lundi 23 janvier 2017


Les électeurs de la primaire ont voté et il faut respecter leur choix démocratique.

Réjouissons-nous d'abord de cet exercice démocratique même si son succès est limité.

À entendre les commentateurs et experts hier, en début de soirée, c'était un échec...et moi je trouve que dans la crise démocratique actuelle et dans l'état de délitement absolu de la Gauche, c'est plutôt un beau succès. Dans mon bureau de vote, j'ai été agréablement surpris de devoir faire la queue pour voter en ce froid dimanche matin.

Exit donc Montebourg qui finit 3eme comme il y a 5 ans, avec 17% comme il y a 5 ans, preuve d'une stagnation évidente de son discours pour ne pas être plus sévère. Exit Peillon dont je n'ai toujours pas compris pourquoi il était candidat, les électeurs non plus. Exit les autres petits candidats, respectables et loyaux, dont un certain Francois de Rugy que je connais bien, apprécie bien, et qui a fait un beau parcours.

Restent donc Valls et Hamon.

Manuel Valls, j'ai déjà dit pourquoi je le soutenais et je le redirai dans les heures et jours qui viennent : il me paraît, à l'évidence et les interventions des candidats hier soir le démontraient spectaculairement, qu'il est le mieux préparé, le plus expérimenté, et qu'il a le sens de l'Etat le plus affirmé.

Mais je veux dire aujourd'hui quelques mots sur Benoît Hamon. Je connais bien Benoît depuis longtemps. J'apprécie l'homme sympa en diable. Je le respecte et l'estime amicalement pour son parcours et sa cohérence.

Le problème est que j'ai de profondes et graves divergences politiques avec lui. Si profondes et graves que je porte un regard sévère sur son programme et ses conséquences éventuelles  pour notre pays. Je m'en tiendrai à trois exemples : 



1. Le revenu universel. Il nous le présente  comme "la" grande mesure moderne et de Gauche. De Gauche le revenu universel ?? J'ai beau chercher dans la plus profonde de mes convictions et de mes connaissances, je ne vois pas ce qui est de Gauche dans le fait de donner un revenu de base à tous les citoyens, qu'ils soient riches ou pauvres, qu'ils aient un travail ou pas ! Et je ne vois pas ce qu'il y a de gauche  à reprendre une idée avancée depuis des décennies par des économistes libéraux dont Milton Friedman fut le plus en pointe. Sans faire injure  à Benoît, Christine Boutin y est favorable aussi....smile !

Milton Friedman,  chantre de la nouvelle gauche française ? Très peu pour moi. À quoi j'ajoute que ce dispositif coûterait cher, très cher aux finances publiques : 300 à 400 milliards d'euros et que ce seul fait de l'envisager alors que nous venons à peine d'entamer la résorption de nos déficits et qu'il y a encore beaucoup de route à faire, me paraît pas seulement irresponsable : c'est une régression de la pensée de gauche.

2ème exemple : le "49-3 citoyen». On a beaucoup glosé sur le 49-3 et j'ai moi-même écrit dans ces lignes combien le vieux parlementaire " parlementariste" que je suis appréciait peu cet article de notre constitution. Même si je relativise à propos de son usage sous ce quinquennat quand une trentaine de "frondeurs " refusaient  la loi de la majorité des 270 autres députés socialistes et voulaient bloquer le travail collectif de réforme en le caricaturant et en le dénigrant malhonnêtement....c'est une autre histoire, pas tout à fait indépendante de celle-ci mais revenons au 49-3: Benoît Hamon propose un "49-3 citoyen". Je passe sur le caractère magique d'une proposition qui voudrait, en accolant " citoyen" à un symbole du parlementarisme rationalisé par de Gaulle, tracer la voie de la 6eme République. Presque dérisoire. Mais surtout dangereux ! Car, si j'ai bien compris, il s'agit de donner aux citoyens par voie de pétition, le pouvoir de bloquer un processus législatif qui leur poserait problème. Pure démagogie que de porter un nouveau coup très grave à la démocratie représentative. Mais une démagogie dont il faut mesurer les conséquences : mon cher Benoît, avec cette disposition, on n'aurait jamais aboli la peine de mort !

3ème et dernier exemple : interrogé sur ces bistrots de Seine St Denis où les femmes n'étaient pas admises sous la pression d'un islamisme radical bien peu républicain, Benoît a répondu qu'à la fin du 19ème siècle, déjà, dans les bistrots ouvriers, les femmes ne fréquentaient pas non plus les bistrots... terrible réponse. Pas seulement parce qu'elle nous renvoie  plus d'un siècle en arrière, mais surtout parce qu'elle manifeste un refus de regarder la réalité d'aujourd'hui en face, les yeux dans les yeux. Benoît considère que les musulmans de France sont les nouveaux "damnés de la terre" et que c'est leur révolte sociale qui explique le radicalisme. Terrible et tragique erreur. 



Voilà trois divergences profondes et graves avec le programme de Benoît Hamon. Elles caractérisent un programme que je considère plus  gauchiste que républicain et qui me paraît nous faire retourner 40 ans en arrière, comme si nous n'avions rien appris tous ensemble. 

Comme si nous abandonnions tout projet de gauche de gouvernement, pour retourner dans l'utopie et l'irresponsabilité. Je ne veux pas de ça  pour mon pays, je crois plus que jamais à l'éthique de responsabilité. Un dernier mot à ce sujet : quand il a refusé de rester au gouvernement - il n'a pas été " viré" comme le disent les ignorants, il pouvait rester, mais a préféré être solidaire de Montebourg et de son inqualifiable provocation de la fête de Frangy à l'égard du Président... enfantillages- Benoît Hamon était Ministre de l'Education Nationale. Poste de responsabilité si éminent, si essentiel, si lourd et majeur. Il a quitté ce poste de son plein gré quelques jours à peine avant la rentrée scolaire et cela m'avait beaucoup choqué. Je sais que je n'étais pas le seul. Toujours l'éthique de responsabilité...

lundi 9 janvier 2017

Pierre Barouh

Je veux rendre un hommage tardif à un homme disparu pendant ces fêtes de fin d'année, Pierre Barouh. Un homme de charme, de musique et de sensibilité. Un artiste ouvert à toutes les musiques du monde. À tous les rythmes. Un poète assurément. Je le connaissais un peu, par des amis communs, et la dernière fois que je l'ai rencontré, il y a quelques années, il était à la terrasse d'un bistrot parisien. Nous avions parlé d'Anouk Aimée, qui fut sa femme quelques années après le tournage de "un homme et une femme" où ils s'étaient rencontrés et à qui me lie une vieille amitié. Ses mots étaient d'une grande douceur, d'une belle gentillesse. Comme lui. Une bien triste disparition.

"Promenades en bord de mer et étonnements heureux" d'Olivier de KERSAUSON

Lu "Promenades en bord de mer et étonnements heureux" d'Olivier de KERSAUSON, paru aux éditions du Cherche Midi. Bon je connais bien Olivier et j'ai navigué souvent sur ses bateaux, et j'apprécie le caractère riche au possible de cet homme qui est, sans qu'on le sache trop, un vrai homme de culture. J'ai bataillé - sans m'y perdre, soyon  modeste - contre ses excès machistes voire réactionnaires, mais j'ai surtout beaucoup ri avec lui et passé des nuits blanches dans des discussions passionnées en sa compagnie. Et je le lis donc avec intérêt et subjectivité. Ce livre-là ne fera peut-être pas date, d'autant qu'il n'est ni un récit d'une aventure ni un essai sur la navigation, mais une collection d'anecdotes, de pensées ou de réflexions - inégales - de deux ou trois lignes minimum, deux ou trois pages maximum. Mais il faut y voir l'écriture d'un homme qui a vieilli, qui a "posé son sac" au sens où il ne sillonne plus le monde sur des bateaux de course, même s'il aime toujours pêcher en mer ou passer du temps sur les bateaux des autres, et qui se retourne vers sa vie de navigateur pour en tirer quelques leçons. J'aime bien son parallèle permanent entre Brest où sont ses origines, Le Conquet précisément où il garde son bâti de granit breton, et la Polynésie où il vit depuis une dizaine d'années. Deux bords de mer si différents et, en même temps, si semblables, au moins par son ressenti et son vécu d'amoureux des océans, de marin dans l'âme. Car il faut comprendre que le marin, quelque fût le bord de mer où il se trouve, ressent toujours le même sentiment profond quand il regarde la mer, sentiment qu'on nomme "l'appel du large".
Et puis, j'aime particulièrement son côté "moi je peins des sillages blancs sur le bleu des océans", qui résume bien sa personnalité méconnue, poétique et artistique.

"Darwin, Bonaparte et le Samaritain" de Michel Serres

Lu "Darwin, Bonaparte et le Samaritain" de Michel Serres, paru aux éditions Le Pommier. On connaît Michel Serres l'académicien philosophe et historien des sciences, le gascon pédagogue, virtuose des mots et des concepts. Il livre ici un essai sur trois personnages qui scandent trois âges de l'histoire. " Le premier âge est plus long qu'on ne le croit ; le second pire qu'on ne pense ; le troisième meilleur qu'on ne dit" dit-il. L'idée de base, fondée sur des études et statistiques incontournables, est que le monde vit depuis 70 ans une période de paix exceptionnelle et que le nombre de victimes des conflits ou du terrorisme ne cesse de décroître quoiqu'on en dise, pendant que la générosité des hommes n'a jamais été si développée. Bon, soit. Le problème est que Serres écrit désormais deux ou trois livres par an, 4 en 2015, et qu'à ce rythme, il est bien difficile d'éviter la superficialité. Et l'auteur a beau inventé des mots ou des concepts à chaque page ou presque, ça va trop vite... En tout cas pour moi. Dommage, car j'apprécie beaucoup cet homme. Mais je l'écouterai encore avec plaisir sur France-info !!

"Laetitia" de Ivan Jablonka

Lu "Laetitia" de Ivan Jablonka, paru aux éditions du Seuil. Étrange livre, d'un genre si particulier. Il relate, il faut dire, un fait divers épouvantable survenu en janvier 2011 dans la région nantaise, l'enlèvement et l'assassinat de Laetitia Perrais par le dénommé Tony Meilhon, un repris de justice au casier judiciaire long comme le bras. Cet assassinat avait provoqué d'abord une émotion profonde dans le pays car Laetitia avait 19 ans, était belle et avait eu, avec sa sœur jumelle une enfance douloureuse : Père violent et en prison, mère battue en hôpital psychiatrique, placement en famille d'accueil etc... Mais il avait soulevé également une sacrée polémique, Sarkozy accusant, à tort, les magistrats de n'avoir pas fait leur boulot, réclamant des sanctions et provoquant un mouvement de grève inégalé dans la magistrature. Sarkozy n'en fut pas à une bourde près puisqu'il prit partie pour le père adoptif contre le père génétique, alors que l'enquête démontrera que le premier était aussi un violeur patenté ...
L'intérêt du livre ne tient pas au récit du fait divers, glauque s'il en est, fruit d'un énorme travail d'investigation, mais surtout d'une réflexion globale sur tous les sujets périphériques de celui-ci : l'aide sociale à l'enfance, les enfants mineurs retirés à leurs parents, les familles d' accueil, mais aussi l'univers post-carcéral, les juges d'application des peines et les services d'insertion. Ajoutez-y un regard acéré sur le jeu des médias et vous obtenez un intéressant coup de projecteur sur une frange de notre société bien mal connue. La conclusion est d'une sensiblerie un peu bateau - genre "l'auteur qui s'est pris de tendresse pour son héroïne" - et les réflexions politiques pour le moins superficielles, mais c'est un ouvrage marquant ne serait-ce, je le répète, parce qu'il est unique en son genre.