lundi 15 janvier 2018

Quelques activités culturelles en ce mois de janvier :


- vu à l'Astrada à Marciac, "L'être ou pas", la pièce de Jean-Claude Grumberg, jouée par Pierre Arditi et Daniel Russo. Le décor est aussi simple qu'original : une cage d'escalier. La mise en scène est donc dépouillée et sans grand intérêt : dans ce décor simplissime, deux voisins vont se rencontrer une dizaine de fois pour des conversations au dépourvu.
Ça commence par une entrée en matière surprenante et destabilisante : "Est-ce que vous l'êtes ? -quoi ? -juif ? Non, je vous demande ça parce qu'ils le disent sur internet..." 
S'en suivent une dizaine de petits échanges plus ou moins truculents où l'antisémitisme de départ se confronte peu à peu à la connaissance de la religion juive et de son histoire.
Évidemment, avec des acteurs de cette qualité, on ne peut pas s'ennuyer et on rit souvent de bon cœur. C'est assez original de traiter un sujet si grave par l'humour et la dérision.



- toujours au théâtre, mais au Lucernaire cette fois, vu " Madame Marguerite" de Roberto Athayde une pièce jouée par Stéphanie Bataille, seule sur scène. Reprise de la pièce de l'auteur brésilien écrite en 1970 et adaptée peu après par Jean-Loup Dabadie pour Annie Girardot qui l'avait fait triompher pendant plusieurs années. Ce long monologue d'une institutrice, Madame Marguerite, à la personnalité très affirmée, devant sa nouvelle classe de CM2 est un hymne à l'éducation, l'instruction, la formation, l'éveil, l'ouverture et ...la discipline ! Une sorte de discours de la méthode pédagogique. Un hymne farouche, engagé, militant, parfois destabilisant et drôle. Stéphanie Bataille, la militante inlassable et énergique du théâtre, y excelle.

- vu, au cinéma, cette fois et en avant- première, le dernier Woody Allen, "Wonder Wheel", la grande roue merveilleuse d'une fête foraine installée sur une plage de New York, près de Brooklyn. Kate Winslet, qui a bien vieilli depuis " Titanic" est au cœur d'une intrigue sans grand intérêt. Scénario et mise en scène sont pauvres. Restent de belles lumières mais ça ne suffit pas à faire un bon film. Woody Allen tourne trop, il n'a pas le temps de se régénérer...

- vu aussi au cinéma, " la promesse de l'aube" le film d'Eric Barbier, adaptation du fameux roman de Romain Gary, avec Charlotte Gainsbourg et Pierre Niney. Le livre m'avait beaucoup séduit, le film à peine moins. L'intrigue construite autour de cet amour fou d'une mère, juive réfugiée polonaise installée à Nice dans les années 30, pour son fils pour lequel elle nourrit les plus grandes ambitions (" tu seras pilote de chasse, ambassadeur et romancier à succès"), intrigue conclue par l'épisode bouleversant des lettres prescrites et adressées post-mortem, est très bien relatée. C'est un beau film, même si ça n'est pas un chef-d'œuvre .Pierre Niney y est à la hauteur de sa réputation de jeune grand acteur qui n'est plus en devenir mais installé, et Charlotte Gainsbourg y est désarçonnante en vieille mère juive à l'accent un peu monolithique et aux emportements parfois caricaturaux . C'est vrai que c'est un peu frustrant d'être privé du charme de cette merveilleuse actrice mais bon... À voir.

mercredi 10 janvier 2018

Philippe Marchand, qui vient de nous quitter à 78 ans était un ami délicieux, chaleureux et simple.

Il était juriste et charentais. Socialiste et républicain.
Charentais de toujours, sa ville c'était Saintes et son décor c'était la Charente. Il fut longtemps député des Charente Maritime et Président du Conseil général.
Avocat d'abord, Conseiller d’État plus tard, c'était un amoureux du droit, un homme fin à l'humour séduisant, un humaniste au sens plein du terme. 


Socialiste et républicain, il avait été un fidèle parmi les fidèles de François MITTERRAND qui en fit un Ministre de l'intérieur au début des années 90.
J'aimais beaucoup cet homme et je crois qu'il me le rendait bien. Nous avions bien des points communs  : nous avions été tous les deux vice-présidents de l'Assemblée Nationale et Ministres de MITTERRAND, si proches et fidèles; mais Philippe et sa femme Odile avaient aussi un jardin secret, une grange de montagne dans mes Pyrénées, en vallée d'Aure, la si belle, dans le charmant village d'Aulon cher à mon cœur. Ils y venaient souvent mais si discrètement : heureusement, il y avait les aéroports pour se croiser, ce qui nous arriva bien souvent. 
Salut à toi, cher Philippe. Tu ne fumeras plus ta chère pipe, mais ton humanisme chaleureux restera ancré dans nos souvenirs.

mardi 9 janvier 2018

Un ami fidèle, classant ses archives , retrouve cette affiche qui date de 1988.

Alors je m’interroge : le «Vieux monde » était-il à ce point capable d’être en avance sur son temps ? Ou bien serait-ce le «nouveau monde» qui ne le serait pas tant que ça ? 

Mais je dois reconnaître que les deux hypothèses ne sont pas contradictoires...

La radicalisation de la laïcité, combien de morts ?

Les récentes déclarations du Président de la République devant les "autorités religieuses" reçues à l'Elysée en fin d'année, selon lesquelles, d'une part il y aurait un "risque de radicalisation de la laïcité " et, d'autre part " c'est la République qui est laïque, la société n'a pas à l'être" doivent d'abord être prises avec prudence. À ma connaissance, ces propos n'ont pas été tenus publiquement et ils n'ont pas été authentifiés par l'Elysée. Ils ont été rapportés par les autorités religieuses en question et ça n'est pas leur faire injure que d'imaginer qu'en la circonstance, il est dur de résister à la tentation de ne répéter que ce qui vous convient. Attendons le "vrai" discours sur la laïcité qu'on nous annonce pour bientôt pour juger des convictions du Président sur le sujet, convictions qu'il n'a guère eu l'occasion, ou la volonté, de dévoiler réellement depuis qu'il est élu ou même avant...
Mais elles doivent être prises aussi pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire la position d'un courant de pensée qui s'exprime régulièrement et officiellement par certains responsables et en particulier par le Président de l'Observatoire de la laïcité, qui s'est d'ailleurs publiquement réjoui de ces déclarations sans la moindre prudence quant à leur authenticité. L'enthousiasme d'un auteur si heureux d'être ainsi repris ?
Dans le cadre de cette prudence et de cette lucidité nécessaires, et pour relever l'argument du risque de radicalisation de la laïcité, je pose ingénument cette question : LA RADICALISATION DE LA LAÏCITÉ , COMBIEN DE MORTS ?
Car on ne peut pas imaginer une seconde qu'aient été évoqués ce risque et ce mot, " radicalisation " sans qu'il soit mis en parallèle avec la radicalisation religieuse, les radicalisations religieuses, celles qui sont au cœur de bien des débats de l'actualité , par le terrorisme notamment mais pas seulement, et qui ont fait et font encore tant de morts qu'ils se comptent par milliers, centaines de milliers, millions , depuis des siècles.
Oui, pourquoi parler de "radicalisation" de la laïcité si ce n'est pour envisager cet invraisemblable parallèle ?
Alors affrontons le débat et demandons combien la radicalisation de la laïcité a fait de morts dans notre histoire. Je suggère même aux autorités de l'Etat de passer cette commande à l'Observatoire de la laïcité : faire réaliser une étude sur les victimes de la radicalisation de la laïcité . On lui chuchote la réponse : La facilité de la démonstration serait de répondre "zéro" mais la rigueur historique devrait nous pousser à répondre : un mort, tout au plus.
Oui, un mort en 1906. Un mort dans une église parce qu'il s'opposait aux inventaires. Un mort qui provoqua aussitôt la réaction claire et nette de Clemenceau arrêtant le processus des inventaires avec ce commentaire : "connaître le nombre de cierges dans les églises ne vaut pas la mort d'un homme".
Un mort en tout et pour tout en un siècle.
Revenir sur cet épisode serait d'ailleurs, pour l'Observatoire, une très utile occasion pour lui de découvrir - enfin !- qu'à cette époque, après un dur combat dans le camp laïque, entre les hommes de liberté derrière Briand et Jaures - ou Clemenceau- et ceux qui voulaient, avec Combes, régler leur compte aux religions, certains voulant même les "interdire", ce sont les premiers qui l'ont emporté et ont imposé une loi de liberté, la loi de séparation des églises et de l'Etat, qui affirme et garantit ce qui est sans doute la plus belle des libertés, la liberté de conscience. Les républicains ayant écarté alors, par la loi, le risque de radicalisation laïque, pourquoi envisager le retour aujourd'hui de ce qui n'a jamais existé dans la République ? Y aurait-il, dans le paysage politique français, des républicains dignes de ce nom qui voudraient interdire les religions ? Ou leur interdire la libre expression ou la libre pratique ?
Quant à cette fameuse distinction "c'est la République qui est laïque, la société n'a pas à l'être", toujours aussi bruyamment applaudie par l'Observatoire - les plus attentifs auront noté que son Président avait déjà employé l'expression à plusieurs reprises ces dernières années....-, elle ne peut laisser que songeur et dubitatif.
Je ne veux pas jouer au Professeur de droit constitutionnel mais tout de même. Que dit la première phrase de l'article premier de notre constitution ?
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale".
Donc, si nous lisons bien, notre pays, la France, est une République laïque. Dans ces conditions, pourquoi avancer cette affirmation complémentaire et bien peu constitutionnelle selon laquelle "la République est laïque, la société n'a pas à l'être "? On n'imagine pas que derrière cette formule fabriquée par un mauvais communicant se cacherait une distinction "sociologisante" entre la France et la société française bien peu recevable. Car si cette idée prévalait, cela signifierait que la société française peut et doit se construire sur des bases communautaristes. L'organisation de la société différerait des règles républicaines ?
Soyons indulgent, toujours faute d'inventaire : a minima, c'est maladroit.
On voit bien ce que le Président a peut-être voulu dire et aurait dû dire plus clairement : "dans la République laïque, c'est l'Etat qui est neutre, les membres de la société ne le sont pas ", mais ça n'est pas exactement la même chose .
Voilà pourquoi on ne peut pas en rester là. Voilà pourquoi le discours du Président sur le sujet laïque est tant attendu pour dire, enfin, combien de massacres la laïcité a évités.

Jean Glavany.
Ancien Ministre
Auteur de " La laïcité, un combat pour la paix"
( Éditions Heloise d'Ormesson)

mercredi 3 janvier 2018

Marcher, marcher encore, marcher toujours,
Marcher dans le sable, s'enfoncer en lui
Respirer le sable, en manger sans envie,
S'adosser au vent qui court 
Vent glaçant de la nuit, rafraîchissant le jour.

Ici, c'est le désert, Sahara de Mauritanie
Massif de l'Adrar, Ouadane et Chinguetti
Ici, hors l'acacia dénervé
Touffes d'herbes désséchées 
Euphorbe à la sève blanche,
Tout est dune et ciel
Tout est ocre et bleu.
Ocre de la dune qui rougeoie au soleil,
Et dont les ombres noires s'étendent 
Comme des murs infranchissables
Bleu d'un ciel si clair au point du jour
Qui, au soir, enfile sa robe sombre
Comme pour mieux servir les étoiles 

Marcher, marcher encore, marcher toujours,
Marcher dans le sable, s'enfoncer en lui
Respirer le sable, en manger sans envie
S'adosser au vent qui court
Vent glaçant de la nuit, rafraîchissant le jour

Ici, c'est le royaume d'Ahmed, 
De sa djellaba bleu
Le royaume de Hmitou
Notre père nourricier
Ici c'est le royaume des chameaux 
Et des chameliers courageux
Ici c'est le pays des Maures

Marcher, marcher encore, marcher toujours
Marcher dans le sable, s'enfoncer en lui
Respirer le sable, en manger sans envie
S'adosser au vent qui court
Vent glaçant de la nuit, rafraîchissant la nuit.

Le soir, au camp dressé 
Étoiles et lune sont les fées 
Du désert apaisé, 
Le vent plus froid encore
La soupe  paraît un trésor.
Alors le guide nous dit des contes.
Les contes du désert.
"Mon conte est fini
Inch'Allah. Que Dieu nous prête vie
Pour raconter d'autres contes demain"

Marcher, marcher encore....

Désert de Mauritanie. Décembre 2017

J'ai profité des fêtés de fin d'année pour lire attentivement deux livres que je n'avais que survolés, de mon ami Henri PENA-RUIZ :

 "Bonheur, les chemins d'une vie secrète" et "Grandes légendes de la pensée", parus l'un et l'autre chez Flammarion dans la collection "J'ai lu". 

Deux ouvrages de philosophie d'une belle et bonne pédagogie, ce qui n'étonnera pas d'un auteur qui, agrégé de l'université et docteur en philosophie, fut longtemps prof de philo au lycée Fenelon, et qui est devenu mon ami dans les combats déjà anciens mais encore permanents pour la Laïcité (Que j' écris volontairement avec un L majuscule). 
Ces treize leçons sur le bonheur nous refont visiter Epicure et Montaigne, Descartes et Spinoza, Nietzsche et Camus avec délectation. 

Quant aux grandes légendes de la pensée, c'est un joli traité de Culture générale qui nous fait voyager du nez de Cléopâtre au rocher de Sisyphe, en passant par l'âne de Buridan, la traversée du Rubicon ou la chute d'Icare. Le tout, bien entendu, assorti des leçons philosophiques à en tirer. 
 
Tout cela est facile à lire et bien enrichissant.