dimanche 27 septembre 2020

Je viens de finir, je l’ai dévoré et dégusté, « Le rocher de Süsten »,premier tome des Mémoires de Jean-Noël JEANNENEY

 


qui vient de paraître au Seuil, recouvrant la période 1942 (date de la naissance de ce jeune homme...) à 1982, date de sa nomination à la tête de Radio-France.
Faut-il présenter l’auteur ? Son cv est si riche qu’il en faudrait des pages ! Sa production littéraire si prolifique qu’elle remplit toute une bibliothèque !
L’historien de référence, l’homme de culture foisonnante mêlant radio et théâtre ou littérature n’a semble-t-il qu’un vrai défaut : il est mon ami et l’affection complice qui nous lie compte beaucoup pour moi. Autant dire que mon esprit-critique à son égard souffre sans doute de quelque subjectivité.....
Il n’empêche, je me suis régalé.
Régalé de revivre une page de l’histoire contemporaine de la France que j’ai vécue différemment mais, finalement, avec beaucoup de points communs que je découvre ou redécouvre. Régalé de comparer nos filiations comparables du gaullisme de gauche par nos pères, le sien haut-fonctionnaire et Ministre, le mien héros de la guerre et général. Régalé de toutes ces rencontres ici relatées avec tant de personnalités diverses. Régalé, en particulier du récit du déjeuner à Colombey-les-deux-églises, à la Boisserie , 7 mois après que le général eût quitté le pouvoir en 1969 où Jean-Noël, jeune enseignant d’histoire à la fac de Nanterre ( ma fac !) accompagnait ses parents. Un déjeuner simple, une ambiance familiale, un De Gaulle détendu, très attentionné à l’égard de ses invités, épargné semble-t-il par toute forme d’amertume, portant sur les responsables politiques, français ou étrangers, un jugement lucide et distant.
Le compte-rendu de ce déjeuner est une pure merveille et ce livre un vrai délice.

jeudi 24 septembre 2020

Disparition d’une grande dame brune...

 Juliette Greco avait la beauté d’une femme libre, tellement libre que presque

sauvage, le charme sensuel d’une femme émancipée, le regard profond d’une femme intelligente et cultivée, la voix grave et émouvante d’une femme tendre et chaleureuse.
Elle incarnait au plus au point l’insouciance du « qu’en dira-t-on », le goût immodéré de la liberté en commençant par la sienne, la poésie triomphante de Saint Germain des Prés, celui de Miles Davies et Boris Vian, celui d’avant les snobs de la gauche caviar...
Elle avait des convictions à l’identique, libres et passionnées, engagées aussi.
Je l’ai rencontrée une seule fois : c’était lors de la campagne électorale de 2002, quand un collectif de femmes avait organisé une rencontre pour la parité au Palais des Sports, autour de Lionel Jospin. Je l’y avais accueillie en me présentant. « Je vous en prie, m’avait-elle dit, je ne suis pas ignorante, je sais très bien qui vous êtes. Donnez-moi le bras je vous prie, je n’y vois pas très bien aujourd’hui ». Et je suis entré dans la salle au bras de cette Grande et belle femme, l’accompagnant jusqu’à sa place..... contact physique bien léger, bien furtif, mais tellement émouvant !
Hommage à cette grande dame.

mardi 15 septembre 2020

Lu « Un temps troublé » de Lionel Jospin paru au Seuil.

 

L’ancien Premier ministre s’était tenu, pendant plusieurs années, au devoir de réserve
que lui imposait sa fonction au Conseil Constitutionnel. Libéré de celle-ci l’an dernier, il a donc pris la plume pour s’exprimer sur la situation politique du pays. Ce livre est politique au sens plein du terme, et Jospin l’assume. Et comme, pendant sa période au Conseil Constitutionnel, il s’était passé un évènement marquant, l’élection présidentielle de 2017 et l’avènement d’un jeune Président « atypique », c’est autour de cela que le livre s’organise.

Lionel Jospin « analyse » cet événement avec le sérieux qu’on lui connaît, dans toutes ses dimensions : personnelles (« l’homme m’intéresse, m’intrigue, m’inquiète »...), organisationnelles (LREM, un parti sans histoire et sans racines organisé autour d’un seul homme), mais aussi et peut-être surtout, historiques ( l’évolution de la vie politique française depuis 20 ans, celle de la Gauche, le quinquennat de Hollande sur lequel il porte un regard sévère mais juste) et internationales avec un regard porté sur un monde troublé et une Europe en difficulté.
Au croisement de ces regards, il y a celui porté sur l'élection présidentielle de 2022, imprégné d’inquiétude. Lionel s’inquiète fortement, ce que je partage entièrement, du jeu du Président et de son parti qui tend à résumer la vie politique française à un face-à-face entre lui, eux, et le Rassemblement National, réduction reposant sur le pari que cela suffirait à assurer la réélection du Président sans voir que cela pousse tous les électeurs mécontents du pouvoir à voter pour ce qu’ils n’envisageaient pas jusque-là, ou sur l’illusion d’un soi-disant « plafond de verre » qui, de toutes façons, interdirait à Madame Le Pen d’être élue. Seulement voilà, regardez le monde tel qu’il est : y-a-t-il eu des « plafonds de verre » pour empêcher les élections de Trump, Bolsonaro, Erdogan, Orban ...? La France serait-elle « l’exception qui confirme la règle » ? Pari dangereux.
Ce livre est sérieux, très sérieux, argumenté, posé. Voilà une voix qui porte utilement.

vendredi 11 septembre 2020

Mort de George Bizos, un des grands personnages de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud.

 

Ce blanc -puisqu’il faut bien apporter cette précision qui peut paraître saugrenue et déplacée aujourd’hui mais qui avait son importance en ces temps douloureux...- d’origine grecque, était l’avocat personnel de Nelson Mandela et un des dirigeants de l’ANC. Je l’avais rencontré à son domicile à Johannesburg il y a quelques années et nous avions longuement conversé avant qu’il ne m’offre son livre de « Mémoires », amicalement dédicacé.

Je me rappelle en particulier d’une anecdote qu’il m’avait racontée : après l’incarcération de Mandela au pénitencier de l’île de Robben Island au large du Cap, Bizos, arguant des droits de la défense demande à lui rendre visite. Cela prend des semaines ou des mois de formalités et enfin il obtient l’autorisation. Il débarque dans l’île et veut se rendre au pénitencier mais des gardes armés lui barrent le passage et lui intiment l’ordre de rester sur le port où l’on va conduire Mandela jusqu’à lui. Nouvelle et longue attente. Enfin apparaît un pick-up à l’arrière duquel se tient Mandela entouré de 4 gardes armés jusqu’aux dents. Mandela descend et tombe dans les bras de Bizos dans une longue et chaleureuse étreinte. Malaise. Malaise et tension des gardes pour qui voir un blanc et un noir s’étreindre de la sorte a quelque chose d’inimaginable et même d’insupportable. Les réflexions fusent. Alors, Mandela, prenant conscience de la situation s’exclame: « Oh George ! Comme je suis tête-en-l’air !! Je manque à tous mes devoirs car j’ai oublié de te présenter les amis ( !!...) qui m’accompagnent . » Et voilà que Mandela présente un à un ses gardes à Bizos en les appelant par leurs prénoms !! l’atmosphère fut détendue illico...
Une anecdote qui en dit long sur la sagesse, l’humanité et l’humour du grand homme.
Bizos était une très belle personne et son parcours courageux mérite respect, estime, admiration.

jeudi 3 septembre 2020

Lu « France-Algérie , Résilience et réconciliation en Méditerranée » dialogue entre Boris Cyrulnik et Boualem Sansal paru chez Odile Jacob .

 

Un dialogue bien intéressant entre le célèbre neuropsychiatre qui est aussi

méditerranéen puisqu’il vit depuis longtemps à La Seyne dans l’agglomération de Toulon où j’ai eu le grand plaisir de le rencontrer chez des amis communs, et l’essayiste et écrivain algérien qui fut longtemps économiste et haut-fonctionnaire et qui, désormais, cumule les prix littéraires....
Un dialogue pour essayer de tout se dire dans cette relation d’amour-haine entre nos deux pays, sortir des mensonges et des hypocrisies et, surtout, appréhender une complexité invraisemblable, bien loin des scénarios réducteurs et des simplifications hasardeuses.
Un dialogue pour, d’abord, connaître et comprendre l’histoire, celle du colonialisme notamment, qui ne commença point en Algérie avec l’arrivée des français en 1830 puisque l’empire ottoman y sévit bien longtemps auparavant, mais qu'il faut regarder en face sans se masquer les yeux parce qu’on ne se guérit point des blessures et des traumatismes sans les connaître parfaitement.
Un dialogue pour bien comprendre la nature du régime algérien et les chances du « Hirak » auquel nous avons tous assisté avec espoir mais dont l’évolution, une fois de plus, ne fait place qu’à la crainte, l’inquiétude.
Ce livre est inégal. Il a des longueurs, des digressions étonnantes. Mais il apporte une belle pierre à la compréhension des choses qui se passent dans ce beau pays du sud de la Méditerranée qui fut, est et restera toujours un partenaire essentiel de la France, dans tous les domaines .