lundi 21 novembre 2016

Suite de mes lectures

- lu encore " Un Attentat " de Jean-Noël JEANNENEY paru au Seuil. J'ai déjà écrit, ici, l'amitié et même l'affection que je porte à Jean-Noël JEANNENEY, que j'ai croisé souvent dans ma vie politique, avec lequel je partage ce qu'on peut appeler des connivences politiques et intellectuelles, à quoi s'ajoute l'admiration que j'éprouve pour cet historien hors pair. L'attentat qu'il aborde ici, c'est celui du Petit Clamart du 22 août 1962, quand un commando dirigé par le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, tenta d'assassiner le général De Gaulle. Avec la méticulosité de l'historien et après, bien entendu, un gros travail de recherche, on découvre pas seulement les faits mais aussi les parcours des 14 membres du commando, les milieux dont ils sont issus, l'OAS bien sûr, l'enquête, le procès etc... Mais aussi les conséquences politiques puisque l'auteur avance la thèse selon laquelle cet épisode a accéléré la décision du Général d'instaurer l'élection du Président au suffrage universel. Et il ouvre des débats, 54 ans après, sur la peine de mort, le droit de grâce présidentielle, les lois et les tribunaux d'exception, la capacité des sociétés démocratiques à restreindre les libertés publiques quand la menace est trop violente, ou bien encore le rôle joué par l'intégrisme religieux dans la violence politique. L'éclairage du présent par l'histoire comme forme incontournable de la culture politique.

- lu toujours " Dieu n'habite pas La Havane " de Yasmina KHADRA , paru chez Julliard. Je suis un fidèle lecteur de l'écrivain-ancien flic algérien, qui m'a habitué à voyager dans la violence terroriste de l'Orient, lointain comme l'Afghanistan, ou plus proche comme au Liban ou en Libye. Et là, nouveauté, Khadra nous emmène à Cuba, pour une histoire d'amour entre un chanteur de rumba sur le retour et une jeune femme "exilée de l'intérieur" aussi belle que violente. Très belle et très violente. Le tout au cœur d'une ville pauvre, d'une économie étatisée, aux privatisations déroutantes, des habitations familiales surpeuplées et des solidarités spontanées, des rues dangereuses et des nuits agitées. L'amour violent dans un environnement violent. Mais aussi aux rythmes envoûtants de la musique cubaine, celle dont les notes volent dans les rues, celle dont les chants sont sur toutes les lèvres. Et ça fonctionne très bien.


- "Petit pays" de Gaël Faye, paru chez Grasset est un livre beau, triste et bouleversant. Il raconte la destinée tragique d'une famille franco-burundaise, à Bujumbura dans les années 90. Époque marquée par l'épouvantable guerre entre Hutus et Tutsies et le génocide qu'elle a provoqué, tant au Rwanda qu'au Burundi. À travers le récit du jeune garçon de cette famille tragiquement décimée, on voit la barbarie de la guerre remplacer peu à peu l'innocence des jeux d'enfants et la naissance d'une blessure épouvantable qui saigne et ne cicatrisera jamais. Pathétique ouvrage, ce roman est un témoignage historique. Âmes sensibles ou amateurs de légèreté, s'abstenir.


- J'ai passé de très longs et bons moments avec " Les frères Karamazov " de Fedor Dostoievski. Ce monument de la littérature russe du 19ème siècle représentait pas moins de 1700 pages dans l'édition électronique que j'avais emportée sur ma tablette. Mais quel régal ! Oublions les trois frères Karamazov, Dimitri, le paradeur qui ressemble tant à son père que tout les oppose, Ivan le sentimental chevaleresque et Aliocha, le mystique généreux, oublions leur père vulgaire et nouveau riche, cette petite ville russe du milieu du 19ème siècle et cette intrigue autour d'un présumé parricide s'achevant sur un procès pathétique. Retenons surtout de beaux développements sur la place de la religion dans la société russe du 19ème, tant du point de vue d'un athéisme naissant que de celui d'un militantisme chrétien qui se veut éclairé et qui ne l'est pas toujours ... Et retenons surtout cette leçon de littérature appliquée et vivante qui nous est donnée par Dostoïevski : tout au long de l'ouvrage, prenant la distance nécessaire par rapport à son récit, comme s'il était un commentateur extérieur d'un fait divers plutôt que " l'inventeur " de l'histoire, et s'adressant directement au lecteur, il lui explique comment il construit son ouvrage et pourquoi il procède de la sorte. C'est passionnant. Et c'est de la très grande littérature.

- J'ai relu avec délectation " La porte étroite " d'André Gide, aux éditions Mercure de France, que j'avais lu adolescent et dont j'ai beaucoup mieux profité cette fois-ci. Le livre date de 1909 et n'a pas pris une ride comme toute œuvre littéraire de qualité. Quelle belle écriture ! Quel vocabulaire et quelle syntaxe ! Et quels beaux sentiments... Les amours éperdus, éperdus et perdus, de Jérôme et sa cousine Alissa, amours d'enfance nés dans la demeure familiale proche du Havre, amours d'adolescence, d'adultes, amours de toute une vie. Mais amours tourmentés bien que partagés en termes de sentiments mais jamais traduits dans une vie partagée. Car Alissa, mue par un engagement mystique et religieux, pense qu'il y a, pour eux, quelque chose de "meilleur" que l'amour. La vertu portée plus haut que l'amour. Une vertu admirable mais bien peu épanouissante... Un très, très beau livre que je relirai encore.

- "Comme une respiration" de Jean Teulé, paru chez JUILLARD. Quarante petites nouvelles, faites de souvenirs autobiographiques ou de l'imagination créatrice de l'auteur, pour quarante histoires de destins ordinaires. Teulé nous a prouvé par le passé qu'il pouvait faire mieux que ça.

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