lundi 16 janvier 2023

Lu « Inventaire 2012-2017 .

Retour sur un quinquennat « anormal » », ouvrage collectif de la Fondation JeanJaurès sous la direction d’Alain Bergounioux, Gilles Finchelstein, Maud Fassnacht et Mathieu Souquière. La Fondation Jean Jaurès créée il y a plus de 25 ans par Pierre Mauroy, alors Premier Secrétaire du Parti Socialiste, sur le modèle des grandes fondations politiques allemandes, mais indépendante du Parti Socialiste, et désormais présidée par Jean-Marc Ayrault , anime au quotidien le débat d’idées avec talent et efficacité, autour d’experts reconnus. C’est un très bel outil démocratique.

En novembre 2018, elle a publié cet «inventaire »du quinquennat de François Hollande, fruit d’un très gros travail collectif mobilisant plus de 70 personnalités pendant six mois, au cours de huit séminaires, sept auditions ( dont celles de François Hollande, Laurent Berger, Bernard Cazeneuve, Jean-Marc Ayrault…mais pas Manuel Valls pourquoi ?!) et deux rencontres publiques. D’entrée de jeu, je veux dire mon estime pour la qualité de ce travail, sérieux et honnête, même si je commencerai par trois critiques, l’une de forme et les autres de fond.
Critique de forme: le livre est truffé de citations…d’auteurs inconnus ! Cités comme des « intervenants au séminaire du …( telle date) ». C’est horripilant, exaspérant et, pour tout dire frustrant, y compris parce que tous les témoignages ne se valent pas . Une citation d’un ancien président ou premier ministre n’a pas le même poids que celle d’un conseiller ministériel….sans parler du fait que c’est contraire à la tradition académique : quand on cite, on dit qui, quand et où ! Voilà pour la forme qui n’est évidemment pas le plus important.
Sur le fond, mes deux critiques portent d’abord sur une tendance à l’amalgame quant à une sorte de tradition fâcheuse à échouer de la part de la Gauche au pouvoir, où l’on met un peu dans le même sac Mitterrand, Jospin et Hollande….comme si Mitterrand n’avait pas été réélu en 88 ( l’argument « oui mais ça ne compte pas parce que c’était à l’issue d’une cohabitation » me fait sourire. Le peuple français a-t-il été aveugle en 88? N’était-ce pas un affrontement droite/ gauche clair ?). Et renvoyer à la trahison des engagements c’est oublier que la quasi-totalité des 110 propositions de 1981 ont été tenues . Comme si, aussi, Jospin avait été sanctionné en 2002 pour sa politique alors que beaucoup de choses et d’études indiquent que son échec au premier tour était le fruit de la dispersion de la Gauche et d’une incapacité à faire une campagne de premier tour avant le second mais que, présent au 2ème tour, il l’aurait emporté sur Chirac ? Comme si la gouvernance Jospin n’avait pas été exemplaire ?
Ce qui, dans l’un et l’autre cas, n’est pas exactement la même chose que l’effondrement de 2012-2017 me semble-t-il….
Ma deuxième critique de fond est ce que j’appellerai la « retenue institutionnelle » que d’aucuns appelleront « on ne tire pas sur une ambulance »: elle concerne le rôle personnel de François Hollande, son comportement, ses méthodes, sa gouvernance, qui furent majeurs dans l’échec de la Gauche. Ce qu’on ose pas dire dans ce travail . Alors on tourne autour du pot, on procède par allusions ….
Entendons-nous bien : je ne plaide pas pour une exécution sur la place de Grèves et il n’est pas interdit d’être intelligent et parfois mesuré. Par exemple, je suis sévère avec le Premier secrétaire du PS qui résume ce quinquennat en un mot, TRAHISON. D’abord parce que ce n’est pas juste, tout le monde n’a pas trahi et il y eut de très bonnes réalisations, ensuite parce que c’est contre-productif : comment convaincre les citoyens de voter à nouveau pour les socialistes si ceux-ci sont des traîtres ?
Mais, pour autant, je plaide pour que les institutions de la Vème République étant ce qu’elles sont, celui qui exerçait le plus grand pouvoir porte la plus grande responsabilité de l’échec.
Par exemple, quand on évoque le rôle des « frondeurs » ( ah ! Je me souvenais que ce brave Olivier Dussopt en faisait partie mais j’avais oublié qu’il avait été un des premiers et des plus virulents …nous n’étions pas assez à gauche pour lui ! Voyez les réformes qu’il porte aujourd’hui ….), et que l’on mesure le caractère néfaste de leurs
« positionnement » -il faut bien appeler ça comme ça avec le recul -, je trouve qu’on exonère bien vite la responsabilité du pouvoir qui était face à un problème de gouvernance qui était loin d’être insurmontable. Mais, un jour on négociait , un autre on menaçait , un troisième on bafouillait…
Au total, ce qui est passionnant dans ce travail c’est qu’alors que le bilan législatif est objectivement conséquent et marqué du sceau du progrès, le résultat est tellement catastrophique que le Président a été contraint de renoncer à se représenter et que le score du candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2017 a été ce qu’il fut !
Un bilan conséquent et plus qu’honorable ( j’avais même oublié avoir voté certaines de ces avancées majeures !) et pour finir, un DÉSASTRE.
Pour tenter d’éclairer ce mystère ou ce paradoxe, ce travail met un focus sur un certain nombre de sujets tout de suite évoqués quand on parle de trahison en commençant par la loi travail ou la déchéance de nationalité, bien sûr, ou la réforme des rythmes scolaires et la loi Notre par exemple. Analyse fine, sérieuse, honnête mais qui bute systématiquement sur la question de gouvernance entrevue plus haut, quoi qu’on en dise….
Un président qui n’aurait pas dû écrire « Un président ne devrait pas dire ça » pourrait avantageusement lire ce travail.

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