dimanche 26 décembre 2021

Lu « Apeirogon » de Colum Mc Cann,

traduit de l’anglais - de l’Irlandais pour être précis- par Clément Baude, paru en 2018, dans la collection 10/18.  

Un « apeirogon » est une figure géométrique dont le nombre de côtés est …infini! Autant dire une figure géométrique impossible à réaliser, un exercice mathématique sans solution concrète. En l’occurrence, la figure géométrique en question, c‘est le conflit israélo-palestinien. Un conflit aux multiples facettes, un conflit dont l’issue semble impossible à trouver. Je dis bien «semble » car les accords d’Oslo y sont presque parvenus ce qui aurait tendance à prouver, au moins pour les indécrottables optimistes dont je fais partie ( ceux de la volonté, pas de la raison ) que tout est toujours possible quand des hommes de bonne volonté se rejoignent et unissent leurs forces pour forcer le destin.
L’auteur, un irlandais, journaliste de profession, qui doit avoir entre 55 et 60 ans et vit à New York en famille, est mondialement connu et ses livres atteignent des tirages faramineux ( dont « Et que le vaste monde poursuive sa course folle »), remportant des prix du meilleur livre étranger un peu partout, en France pour celui-là en particulier.
Ce livre, un pavé de plus de six cent pages est un roman imaginé autour d’une histoire présentée comme vraie, celle de l’amitié entre deux hommes, un israélien et un palestinien, fondée sur des tragédies personnelles similaires : ils ont tous les deux perdu une de leur filles : Rami Elhanan, israélien, fils d’un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour a perdu la sienne, Smadar, dans un attentat-suicide de trois membres du Hezbollah, et Bassam Aramin, palestinien qui a fait de longues années de prison pour sympathie avec la « cause », a perdu la sienne, Abir, d’une «balle perdue » d’un soldat israélien devant son école . Et tous les deux que tout poussait, au-delà de la douleur et du deuil, vers la haine et la vengeance, choisissent le combat pour la paix et l’engagement dans une association transpartisane. Ils s’y lient d’amitié.
Le livre prend la forme d’une grande fresque s’étendant sur vingt ou trente ans, relatée par de petits éclairages, autant de paragraphes numérotés qui vont d’une ligne à plusieurs pages, passant d’un des deux hommes à l’autre, d’un côté du « Mur » à l’autre, d’une époque à l’autre avec, à l’évidence, un parti-pris majeur: l’histoire est faite de la chose humaine et ce conflit se traduit comme toujours par des tragédies humaines. Il s’évade vers d’autres horizons, jusqu’à New York, convoque des témoins divers comme John Cage ou le chanteur Prince voire François Mitterrand ( « convoqué » à une dizaine de reprises !… sans que je puisse en saisir le sens profond car j’ai du mal à croire qu’il ne sache aller au-delà du fameux dernier dîner du réveillon 95-96 autour d’ortolans,dont on sait qu’il a été complètement « inventé » par un pseudo journaliste sans scrupules, mais que l’auteur reprend à son compte dans un allégorie sur le monde dans lequel nous vivons, à la fois délicieux et…cruel !).
La fresque est très convaincante pour son humanisme mais aussi par sa mise en évidence de l’extrême complexité de ce conflit. Sans subjectivité excessive ni manichéisme il démontre aussi avec humilité l’infernal engrenage de la violence autour du lien humiliation-violence. Convaincant aussi pour son plaidoyer pour l’écoute, le dialogue fondé sur le respect de l’autre. Un respect bien mal partagé dans cette région du monde. Mais, éternel optimiste lui aussi, l’auteur défend avec conviction la thèse du « qui aurait pu croire ? ». Qui aurait pu croire, du temps de la Shoah, qu’Israël ait un jour une ambassade en Allemagne et ce pays à Tel Aviv ?


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