dimanche 30 août 2020

Lu « Le hussard sur le toit » de Jean Giono paru chez Gallimard en 1951 et réédité dans la collection Folio.

 


On connaît l’histoire : en 1832 Angelo, jeune colonel des hussards, titre que sa mère richissime lui a acheté, idéaliste et fougueux part de la région d’Avignon pour rejoindre l’Italie de ses origines pour mener le seul combat qui compte pour lui : le combat pour la liberté. Seulement voilà : sur sa route il rencontre la terrible épidémie de choléra qui frappe le pays et sème son interminable lot de cadavres, ses quarantaines imposées, les peurs et les violences qui vont avec, les rumeurs aussi. Comme dans « La peste » de Camus mais avec un peu moins d’ingéniosité encore ( le bon docteur Rieux, à Oran en 1950, en savait un peu plus que ses collègues de 1832..) , on retrouve-là, dans notre histoire commune, des traces intéressantes, édifiantes même, de ce que nous venons de vivre et vivons encore avec la COVID-19...
Le roman est un récit d’un voyage mouvementé, on ne peut plus mouvementé à travers cette Provence, cette Haute Provence en particulier et ces Alpes du Sud que Giono aimait tant, auxquelles il a consacré tant d’années et tant d’œuvres de sa vie. D’ailleurs le titre du roman vient d’un épisode de ce périple lors duquel Angelo, pour échapper à des poursuivants qui veulent le mettre en quarantaine voire tout simplement l’éliminer puisqu’ils le suspectent d’avoir empoisonné une fontaine, s’enfuit par les toits de Manosque sur lesquels il vivra plusieurs jours. Manosque...la ville de Giono où il écrivit ce roman et tant d’autres.
On retrouve ici, comme d’habitude avec Giono de longues, très longues descriptions de ces paysages qu’il affectionnait tant. Cela occupe l’essentiel du livre. Mais il y a l’histoire aussi, la rencontre avec Pauline, ce voyage en commun, ces liens affectifs qui se tissent, l’incapacité pour le jeune et fougueux aventurier plein de morale, d’y voir un amour naissant...
Et puis des passages qui peuvent nous servir de leçons : celui, dans la première partie du livre où Angelo s’interroge sur les motivations profondes de son engagement auprès de ses concitoyens atteints par l’épidémie, où l’estime de soi n’est pas innocente; ou bien celui très époustouflant de ce vieux médecin rencontré sur la fin du voyage et qui, dans un long monologue truffé de références historiques et culturelles, relativise la maladie et la mort : « Le choléra n’est pas une maladie, c’est un sursaut d’orgueil »...
Un très beau livre bien sûr.

lundi 24 août 2020

Lu « Changeons de voie. Les leçons du coronavirus » d’Edgard Morin paru chez Denoël.

 

Le sociologue et philosophe a 99 ans...et il se définit lui-même comme « l’enfant de toutes les crises » qu’il a vécues dans le siècle écoulé. C’est dire que lorsqu’il disserte sur les leçons du coronavirus ( pardon, « la » COVID !) il les resitue dans une perspective historique que sa biographie résume à merveille. Il nous entraine donc dans ce monde complexe et incertain où il excelle à discourir avec passion et pédagogie. Avec conviction aussi puisqu’il plaide afin que ces leçons tirées entraînent une régénération de la politique, une protection de la planète, une humanisation de la société. Alors, évidemment, en 150 pages, tirer 15 leçons de cette crise, définir 9 défis à relever et tracer 5 orientations pour l’action...amène forcément à survoler les questions et les concepts avec une certaine dose de simplification et même, parfois de simplisme. Il reste que sa conclusion et  ses 20 dernières pages sont un traité d’humanisme d’une pertinence et d’une force remarquables. Car cet homme est trop vieux et il a mené trop de combats pour être résigné ou pessimiste. Un belle leçon d’espérance.

mardi 18 août 2020

Lu « Ce virus qui rend fou » de Bernard-Henri Levy paru chez Grasset.

 

Ah ! Encore un pamphlet...et mes propos à son sujet vont encore déchaîner les passions chez ceux qui ont du mal à accepter qu’on puisse tout lire et faire son miel en butinant un peu partout....d’autant que, je vais être franc, j’ai bien aimé ce petit livre. Il faut dire que BHL écrit bien et même très bien fût-ce au prix d’une certaine flamboyance bien sentie. Il faut dire aussi que sa culture est conséquente et que ses références historiques ou intellectuelles nombreuses ne gâtent rien. Le normalien -agrégé de philosophie est toujours là.
Alors, il crie sa colère contre tout ce que ce virus a engendré de déraison, rappelant la grippe espagnole et ses cinquante millions de morts d’il y a un siècle, la grippe asiatique et ses deux millions de morts au milieu du XXième siècle etc..
Et il dénonce la montée du pouvoir médical, la théorie de la revanche de la nature, les soi-disant délices du confinement, le triomphe de la vie étriquée sur la vie ouverte et, surtout, l’oubli du monde et de ses autres malheurs persistants et pourtant bien plus graves...
C’est un hymne à la résistance contre toutes ces fâcheuses tendances que BHL lance ici, avec le talent qu’on lui connaît. Pamphlet pour pamphlet, j’ose dire que je préfère celui-ci à celui du Professeur Peronne.

Lu « 404 » de Siri Louatah paru chez Flammarion.

 

Sabri Louatah a été l’auteur de « Les sauvages », grand succès littéraire traduit dans le monde entier et adapté en série pour Canal Plus. Il livre ici un drôle de roman, drôle n’étant pas le bon mot car ce n’est pas drôle du tout. Disons curieux ou étrange. Et pénible, presque insupportable. L’histoire commence dans une classe préparatoire aux grandes écoles du lycée du Parc à Lyon où trois jeunes gens d’origine algérienne ont des succès divers : Allia, aussi belle que brillante qui sera majore de Polytechnique, Kader qui était brillant et charmeur, charismatique et entraînant qui disparaîtra du décor après une accusation de viol de la part d’une étudiante, et Ali, plus littéraire mais qui finira cuisinier, faute de pouvoir déclarer sa flamme à Allia, flamme qui hantera toute sa vie.
Et l’histoire se termine ... dans le département de l’Allier où un invraisemblable concours de circonstances va y voir se dérouler un épisode inimaginable de « l’affaire » du Grand remplacement où l’on retrouve nos trois comparses, Allia qui a inventé une application technologique à base d’intelligence artificielle qui rend impossible la duplication des vidéos mais qui est venue s’installer dans l’Allier où son mari, Mehdi, est médecin de campagne et maire, Kader qui est devenu milliardaire et envisage de conquérir Allia en fomentant un invraisemblable projet de complot algérien communautariste qui utilisera l’application d’Allia à son insu, et Ali, témoin passif de cet imbroglio. Bref, la revanche algérienne du Grand Remplacement et les réactions en tous genres qu’elle produit. C’est tellement gros que ça ne fonctionne pas et c’est assez ennuyeux. Le succès de « Les sauvages » ne devrait pas être au rendez-vous.

dimanche 16 août 2020

Lu « Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise ? » du Professeur Christian PERRONNE paru chez Albin Michel.

  Christian Perronne est chef du service des maladies infectieuses de l’Hôpital de

Garches et son livre est sous-titré « COVID-19: l’union sacrée de l’incompétence et de l’arrogance ». On devine donc et le sujet de cet essai et son parti-pris, sévère, très sévère, intraitable. Un véritable réquisitoire. Il faut dire que le recensement a posteriori des multiples déclarations de nos dirigeants et experts sur tous les sujets de la crise sanitaire, tests, masques, confinement, déconfinement etc...a quelque chose d’accablant. Terriblement accablant. On pourrait dire que tous ces responsables politiques qui sont arrivés au pouvoir il y a trois ans sur le refrain du « dégagisme » et de l’avènement d’un nouveau monde qui rejetait l’ancien aux oubliettes, ont été rattrapés par l’expérience de la gestion de crise qui n’avait manifestement pas été inscrit dans le programme de leur formation accélérée. Et la communication de crise encore moins...
Quand on sait que, de plus, le professeur Perronne est de ces médecins adeptes du traitement à l’hydroxychloroquine et, de fait, défenseur de son collègue Didier Raoult, on imagine que le ton est encore plus véhément. C’est d’ailleurs le volet le moins convaincant du livre tant il respire par trop le revanchardisme. Mais les pages consacrées à la responsabilité du médecin, fondée sur le serment d’Hippocrate, nettement les plus passionnantes de mon point de vue auraient, à l’inverse, mérité d’être plus développées.

mardi 11 août 2020

Lu « Les femmes de Binaparla » de Philippe Wattier aux éditions Maïa.

 

Un livre gentiment offert par l’auteur, père d’un ami de mes enfants. Philippe Wattier

n’est pas écrivain : sa vie professionnelle fut longtemps consacrée aux ressources humaines dans une banque privée je crois. Mais cette vie-là l’amena à beaucoup voyager et, en particulier, à découvrir et à aimer l’Afrique qu’il connaît bien. J’avoue que j’ai de l’estime et du respect pour ces auteurs qui se livrent à l’écriture non pas en dilettante mais par passion, qu’on ne peut pas qualifier d’amateur car il y a beaucoup d’engagement dans cette démarche, et qui « créent » un roman comme d’autres font de l’aquarelle ou tout autre activité artistique ou culturelle. C’est un des apports majeurs de la littérature que de nous permettre de les suivre dans leur «voyage ».

Son roman se déroule donc au Togo, ancienne colonie française du golfe de Guinée, dans un petit village perdu au fin-fond de la brousse, Binaparla. Il raconte l’histoire de cinq femmes, la grand-mère, la mère, la fille - superbement belle- , la tante et...la coiffeuse, pulpeuse, libérée et généreuse. Et il survole bien des questions majeures de la femme africaine, l’éducation, la polygamie, le mariage forcé, l’excision, mais aussi la force collective, la solidarité. La femme africaine est l’avenir de l'Afrique nous dit justement ce livre qui a un peu de mal à débuter, sans doute parce que le style en est un peu décousu, irrégulier mais aussi car l’auteur se perd un peu dans des digressions comme s’il voulait par trop prouver qu’il connaît bien l’Afrique. Seulement voilà, il y a une véritable histoire et celle-ci peu à peu impose sa cohérence et sa force. Et cela donne un livre bien agréable et fort intéressant.

dimanche 9 août 2020

Lu « La vie mensongère des adultes » d’Elena Ferrante paru chez Gallimard, traduit de l’italien par Elsa Damien.

L’auteure de « l’ amie prodigieuse » au succès incroyable livre là un nouveau roman sur l’adolescence d’une fille dans les faubourgs de Naples. Jeunesse heureuse de cette fille unique de professeurs, vivant dans les hauts quartiers de la ville, mais... le divorce de ses parents, la découverte d’une tante bannie par son père et vivant dans les bas-quartiers de la ville vont l’amener à apprendre que le monde des adultes est fait de mensonges et d’hypocrisie. Personnage riche et infiniment complexe, l’adolescente va chercher sa voie entre ces deux villes, ces deux cultures, ces deux mondes pour connaître son identité véritable faite de tout cela .

L’immense mérite d’Elena Ferrante, c’est cette capacité qu’elle a de nous faire adopter ses personnages, de nous immiscer dans leur intimité pour, à la fois, conjuguer la complexité de leurs personnalités et une certaine facilité à la lire...