vendredi 28 octobre 2022

Je ne connais pas le nouveau Ministre de l’Education Nationale, Pap N’Diaye, et me garderai bien de le juger a priori, attendant de comprendre et mesurer sa politique dans un domaine si essentiel pour la République.

Son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, avait fait quelques bonnes choses - je pense au dédoublement des classes de primaire en ZEP, ou à la mise en place d’un conseil des sages de la Laïcité - mais à force d’étaler son arrogance de haut fonctionnaire « qui sait tout et ne négocie rien », a fini par se mettre toute la communauté éducative à dos…et s’est impuissanté.
J’ai donc lu avec un grand intérêt l’entretien que le nouveau Ministre a accordé au journal 
Le Monde la semaine dernière pour essayer de comprendre ses objectifs. Un entretien plutôt imprégné de sagesse, de mesure et de prudence. L’homme assurément est moins arrogant que son prédécesseur.
Et puis, il est interrogé sur la laïcité et là, malheureusement, les choses se sont gâtées puisqu’il a lâché cette formule édifiante : « il faut faire de la pédagogie et défendre une laïcité positive, et non synonyme de contrainte ou d’interdiction ». Intention respectable et sans doute utile face à toutes ces enquêtes qui montrent que les jeunes générations, en particulier dans nos banlieues ne voient dans la laïcité qu’une agression contre leurs libertés, mais expression malheureuse, très malheureuse.
« LAÏCITÉ POSITIVE »….nous y voilà, ou plutôt nous y revoilà. J’imagine que notre nouveau Ministre ne savait pas que cette formule avait fait l’objet d’un couronnement présidentiel avec Nicolas Sarkozy dont on se souvient de l’engagement laïque si exemplaire. L’expression avait d’ailleurs été évoquée auparavant par le Vatican.
J’imagine également que le Ministre n’avait pas lu la si brillante et convaincante explication de mon ami et compagnon de tant de combats, Henri PENA RUIZ, pour qui « adjectiver la laïcité c’est forcément la réduire ».
Car allons au fond des choses: s’il existe une laïcité positive ce serait qu’il en existe une, négative. Or, on ne voit pas comment la protection de la plus intime des libertés, la liberté de conscience, pourrait être « négative ». En particulier, face aux nombreuses victimes des intégrismes religieux depuis des siècles, on ne sache que la laïcité ait jamais provoqué mort d’homme…
Alors d’où viennent ces sornettes ?
Eh bien me semble-t-il, à cause de la captation du débat sur la laïcité par des extrêmes opposés qui parlent beaucoup de laïcité mais ne sont que ce que j’appelle des laïcs hémiplégiques : les libertaires d’une partie de la Gauche et de l’extrême-gauche d’un côté, les assimilationnistes autoritaires de la Droite extrême et de l’extrême-droite d’autre part. D’un côté on dit que la laïcité est une liberté et qu’il est « interdit d’interdire » comme on le disait en 1968, de l’autre on ne veut pas entendre parler de droit à la différence et on veut faire de la laïcité un combat contre « l’Autre », une arme de défense de l’identité nationale. Les droits d’un côté, les devoirs de l’autre.
Et les uns et les autres sont symétriquement hémiplégiques car ils oublient que la République et la citoyenneté sont des constructions équilibrées de droits ET de devoirs.
Le Ministre, comme tous les libéraux, défend les libertés et les droits, et il oublie les devoirs. Il méconnaît la loi de 1905 dite « loi de séparation » qui, certes, affirme la liberté de conscience, mais place celle-ci dans le cadre du respect des mesures d’ordre public, c’est-à-dire l’ensemble des lois et règlements de la République.
Il croit défendre les droits de l’homme mais il oublie que la déclaration universelle des droits de l’homme, dans son article 4 précise que la liberté se limite à « tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Toujours l’équilibre entre droits et devoirs.
Dommage pour un Ministre de la République….


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