dimanche 3 octobre 2021

Lu « Temps sauvages » de Mario Vargas LLOSA paru chez Gallimard et traduit de l’espagnol ( péruvien) par Albert Bensoussan et Daniel Lefort.

Le prix Nobel de littérature 2010, péruvien de naissance mais naturalisé espagnol, a
écrit là ce qu’on peut appeler un roman historique : roman car c’est une vraie fiction issue de l’imagination créative de l’auteur, historique car il raconte ce qui fut un moment fort de la guerre froide : le coup d’Etat au Guatemala en 1954, par lequel les Etats-Unis et en particulier bien sûr, la CIA sur ordre d’une multinationale du secteur fruitier United Fruit, renversa le Président légitime, Jacobo Arbenz pour le remplacer par Johnny Abbes Garcia, un « copain » du dictateur de Saint-Domingue, l’affreux Trujillo. C’est remarquablement écrit, vivant, mêlant pour le plus grand plaisir du lecteur les intrigues politiques et les histoires amoureuses, et ça se lit presque comme un roman policier. Mais le plus intéressant me semble-t-il relève de l’analyse politique : on sait ce que fut le parcours politique de Vargas Llosa : venu du communisme et soutien inconditionnel de Castro, il fit sa « révolution libérale» à la fin des années 60 et ne cessa depuis de dériver vers la droite, ce qui prit parfois des tours surprenants comme son soutien aux gouvernements d’Aznar en Espagne, Berlusconi en Italie, ou son récent appui à la fille de l’ex-président Fujimori, ( condamné pour corruption...) contre le candidat de gauche à l’élection présidentielle péruvienne. Et pourtant... dans ce livre très récent, il ne cesse de présenter le coup d’Etat de 54 au Guatemala, comme une erreur stratégique et historique ! Car Arbenz, soutient -il, contrairement aux thèses de la CIA et du pouvoir américain, évidemment sous influence de United Fruit, n’avait rien d’un « rouge », communiste et révolutionnaire, mais était bien un social-démocrate réformiste, épris de justice et de démocratie.... Compte tenu du parcours politique de l’auteur, ce retour en arrière en forme de mea-culpa apparaîtra comme savoureux pour les uns, déplacé pour les autres, choquant pour les derniers. C’est l’occasion de relancer le débat d’actualité en France à propos de la distinction entre l’auteur et son œuvre : je n’ai que peu d’estime pour cet homme et son parcours politique, mais ses écrits et celui-là en particulier sont de très belle facture....

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