lundi 5 mars 2018

Les socialistes allemands du SPD ou, pour être plus précis, les sociaux-démocrates allemands (mais pour moi c'est la même chose), ont donc voté à une large majorité hier pour participer à une grande coalition au gouvernement et au parlement avec Madame Merkel et les chrétiens-démocrates.

Quelques réflexions préalables avant d'aborder le fond de cette nouvelle :
  • -d'abord c'est une bonne nouvelle pour l'Allemagne et pour l'Europe, car cela clôt une période d'incertitude et d'instabilité en Allemagne qui n'était bonne pour personne. L'Europe a besoin d'une Allemagne stable.
    - ensuite , regardons de près les résultats du vote d'hier : plus de 450.000 inscrits, près de 350.000 votants. Il reste encore des militants en nombre au SPD. Ne soyons pas sévères ou défaitistes mais je crains fort que le nombre de socialistes français qui voteront à leur Congrès d'avril ne supporte la comparaison...
    - enfin, un clin d'œil : ainsi Madame Merkel, forte de cette majorité de coalition, va-t-elle entamer son quatrième mandat à la tête du gouvernement allemand. Dans le "nouveau monde " français où tout élu politique qui fait plus de trois mandats est suspect et condamnable, Mme Merkel serait jetée aux gémonies. Et pourtant, c'est bien le choix fait par les électeurs allemands. Si on l'avait empêchée de se présenter, n'aurait-on pas repris le chemin d'une forme de suffrage censitaire ? Je provoque...

    Donc, revenons au fait politique : les socialistes allemands ont décidé de former une coalition gouvernementale avec .... la Droite allemande . Eh oui, il faut dire les choses comme elles sont, Mme Merkel est une femme de Droite, chrétienne-démocrate héritière d'Helmut Khol. Une femme de la Droite respectable, sans aucune concession avec la Droite fascisante ou,pire, nazillonne, mais une femme de Droite.
    Et les socialistes allemands le savent très bien, ils le font en connaissance de cause.
    Je dis ça aussi en pensant à tous ces socialistes français qui n'ont qu'un thème en tête et vous l'assènent dans une sorte de réflexe pavlovien : "mais, enfin, Macron est de Droite!". Peut-être, mais pas plus que Mme Merkel. Et les socialistes allemands, qui ont choisi de gouverner avec elle ne sont ni des salauds ni des traitres : ils ont pris leurs responsabilités. Et, de toutes façons, ça n'est pas le problème.

    Quel est donc le problème ?

    Le problème, pour les socialistes européens, c'est de savoir s'ils veulent retrouver les errements d'une Gauche protestataire qui n'existe que pour s'opposer ou bien s'ils veulent confirmer leur nature réformiste, leur vocation à se mettre les mains dans le cambouis pour transformer la société. Spectateurs ou acteurs ? C'est une question de fond dont je ne vois pas qu'elle soit abordée dans les débats actuels des socialistes français...
    Car si l'on se dit bien "socialiste de gouvernement " ou "socialiste réformiste", ce qui reste mon engagement en tout cas, alors il faut continuer à approfondir la question et se demander avec qui exercer le pouvoir, sauf à espérer avoir une majorité à soi tout seul ce qui ne me paraît pas être envisageable pour bien des socialistes européens avant longtemps parce que les extrêmes sont forts, à Droite comme à Gauche , fruits naturels de la crise économique autant que de la crise démocratique.

    Pour continuer à réfléchir à cette question, je voudrais revenir 15 ou 16 ans en arrière, en 2002. Au deuxième tour de cette funeste élection présidentielle, la Gauche tout entière a voté Chirac face à Le Pen. Il n'y avait pas le choix. Et Chirac a été élu pour un second mandat avec une "majorité présidentielle" - j'emploie ce terme à dessein pour le distinguer de la majorité parlementaire- dans laquelle les électeurs de Gauche étaient, plusieurs études l'ont bien montré, les plus nombreux.
    Or, qu'à fait Chirac de ce vote ? Il l'a trahi.
    Refusant de reconnaître démocratiquement ce vote et sa réalité, il a nommé Raffarin premier Ministre à la tête d'un gouvernement de Droite étriquée.
    Et qu'aurait-il dû faire pour ne pas trahir ses électeurs ? Je continue à être provocateur : il aurait dû faire...comme Mme Merkel ! Un gouvernement d'union nationale. Et les socialistes français auraient d'ailleurs été bien embêtés mais au moins ils auraient eu l'obligation de se poser les questions qu'ils refusent de se poser aujourd'hui...

    Continuons à laisser l'Allemagne de côté et restons en France mais hâtons le pas et arrivons en 2017 : poursuivant la provocation qui n'en est peut-être pas une, je dirais que Macron, observant son électorat du deuxième tour qui fut sans doute aussi plus de Gauche que de Droite malgré l'invraisemblable attitude de Mélenchon, décida de faire ... l'inverse de ce que fit Chirac en 2002 mais la même chose que Merkel aujourd'hui : un gouvernement d'union nationale.

    Alors, certes, il a fait plus comme De Gaulle se situant au-dessus des partis et refusant de négocier avec eux, que comme Merkel qui a âprement discuté avec les responsables du SPD un véritable compromis de gouvernement, avec de vraies concessions, celui soumis aux militants hier, et ça n'est pas une mince différence. (Vous verrez d'ailleurs que, comme De Gaulle qui vilipendait les partis et affirmait se situer au-dessus d'eux, Macron n'aura de cesse que de créer un Parti hégémonique, puissant et tout dévoué à son chef...).
    Et c'est comme ça que des socialistes français, Le Drian, Collomb, Parly, Belloubet, Travers et d'autres sont dans ce gouvernement que je qualifie d'Union nationale. Et ceux-là qui étaient nos camarades de Parti depuis des décennies ne sont pas plus des traitres que les socialistes allemands. Ils restent des femmes et des hommes de Gauche évidemment. Ils ont fait un choix de compromis comme les socialistes allemands. Alors c'est vrai qu'à l'usage, ce compromis n'apparaît pas évident, c'est le moins que l'on puisse dire (franchement, considérer qu'un retraité est favorisé à 1200€ par mois ! ...et augmenter leur CSG en même temps que de baisser l'ISF !!) puisqu'il ne fut pas négocié et qu'il ne s'agissait que de ralliements individuels.

    Mais enfin, ma conviction est que si les socialistes français ne vont pas plus loin dans leurs réflexions que des slogans du genre " Macron est de Droite" et " es socialistes qui sont au gouvernement sont des traitres" ( à quoi ils peuvent ajouter désormais " et les socialistes allemands aussi"), s'ils ne se posent pas la question que viennent de trancher leurs camarades allemands, celle de l'union nationale face aux extrêmes, quelle que soit la manière de le trancher, ils passeront à côté de la plaque.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire