mardi 4 janvier 2022

Lu « Réconcilier la France; une histoire vécue de la Nation » de Jean Daniel avec Benoît Kanabus, aux Editions de l’Observatoire.

L’auteur, Jean Daniel, décédé en 2020 à l’âge de 100 ans, était un natif de Blida,
résistant puis engagé dans la division Leclerc, avant de prendre part au combat anti-colonial notamment aux côtés du FLN. Journaliste, ami de Camus et de Jean-Jacques Servan-Schreiber, il participa aux aventures de l’Express et de l’Observateur qu’il dirigea pendant de longues années. Homme de Gauche, il était de cette « deuxième gauche », plus proche de Mendès et de Rocard que de Mitterrand. Mais l’élection de ce dernier l’amena, par devoir professionnel autant que par ambition personnelle, à se rapprocher du Président socialiste. Car Jean Daniel , belle intelligence et belle culture, ne se rangeait pas spontanément aux rangs des modestes: il fréquentait les grands intellectuels mais aussi Kennedy ou Castro, Bourguiba ou Bouteflika et avait une tendance naturelle à se placer parmi eux. Et il noua avec François Mitterrand non pas une amitié mais une complicité : ceux qui l’ont bien connu se souviennent que l’ancien Président aimait particulièrement fréquenter ceux qui n’avaient pas souhaité son élection ( et il avait toutes les raisons de connaître l’ambiance funeste qui régna à l’Observateur le 10 mai 81 au soir…) et qu’il s’acharnait à convaincre.

Jean Daniel résume ainsi le propos de cet ouvrage, le dernier - inachevé -de ses écrits : « Je ne pardonnerai jamais à ma famille, la Gauche, d’avoir abandonné la Nation aux nationalistes, l’intégration aux xénophobes et la laïcité aux communautarismes ». Et il définit alors sa conviction que la nation française ne survivra qu’en retrouvant le sens de son histoire : l’ancrage dans un territoire, la capacité à intégrer des étrangers et la laïcité comme essence même de la République. Et tout cela face aux grands défis auxquels elle fut et reste confrontée, l’immigration, la construction européenne et la mondialisation et en tirant les leçons des tragédies rencontrées, la collaboration de Vichy, la guerre d’Algérie et le terrorisme islamiste .
« Vaste programme » aurait dit De Gaulle. Mais qui ne pouvait décourager Jean Daniel qui n’a pourtant pas pu achever ce livre malgré ses presque 600 pages. Il est vrai que cette obsession du devenir de la Nation l’avait occupé depuis des années au travers de plusieurs ouvrages dans lesquels il avait traité, ces dernières années, du « culte effarant de la différence » c’est à dire des « identités meurtrières » pour reprendre l’ expression d’ Amin Maalouf ou Elie Barnavi. Car Jean Daniel, avec ceux-là, et bien d’autres à Gauche, ne voulait surtout pas fuir le débat sur l’identité et l’abandonner à des thèses nauséabondes. D’où la nécessité de resserrer les liens trop distendus quand ils ne furent pas rompus entre la Gauche et la République.
Il y a sans doute une part de vanité dans ce livre, mais une vraie profondeur et une réelle maestria.

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