Delphine
Horvilleur est rabbine, vivant à Paris et c’est une personnalité
assez
médiatique dont la démarche intellectuelle et culturelle
m’intéresse depuis longtemps ce qui m’a naturellement amené à
cette lecture. Autant le dire, cet essai, à l’image de son titre,
n’est pas d’une gaité folle même s’il est émaillé de
quelques blagues juives comme pour détendre l’atmosphère. Car il
raconte un certain nombre de « kaddichs », prières juives,
prononcés par elle à l’occasion de funérailles de personnalités
diverses. Ce livre est, à ce titre, une initiation à la culture
juive et à sa liturgie religieuse assez instructive...il comporte
deux moments très forts ( ce qui ne veut pas dire que les autres
soient sans intérêt !) :
-Le
kaddich prononcé à l’occasion des obsèques d’Elsa Cayat,
psychologue athée et chroniqueuse à Charlie Hebdo, décédée dans
l’attentat de janvier 2015 qui décima cette rédaction dans les
conditions que l’on sait. Devant beaucoup d’amis de la défunte
et de Charlie, pas vraiment portés sur la ou les religions, Delphine
Horvilleur est présentée par les enfants de la défunte comme «
une rabbine laïque »...ce qu’elle est effectivement et qu’elle
prouve dans ses propos en la circonstance. Profitons-en pour
éclaircir ce soi-disant paradoxe : comment peut-on être religieux
et laïque ? C’est pourtant simple : il suffit d’accepter que les
lois de la République sont supérieures aux lois religieuses...ce
qui est le cas de nombreux croyants fort heureusement et d’un
certain nombre de religieux. Et ce qui les différencie des croyants
ou religieux « intégristes » qui, de toutes religions et pas
seulement de l’Islam, n’acceptent pas cette supériorité
des lois de la République. Eh bien, Delphine Horvilleur est une
religieuse laïque, ouverte et tolérante.
-
le récit de sa participation à la grande manifestation pour la paix
à Tel-Aviv le 4 novembre 1995 à l’issue de laquelle le Premier
Ministre israélien, Yitzhak Rabin fut assassiné. Occasion de
rappeler, ce que l’on oublie trop souvent, que son assassin ne fut
nullement un islamiste mais un juif orthodoxe opposé au processus de
paix... occasion aussi pour Delphine Horvilleur de prendre conscience
avec stupeur et tristesse que le sionisme de ce salaud n’était pas
le même que le sien, ne pouvait pas être le même. Occasion de
réfléchir tous à cette déviation tragique du sionisme, depuis le
sionisme originel de Theodor Herzl et Ben Gourion, celui de la
création de l’Etat d’Israël après la tragédie de la Shoah,
devenu aujourd’hui avec Netanyahou et les partis religieux de sa
coalition, un sionisme colonialiste et oppresseur pour le peuple
palestinien. Le premier recueillait l’adhésion des gens de paix
comme Delphine Horvilleur bien sûr, le second leur farouche
opposition....
Ce
livre est inégal et sans doute incomplet. Mais il révèle une
sacrément belle personnalité, une intelligence lumineuse qui sait
dire des choses profondes dans un langage simple et très moderne,
une femme de paix et de concorde qui expose sereinement à ses
concitoyens ce qui devrait les réunir, au-delà des religions.
Paradoxe bien riche et fécond pour une rabbine...
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