jeudi 30 octobre 2014



Il faut rendre hommage à Ségolène ROYAL : si sa proposition de supprimer les péages autoroutiers le dimanche n’a pas vraiment convaincu, notamment au plan écologique, elle a eu l’immense mérite d’appeler l’attention de l’opinion sur les conditions ahurissantes – je pèse mes mots – dans lesquelles le Gouvernement de M. de Villepin a privatisé les autoroutes il y a 7 ans, ce que François BAYROU avait qualifié, à juste titre, de « scandale d’Etat » et sur la rente extravagante dont bénéficient  les sociétés privées d’autoroutes depuis cette date.

A l’heure où le gouvernement souhaite s’attaquer aux rentes, notamment celles dont bénéficient – ou bénéficieraient ! – les professions réglementées, il ne faudrait pas que la rente des autoroutes soit laissée aux mains des concessionnaires privés.

C’est pourquoi il peut être utile de regarder de très près l’étude réalisée par le Cabinet Microéconomix qui soulève, notamment la piste d’une résiliation anticipée des contrats de concessions autoroutières[1].

Sur la forme, cette étude révèle la possibilité offerte par les contrats de concession d’une résiliation anticipée des contrats de concessions.  L’article 38 des contrats de concessions (décret n° 2007-938 du 15 mai 2007) précise  en effet les conditions de mise en œuvre de cette possibilité :  « A compter du 1er janvier 2012, l’Etat pourra, dans un motif d’intérêt général, racheter la concession par arrêté conjoint du ministre chargé de la voirie nationale, du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget. Ce rachat ne pourra s’exécuter qu’au 1er janvier de chaque année, moyennant un préavis d’un an dûment notifié au concessionnaire ».  Un préavis donné avant le 31 décembre prochain permettrait donc de renationaliser les autoroutes au 31 décembre 2016. « En cas de rachat le concessionnaire aura droit à une indemnité correspondant au préjudice subi par lui du fait de la résiliation et dont le montant net d’impôt dû au titre de sa perception et après prise en compte de toutes charges déductibles sera égal à la juste valeur de la concession reprise, estimée selon la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles, ces derniers étant pris après impôts ».

On voit donc que le rachat des concessions est une option tout à fait réaliste et réalisable. Il permettrait à l’Etat de nationaliser la rente dont bénéficient les sociétés concessionnaires et de l’utiliser pour financer les travaux d’infrastructures de transport dont nous avons encore besoin. Le rachat des concessions n’impliquerait nullement que la nationalisation de l’exploitation des autoroutes soit définitive car l’Etat pourrait très bien décider de confier leur exploitation au secteur privé à l’issue – ce coup-ci ! – d’une véritable mise en concurrence. A la clé l’étude démontre que ce sont plusieurs milliards d’euros que l’Etat pourrait gagner.

 

 

Sur le fond et, notamment, la problématique financière, cette étude évoque 2 possibilités :

. Soit l’Etat met en œuvre une résiliation anticipée des concessions actuelles (comme le prévoient les contrats) et organise une mise en concurrence pour une nouvelle période de concession.

. Certes , la résiliation anticipée des concessions obligerait l’Etat à verser une indemnité de l’ordre de 39 milliards d’euros aux concessionnaires actuels (hors réseau Cofiroute). Mais la remise en concurrence des concessions lui permettrait d’engranger une somme bien supérieure. La mise en concurrence conduirait les candidats à mieux valoriser les concessions (taux d’actualisation plus faibles, évolution du trafic plus réaliste, baisses des coûts d’exploitation). Les 39 milliards correspondant à la valorisation sur la base des hypothèses biaisées défendues par les concessionnaires en place, la mise en concurrence conduirait à des valorisations bien supérieures, de l’ordre de 45 à 50 milliards d’euros. Résultat : une plus-value immédiate pour l’Etat de 5 à 10 milliards d’euros !!

. Soit l’Etat reprend le contrôle des concessions en résiliant les contrats actuels et en assurant lui-même la gestion des autoroutes (quitte à déléguer à des opérateurs privés l’exploitation des autoroutes et la réalisation des travaux). Pour cela, l’Etat devrait emprunter de l’ordre de 43 milliards d’euros correspondant grosso modo à 39 milliards d’euros pour indemniser les concessionnaires en place (hors réseau Cofiroute) plus 3,6 milliards pour financer le plan de relance. Mais à un taux de 1,25% sur 15 ans, cela représente une annuité de remboursement d’environ 3 milliards d’euros par an, somme qui serait largement couverte par les excédents brut d’exploitation générés par les recettes de péages sur cette période (de l’ordre de 4 milliards d’euros par an sur 2015-2030). Autrement dit l’Etat engrangerait en moyenne 1 milliard d’euros de plus-value par an durant les quinze prochaines années. Et à l’issue des 15 ans, la dette étant effacée, l’Etat peut engranger la totalité des excédents bruts d’exploitation générés par les péages, soit plus de 4 milliards d’euros par an à partir de 2030 !!

« Ainsi loin d’endetter l’Etat, le rachat des concessions génèrerait au contraire des gains financiers considérables. Les 39 milliards qui devraient être versés aux concessionnaires ne constitueraient pas une dette supplémentaire pour l’Etat, mais un investissement pour de réapproprier une rente dont les revenus annuels excèdent le montant des annuités. Il ne s’agirait donc pas de s’endetter pour financer une dépense publique, mais d’investir pour engranger des recettes ».

La République, quand elle s’est fait gruger n’a-t-elle pas le devoir de se défendre ? Ce faisant elle ne ferait que défendre l’argent du contribuable.

Chiche ??




[1] Comme je fais beaucoup référence à ce travail pour lui rendre hommage, que Microéconomix m’excuse si les guillemets ne sont pas toujours présents.

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