jeudi 31 janvier 2019

Le Journal du Dimanche est un hebdo pas comme les autres.


D'abord parce qu'il ne parait pas comme tous les autres hebdos, le jeudi en ce moment mais le dimanche comme son nom l’indique. Ensuite parce qu'il ne parait pas sous forme de magazine mais comme un quotidien-papier. Enfin parce qu'il a la particularité d'être terriblement irrégulier : parfois on le lit en 10 minutes, parfois en 3 heures ... et je dois dire que depuis des semaines , s'il n'y avait pas la chronique d'Anne Sinclair, toujours avec une hauteur de vue et une ouverture d'esprit très appréciables, notamment au plan culturel, je suis resté bien souvent sur ma faim. 
Et dimanche dernier, un pavé dans la mare ! Toujours la chronique d'Anne Sinclair et ses judicieux conseils de lecture, un bien intéressant interview croisé de Daniel Auteuil et Pierre Arditi sur le théâtre aujourd'hui et le métier d'acteur, un long entretien avec Bernard-Henri LEVY sur l'Europe où l'on sent des convictions profondes et une réflexion du fond aboutie. On pense ce que l'on veut du personnage, parfois narcissique ou megalo à souhait, mais c'est un homme de Culture et ses contributions au débat public sont toujours de qualité . Et puis....et puis les pages 2 et 3 sur la situation politique avec, en regard, page 2 un sondage sur Macron et page 3 un entretien avec Laurent Berger. D'autres sondages ont beau nous dire que la côte de popularité du Président remonte doucement depuis quelques temps, ce sondage est d'une grande, très grande sévérité à son égard. Les français, avec des majorités écrasantes, lui demandent de changer son attitude, sa méthode, sa politique...À ma façon, je dirais moins d'arrogance, plus de pouvoir partagé, plus de Justice fiscale et sociale. Et, en face, l'interview plein de sagesse de Laurent Berger qui plaide pour une inflexion sociale, défend plus que jamais le rôle des corps intermédiaires et du contrat social, et continue à proposer son " Grenelle du pouvoir de vivre" qu'il avait avancé au début de la crise des gilets jaunes et dont on ne comprend toujours pas que le gouvernement l'ait repoussé d'un revers de la main. Un discours responsable, celui d'un réformiste que je qualifierais volontiers de "social-démocrate" si je n'avais pas peur de compromettre le patron de la CFDT. 
Eh bien, je pense que nos gouvernants, s'ils sont marris par la lecture de la page deux du JDD, feraient bien de lire avec attention la page trois s'ils se demandent comment sortir de cette crise...

mardi 22 janvier 2019

Je ne suis pas historien mais je me soigne...


Je me lamente chaque jour sur les lacunes de ma culture historique et je n'arrive à me rassurer qu'en déployant un intérêt, une appétence soutenue pour l'histoire. Et comme ces "cahiers de doléances ", aujourd'hui mis à la disposition des citoyens dans les mairies dans le cadre du "Grand débat" voulu par le Président de la République, me rappelaient un épisode de l'histoire de France - tout de même... -, je me suis dit qu'il pouvait y avoir un intérêt à y regarder de plus près.
Les cahiers de doléances, dans l'histoire de France , étaient des registres dans lesquels les assemblées chargées d'élire les députés aux États Généraux notaient vœux et doléances des mandants, et sont une vieille pratique qui remonte au XIVème siècle. Mais, bien entendu, les plus célèbres sont ceux de 1789, rédigés à la demande du roi Louis XVI en vue des États généraux convoqués pour le 5 mai 1789. On est donc dans la période immédiatement pré-révolutionnaire .
Pourquoi le roi provoqua-t-il ce processus ? La thèse la plus couramment avancée est celle de l'impasse financière dans laquelle se trouvait le royaume incitant le roi à imaginer un stratagème pour convaincre ou contraindre la noblesse - et le clergé?- à des contributions auxquelles elle répugnait.
Il est intéressant de noter que Michelet a fait une longue analyse de l'erreur politique commise, selon lui, par le roi qui, considérant le bon peuple comme son "obligé", aurait gravement sous-estimé les ressorts profonds de ce peuple et sa volonté non seulement de s'exprimer puissamment mais aussi de "prendre son destin en mains"....
De fait, 60.000 cahiers de doléances ont été rédigés ce qui apparaît comme considérable quand on sait d'une part que la population n'était que de 28 millions d'habitants et que, d'autre part l'analphabétisme et l'illettrisme y étaient encore prégnants...ils sont une mine d'informations extraordinaire dont raffolent les historiens sur la France de l'époque. Nos Archives, nationales et départementales , en sont très riches et ont publié une multitude d'ouvrages sur ces cahiers.
Le processus d'élaboration de ceux-ci était extrêmement décentralisé, dans toutes les communes, les paroisses, les sénéchaussées, les bailliages...mais reposait sur trois ordres : la noblesse, le clergé et, bien sûr, le tiers-Etat.
On trouve des traces très instructives dans les cahiers de chacun des ordres : la noblesse, avec des nuances bien sûr, s'y montre globalement libérale, au sens politique comme au sens économique....le clergé y dénonce la déchéance des mœurs et l'affaissement moral. Il y exprime ça et là un antisémitisme parfois violent....Quant au tiers-Etat, il exprime tout simplement ce qu'on appellerait aujourd'hui un "ras-le-bol fiscal", notamment à l'égard de la fameuse gabelle considérée comme particulièrement injuste, dénonce une Justice obscure et lente, exige des services publics efficaces, se plaint de la désertification des campagnes...

2019 : nous voilà 230 ans en arrière....
Soyons sages : comparaison n'est pas raison bien entendu.
Restons sages et voyons qu' il est des invariants qui frappent et poussent à la réflexion .
Et surtout, il faut imaginer la suite de l'histoire : la sagesse -encore elle- voudrait, si l'on veut éviter les explosions et les violences d'il y a un peu plus de deux siècles, que nos cahiers de doléances d'aujourd'hui ne soient en rien " l'enfumage" que certains craignent de bonne foi, que d'autres dénoncent par simple tactique, mais débouchent sur de vraies réformes faites de plus de Justice que de démagogie.

jeudi 17 janvier 2019

J'ai donc lu le dernier Houellebecq, "Sérotonine" paru chez Flammarion.


Oh, ça ne prend pas beaucoup de temps ! Un week-end y suffit largement....ça se
lit tellement facilement...le héros est classiquement "Houellebecquien" : il boit beaucoup, encore et toujours, fume aussi énormément au point qu'il recherche les hôtels où il n'est pas interdit de fumer ou bien qu'il démonte les avertisseurs de fumée quand il n'en trouve pas, est chroniquement dépressif et gros consommateur de médications diverses - d'où le titre du roman- , est singulièrement machiste, n'a connu que des déceptions amoureuses et aime " les chattes humides" ou bien "se faire sucer la bite". Soit . 
Ça ne me choque pas mais ça ne me fait pas me pâmer non plus.
Il est diplômé de l' Agri et fonctionnaire au Ministère de l'Agriculture dans une position statutaire peu crédible mais ça n'a pas d'importance. Il déambule en Normandie au milieu de la crise des agriculteurs-producteurs de lait et tient des raisonnements sur les quotas laitiers qui montrent qu'il confond "l'Europe" , clouée bien sûr au piloris, et "les libéraux européens" qui ont supprimé les quotas laitiers après que les sociaux-démocrates européens les aient institué malgré l'opposition violente de la FNSEA. La même FNSEA qui, trente ans après, crie " touche pas à nos quotas "!
Mais tout cela n'a pas d'importance, c'est du Houellebecq et c'est facile à lire. Le Figaro se pâme...

Vu « Les invisibles» , le film de Louis-Julien Petit.


Un film tourné dans un centre d’accueil de jour pour femmes seules et sans
domicile fixe, dans le Nord de la France. Un film tourné avec quelques actrices professionnelles et les femmes en question qui se révèlent de formidables actrices, bourrées de naturel, de sensibilité et d’humour.
Un film sur la pauvreté et l’exclusion, mais aussi sur la difficile mission des travailleurs sociaux qui se battent au quotidien pour ces femmes et se heurtent à des tutelles peu ouvertes à l’innovation, prisonnières de « critères» si peu humain ... c’est un film très émouvant, très réussi, très édifiant .
A voir absolument.

mercredi 9 janvier 2019

Il faut répondre encore et toujours à l'appel de "Charlie"


et, en particulier, à la question que pose l'édito de Riss "vous êtes encore là ?", question angoissée d'un homme qui ressent confusément que la bataille idéologique menée par l'obscurantisme, tous les obscurantismes, contre la philosophie des Lumières sur les réseaux sociaux est de plus en plus violente. 
Encore plus violente quand l'obscurantisme se conjugue à ces nouvelles formes de populisme où toutes les formes les plus élémentaires du RESPECT, respect de l'autre, de sa différence, respect du dialogue et la liberté d'opinion, respect des lois de la République, de la démocratie, sont chaque jour un peu plus bafouées.
Alors, oui, cher Riss, délibérément, nous sommes toujours là.
Là pour défendre des valeurs fondamentales et, en particulier, celles de la République, toutes issues, justement, de la philosophie des Lumières et grâce auxquelles nous vivons en liberté et en démocratie. Là pour défendre cette Laïcité qui n'est en rien une religion ou une croyance comme les autres mais cette règle commune qui nous permet de jouir de cette formidable liberté, la liberté de conscience, c'est à dire la liberté de croire ou de ne pas croire, de croire et de ne plus croire.
Là pour crier notre solidarité à Zineb El RHAZOUI, qui fut, justement, une collaboratrice de Charlie et qui est maintenant ouvertement menacée de mort sur ces saloperies de réseaux sociaux parce qu'elle a osé dire il y a quelques semaines dans un débat télévisé que "l'islam doit se soumettre à la critique, à l'humour, aux lois de la République, au droit français". Parce que, dans la République française de ce 21ème siècle, il faut encore préciser que l'islam, comme toutes les religions, comme toutes les idéologies, comme toutes les opinions est librement soumis à l'esprit-critique et au libre-arbitre des citoyens qui sont de grandes conquêtes des Lumières.
 
Oui, Riss, nous sommes toujours là.
Oui Zineb, à vos côtés.

samedi 5 janvier 2019

Lu " J'ai couru vers le Nil » d'Alaa El Aswany, traduit par Gilles GAUTHIER aux éditions Actes Sud.


L'auteur de " l'immeuble Yacoubian" raconte ici le "printemps arabe " égyptien en 2011 avec les formidables mobilisations de la place Tahrir aboutirent à la destitution de Moubarak.
À travers quelques histoires bien humaines, de couples qui se forment ou qui explosent, de familles déchirées par la mort d'un fils ou par des engagements contraires, on découvre surtout l'immense violence de la répression et le rôle joué par les médias manipulés.
Le printemps arabe n'en fut pas un puisqu'aucun été ne l'a suivi.

vendredi 4 janvier 2019

Lu " Le premier homme" d'Albert Camus,


le livre qu'il était en train d'achever au moment de sa mort en 1960, et que sa fille Catherine a souhaité publier "en l'état" c'est à dire avec quelques blancs ou
imperfections. Mais, franchement, ça n'est que très peu perceptible et, en tout cas, pas handicapant du tout . Un livre autobiographique où Camus raconte la jeunesse algérienne de Jacques Cormery qui n'est autre que lui-même : l'appartement de trois pièces, deux chambres, sans électricité, où , après la mort de son père, sa mère est venue avec ses deux enfants vivre chez sa mère ou vit déjà son frère . L'illettrisme de sa mère. La sévérité, parfois brutale de la grand-mère, l'extrême pauvreté. L'école de la République. L'instituteur magnifique, Monsieur Germain , qui repère les qualités du jeune Albert, et l'aidera à obtenir une bourse pour aller au lycée. Il y a d'ailleurs, joint en annexe de cette édition, un échange de lettres entre Camus et son maitre quelques mois avant la mort de l'écrivain où Monsieur Germain, instituteur laïc, dit à son ancien élève devenu prix Nobel de littérature toute son inquiétude devant la menace qui pèse sur l'école de la République à l'époque. On devine qu'il parle de la loi Debré....
Tout cela est d'une grande sensibilité, d'une belle tendresse, d'une émotion simple et en apprend beaucoup sur la personnalité de Camus, sur ses racines profondes.

Étapes culturelles en Aquitaine :



- de passage à Bordeaux, visite de l'expo " Médio Acqua" à la base sous-marine de cette ville. Les lieux, de grandes cathédrales en béton construites par les allemands en 42-43 pour abriter leurs sous-marins allemands (et italiens !) sont aussi imposants que laids. Mais qu'en faire ? L'idée d'en faire un lieu d'exposition d'art moderne était audacieuse mais elle fonctionne très bien. Et, spécialement, avec cette expo d'une vingtaine d'œuvres,installations ou vidéos sur la thématique de l'eau qui est originale et intéressante. Bravo.
- de passage en Dordogne, visite à "Lascaux 4", le splendide musée construit récemment à Montignac, très jolie ville de la vallée de la Vézère, à quelques centaines de mètres de la "vraie" grotte de Lascaux, fermée par André Malraux pour la protéger dans les années 60. 

Nous voici donc 20.000 ans en arrière du temps de l'homme de Cromagnon et de ces fameuses gravures colorées d'animaux, chevaux pour l'essentiel, vaches, taureaux, aurochs, cerfs...mais ce qui m'a le plus subjugué, c'est le musée lui-même, véritable reconstitution de la grotte, de ses volumes et de ses gravures au millimètre près, à laquelle est juxtaposée une salle formidablement pédagogique autour d'écorchés de la grotte suspendus au plafond et éclairés différemment pour en comprendre les nuances ou la genèse.
On doit ce magnifique investissement culturel -qui est aussi un projet de développement économique puisque les touristes s'y précipitent et que plusieurs dizaines de personnes y travaillent, plus de 100 l'été- aux collectivités locales, qui ne sont donc pas toujours ce que disent les inspecteurs des finances, des dépensières somptuaires.....

mardi 1 janvier 2019

Lu aussi "Un hosanna sans fin" de Jean d'Ormesson, paru chez les Éditions Heloise d'Ormesson, sa fille.


Le livre dont le père a donné le manuscrit à sa fille quelques heures avant sa mort. Comme un cadeau de départ. 
Là encore, comme pour le Premier Homme de Camus, sa fille a pris le  parti de le publier sous sa forme pas très aboutie C'est un petit livre, 130 pages à peine, très "aéré " qui plus est, où l' auteur virevolte à sa manière si brillante et toujours un peu superficielle au milieu des grandes questions philosophiques.... Il  y parle de la naissance, de la vie, de la mort ( " on ne saura jamais pourquoi on est né, mais on est sûr qu'à la fin de l'histoire, il y a la mort. Entre les deux, il faut bien vivre...") du monde et de la science, du rôle des religions, de Dieu ( " je ne sais pas s'il existe, mais je l'espère"...). 
C'est léger, très facile à lire.

Vu "Une affaire de famille" , le film de Hirokazu , Kore-eda palme d'or au festival de Cannes 2018.


Le cinéma japonais dans toute sa singularité admirable. 
L'histoire de ce qu'on croit être une famille japonaise pauvre mais qui vit, finalement pas trop mal, de rapines obscures : vol à l'étalage du père avec son fils, commerce de son corps pour la grande sœur, petites escroqueries diverses … le tout dans une grande solidarité clanique qui leur fait accueillir une petite fille du quartier malmenée par ses parents .
Quand il y en a pour 5 il y en a pour 6.... le tout est bourré de tendresse. Même quand la police s'en mêle .
Vraiment bourré de tendresse.