vendredi 30 décembre 2022

Lu « Miracle à la Combe aux Aspics » d’Ante Tomic aux Editions Libretto, traduit du croate par Marco Despot.

 Ange Tomic est un journaliste et romancier croate contemporain auteur de plusieurs
romans. Celui-ci, qui se passe à Split et dans ses environs, est particulièrement déjanté et très amusant à lire : Jozo Aspic vit dans les montagnes, pas très loin de Split donc, avec ses quatre fils, dans un village abandonné, hors du temps, de l’hygiène, des lois et règlements, armés jusqu’aux dents, éliminant tous ceux qui s’approchent. Un double événement va bousculer la vie de ce clan: d’abord, la visite de deux contrôleurs du service d’électricité qui viennent réclamer le paiement de nombreuses et anciennes factures impayées. Miraculeusement ils ne seront pas exécutés mais séquestrés. Ensuite l’aîné ressent un irrésistible besoin de femme et part donc à la ville pour en chercher une et se souvient d’une serveuse de bar qui lui faisait du gringue quand il était à l’armée…. De là démarre une cocasse histoire aux multiples rebondissements. Très amusant et plaisant à lire. Ne chercher ni profondeur ni poésie, juste de la distraction.

mercredi 28 décembre 2022

Lu « Reine de cœur » d’Akira Mizubayashi paru chez Gallimard.

 J’avais beaucoup aimé le précédent ouvrage de cet écrivain et universitaire japonais
qui écrit en français, «Âme brisée » , une histoire d’amour franco-japonais brisée par la guerre, autour d’un instrument de musique et dans une ambiance de musique classique. C’était d’une grande sensibilité et très bien écrit.
 

Eh bien ce nouveau livre reprend les mêmes ingrédients : c’est toujours bien écrit et d’une belle sensibilité, ce qui donne toujours une beau plaisir de lecture, mais comme c’est aussi une histoire d’amour franco-japonais brisée par la guerre dans une ambiance de musique classique et autour d’un instrument ….ça donne un petit air de déjà vu. Changer un violon pour un alto est un bien mince renouvellement.

Lu « Impossible » d’Erri De Luca, traduit de l’italien par Danièle Valin et paru dans la collection Folio.

Un très joli petit livre. Je n’avais encore jamais rien lu de cet auteur italien
contemporain, traduit dans de nombreux pays et plusieurs fois primé dans le nôtre. Il était temps de réparer cette lacune. Dans les Dolomites, un homme meurt dans une chute lors d’une randonnée en solitaire. L’enquête fait vite apparaître que sur ce même parcours un autre homme randonnait lui aussi en solitaire et que celui-ci est un ancien extrémiste qui a passé des années en prison tandis que la victime est….un ancien repenti qui avait « donné » tous les membres de son réseau. Et le livre est un compte-rendu des interrogatoires menés par un juge persuadé qu’il s’agit d’un meurtre par vengeance et l’ancien extrémiste, assagi par l’âge, qui nie et philosophe. Justice contre fraternité. Dialogues entrecoupés par les lettres que l’accusé adresse à une amoureuse lointaine depuis la cellule de sa prison. Bien fait, bien écrit, bien senti, c’est un très joli petit livre.
 

lundi 26 décembre 2022

Lu « Éteignez tout et la vie s’allume », le dernier roman de Marc Levy paru chez Robert LAFFONT.

M’accordant une lecture facile, très facile, je n’ai pas été déçu du voyage….une
rencontre impromptue entre Adèle et Jeremy, 20 ans de moins qu’elle. Elle est spécialiste en grandes horloges, lui organiste. Les hasards de la vie les font se rencontrer sur un bateau puis poursuivre le voyage en voiture ensemble. Un cabriolet décapotable…C’est, comme prévu, d’une très grande légèreté, un peu trop sans doute. Et, curieusement, ce qui m’a beaucoup énervé dans ce récit, c’est qu’il n’est pas situé : il y a des bateaux, des ports, des campaniles…mais sommes-nous en Italie, en Espagne ou en Grèce , on ne le saura jamais. Et faut-il que cet aspect des choses manque à ce point pour qu’il emporte un jugement sur le livre ?

Vu «  Les bonnes étoiles «  le dernier film de Hirokazu Kore-Eda, le cinéaste japonais qui réalise et produit ce film en Corée ( du sud évidemment…) et l’avait présenté au dernier festival de Cannes.

 Une histoire de famille comme les affectionne l’auteur, qui est aussi une histoire de
trafic d’enfants: la mère, une prostituée qui n’a pas voulu avorter ( « mieux vaut abandonner que tuer» dit-elle dans un curieux raccourci), son bébé et deux experts en trafics d’enfants, auxquels s’ajoute un gamin déluré, forme une sorte de famille recomposée qui vit ensemble en recherchant le gros lot de la vente . La police les poursuit et veut les prendre « la main dans le sac » . C’est bourré de tendresse et de sentiments attachants, ce qui est plutôt un exploit dans le cadre d’une histoire sordide, même si c’est aussi plein de longueurs inutiles. Le film aurait pu faire une demie-heure de moins.

jeudi 22 décembre 2022

Vu « Nos frangins » le film de Rachid Bouchareb avec Lyna Khoudri, Reda Kateb et Raphaël Personnaz, sélectionné au festival de Cannes 2022.

 Un film qui évoque deux « bavures » policières de 1986: la mort de Malik Oussekine,
tabassé à mort par une brigade de « voltigeurs » motocyclistes à la fin d’une manifestation contre le projet Devaquet de réforme des Universités - manifestation à laquelle il n’avait pas participé !- et celle, au même moment, d’Abdel Benyahia, descendu d’un coup de pistolet par un flic à la sortie d’un bar en banlieue alors qu’il n’avait fait que s’interposer dans une bagarre.

Une sorte de biopic à mi-chemin entre la fiction et le documentaire avec des images d’archives sur l’actualité de l’époque. Un film militant certes mais sans excès, visant à dénoncer des violences policières et, surtout, la volonté politique, d’étouffer ces affaires. Un film pour dire la tragédie vécue par ces deux familles.
C’est assez remarquablement fait et très émouvant. Reda Kateb est égal à lui-même, un acteur de grande qualité et la jeune Lyna Khoudri, qu’on avait découvert dans « Novembre» , s’affirme comme une future grande actrice de sa génération.
Je me faisais juste une réflexion en pensant à ces marchands d’illusion qui nous expliquent que « La Gauche, la Droite, tout ça est dépassé, ça n’existe plus »….bla-bla-bla… Voyez les images d’archives de ce film et les déclarations qu’elles retranscrivent de Chirac-Pasqua- Pandraud d’une part, Mitterrand, Mauroy ou Kiejman de l’autre et dites-moi si tout cela est dépassé. En tout cas, moi, je suis plutôt fier, dans ces évènements dramatiques d’avoir été du côté des derniers nommés…comment disent-ils ? C’est « vieux monde » comme réflexion ? Mais tellement actuel pourtant….

mercredi 21 décembre 2022

Vu « Maestro(s) » le film de Bruno Chiche avec Pierre Arditi, Yvan Attal, Miou-Miou, Caroline Anglade.

 On est chefs d’orchestre de père en fils dans la famille Dumar….mais le père et le fils
 n’ont pas une relation affective épanouie et heureuse. On dira plutôt une rivalité froide et distante. Aussi quand la Scala de Milan se trompe de Dumar et contacte le père au lieu du fils pour lui proposer une saison dans cette maison prestigieuse, se noue une intrigue psychologique originale et tendue ( Le dialogue père-fils un soir tard au domicile du dernier est assez pathétique et joliment rendu). C’est très remarquablement joué et cela baigne dans une ambiance musicale classique délicieuse. Ce n’est pas un chef d’œuvre mais c’est un joli film qui offre un bon moment.

mardi 20 décembre 2022

Angelin Preljocaj présentait sa dernière création, « Mythologies »

 La semaine dernière au théâtre du château de Versailles, comme il le fait chaque 

année depuis 2009, le chorégraphe Angelin Preljocaj présentait sa dernière création, « Mythologies » sur une musique de Thomas Bangalter, pour 20 danseuses et danseurs, 10 du ballet Preljocaj et 10 du corps de ballet de l’Opera National de Bordeaux. Une sorte de tableau impressionniste pour décrire nos rituels contemporains et leurs liens avec les mythes de l’antiquité. C’est très enlevé, rythmé, varié, sans temps mort ni longueur. C’est très remarquablement dansé. Mais si bien léché qu’au fond, on ne ressent aucune véritable émotion. De la très belle danse mais un peu froide….

Lu  «Performance » de Simon Liberati, paru chez Grasset et qui vient d’obtenir le Prix Renaudot 2022.

Un écrivain septuagénaire, malade et endetté, alcoolique et drogué régulier, vit une
histoire d’amour avec Esther, une jeune femme plus jeune de 50 ans, magnifique mannequin qui était la fille de sa dernière femme, morte dans des conditions dramatiques auxquelles il est fait allusion à plusieurs reprises dans le livre sans qu’on puisse en savoir plus. Il bénéficie d’une commande inattendue, l’écriture du scénario d’une série sur les Rolling Stones et, plus particulièrement sur l’épisode de la mort de Brian Jones en 1969, après que le célèbre groupe ait fait l’objet d’une arrestation collective pour usage de drogues diverses en 1967, ce qui fit à l’époque un vrai scandale au Royaume-Uni. Et le roman raconte l’histoire de l’écriture du scénario, les rapports avec les producteurs, le metteur en scène, les acteurs, les intuitions littéraires de l’auteur largement inspirées de ses recherches rigoureuses sur le fait divers et d’une connaissance assez approfondie des évènements anciens, le tout mélangé, imbriqué, confondu, interverti avec son histoire d’amour contemporaine. Bon, c’est très sophistiqué assurément, mais ce genre de littérature me motive assez peu. Si je n’avais pas peur de jouer au snob provincial, je dirais que c’est très «germanopratin » … 

jeudi 15 décembre 2022

Lu « Veritas tantam » d’Olivier de KERSAUSON paru au Cherche Midi.

 Le titre complet est « Veritas tantam potentiam habet ut non subverti possit » ce qui,
traduit du latin, signifie « La vérité a une telle puissance qu’elle ne peut être anéantie».

Je connais l’auteur depuis une quarantaine d’années et j’ai navigué un certain nombre de fois sur ses trimarans, y compris en course. C’est dire que je ne suis pas d’une objectivité à toute épreuve sur le personnage: passer des nuits et des nuits en mer ensemble m’a permis, assurément, de découvrir la vérité de cet homme qui est loin, très loin du personnage que certains médias lui font jouer depuis des décennies comme aux «Grosses têtes » par exemple. L’homme est cultivé, poète et, au fond, un vrai humaniste : ses convictions personnelles sont aux antipodes de toute forme de racisme et les propos qu’il tient actuellement sur les naufrages de migrants en Méditerranée et sur l’immigration en général en sont la meilleure démonstration. 
Alors, le marin nous propose ici un recueil de pensées sur « le bon sens » tiré de ses expériences de vie, dont notamment, le cancer qu’il vient de surmonter. Ce n’est pas de la littérature haut de gamme, et bien de ses propos peuvent paraître abrupts, mais c’est du vrai bon sens…

lundi 12 décembre 2022

Lu « Le rocher de Süsten » dans son tome 2, deuxième tome des Mémoires de l’ami Jean-Noël JEANNENEY qui porte sur la période 1982-1991 et relate deux expériences majeures de l’auteur: la Présidence de Radio-France et celle de la Mission de commémoration du bicentenaire de la révolution française de 1789. 

Deux responsabilités éminemment politiques dans une période de l’histoire
contemporaine de la France qui, quoiqu’on en dise, ne fut pas totalement négligeable: les 10 premières années de la Gauche au pouvoir.

Mais deux responsabilités qui éclairent d’un jour particulier et passionnant cette période. 
Car à Radio-France, l’auteur défrichait les premiers moments d’une réforme majeure engagée par la Gauche et que beaucoup de français - et de responsables politiques ! - ont oubliée : la coupure des liens entre le pouvoir politique et les médias publics. La fin de la ligne directe entre le Ministre de l’Information et le dirigeant de la télévision publique. La fin des titres des journaux télévisés rédigés par le Ministre…Oh  ! Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain ! Au début, même, des responsables politiques socialistes de haut rang n’admettaient pas disons « spontanément » les conséquences de cette liberté conquise sur la liberté de ton des journalistes….mais c’est surtout la Droite et le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac en 1986-88 qui n’admettront pas du tout cette liberté acquise et la remettront en cause brutalement dans un mouvement typiquement « réactionnaire », au sens premier du terme, avant que François Mitterrand et le gouvernement de Michel Rocard ne la remettent sur de bons rails. Les anecdotes rapportées par l’auteur sur la période de la première cohabitation sont, à cet égard, savoureuses avec des portraits acérés de Philippe de Villiers, François Léotard ou Edouard Balladur. J’emploie le mot « acérés » pour ne pas faire allusion à l’usage du vitriol….
Quant à la commémoration du bicentenaire de la Révolution, elle est tout autant politique dans la mesure où, là encore, la droite réactionnaire la boycotta d’une façon très sectaire. Pas toute la Droite bien sûr et, à cet égard, les éloges dressés à Philippe Séguin, Jacques Chaban-Delmas ou Lucien Neuwirth sont précieux et honnêtes. Mais, là encore, Chirac et la Mairie de Paris se montrèrent sous un jour bien peu républicains.
Pour eux, la révolution française c’était la terreur point. La fin de l’ancien régime, la déclaration universelle des droits de l’homme et le début de l’universalisme, les balbutiements de la démocratie et de la République, Valmy et le lien Armée-Nation…tout cela ne les intéressait pas.
Mais sont tout aussi savoureux à découvrir les liens que les responsables socialistes entretinrent avec la mission: François Mitterrand attentif mais soucieux d’en tirer le meilleur miel, Michel Rocard très bienveillant et, en même temps, moins mobilisé par ces grandes commémorations et le sens de l’histoire que par la bonne gouvernance, Chevènement focalisé sur le lien Armée -Nation, Lang obsédé par la récupération du succès…
Et puis, ce livre dense et riche raconte en détails la « querelle des historiens» qui vit s’affronter les deux grandes écoles, celle de François Furet et celle de Michel Vovelle, «la révolution est-elle un bloc à prendre ou à laisser? », «donne-t-on assez de places aux mouvements sociaux dans l’approche de ce grand moment de l’histoire de France? » ….ces pages m’ont passionné même si, je les ai trouvées parfois un peu ésotériques. Tous les lecteurs ne sont pas des historiens, personne n’est parfait…
Enfin je dois dire, mais là mon plaisir est inversement subjectif à ce que je viens d’écrire, que le récit des conversations de l’auteur avec François Mitterrand sur l’ensemble de la période et les deux grands dossiers abordés m’a captivé. Car, au fond on voit deux hommes qui ne se connaissaient quasiment pas en 1981, apprendre à se connaître après s’être mutuellement jaugés et nouer peu à peu une relation de confiance qui ne sera jamais une intimité mais fondée sur le respect, ça va de soi, et l’estime réciproque.

Un beau livre pour les historiens et ceux qui ne le sont pas mais se soignent… 

dimanche 11 décembre 2022

Vu «  Elie SEMOUN et ses monstres », le dernier spectacle de l’intéressé aux Folies Bergères. C’était la dernière…

 Un humoriste passionné par l’âme humaine et par ces monstres que peuvent être un


pédocriminel, un djihadiste repenti, un touriste sexuel, une «stand-uppeuse» vulgaire, un raciste ordinaire ( si tant est qu’un raciste puisse être ordinaire…) , un handicapé tombé  amoureux sur un site de rencontres, un lâche qui veut négocier avec des cambrioleurs ….attention ! Ne rien prendre au premier degré. D’ailleurs l’artiste, quelquefois, interpelle le public pour le lui préciser puis prévient «  bon, je reviens dans le sketch ». 

Un moment intriguant et tendre autant que drôle quand il annonce qu’il veut nous présenter sa mère qui a tant compté pour lui, sort en coulisses et revient …avec une urne funéraire ! Pour lui raconter ce qu’il est devenu depuis sa mort.

J’aime beaucoup ce personnage et son humour si particulier.

mardi 6 décembre 2022

Lu « le braconnier du lac perdu » de Peter May, aux Editions Babel Noir,

     troisième et dernier tome de la trilogie de « L’homme de Lewis ». Toujours le même
 
personnage central, Fin, l’ancien inspecteur de police de retour dans son île, toujours le même décor, celui des îles Hébrides au Nord-Ouest de l’Ecosse et leur climat violemment changeant, toujours la même qualité littéraire autour d’une nouvelle intrigue, toujours le même régal. J’ai vraiment beaucoup apprécié cette trilogie et l’évasion passionnante qu’elle procure. Lire c’est voyager ? En voilà une nouvelle preuve…

Vu « Armageddon Time » le film de James Gray, Palme d’Or, Prix du Jury du Festival de Cannes.

 New York, les années 80, un jeune garçon d’une famille aisée mais pas riche ( le
père est un plombier qui réussit) s’ennuie à l’école et n’aime que le dessin. Mais il s’y lie d’amitié pour un camarade de classe, noir, très pauvre et victime du racisme qu’on qualifie d’ordinaire. Disons d’un racisme diffus ou de tous les jours.

Ce jeune garçon est ballotté entre ces trois pôles, la famille, l’amitié, l’école, et cherche sa voie, tenté par toutes les aventures. Il bénéficie pourtant des conseils sages et affectueux de son grand père, magnifiquement joué par Anthony Hopkins. Mais celui-ci, malade, va mourir et le laisser seul face à sa destinée…
Un joli film, fin, subtile, réaliste, édifiant avec, sans doute quelques longueurs inutiles.