projet de les rejoindre vite et propose un marché à son employé ( Gilles Lellouche) : il lui cède son échoppe le temps de la guerre et, à la libération, il récupèrera son bien. En attendant, il s’installe en cachette dans la cave et acceptera de travailler pour le « nouveau bijoutier » chez qui les officiers allemands deviennent des clients réguliers. C’est une étude assez finement vue sur la vie des français sous l’occupation qui m’a fait penser au très bon « Monsieur Batignole » avec Gérard Jugnot, où l’on voit comment un B.O.F., plus ou moins collabo devient un juste, protecteur d’enfants juifs. Dans ce film, c’est le trajet inverse qu’emprunte le personnage joué par Gilles Lellouche ( remarquable lui aussi) : courageux et juste au début, il va devenir insidieusement collabo et, in fine, un salaud. Sa femme, très bien jouée aussi par Sara Giraudeau, va en prendre conscience et aider le vieux bijoutier avant qu’il ne soit trop tard. C’est très bien fait et de cette belle honnêteté intellectuelle qui regarde cette période sans rien occulter de son obscurité et des comportements complexes et évolutifs de beaucoup de français. Qui étaient pétainistes à 99% en 40 et résistants à 99% en 44…on le sait.

Un film subtile, sensible, intéressant et fort bien interprété.

lundi 7 février 2022

La Fondation « Abbé Pierre » et son Délégué général, Christophe Robert,  qui est un homme de très grande valeur, ont eu l’immense mérite d’inviter tous les candidats à l’élection présidentielle et de les interroger sur un sujet majeur :

  le logement des français et, en particulier, le logement social. C’est un sujet que je connais assez bien et depuis longtemps, puisque j’ai débuté ma vie professionnelle comme collaborateur du groupe socialiste de l’Assemblée dans les années 70 sur ce dossier, et que j’ai longtemps présidé l’Office départemental d’HLM des Hautes-Pyrénées dont je suis encore administrateur. Je préside toujours une petite Coopérative de logement social. Tout cela bénévolement, est-il nécessaire de le préciser ? Eh bien, je n’ai pas peur de dire que ce sujet, ce dossier est « Le » ( ou « un des ») grand échec du quinquennat Macron. On se souvient du très pitoyable épisode de septembre 2017 quand le gouvernement a annoncé dans la même semaine la fin de l’Impôt sur les grandes fortunes et…la baisse autoritaire des APL, allocations personnalisées au logement . Une mesure pour moi indélébile comme marqueur de l’injustice sociale. Mais ce dont on se souvient moins, c’est que devant le tollé général que cette baisse des APL avait provoqué, le gouvernement avait corrigé : « mais non, mais non ça n’amputera pas le pouvoir d’achat des locataires car… les organismes de logement social vont baisser d’autant les loyers des gens concernés » . Et c’est ainsi qu’est née la RLS ( Réduction du loyer de solidarité) qui n’est rien d’autre qu’une ponction sur les fonds propres de ces organismes d’HLM. Et le résultat ne s’est pas fait attendre : moins de fonds propres, moins d’investissement, moins de constructions neuves, moins de rénovations…les statistiques sont explicites. Mais ce n’est pas sur ce point que je veux insister puisque les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Non, ce que je veux dénoncer avec force, c’est cette évidence trop cachée et jamais débattue : par la RLS, l’Etat a mis en place une règle aussi simple que choquante et qui s’énonce comme suit « PLUS UN ORGANISME FAIT DU SOCIAL PLUS IL EST PÉNALISÉ » . Je n’invente rien et je défie quiconque de bonne foi de me contredire. D’ailleurs c’est assez simple à comprendre: puisque la RLS est prélevée en « contrepartie » des APL baissées, plus un organisme fait du social c’est à dire plus il loge des locataires « éligibles » aux APL, plus il est ponctionné. Un organisme comme celui que j’ai présidé et qui atteint le très exemplaire chiffre de 65% d’éligibles aux APL est ainsi trois ou quatre fois plus pénalisé qu’un organisme qui n’atteint que 15 à 17%, comme dans les banlieues favorisées, ce qui est le cas par exemple de l’Office municipal de…Levallois. Madame Wargon, l’actuelle Ministre en charge du logement, ayant explicitement reconnu cette réalité devant moi l’an dernier alors que j’étais allé la voir pour plaider la cause de notre organisme, je l’avais aussitôt interrogée pour savoir quand elle allait corriger cette injustice. Réponse : « Oh ! ce n’est pas à l’ordre du jour ».

Cette choquante injustice dure toujours: la justice sociale dans le logement n’est pas à l’ordre du jour…

Le choix de Bernard CAZENEUVE comme Président du Comité de soutien d’Anne Hidalgo est une des très rares bonnes nouvelles de cette campagne présidentielle.

J’y vois un choix politique majeur que j’attends des socialistes depuis des années:
- celui de la Gauche Républicaine d’abord, celle des socialistes qui n’oublient pas qu’avant d’être socialistes, ils sont républicains, attachés aux valeurs de la République, et à la laïcité en particulier, loin de tous les communautarismes et de toutes ces théories dites « identitaires » qui rongent la Gauche depuis trop longtemps.
- celui d’une Gauche de gouvernement, celle qui croit à la réforme plutôt que de courir après une révolution introuvable pour reprendre l’expression de Raymond Aron, celle qui se relève les manches et met les mains dans le cambouis, celle qui préfère se coltiner aux réalités plutôt qu’aux délices de la fronde…
- celui d’une gauche qui ne se paye pas de mots, qui ne vend pas du rêve, qui en appelle à la raison plutôt qu’à l’émotion, qui sait qu’exercer des responsabilités, être « responsable », servir son pays, est une exigence morale qui interdit toutes les lâchetés et tous les mensonges.
Bernard CAZENEUVE n’est pas candidat et je sais que beaucoup le regrettent. Mais son engagement auprès d’Anne Hidalgo a beaucoup de prix pour moi.

dimanche 6 février 2022

Nouvelle cure de cinéma, pour voir encore deux bons films ( décidément , le cinéma français de l’après-confinement se porte bien !) :

 -« Les promesses » de Thomas Kruithof avec Isabelle Huppert et Reda Kateb. Une
histoire politique contemporaine, celle d’une femme maire d’une commune du 93, qui décide de ne pas se représenter après deux mandats plutôt réussis et de son Directeur de cabinet dévoué et compétent, autour du traitement d’un dossier de rénovation d’une grosse cité très dégradée. Où s’entremêlent la préparation des élections municipales et la succession de la maire qui, après avoir annoncé sa retraite au profit de sa première adjointe, menace de se représenter, la mobilisation des habitants de la cité en question où les marchands de sommeil sèment la zizanie de peur de voir leur rente s’évanouir avec la rénovation, et les jeux du pouvoir gouvernemental puisque celui-ci approche la maire pour un proche remaniement. C’est plutôt bien fait, même si mon œil averti ( trop !…) m’a fait relever 2-3 invraisemblances et cela donne de la politique une image assez bienveillante, loin des clichés éculés. Et c’est très bien joué, par Isabelle Huppert bien sûr, fidèle à elle-même, et surtout Reda Kateb, qui confirme spectaculairement son talent. Un bon film.

-«  Les jeunes amants » de Carine Tardieu, avec Fanny Ardant, Melvil


Poupaud, Cécile de France et Florence Loiret-Caille. Une histoire d’amour inattendue entre une femme de 70 ans, grand-mère libre et indépendante mais atteinte de la maladie de Parkinson, et un médecin-hospitalier lyonnais, oncologue de 45 ans, marié et père de famille. Pensant cette histoire impossible et sans avenir, elle préfère y mettre un terme. Mais lui ne l’accepte pas et en souffre trop. Sa vie de famille explose… c’est remarquablement bien joué, notamment par Fanny Ardant, éblouissante et émouvante. Melvil Poupaud souffre un peu de la comparaison…Cécile de France joue la femme trompée de façon très juste . Florence Loiret-Caille est très vive et naturelle. Et ça donne un très beau film.


jeudi 3 février 2022

Vu « Tromperie » le film d’Arnaud Desplechin d’après l’ouvrage du romancier américain Philip Roth, avec Léa Seydoux et Denis Podalydès.

J’ai beaucoup de mal avec l’écriture de Roth: je décroche vite….alors, comme
j’entends et lis partout que c’est le plus grand écrivain américain contemporain, je m’accroche. Et je décroche à nouveau.. C’est le premier grand mérite de ce film : il me rend Roth accessible ! Mais reconnaissons que ce mérite n’est pas essentiel. Tromperie pourrait résumer l’attitude de l’écrivain, homme à femmes assurément, qui semblerait tomber amoureux à Londres où il s’est momentanément exilé, mais qui écrit un livre à partir de ses conversations avec sa maîtresse ce qui jette une ombre « utilitariste » sur cette liaison. D’autant que, le livre écrit, il retourne à New York. C’est un film de dialogues. Essentiellement. C’est lent, très lent, à partir de gros plans et de regards. Et les dialogues toujours. Très magnifiquement joué et plein de charme. Mais on ne saura jamais si l’écrivain était vraiment amoureux….

Lu « Paris-Briançon » de Philippe Besson paru chez Julliard.

J’aime bien Philippe Besson, romancier très prolixe, moderne, vivant, sensible et
j’avais en particulier beaucoup aimé « Son frère » ou bien « Arrête avec tes mensonges ».

Il nous livre là un roman racontant le trajet d’un train de nuit entre Paris et Briançon à partir d’un échantillon de quelques compartiments et une quinzaine de passagers. Des jeunes en bande et en vacances, des retraités, une mère avec ses deux enfants, un couple de retraités, un médecin, un représentant de commerce…rencontres fortuites, hasard des destins . Tout ce beau monde a rendez-vous avec une destinée tragique commune: au petit matin, le train va percuter un camion coincé sur la voie à un passage à niveau.
Mais tous ces personnages, toutes ces psychologies, ces parcours sont trop vite survolés. Et ça ne fait pas un vrai roman.


Vu « Royan » de Marie NDiaye sur une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia avec Nicole Garcia, seule en scène.

Une femme, enseignante, rentre chez elle mais, dans la cage d’escalier, elle devine
que l’attendent devant sa porte deux étages plus haut les parents d’une de ses élèves, adolescente qui s’est suicidée la veille dans son établissement. Introspection d’une enseignante sur son métier, son rapport à ses élèves, son influence, ses limites…. Le texte de Marie NDiaye est décevant, sans émotion. La mise en scène est insignifiante et presque ridicule. Heureusement il y a Nicole Garcia, sa classe, sa voix rauque et chaleureuse même si son élocution, plus cinématographique que théâtrale, est parfois inaudible. Bref…