lundi 25 décembre 2017

Il faut absolument lire le numéro spécial commun à l'hebdomadaire " Marianne " et à la revue "L'histoire" , intitulé " Intégristes et fous de Dieu" .

D'abord parce que la série de contributions collectées réunit de belles signatures : des historiens de grande qualité, de Michel Winock à Philippe Joutard, des spécialistes éminents du monde arabo-musulman tels Gilles Kepel ou Jean-Pierre Filiu, et des intellectuels de référence comme Marcel Gauchet ( même si je n'ai pas été convaincu par sa distinction entre intégrisme et fondamentalisme...) Elie Barnavi ou Caroline Fourest.
Il faut le lire parce qu'il remet les idées en place pour ceux qui se laisseraient aller à je ne sais quel angélisme : toutes les religions ont eu et ont toujours leur intégrisme radical, et même si l'islam radical est , aujourd'hui, celui qui fait peser la plus lourde menace sur nos sociétés démocratiques et laïques, il faut rester  les yeux ouverts sur tous les intégrismes religieux.
Dans ces contributions, je retiendrai deux points plus particulièrement éclairants pour nos débats d'actualité :
- Philippe Joutard, qui fut aussi un grand recteur de La République, à Toulouse notamment, et que sa lointaine successeur nous fait bien regretter,  explique bien la thèse du " Millenium" ( Le règne terrestre du Christ pour mille ans) , qui fut à l'origine de la poussée fondamentaliste , en particulier des églises baptistes du sud des États-Unis, et qui doit être annoncée, précédée par le retour des juifs en Palestine. La guerre des six jours en 1967 crédibilisa ce mouvement et cette croyance. L'annonce récente de Trump, réamorce le processus si j'ose dire.
- Et puis, dans un article de Jean-Christophe Attias sur le péril des ultra-orthodoxes en Israël, il y a ce si singulier et indispensable rappel de ce que j'appelle " le syndrome Yigal Amir" , syndrome que je rappelais récemment à l'ambassadrice d’Israël à Paris dans un débat public à l'IRIS : n'oublions jamais que Yitzhak Rabin, le premier ministre israélien du processus d'Oslo, ne fut pas assassiné par un extrémiste palestinien, mais par un juif ultra-orthodoxe, un fanatique de la droite religieuse qui lui reprochait de vouloir la paix. Et n'oublions jamais que cette droite religieuse ultra-orthodoxe est dans la majorité parlementaire et participe au gouvernement de Monsieur Netanyahou.
Ces deux intégrismes - ou fondamentalismes , peu importe la sémantique- religieux convergent sous nos yeux impuissants...

SOS -Méditerranée est une petite ONG au grand cœur, aux petits moyens mais aux valeurs immenses.

C'est une organisation qui affrète un bateau, l'Aquarius, pour récupérer des migrants en perdition sur des canots de fortune dans le bassin ouest de la Méditerranée, essentiellement au large des côtes libyennes. 
 Une mission humanitaire au sens strict et noble du terme : sauver des vies . SOS-Méditerranée organisait hier soir,  à  l'Institut du Monde Arabe, une soirée de soutien à son action. Du monde, de l'émotion, des témoignages poignants, des artistes de qualité ( comme toujours j'ai aimé l'humanisme simple et profond de Laurent Gaudé, mais j'ai aussi découvert  la créativité émouvante de la chanteuse Emilie Loiseau ). 
J'étais heureux d'être avec toutes ces belles personnes. Il faut aider SOS-Méditerranée !!

mardi 12 décembre 2017

Ce que j'apprécie, en vieux républicain, dans ces jours de commémoration nationale autour de deux disparus, c'est que le peuple oublie quelques instants de se diviser, de se quereller, de glorifier ses différences, et se rassemble. 
Et si j'osais aller plus loin encore dans l'optimisme, je dirais volontiers que le peuple se rassemble alors pour honorer une part de son identité culturelle : la littérature française avec Jean d'Ormesson,  la musique contemporaine, la chanson et le spectacle vivant avec Johnny Hallyday. 
Une part d'identité française comme disait Braudel.

dimanche 10 décembre 2017

Voilà donc que ce Monsieur Trump décide, le jour de la mort de Johnny Hallyday, d'allumer le feu... au Moyen Orient.


Plus rien n'étonne de la part de Monsieur Trump, mais je cherche à comprendre. 
Pour être honnête, je ne crois pas trop aux théories selon lesquelles cet homme 
serait " fou ", "inculte", " irresponsable", " provocateur", même si je reconnais qu' existent bien des ébauches de preuves de cette théorie.
 
Mais, je ne sais pas pourquoi, mon histoire personnelle ou mon expérience sans doute, je crois à l'explication politique : Trump fait de la politique. Vulgairement peut-être, dangereusement sans doute, mais il fait de la politique. De la basse politique intérieure.
Je m'explique : dans le noyau dur de l'électorat ultra-conservateur de Trump, les protestants évangélistes intégristes tiennent une place particulière. Majeure. Leur influence sur lui est, comme leur mobilisation pour son élection ,considérable. (Paradoxe, d'ailleurs, en la circonstance : les études sur l'élection Présidentielle américaine montrent que l'électorat juif a voté  pour Hillary Clinton à 80%...). 
Et pour des raisons liées à l'histoire des religions que je connais trop mal pour en parler - mais je suis preneur de toute explication enrichissante ! -, pour ces protestants-là, la solidarité avec le peuple d'Israël et la vénération de la terre de Jérusalem sont comme des clefs de la porte de l'au-delà.
 
Alors Trump fait de la politique , il parle au noyau dur de son électorat. Il paye cash son soutien. Sans vergogne. Au risque de la paix dans le monde ? Il s'en fout, ce n'est pas un homme d'Etat, c'est un politicien .

mercredi 6 décembre 2017

Dans ce torrent de témoignages sur Johnny Hallyday qui déferle dans tous les médias, que dire de plus et d'original ?

Ce qui me frappe, c'est à quel point cet homme, avec  ses chansons, ses disques, ses spectacles, a ponctué toute ma vie . Un peu plus jeune que lui, j'étais au lycée quand il est apparu sur scène et dans nos vies : depuis les  amours de jeunesse jusqu'à son dernier spectacle au Stade de France, tous les événements de la vie de ma génération sont liés à une de ses chansons. 
Je crois que je l'ai vu 15 ou 20 fois sur scène, de l'Olympia (c'est là que je l'ai le plus apprécié, dans son cocon) à Bercy, du Parc des Princes au Stade de France, j'ai vraiment adoré les prestations de cette immense bête de scène. 
Musicalement, Johnny, c'est l'avènement du rock en France, et ça n'est pas une mince affaire ! Quel cadeau il nous a fait en faisant traverser l'Atlantique à cette musique américaine ! Quelle belle danse, quel beau rythme ! Quel résumé de nos vies...
Alors, il me revient une anecdote : il y a une vingtaine d'années, je navigue avec mes compagnons de mer habituels, sur un vieux gréement en mer d'Iroise, et nous faisons escale dans l'île de Molène, petite île proche de Ouessant, si chère à mon copain le Maire de Brest. Là, on nous dit que la salle des fêtes du petit village accueille une expo sur Johnny. On s'y précipite et là, stupeur : une caverne d'Ali Baba ! Des disques, des photos, des posters, des objets-fétiches et des reliques par milliers. Nous découvrons que l'idole a ses idolâtres jusqu'au plus petit des villages français.
Un chanteur, très, très populaire .

J'ai croisé Jean D'Ormesson quelques fois dans ma vie

et j'ai eu l'occasion d'échanger avec lui , trop brièvement mais assez pour lui dire mon admiration.
Ce qui frappait chez cet homme, c'était d'abord son regard, bleu azur, extraordinairement lumineux. Bleu comme cette Méditerranée qu'il aimait tant et qu'il fréquentait si souvent sur sa belle île. 
Puis venait tout le reste, qui fait l'objet d'un hommage unanime depuis quelques heures : 
sa Culture si profonde, son amour de la littérature, son engagement politique conservateur mais modéré, libéral mais éclairé, gaulliste sans sectarisme, son amour du débat, de l'échange avec ceux qui n'étaient pas de son bord comme l'on dit , de Mitterrand à Mélenchon. 
Mais Jean d'Ormesson, c'était aussi l'humour, la malice, l'espièglerie, un brin de cabotinage, l'amour passionné de la vie, du monde  dans lequel il vivait.
Si je devais ne retenir qu'un mot, je dirais l'élégance. Une élégance si rare dans notre monde justement, et notre monde politique particulièrement. Mais j'y reviendrai. Aujourd'hui, retenons l'élégance d'un homme qui s'en va.

samedi 2 décembre 2017

Comme une période de vie où l'on dévore les spectacles vivants à pleines dents :



- un petit séjour à Toulouse, ma capitale régionale si belle et si attirante, histoire d'assister à un concert au Zénith de Jamiroquai, le groupe anglais du mouvement "acid jazz" né dans les années 90, où j'ai encore constaté qu'un mauvais réglage de la sono peut faire plus de mal aux oreilles que donner du plaisir musical, puis assister à Odyssud, la belle salle de Blagnac, à la dernière création de la chorégraphe Bianca Li, "solstice", hymne puissant et entraînant à la sauvegarde de la planète. Bianca Li, ancienne danseuse de flamenco, n'est pas la chorégraphe la plus classique et technique qui soit, mais c'est une personnalité sacrément sympathique et à l'imagination débordante. 
Mais le moment le plus précieux de ce séjour fut celui partagé avec mes amis Kader Belarbi et Laure Muret, anciens danseurs de l'Opéra, désormais en charge du ballet du Capitole, qui répétaient " Casse-noisettes" qu'ils présenteront dans quelques semaines. Je raffole de ces moments : je me fais tout petit dans un coin du studio et j'observe les danseurs répéter inlassablement leurs mouvements, scrupuleusement corrigés par le maitre, parfois sur des détails. Cet apprentissage me fascine.
 
- au cinéma, à Tarbes, vu " Brio" le film d'Yvan Attal avec Camélia Jordana et Daniel Auteuil. L'histoire très contemporaine d'un prof de fac à Paris-Assa, bien reac et aux propos souvent provocateurs, parfois même racistes, qui , menacé d'une sanction du Conseil de discipline et sur le conseil de son Président, suscite et prend en charge la candidature d'une jeune étudiante beurette au concours national d'éloquence. Histoire de se disculper. La manœuvre est grosse mais le déroulement est plus fin. C'est bien vu, et remarquablement joué. Un bon moment.

Et puis, au théâtre :
  • " Petits crimes conjugaux " d'après le livre d'Eric-Emmanuel Schmitt au théâtre Armande Béjart à Asnières, avec Fanny Cottençon et Sam Karman, sur une mise en scène de Jean-Luc Moreau.
    Le texte de Schmitt est ...du vrai Schmitt ! Simple, facile mais plein de sensibilité. L'histoire, celle d'une crise de couple au retour d'hôpital du mari après un traumatisme crânien d'origine inconnue, est amusante. Les acteurs sont professionnels en diable. La mise en scène décevante..


    " Réparer les vivants" au théâtre du Petit Saint-Martin d'après le beau livre de Maylis de Kerangal sur la thématique difficile du don d'organe, joué et mis en scène par Emmanuel Noblet, lauréat du Molière Seul en scène 2017. Un sacré spectacle ! Une sacrée prestation de l'acteur, à la fois pédagogue, drôle , émouvant, poignant. Une belle mise en scène, aussi simple que travaillée, dépouillée mais originale : l'homme est seul sur scène mais des voix viennent ponctuer son propos. Un très beau spectacle.

    "Être ou paraître " au studio Hebertot, une chorégraphie de mes amis Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, mise en scène par la première, joué et dansé par le second, sur une musique de Yannael Quenel et des textes de Louis Aragon et William Shakespeare. Là encore, un sacré " One man show" ! Julien, qui commença par être un très bon gymnaste et est devenu un grand danseur, est désormais aussi acteur. Et quel acteur ... physique, puissant, fin, émouvant, drôle. Voilà que j'apprends qu'il s'entraîne aussi au chant ! Ce saltimbanque-là est bien éclectique. À voir absolument.

    Et puis, un tour au Grand Palais pour voir l'expo Gauguin et me régaler de ses œuvres peintes en Polynésie ou aux Marquises. J'y ai appris beaucoup de choses fascinantes sur les techniques utilisées par l'artiste, non pas pour ces tableaux-là mais pour des gravures moins connues et moins flamboyantes . Des techniques alliant le bois, le verre, les tissus, l'encre et l'aquarelle.. bien intéressant

dimanche 26 novembre 2017

Lu " L'ordre du jour" d'Eric Vuillard, paru chez Actes Sud, la belle maison d'édition arlésienne.


Ce roman vient d'obtenir le Prix Goncourt et cela m'amène à me poser la question : comment et pourquoi obtient-on le Prix Goncourt ?
Si c'est pour la belle écriture et la richesse du vocabulaire, on y est ! Tellement riche que j'ai même dû sortir mon dictionnaire une ou deux fois ...
Si c'est pour le thème choisi, on y est aussi ! 1938, l'annexion de l'Autriche par l'armée allemande et des anecdotes tellement nombreuses et croustillantes qu'on se demande toujours si on est dans un livre d'histoire ou dans un roman. Probablement l'histoire romancée...
Pour le reste, l'ouvrage manque un peu de cohérence et de profondeur.Dommage car ça se lit bien . Étonnant.

mardi 21 novembre 2017

Les images insoutenables d'une chaîne de télévision américaine révélant l'existence d'un véritable "marché aux esclaves" en Libye  , ont provoqué l'indignation, une condamnation sévère quasi-unanime, un haut-le-cœur, une colère, une révolte, bien légitimes. 


Comment en est-on arrivés là ?
Il y a trois ans, j'avais travaillé près d'un an sur la situation libyenne et rédigé un rapport pour la Commission des Affaires Étrangères de l'Assemblée que j'avais intitulé "L'urgence Libyenne". J'étais allé sur place - j'y étais quand l'ambassade de France a sauté- et j'ai rencontré longuement toutes les parties. Trois ans ont passé, l'urgence s'est aggravée, mais mon analyse de l'époque reste valable. 
Il faut avoir le courage de regarder en face notre part de responsabilité dans cette affaire, sans esprit polémique, mais avec honnêteté : en 2011 , l'intervention militaire franco-britannique décidée par le Président Sarkozy, avec David Cameron principalement, si elle a eu des effets "humanitaires " (je mets des guillemets à dessein) réels en protégeant la population de Benghazi d'un massacre annoncé par les troupes de Khadafi ( protéger cette population était d'ailleurs le cœur de la délibération de l'ONU), a eu malheureusement des effets négatifs non moins indéniables  et aujourd'hui avérés : d'une part, en "tordant" le mandat de l'ONU bien au-delà de cette seule protection des populations civiles pour la transformer en intervention "jusqu'à l'élimination de Khadafi", elle a brisé la confiance accordée à la parole de la France sur la scène internationale, à l'ONU notamment. Le Ministre russe des Affaires étrangères, n'a cessé de nous le répéter depuis, même s'il n'était pas le mieux placé pour le faire...
Et, d'autre part, une fois l'intervention achevée, la coalition n'a pas su, voulu ou pu ( il y a là une part de mystère pour moi ) imposer une politique "de l'après" pour accompagner la construction d'une démocratie et d'un état de droit. 
Comme les mots ont toujours un sens , je parle ici de "construction" et non de "reconstruction" dans la mesure où l'on peut se demander si un "État" a jamais existé en Libye : depuis des décennies, le pouvoir était accaparé, confisqué, par un clan familial qui, loin d'être obsédé par la construction d'un état moderne et efficace pour gérer la rente pétrolière -car la Libye est un pays riche !- a régné en s'appuyant sur les bonnes vieilles méthodes des dictatures, le népotisme, la violence et la corruption (et quelle corruption ! La Libye était le royaume de l'argent liquide : j'ai pu recueillir sur place un témoignage me parlant de "containers d'argent liquide "!) .
Et ce clan familial disparu, éliminé, qu'est-il resté des structures politico-administratives de la Libye ? Rien ....
C'est pourquoi, lorsque j'entends aujourd'hui des autorités politiques - en France comme sur la scène internationale -s'adresser aux autorités libyennes, j'ai envie de dire "quelles autorités libyennes"? Il y en a tant...
Le gouvernement ? Il y en a deux. Et un joli tour de passe-passe diplomatique a même fait que le label de "légitimité " accordé par la communauté internationale est passé de l'un à l'autre sans que la population libyenne y comprenne grand chose.
Le parlement ? Il y en a deux. Même musique.
Les forces armées ? Il y en a tant ...l'armée nationale du général Aftar, à l'Est, est sûrement la plus structurée, le gouvernement de Tripoli vivant au rythme des soubresauts des milices nombreuses et surarmées . Sans oublier la présence de lEtat Islamique , défait il y a quelques mois dans ses positions autour de Tobrouk mais dont tout le monde sait que les forces se sont dissoutes en se diffusant dans l'ensemble du territoire.
La réalité de la Libye d'aujourd'hui est claire : c'est un pays atomisé où règnent les tribus, les katibas, les milices. Un pays de désordre et d'anarchie où s'épanouissent tous les trafics . Les trafics de drogues, d'armes ( la rumeur ,hélas crédible, dit qu'il y aurait plus d'armes que d'habitants dans le pays) et, certains le découvrent aujourd'hui, trafics d'êtres humains.
Il y a plusieurs années que les observateurs attentifs ont connaissance des traitements épouvantables que nombre de Libyens infligent aux migrants de passage. Pour ceux-là, les images de CNN ne sont pas une surprise.
Voilà pourquoi, au-delà du légitime soutien que la communauté internationale, et l'Union européenne en particulier, doit à tous ceux qui mènent une action humanitaire en Méditerranée pour sauver ces malheureux qui ne fuient pas seulement la misère de leurs pays d'origine, mais aussi la barbarie d'un pays de passage, l'urgence politique est aussi, et peut-être surtout de rattraper la bévue de 2011 en accompagnant avec force la construction d'un état de droit en Libye.

samedi 18 novembre 2017

En janvier 2015, j'étais Charlie, expression de ma solidarité pleine et entière avec le journal satyrique ravagé par la barbarie. Je le reste.



Je le reste parce que je ne vois pas de raison objective, apparue depuis, qui puisse me faire changer d'avis.
Je le reste parce qu'il me paraît du devoir de tous les démocrates et les républicains de défendre la liberté d'expression et le droit à la caricature humoristique comme des valeurs fondamentales. 
Je le reste parce que, dans le combat laïque contre tous les obscurantismes religieux, l'équipe de Charlie, depuis des années, fait preuve d'un courage et d'une constance remarquables. 
Ca ne veut pas dire que Charlie soit ma " Bible" , ce serait un comble en la circonstance, ni que je partage tout des positions - d'ailleurs très diverses- de l'hebdo satirique. Ca veut dire que sur l'essentiel, il faut se rassembler.
Alors, dans la polémique actuelle entre Charlie et le patron de Mediapart, je reste Charlie, fermement, sereinement, indiscutablement.
Voilà pour le fond . Reste la forme : le poids des mots. Ces mots qui ont un sens et à qui, si on n'y prend garde, on peut faire dire n'importe quoi. Les mots de la langue française qui sont d'une richesse exceptionnelle, au point de recéler le meilleur... comme le pire. Or, dans le maniement des mots et leur manipulation, les réseaux sociaux jouent un rôle 
dramatiquement délétère. Je prends deux exemples , rencontrés lors de mes travaux parlementaires :
- lors d'un travail pour la Commission des Affaires Étrangères sur la " Géopolitique de l'eau" , je me suis rendu - notamment !- en Palestine et, décrivant le traitement infligé aux Palestiniens par l'Etat d'Iraël, dans ce domaine de l'accès à l'eau comme dans beaucoup d'autres, j'avais parlé d'une forme" d'apartheid ". Ce mot, je l'avais emprunté à Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, dans les mêmes circonstances, et je l'avais longuement réfléchi, pesé, mûri . Quel séisme ! Pendant six mois les réseaux sociaux se sont déchaînés, animés par les milieux de la droite religieuse israélienne pour m'agonir d'injures, me traiter d'antisémite bien sûr , et me menacer y compris physiquement. Ce fut d'une violence rare.
- lors d'un autre travail parlementaire, ceux d'une mission d'information sur l'interdiction de la burqa dans l'espace public, nous avions auditionné le prédicateur Tariq Ramadan, celui qui, justement, est au cœur de la polémique dont je parle. Et, je dois le reconnaître, je n'avais pas été aimable avec lui : sans lui manquer de respect je lui avais dit combien je pensais que l'Assemblée Nationale de la République française, dans sa volonté respectable d'écouter toutes les opinions, lui faisait  un cadeau tout à fait démesuré en lui accordant une respectabilité qu'il ne méritait pas. Notre échange fut tendu et je ne le regrette pas, aujourd'hui moins que jamais, maintenant que la vérité de cet homme s'éclaire d'un jour si peu reluisant. Aurais-je eu raison trop tôt ? 
Là encore, quel déchaînement sur les réseaux sociaux !!  J'étais , pour le coup, le raciste anti-arabe de service, l'ennemi de l'islam et le suppôt du sionisme destinataire de la même violence verbale et, bien sûr, des mêmes menaces.
Pourquoi dis-je cela ? Parce que le débat public mérite la mesure, le respect de l'autre et de ses idées, qui suppose aussi le respect du poids des mots. Ces mots qui ont un sens avec lequel il ne faut pas jouer dans notre monde  de violence où le terrorisme est là, présent chaque jour et partout, prêt à se jeter sur n'importe quel prétexte.
Le devoir de tous les démocrates, de tous les républicains est de débattre, bien sûr, de confronter les idées, toujours, de faire vivre la démocratie avec ce souci permanent de la liberté d'expression, mais dans la mesure des mots .
Voilà pourquoi la phrase de Monsieur Edwy Plenel, qualifiant la une de Charlie comme "faisant partie d'une campagne générale de guerre aux musulmans " est dangereuse, irresponsable, condamnable.

mardi 14 novembre 2017

Lu enfin "La disparition de Josef Mengele" d'Olivier Guez, paru chez Grasset.


L'histoire romancée de la fuite du médecin-chef, tortionnaire d'Auschwitz, après guerre en Amérique du Sud, d'Argentine au Paraguay puis au Brésil.
    L'histoire d'une traque qui se termine curieusement puisque, alors qu'il a les commandos du Mossad aux trousses, mais aussi les " chasseurs de primes" alléchés par les récompenses promises, Mengele mourra, non pas de sa belle mort - il n'y en a pas de belle pour un homme pareil - mais  curieusement, presque tranquillement , sur une plage brésilienne , en 1979. Plus de trente ans de traque ! Voilà ce que raconte ce roman, historiquement intéressant mais sans beaucoup d'affect...

Lu encore " Le nouveau pouvoir " de Régis Debray, paru aux éditions du Cerf-volant .


Après le regard de l'historien , celui de Jean-Noel JEANNENEY dans " Le moment Macron", si riche et si pertinent, voici celui du philosophe politique qui, derrière le changement politique, voit surtout une profonde mutation culturelle. Une mutation qui, grosso modo, verrait l'avènement planétaire d'une civilisation née-protestante. L'essai, bref mais plein de punch, profond mais didactique, parfois un peu rapide et tendant à la manipulation de concepts à haute dose, ne manque pas de pertinence. Sa référence à Paul Ricoeur , comme possibilité pour la France, de n'être plus une île, est moins convaincante... 

lu toujours " La Fontaine, une école buissonnière"  de l'ami Erik ORSENNA,


publié par Stock en collaboration avec France Inter puisque ce livre est le fruit direct de la chronique que tint notre académicien sur cette radio à l'été 2017. 
Comme toujours avec Erik, les choses sont légères, gaies, vivantes, virevoltantes, parfois un peu faciles. La lecture n'en est que plus aisée ! On découvre pleins de facettes de la vie du génial poète qui fut aussi pauvre que primesautier et mourut dans une repentance religieuse un peu pathétique. 
J'ai découvert, pour ma part , l'existence des " Contes" de La Fontaine, des écrits coquins, érotiques, choquants pour l'époque et donc gardés sous le couvert, mais qui paraîtraient aujourd'hui bien légers. Et puis ces fables, toutes ces fables qui ont tant bercé notre enfance, marqué même toutes nos vies par leurs maximes morales si souvent reprises, oui ces fables restent un joli régal littéraire dans un genre par  trop oublié.

Lu aussi "Lettre ouverte aux animaux " (et à ceux qui les aiment) de Frederic Lenoir, paru chez Fayard.


Un plaidoyer sérieux et équilibré en faveur de la cause animale, une cause que je sers à ma façon : j'ai été le parlementaire qui a fait adopter par le Parlement l'article reconnaissant, dans le Code civil, que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité et non plus des biens meubles ou immeubles comme c'était le cas jusque là, après un long combat mené avec la Fondation 30 millions d'amis. Et j'en suis plutôt fier.  
Ce livre sert plutôt bien cette belle cause. Mais Boris Cyrulnik ou Elizabeth de Fontenet ont fait beaucoup plus convaincant.

Lu encore " s'il ne restait qu'un chien" de Joseph Andras, l'auteur de " De nos frères blessés" paru chez Actes Sud.


Le livre est vendu avec un CD où le texte est lu et mis en musique par D' de Kabal. J'avais découvert ce court texte (une quarantaine de pages) lors de  mon heureuse visite au festival Ciné -Salé du Havre, où il avait été lu (remarquablement d'ailleurs) par Philippe Torreton.
La grande originalité de cet ouvrage, c'est de voir le port du Havre qui s'exprime à la première personne dans un texte poétique, rugueux et engagé qui survole l'histoire, longue et tumultueuse du port normand . Intéressant.

Lu, toujours, ( je lis beaucoup ces jours-ci, rapport à un séjour sur l'océan, une sorte de navigation..), " Un fauteuil sur la Seine" de Amin Maalouf , paru chez Grasset.


En général, j'apprécie  beaucoup le travail de Maalouf, prix Goncourt il y a une quinzaine d'années pour " Le rocher de Tanios", devenu académicien depuis. Mais quand on apprécie, on devient exigeant, sauf à tomber dans je ne sais quelle idolâtrie. Et là, déception. Maalouf s'est mis dans la tête de raconter la vie  des dix-huit personnalités (tous des hommes !) qui l'ont précédé dans son fauteuil, le 29ème, à l'Académie. Alors, certes, on y trouve Ernest Renan, Montherlant , André Siegfried ou Claude Levi-Strauss, mais ce survol a quelque chose d'un cours de culture générale pour étudiants de khâgne où l'on apprend certes deux ou trois choses mais où l'on s'égare aussi dans le superflu. 

Lu aussi " Comment lire avec les oreilles, et 40 autres histoires sur le cerveau de l'homme" de Laurent COHEN, paru aux éditions Odile Jacob.


Laurent COHEN est Professeur de neurologie à l'hôpital de la Pitié -Salpêtrière et chercheur à l'ICM, l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, un centre de recherche en neurosciences dont je parle peu, pas assez sans doute, parce qu'il relève plutôt du " jardin secret" de ma vie et qu'il est l'objet d'une de mes plus grandes fiertés.
Je suis membre fondateur de l'ICM, et Secrétaire Général de sa Fondation, tout cela bénévolement bien sûr, il vaut mieux le préciser par les temps qui courent où la suspicion fait tant de dégâts. Depuis une quinzaine d'années, j'ai passé beaucoup de mon temps libre à concevoir, financer, construire et, désormais développer cet Institut de recherche qui regroupe plus de 700 chercheurs dans tous les domaines des neurosciences et des maladies du cerveau, dans un immeuble ultra-moderne et équipé des matériels les plus sophistiqués. Cette histoire est celle d'une bande de copains qui voulaient faire, ensemble, quelque chose d'utile à la société, et qui ont pensé qu'aider au progrès de la connaissance dans ce domaine central pour la connaissance de l'homme et pour lutter, guérir un jour, contre les maladies qui ravagent toutes nos familles : Alzheimer, Parkinson, Épilepsie, Sclérose en plaques, et toutes ces maladies dégénératives du cerveau qui obscurcissent tant de vieillesses. Cet Institut est désormais aux mains des chercheurs, hommes et femmes merveilleux d'abnégation , remarquables de modestie, débordant de projets et d'ambitions, et fascinant par leur humble pédagogie.
Laurent COHEN est l'un d'entre eux et vous avez peut-être entendu sa chronique régulière sur France-Inter ces derniers mois. Il fait ici, oeuvre d'une belle pédagogie sur l'état des connaissances sur le cerveau  à partir d'expériences concrètes et faciles à comprendre : tant d'avancées fascinantes et tant de domaines  à défricher. L'étude du cerveau est un domaine où les connaissances vont exploser dans les années qui viennent et cela rend cette aventure d'autant plus enthousiasmante. 

Voilà encore un bien beau livre : " L'art de perdre " d'Alice Zeniter paru chez Flammarion.


Un ouvrage d'un grande sensibilité, d'une humanité remarquable, sur un sujet difficile et douloureux : les relations France- Algérie vues à travers la saga, sur trois générations,  d'une famille de harkis arrivés en France en 1962 et maltraités de camp en camp par une République bien peu reconnaissante , avant de se voir " implantés " dans l'Orne, dans une cité de Flers peu reluisante. 
 Ces harkis sont kabyles, ce peuple si fier et rebelle, qui s'affirme " kabyle, pas arabe ". Comment devenir français, contre tous les racismes ordinaires (mais le racisme peut-il être ordinaire ?) et en dépit de tous les obstacles à l'intégration que nourrit une République si défaillante. Défaillante encore que ...sur trois générations, ça fonctionne plutôt bien. Comment devenir français quand, ici on vous traite de "sale arabe" et, là-bas , de "sale français"? Et faut-il, peut-on retourner en arrière, c'est-à-dire revenir en Algérie ? Ne serait-ce que pour comprendre ce que les générations d'avant n'ont pas voulu (ou pas pu)  dire ?  
Cette thématique du "plus vraiment algérien, pas encore français" est traité, par cette histoire familiale,  avec une grande mesure et , je l'ai dit plus haut, sensibilité et humanité. Très beau livre.

jeudi 26 octobre 2017

Les USA vu de deux angles cinématographiques différents , voire opposés :

- dans " The finest hours " ( qu'on peut traduire par " les heures glorieuses") , le film de Craig Gillepsie qui date de 2016, on admire le récit d'une histoire vraie, celle de l'équipage d'un canot de sauvetage des Coast Guards du Cap Code dans le Massachuset qui, en 1952, lors de la pire tempête qui ait frappée les Etats-Unis ces dernières décennies, ont réussi l'exploit de sauver 32 hommes d'un pétrolier coupé en deux par la tempête. Exploit ahurissant. Images de mer déchaînée impressionnante. Effets spéciaux bien foutus. Une belle histoire de dévouement et de courage. ( j'ai vu ce film lors du festival " Ciné salé" du film de mer et de marins au Havre, où j'étais allé débattre des reflets d'argent de la mer et dédicacer mon dernier livre; joli festival , initiative heureuse de gens passionnés)
- Et dans " Detroit", le film de Kathryn Bigelow , sorti cette année, est évoquée une autre histoire vraie, celle des émeutes de 1967, où la population noire s'est rebellée contre les comportements racistes, violemment racistes, meurtrièrement racistes de la police locale. Des scènes insoutenables de racisme primaire. Une envie de vomir
C'est le même pays ! 
Excessif en tout.
Fascinant pour ses exploits, détestable pour ses dérives et ses excès.

lundi 16 octobre 2017

Alma de JMG Le Clezio

Oui, il faut lire " Alma" , le dernier roman, paru chez Gallimard,  de notre prix Nobel de littérature ( je dis "notre" comme tout français fier de ses écrivains..), JMG Le Clezio. 
Il faut le lire parce que c'est de la bonne littérature, de la très bonne. De la belle écriture, un langage riche, une syntaxe originale. Il faut le lire qu'on connaisse l'Ile Maurice pour s'y replonger, ou qu'on ne la connaisse pas - ce qui est mon cas, à mon plus grand regret, et qui mérite vraiment réparation !- pour la découvrir . Pour admirer sa géographie,  la mer et ses lagons turquoise, mais surtout la forêt si dense, riche, puissante. Pour apprécier sa Culture, mélangée, métissée. Pour s'émouvoir de cette histoire douloureuse, celle de l'esclavage et de la traite des noirs. 
Un livre d'ambiance construit intelligemment et tout en sensibilité autour de deux héritiers lointains d'une même famille, l'européen éduqué qui revient sur la terre de ses ancêtres pour comprendre, et " Dodo" le vagabond qui porte le nom de l'oiseau géant et mythique de l'île , mi clochard-mi artiste, simple d'esprit au visage dévoré par la lèpre. Le dialogue à distance de ces deux sensibilités et d'une grande beauté.

samedi 7 octobre 2017

Le moment Macron de Jean-Noël Jeanneney

Il faut lire " Le moment Macron" de Jean-Noël JEANNENEY, qui parait ces jours-ci au Seuil mais que l'auteur a eu l'amitié de m'offrir en primeur et que j'ai dévoré avec ravissement avant de le relire stylo en mains. Il faut le lire non pas parce que son auteur est mon ami et qu'une vieille complicité politique et personnelle me lie à lui, ce qui ne suffit pas, j'en conviens , à assurer une qualité littéraire et culturelle au- dessus de la moyenne. Encore que...
Non, il faut le lire parce que c'est le produit du regard d'un historien sur l'actualité . Le produit de la réflexion et de l'analyse d'un historien remarquable, amoureux par nature du temps long sur un temps court où trop d'entre nous se précipitent vers les jugements hâtifs. Bref, pour une fois, une très très rare fois depuis la disparition de De Gaulle et Mitterrand, le produit d'un regard "longtermiste" sur une conjoncture politique et des débats tellement "courtermistes".
Disons tout de suite que, justement parce qu'il est longtermiste et se garde de jugements hâtifs, l'auteur est, globalement, d'une grande bienveillance à l'égard du Président élu il y a 5 mois. "Ne nous hâtons pas de juger, laissons-lui le temps". Soit. Mais disons aussi que, du coup, ses flèches en sont d'autant acérées ! Qui aime bien châtie bien...J'y reviendrai. 
Alors, retenons de ce voyage dans l'histoire pour retrouver des ancêtres du "moment Macron", que l'auteur balaye aussi bien Napoleon - n'a-t-on pas déjà abusé de cette comparaison à propos de Sarkozy ?- que De Gaulle ( qui fut  d'abord Président du Conseil et provoqua un premier bouleversement institutionnel avant sa présidence ), pour retenir deux références historiques : sur le fond, le " Saint-simonisme ", glorification des créateurs et des entrepreneurs (mais qui n'oublia point les pauvres et les démunis, lui) , et sur la forme...Waldeck Rousseau ! Le chef du gouvernement de 1899 à 1902, qui gouverna à partir de la "concentration " des forces de droite et de Gauche. Passionnant rapprochement.
Il y a tant à dire sur cet essai. Retenons peut-être que des flèches acérées auxquelles je faisais allusion, on peut tirer une cohérence : c'est bien la Culture républicaine qui manque le plus dans ce pouvoir quand on enfourche par trop les chevaux de l'antiparlementarisme, ceux du "management " et, à certains égards, ceux du communautarisme bien peu laïque.
Mais gardons-nous de toute hâte et donnons du temps au temps avant de juger. " En même temps " ( il faut bien céder à la mode !) , certains signes.....

lundi 2 octobre 2017

Ce matin , j'écoute France Inter et l'émission d'Augustin Trappenard, un homme qui fait beaucoup plus pour la diffusion de la Culture que bien des professionnels de celle-ci, dont l'invité est Yves SIMON, le poète, compositeur et chanteur, romancier aussi, que je connais depuis bien longtemps et que j'ai perdu de vue ce que je regrette beaucoup.       ( Yves, si tu m'entends..) . Augustin demande à Yves de lire son texte " Les gauloises bleues", joli moment. Mais le meilleur est à venir : après cette lecture vient la chanson reprise par une jeune chanteuse, de moi inconnue, " Clou" . Une voix limpide, musicale , gracieuse, intelligente sur ce beau texte. Un moment de grâce.

Hier, je vois " Nos années folles ", le dernier film d'André Techiné avec Pierre Deladonchamps et Céline Salette. Paris, 1916 : Paul qui est au front depuis deux ans , déserte. Sa femme le cache dans leur cave et résiste aux inquisitions de la police. Mais il étouffe et elle imagine alors un stratagème pour lui permettre de sortir : le travestir en femme. Paul devient Suzanne. Et il fréquente, chaque nuit, le bois de Boulogne et les nuits de débauche parisiennes. Quelques années plus tard, amnistié, il tente de redevenir Paul. Mais , entre temps, il est vraiment devenu Suzanne et tout se dérègle dans sa vie... un scénario bien intéressant, des acteurs de qualité. Pourquoi l'émotion est-elle si absente ?

mercredi 27 septembre 2017

Lu "Le jour d'avant" de Sorj Chalandon paru chez GRASSET.

 Sorj Chalandon est une belle personne, journaliste humaniste et progressiste , longtemps à Libération, et désormais au Canard Enchaîné où, chaque semaine, il nous recommande une émission de télévision intelligente . 
Il démontre depuis longtemps une sensibilité et une qualité d'écriture qui font les bons écrivains. Ce "jour d'avant" est un livre noir, sombre ,triste qui tourne autour de la tragédie minière de Lievin en 1974 qui tua 42 mineurs , et  raconte l'histoire d'une famille d'agriculteurs dont le fils aîné était mineur dans cette fosse et mourra deux jours plus tard, peu de temps avant le suicide du père . Le petit frère va porter tout ce poids sur les épaules . Il part du bassin minier pour devenir chauffeur routier et épouser une institutrice pour un mariage doux et harmonieux. Mais sa femme, Cecile, va mourir d'un cancer et cette rupture douloureuse dans sa vie va provoquer son retour vers le bassin minier animé d'un fort sentiment de vengeance qui ne l'avait jamais quitté . La vengeance, que l'on voit venir violente, va buter sur deux difficultés qui révèlent une sorte de Mythomanie visant à transformer l'histoire et donner de la cohérence à la démarche : le message posthume du Père et les conditions réelles de la mort du frère. 
Du coup, c'est l' étude psychologique du petit frère vengeur qui fait l'intérêt de la fin de ce très beau livre.

lundi 25 septembre 2017

Un week-end politique bien dense.

Mélenchon qui dérape encore avec ses amalgames , qui ne sont sans doute qu' oratoires mais qui troublent profondément un esprit républicain normalement constitué.Franchement, mettre Juppé, le CPE et les nazis dans la même phrase c'est , au minimum, terriblement maladroit .Et dire que c'est la rue qui a eu raison de ces derniers, est une appréciation historique bien hasardeuse...
Des Sénatoriales où le "ni droite ni gauche"  ( à moins que ce ne soit et droite et Gauche...) semble laminé, où le vieux clivage droite-Gauche réapparaît et où, dans mon département, la Gauche rassemblée fait un carton . " Dernier soubresaut du vieux Monde " comme dit mon amie Bariza Khiari, ou bien début de la fin d'une parenthèse. Soyons prudents...
Mais c'est vers  le domaine du logement social que vont mes préoccupations les plus graves du moment. Il est vrai que je préside - bénévolement , je préfère le préciser par les temps qui courent !- l'Office départemental de l'Habitat des Hautes Pyrénées, petit Office de moins de 8000 logements, qui en construit 130 à 150 et en rénove 2 à 300 par an. Un organisme d'assez petite taille auquel je suis très attaché, y compris parce qu'il a failli mourir il y a une vingtaine d'années après une crise d'une grande gravité et que , patiemment , avec ses personnels, nous avons redressé . Il dégage ces dernières années 3 à 4 millions d'euros de résultat, ce qui prouve sa bonne gestion . Et que croyez-vous qu'il fît de ses résultats ?  Eh bien, c'est assez simple: d'abord il pense à ses locataires qui sont pour une grosse majorité aux minimas sociaux - ce qui prouve que nous sommes un organisme plus social que la moyenne- en gelant les loyers depuis plusieurs années ; ensuite il pense à ses personnels dont la grille salariale est loin d'être exorbitante en leur distribuant un intéressement; enfin, il réinvestit tout dans l'économie locale du bâtiment en construisant et rénovant les logements affichés plus haut. C'est un modèle économique assez simple et opérationnel. 
Et voilà que ce gouvernement nous annonce des mesures très dirigistes de baisse des Aides Personnalisées au Logement ( la fameuse APL) et, concomitamment , des loyers " afin que , dit-il, les locataires ne soient pas pénalisés ". Soit. Qui donc va payer ces mesures ? Les bailleurs sociaux...
Je veux dire ici avec la plus grande modération mais , en même temps ( pour employer le balancier macroniste !) toute la force de mes convictions, ce que je pense de ces annonces.
D'abord sur la forme : aucune, mais alors aucune concertation, aucun dialogue,  avec les bailleurs sociaux, ce qui me paraît relever des modes de gestion du vieux Monde.Nous, bailleurs sociaux, nous apprenons tout ça dans la presse...
Ensuite, aucune évaluation de la situation concrète du logement social dans notre pays, ce qui me paraît aussi très archaïque : sachez que ces mesures ne toucheront pas le parc privé mais seulement le logement social et, dans celui-ci, d'une façon indifférenciée les gros organismes avec d'importantes réserves et les petits qui se battent avec de faibles moyens, ceux qui jouent trop facilement avec les loyers et ceux qui font preuve d'une grande modération, ceux qui touchent un public très social et ceux qui "sélectionnent" leurs locataires ...
C'est ma troisième critique de forme : l'absence d'évaluation entraîne le manque de différenciation . Allez ouste ! Tout le monde dans le même sac ! L'amalgame aussi relève  du vieux Monde, la gestion moderne est plus fine, elle différencie...
Sur le fond , ma première remarque sera d'ordre philosophique : je ne vois pas celle qui se cache derrière ces mesures. Je vois des chiffres assénés, des ratios, des critères, des objectifs mais je ne vois pas l'humain, les locataires en particulier , ceux que nous côtoyons tous les jours. Or, la politique, dans le logement aussi, c'est d'abord le service de ses concitoyens. Où est-il en la circonstance ?
Ma deuxième remarque de fond tient aux conséquences qu'auront ces mesures sur un organisme comme le nôtre : en première approche, un résultat d'exploitation réduit à zéro, le juste équilibre et , donc, l'arrêt total de nos constructions neuves et de nos rénovations. Est-ce bien cela que le gouvernement recherche ? On a du mal à l'imaginer.
Ma troisième et dernière remarque sera  la plus constructive possible : le gouvernement veut faire des économies ? Qu'il nous les demande !! Je vois trois pistes  possibles : le calcul de l'APL sur les revenus de l'année n plutôt que n-2 , qu'il propose est une bonne idée ; lutter contre la fraude à l'APL ( il ne le propose pas mais il a tort; même s'il ne faut pas en attendre des milliards, c'est une question de morale publique. Or, la CAF qui distribue ces aides ne veut ou ne peut les contrôler); enfin, la baisse des loyers , différenciée et négociée dans notre parc de 8000 logements , nous savons où il nous faudra le faire , non pas par idéologie mais parce que la situation du marché l'impose) .Il suffit de nous le demander et de nous y inciter .
Sur tous ces sujets, je voudrais tant que le dialogue s'instaure et que la raison l'emporte. J'y suis disponible.

lundi 11 septembre 2017

Comme ça, s'octroyer trois jours de trêve culturelle, histoire de s'enrichir sans réserve :

- ça commence par l'expo des portraits de Cézanne au musée d'Orsay. Même si le peintre impressionniste d'Aix-en-provence est plus connu et apprécié pour ses paysages et notamment ceux de la Sainte Baume, cette galerie de portraits à quelque chose de bien intéressant. En particulier les nombreux portraits de sa femme, si différents qu'on se demande si cette femme avait tant de visages ou, plutôt, si Cezanne le tourmenté l'a vu avec tant de regards...
- ça se poursuit, puisqu'on est avec les impressionnistes, par une escapade de 24h à Auvers sur Oise. Histoire de voir la chambre de Van Gogh, celle où il mourut, les tombes de Vincent et Théo, l'église du village dont le tableau a fait le tour du monde, l'atelier de d'Aubigny, la maison du bon docteur Gachet...une belle promenade dans les rues bien préservées de ce petit village
- ça continue avec la lecture de "Ma mère cette inconnue" , de Philippe Labro paru chez Gallimard. On connaît Labro, pétri de culture américaine , journaliste libéral au sens politique du terme , et humaniste souvent tenté par l'autobiographie. Le romancier prolixe qui avait si bien raconté sa vie d'étudiant ou la terrible dépression qu'il avait traversé, raconte ici sa mère Netka, petite fille abandonnée d'origine polonaise. Un portrait de grande tendresse.
- et ça se termine par une cure de cinéma : " 120 battements par minute" de Romain Campillo, qui raconte de l'intérieur, la vie de l'association "Act up" au début des années 90, que je qualifierais presque de "film d'histoire contemporaine" relatant les épisodes douloureux des débuts de l'épidémie du SIDA en France. Parfois irritant, très poignant en tout cas . Puis " Barbara" de Mathieu Amalric avec le même et Jeanne Balibar, un film original qui n'est pas un biopic mais une " variation autour du biopic". Bien  fait et parfois troublant tant on se demande souvent si c'est la chanteuse ou la comédienne  que l'on entend. Intéressant. Enfin, "Petit paysan" de Hubert Charuel avec Swann Arnaud et Sara Giraudeau, l'histoire d'un éleveur de vaches laitières qui tue, en cachette,  l'une de ses vaches atteinte de la vache folle pour éviter que son troupeau ne soit totalement abattu. Mais sa sœur est vétérinaire...Pour avoir vécu ce drame comme Ministre de l'Agriculture, j'ai traversé cette histoire, silencieuse et triste,  avec gravité.

vendredi 8 septembre 2017

Je connais bien Saint-Martin , cette drôle d'île je nous partageons avec les Pays-Bas.

Une petite île d'ailleurs, pas très jolie mais entourée de son archipel de grande beauté : Anguilla, Tintamarre, Fourchue, Saint Barth....
Nous, les marins, nous aimons mouiller notre ancre après une longue traversée dans ces eaux turquoises, devant ces cocotiers. 
J'y compte des amis, de bons amis. 
Et je suis depuis deux jours, comme beaucoup de français, en sidération devant le désastre engendré par Irma, le cyclone...
Sidéré et triste pour cette population . Désolé et solidaire. Disponible et attentif.
Il faut savoir qu'aux Antilles, la population a la culture du cyclone en elle. Elle en a vu tant. Elle s'y prépare. Elle sait comment agir. Sauf que là.... Lá, ça  a atteint un degré jamais connu  depuis des décennies . Il faut, il faut absolument que l'on en tire toutes les leçons : sur le réchauffement climatique, bien sûr, puisqu'il est au cœur des mécanismes cycloniques par le réchauffement de l'eau des océans ; mais aussi sur l'urbanisme des bords de mer.Il y a tant à faire.. Mais aujourd'hui, compassion.