dimanche 22 décembre 2019

Vu « Edmond » , la pièce d’Alexis Michalik au théâtre du Palais Royal.


Cette pièce est à l’affiche depuis plusieurs années et son succès ne se démentant pas, il fallait en avoir le cœur net.
La pièce écrite, réalisée et parfois jouée par Alexis Michalik est, il faut le reconnaître, un très bel exemple de l’art théâtral dans ce qu’il a de meilleur : un sujet culturellement et historiquement original, une écriture simple, une mise en scène vivante, des décors rustiques et changeants, des acteurs enjoués et souvent drôles, tout cela donne un remarquable moment de théâtre. Edmond, c’est Edmond Rostand, jeune écrivain pas encore connu, à peine marié et père de famille vivant modestement à la recherche du succès littéraire. Et l’histoire imaginée par Michalik dans cette œuvre de fiction, c’est celle de la préparation audacieuse, risquée, improvisée à bien des égards, de ce qui sera le grand succès de Rostand, Cyrano de Bergerac.
C’est gai, vivant, enjoué, parfois très drôle ( Ah ...Ces deux producteurs corses, proxénètes mafieux à l’accent caricatural, comme ils sont drôles !). Bref, un régal .

Vu « Xenos », le dernier solo d’Akram Khan, à la grande halle de la Villette.


Akram Khan, le chorégraphe et danseur anglais d’origine bangladaise livre ici sa dernière création qui est aussi son adieu à la scène en tant que danseur. Xenos est un hommage aux « étrangers » du monde entier et, notamment, des colonies des grands pays européens qui sont venus combattre et mourir en Europe pendant la grande guerre.
J’apprécie beaucoup et depuis longtemps cet homme, sa créativité et son talent artistique, sa curiosité de tout, sa capacité à travailler avec des artistes venus de tous les horizons, qui souvent m’a procuré de belles émotions. Mais « Xenos » ne restera pas comme son meilleur spectacle : il y a certes de très belles lumières, une scénographie travaillée et de très belles images, mais la chorégraphie est pauvre . Quoi ? Peut-être 15 minutes de danse sur un peu moins de 2 heures... Je n’ai pas chronométré mais suis resté sur ma faim .

dimanche 8 décembre 2019

Lu " De l'urgent, du presque rien et du rien du tout" d'Olivier de KERSAUSON paru aux éditions du cherche midi.


Mon copain Kersau avec qui j'ai aimé naviguer naguère - mais peut-être ce temps n'est-il pas complètement révolu?- nous livre ici un abécédaire qui est comme une leçon de vie. 
Il y a deux KERSAUSON, l'un public et l'autre privé, celui des grosses têtes qui ne m'intéresse pas parce qu'il cultive un jeu artificiel fait de grossièreté et de machisme, et celui que ceux qui le connaissent apprécient parce que c'est un homme d'une grande finesse, d'une grande culture, et un poète.
Le premier n'est pas du tout présent dans ce livre, le second y affleure parfois même si, je le reconnais, j'eusse aimé qu'il s'y montrât plus. Mais on découvre publiquement des pensées que le public, l'opinion n'imaginait peut-être pas, la tendresse pour les femmes qu'il a épousées, sa haine du racisme, ses propos généreux pour les migrants... ceux qui attendaient des propos marins seront déçus; ceux qui veulent mieux connaître ce personnage riche et complexe seront intéressés.

Vu "Gloria Mundi" le dernier film de Robert Guédiguian,


avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darrousin, Gérard Meylan, Anaïs Demoustier et, comme décor majeur la ville de Marseille dont Guédiguian reste l'éternel chantre Guédiguian ou le cousin de Ken Loach avec de la politique française et de la poésie en plus ....en l'occurrence, je rapproche ce film du "Sorry we missed you" de Loach dans la mesure où l'un et l'autre décrivent les ravages désastreux de la précarité de l'emploi sur la vie concrète d'une famille.
Loach évoquait une famille réduite à quatre personnes, le père, la mère, le fils et la fille adolescents. Guédiguian raconte une famille plus grande, les parents plus âgés, leurs deux filles et leurs maris, un bébé qui arrive et l'ancien mari de la mère. Et la précarité qui ravage tout cela avec son cortège de tensions, de violence, de désastres humains. Avec ces deux particularités ou ces deux ajouts : l'un des deux jeunes couples se distingue, s'oppose au reste de la famille par sa volonté, son obsession d'être des "premiers de cordée" en référence explicite aux propos du Président de la République, en exploitant commercialement la misère du monde et en piétinant dans l'immoralité la plus abjecte les autres membres de la famille ; et l'ancien mari de la mère qui sort de prison pour un meurtre commis vingt ans auparavant dans une bagarre de rue qui a mal tourné, et n'arrive pas à " trouver sa place" dans cette nouvelle condition, la liberté recouvrée...
Et, à la différence de Loach qui dépeint l'engrenage infernal et progressif des effets de la précarité , Guédiguian raconte, in fine, une explosion de violence dans cette famille où le "premier de cordée" va dépasser les bornes et où l'ancien détenu va trouver, paradoxalement et généreusement, sa place.
Et puis, il y a la "musique ", la poésie de Guédiguian, Marseille et ce couple encore formé d'Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darrousin, parents et grands-parents affectueux et attachants.
Un très beau film.

samedi 23 novembre 2019

Lu " la panthère des neiges" de Sylvain Tesson, paru chez Gallimard, prix Renaudot de cette rentrée 2019.


Un joli livre où l'écrivain- philosophe-globe trotter- casse-cou raconte une expédition menée l'an dernier au Tibet avec le formidable et passionnant photographe animalier Vincent Munier, à la recherche de cette fameuse panthère qui se niche dans les hauts-plateaux de cette région d'Asie. 
Le récit n'est pas un compte-rendu de voyage, il est une approche du monde. Où l'on comprend que cette panthère est l'éternité qui compte quand le smartphone est le fugace superficiel, où on apprend à aimer la contemplation plutôt que la réaction aux stimuli, où la beauté du monde et de sa faune vous éclate à la figure, où l'on peut être bouleversé d'émotion quand on découvre " la " bête que l'on cherche depuis si longtemps. 
J'ai retrouvé dans ce livre ces émotions, justement, vécues à travers le monde dans mes voyages maritimes ou terrestres à la rencontre de ces animaux aussi majestueux que rares : ces baleines au Cap Horn, ces ours blancs au Spitzberg, ces gorilles en Ouganda, ces lions dans la savane africaine...et Sylvain Tesson raconte cela à merveille avec la distance pour bien voir et la hauteur pour bien comprendre.
Un beau livre. Dommage simplement que l'auteur, une fois de plus, réduise l'humanisme à une défense corporatiste de l'espèce humaine....ou bien c'est une facilité de langage dommageable ou bien ce n'est pas bon signe.

"Les misérables"


Il est vraiment rare que je me précipite au cinéma pour ne pas rater la sortie en salles d'un film. Seulement voilà, "Les misérables", le film de Ladj Ly n'a pas seulement été primé à Cannes, il a bénéficié d'un accompagnement médiatique et d'une critique dithyrambique tels que l'on ne pouvait pas louper ça.... de fait, c'est un joli crochet au foie et on sort de là groggy. Tout a été dit de ce travail réalisé à la cité des Bosquets à Montfermeil, avec l'aide et la participation de la population de cette cité qui concentre tous les critères de ce que j'appellerais le "délaissement" qu'on pourrait aussi appeler abandon.
Ce qui est le plus intéressant, c'est que ce "ciné-réalité" -qui est une fiction mais qui s'appuie sur des faits réels- est tournée à partir d'un équipe de policiers de la BAC, - brigade anti-criminalité- , et que quelques soient les dérapages de celle-ci, ce n'est pas un procès à charge de la police.
Ce qui est le plus frappant c'est la jeunesse de ceux qui s'en prennent à cette police , fût-ce par vengeance d'une bavure. Des gamins....
Ce qui est le plus évocateur, c'est cette phrase de Victor Hugo citée à la fin du film juste pour en justifier le titre : " Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs."... De fait.
Sacré film, à voir absolument. Car c'est aussi ça la République dans laquelle nous vivons .

jeudi 21 novembre 2019

Deux spectacles parisiens et une expo qui méritent le détour :



- au théâtre " l'un de nous deux " de Jean-Noël JEANNENEY au théâtre du Petit Montparnasse dans une mise en scène de Jean-Claude Idée avec Christophe Barbier et Emmanuel Dechartre. J'ai déjà dit ici tout le bien que j'avais pensé de la lecture du texte de ce dialogue imaginaire entre Léon Blum et Georges Mandel lors de leur incarcération par les nazis dans un maison à l'entrée du camp de Buchenwald. C'est un texte d'une grande richesse historique, politique, culturelle. Et bien la pièce est à la hauteur du texte ! Et ces deux acteurs remarquables . Christophe Barbier qu'on connaît essentiellement comme journaliste politique, s'y montre très à son aise en particulier. Un très bon moment de théâtre.
  • à Garnier , " Body and Soul " de C’est Crystal Pite sur des musiques de
    Owen Belton, Frédéric Chopin et Teddy Geiger, une création mondiale en trois actes. La chorégraphe canadienne avait triomphé il y a 3 ans avec " The season's canon" et elle revient avec un ballet unique et très divers : un premier acte avec de très beaux mouvements de groupes, notamment le ressac de la mer, et un ou deux très jolis pas de deux, où sur une musique effacée une voix commente en les décortiquant les mouvements des danseurs ( ?...). Un deuxième acte avec des pas de deux sur des préludes de Chopin . Un troisième acte, un ton en dessous où les danseurs habillés en scarabées s'agitent autour d'un King-Kong sur une musique techno très moderne et entraînante. Ce dernier acte est un ton en dessous d'un point de vue chorégraphique car on a l'impression que celle-ci est prisonnière des costumes.
    Mais le tout fait de la belle ouvrage.


    - l'expo est celle de Léonard de Vinci au Louvre. Un succès triomphal, beaucoup de monde pour une rétrospective très riche du peintre du 15ème siècle qui finit sa vie en France à l'invitation de François 1er. Pour les vrais amateurs, l'usage - exposé !- des rayons infra-rouge pour mieux repérer et comprendre la composition des tableaux ajoute une note technique bien intéressante.

Lu " Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon" de Jean-Paul DUBOIS, aux éditions de l'Olivier, prix Goncourt 2019.


L'auteur, ancien journaliste au Nouvel Observateur, toulousain amoureux de rugby (c'est sans doute pour cela qu'il donne le nom du capitaine des All Blacks a un de ses personnages ...), qui écrit un livre par an en un mois d'écriture ( en mars !) s'est construit peu à peu, ouvrage après ouvrage (son œuvre est déjà très conséquente !) une réputation littéraire et un succès certain. Il livre là un joli livre construit autour d'un procédé littéraire classique en jonglant avec deux approches : le récit de la vie d'un intendant d'immeuble bourgeois de Montréal, né à Toulouse de parents danois, lui pasteur et elle très jolie femme gérant un cinéma d'art et d'essai, venu au Canada avec son père après un "accident professionnel" de celui-ci, et la description de la vie en prison du même intendant, sans que l'on sache pourquoi il est en prison. On le saura à la fin, quand il en sortira et que les deux récits se rejoignent.
C'est bien fait, bien construit, et on se prend au jeu, impatient de comprendre le fin mot de l'histoire. Un bon Goncourt .

mercredi 13 novembre 2019

Lu « Du génie français » de Régis Debray, paru chez Gallimard.


Un petit essai de 120 pages «à la façon Régis Debray» c’est à dire remarquablement écrit, cultivé, enlevé, brillant, truffé de formules savoureuses, parfois un peu superficiel ou facile, mais on pardonne tout à Régis. 
Le thème de l’Essai est romancé : le Président de la République décide de désigner un « écrivain national » qui donnera son nom au pavillon français de la prochaine exposition universelle, et confie la mission de sélectionner cet écrivain à la Société des gens de lettres. Celle-ci va désigner Stendhal mais Régis Debray ne l’accepte pas : pour lui, c’est Hugo. Alors il démolit Stendhal consciencieusement, Stendhal dont il reconnaît le talent évidemment mais qui représente pour lui « la mode », le parisianisme, l’air du temps, les dérives en tous genres, de la mondialisation notamment, quand Hugo représente la France éternelle, l’âme de la France.
Dommage d’ailleurs que l’auteur consacre presque neuf dixièmes de son essai à critiquer plus le « Stendhalisme » d’ailleurs que Stendhal lui-même - égratignant au passage le Président Macron qu’il range délibérément dans ce camp-, et si peu à Hugo. J’eusse aimer un plaidoyer plus argumenté sur l’auteur des Misérables. 
C’est une question d’équilibre...

Vu " Sorry we missed you" le dernier film de Ken Loach plusieurs fois primé au festival de Cannes.


Un impitoyable réquisitoire contre la précarité, filmé avec une grande simplicité et un sens de la réalité sociale, de la vérité qui sont émouvants et ne laissent pas indemnes.
L'histoire d'une famille de Newcastle, le père, la mère , un garçon et une fille adolescents. Famille pauvre mais courageuse : le père et la mère travaillent mais dans des boulots précaires, sans contrat de travail, à la tâche . Elle est aide à domicile pour personnes âgées ou malades. Payée à la tâche, elle enchaîne des journées éreintantes avec un calme, un sourire, une douceur impressionnants. Lui, après différents petits boulots sans avenir, décide de vendre tout ce qu'ils ont, une voiture, celle qui sert à sa femme pour travailler, pour investir dans une camionnette et s'engager dans une entreprise de livraison à domicile où, là aussi, il est payé à la tâche et sur un rythme infernal ( Le titre du film vient de là : " Sorrry we missed you" est l'autocollant que le livreur laisse sur la porte du domicile où le destinataire du colis est absent...) . Leurs journées de travail sont si longues qu'ils ne se voient presque plus. Ils se croisent. N'ont plus le temps de s'occuper des enfants. Une série d'incidents va faire dérayer la mécanique qui devait leur permette de s'en sortir, à commencer par les premiers dérapages de leur fils qui est de plus en plus souvent absent du lycée...de vives tensions apparaissent dans la famille, l'engrenage infernal s'installe.
C'est un très beau film sur la réalité sociale liée à la précarité de l'emploi, un film grave, émouvant.
Du Ken Loach en quelque sorte.

mardi 12 novembre 2019

Lu « Pour une Fédération européenne d’Etats-Nations » de Gaëtane RICARD-NIHOUL paru chez Larcier.


L’auteure est une ancienne collaboratrice de Jacques Delors - qui rédige d’ailleurs la préface de ce livre- et s’efforce d’éclairer le concept de « Fédération d’Etats-Nations » que celui-ci avait avancé pour traduire, en théorie, le modèle choisi par l’Europe pour sa construction . 
 
Comme toujours en Europe, il s’agit-là d’un compromis dans le meilleur sens du terme : un compromis entre le Fédéralisme pur et traditionnel, que l’on connaît aux USA par exemple, que l’Europe a écarté, et l’Europe des Nations, chère à De Gaulle (et aussi, aujourd’hui, à des forces politiques très hostiles à l’Europe ) qui se traduit aujourd’hui, dans certains domaines, à l’intergouvernementalité.
Si j’osais simplifier, je dirais qu’il s’agit-là de la voie choisie pour concilier diversité ( des nations ) et unité ( de l’Europe), vieux problème institutionnel, vieille question de philosophie politique qui n’est jamais tranchée, pas seulement en Europe, mais aussi à l’intérieur des Nations qui la composent.
 
C’est un ouvrage très théorique qui intéressera surtout les amoureux de l’Europe qui réfléchissent à sa nature et à son évolution.

lundi 11 novembre 2019

Vu le « J’accuse», le dernier film de Roman Polanski avec Jean Dujardin et Mathilde Seigner.


Le « J’accuse », c’est bien sûr celui d’Emile Zola dans l’Aurore au sujet de «L’Affaire », l’affaire Dreyfus. Comme tous les Polanski, ce film est techniquement parfait même s’il est long ( plus de deux heures...). J’en retiens trois caractéristiques :
 
- d’abord l’originalité consistant à traiter l’affaire à travers le personnage non pas de Dreyfus mais du colonel Picquart, cet officier courageux, pourtant anti-dreyfusard au début, mais qui, nommé à la tête d’un service de renseignement, découvre la preuve de la conspiration dont fut victime Dreyfus et affronte sa hiérarchie avec courage pour faire triompher la vérité. Picquart, victime de toutes les pressions, menaces, intimidations, mis en cause mais qui résistera courageusement et qui finira Ministre de La Défense entre 1906 et 1909, quelques années plus tard.
-Ensuite, le parti-pris de traiter une période particulière de l’Affaire, celle qui débute avec la dégradation publique de Dreyfus et s’arrête avec le succès de la « mission » de Picquart. Mais l’affaire avait duré plusieurs années avant et durera encore plusieurs années après...autant on le comprend au début avec cette cérémonie de dégradation, autant cela peut paraître frustrant de résumer « la fin de l’histoire » avec trois phrases manuscrites à la fin.
- Enfin, le jeu de Dujardin qu’on ne connaissait que par ses rôles de comédie. Le voilà dans un rôle tragique et il s’en sort à merveille. Preuve, sans doute, que c’est un grand comédien.

mercredi 6 novembre 2019

"Soeurs d'armes".


À l'heure où tant d'entre nous crions notre colère à l'égard de Trump et Erdogan, complices d'un " lâchage " odieux du peuple kurde, mais aussi de tous nos dirigeants occidentaux dont la protestation est bien molle, ou bien d'un Poutine qui se lèche les babines tant il devient le maitre du jeu dans cette région du monde, il faut voir "Sœurs d'armes" le film de CAROLINE FOUREST qui vient de sortir en salles. On connaît CAROLINE, journaliste, écrivain, essayiste, militante féministe acharnée de la laïcité, la vraie, pas la "laïcité inclusive ou apaisée" coupable de toutes les trahisons, engagée dans tant de combats courageux que ni Tariq Ramadan, ni les frères, pourtant menaçants à son égard, n'ont pu faire taire.
J'ai grande estime, admiration et amitié pour CAROLINE. Sans doute parce qu'elle voulait rompre avec le rythme effréné de ces combats qui imposent polémiques et exposition personnelle, elle s'est arrêtée quelque mois pour changer d'air. Changer d'air et de mode d'expression : "sœurs d'armes" est son premier film. Et pour tout dire, ce coup d'essai est un coup de maitre. C'est un film militant assurément qui raconte l'histoire de Zara, une jeune femme Yézidie, dont le village est attaqué par les djiadhistes qui exécutent froidement les hommes, dont son père, et capturent les femmes : elle devient l'esclave, sexuelle essentiellement, d'un djiadhiste de nationalité anglaise. Elle s'échappe et, pour se venger autant que pour retrouver son jeune frère , s'engage dans les rangs des femmes combattantes kurdes dans une sorte de "brigade internationale".
Bien sûr, le film est un premier film, perfectible à bien des égards, avec un budget forcément limité et un côté brut de décoffrage. Mais c'est un vrai film, avec un vrai scénario, une ambiance très personnalisée, de très belles images et une jolie brochette d'actrices dont Camelia Jordana, Esther Garrel ou Dilian Gwyn, héroïne du film.
C'est un magnifique hommage à ces combattantes courageuses qui engagent leur vie tous les jours contre le fascisme et l'obscurantisme ....pour nous protéger, nous. Il faut voir le film de CAROLINE FOUREST .

mercredi 30 octobre 2019

Lu "Une minute quarante neuf secondes" de Riss, paru chez Actes Sud.


Riss, dessinateur, est le Directeur de Charlie Hebdo. Il était présent dans la salle de rédaction du journal le 7 janvier 2015 lorsque l'attentat meurtrier y a été commis. 
Au milieu de tous ses amis décédés il fit partie des rares survivants, grièvement blessé à l'épaule. C'est cela et la suite qu'il raconte dans ce "récit". Mais c'est un récit très différent du " Le Lambeau" , le formidable livre de Philippe Lançon, lui aussi présent, grièvement blessé et survivant : le récit de Lançon est un très beau texte littéraire, sensible, émouvant, construit autour de la reconstruction physique, psychologique, sociale du traumatisé; celui de Riss est d'abord l'histoire de Charlie, fait de portraits vivants de ses acteurs disparus, et un gros coup de gueule politique, une dénonciation diablement efficace de tous les lâches qui, après l'attentat, disaient " je suis Charlie ...mais, quand même, ils exagéraient ", ou bien "je suis pour la liberté d'expression ....mais elle a des limites" ou bien encore "ils l'ont bien cherché". Il y a, d'ailleurs, au milieu du livre, un chapitre extrêmement bien senti développant une analyse des différents groupes politico-philosophiques suivant qu'ils aient été "Charlie" ou pas.
Un livre coup de poing très salutaire .
J'étais Charlie et je le reste avec ce livre.

mardi 22 octobre 2019

Lu " les quatre coins du cœur" de Françoise Sagan, paru chez Plon.


J'avais envie de retrouver les ambiances de "Bonjour tristesse" ou " Aimez-vous Brahms" de l'auteure que j'ai eu la chance de rencontrer deux fois : la première quand j'avais dix-sept ans et qu'elle m'avait pris en stop dans sa voiture de sport au tunnel de Saint-Cloud pour plus de deux heures de route (eh oui...), et la deuxième lors d'un déjeuner dans le Lot dans les années quatre-vingt avec François Mitterrand et Maurice Faure où nous avions beaucoup, beaucoup ri. 
 
Je me suis donc précipité sur cet "inachevé- inédit, publié par son fils qui en signe la préface pour s'en expliquer. Sans doute aurait-il mieux fait de présenter ses excuses ! C'est sans intérêt (l'histoire d'un jeune homme qui a un grave accident de la route dans son cabriolet - ça, c'est très "saganien"! - et qui, après un long coma retrouve la vie mais qui, à l'issue de plusieurs séjours dans des établissements psychiatriques, est considéré comme " fou" par toute sa famille y compris sa femme ; son père, un riche industriel de Touraine, l'emmène dans une maison close pour le désinhiber, et cela marche bien mieux qu'il ne le croit). 

C'est mal écrit et cela frise le coup d'édition à la limite de l'honnêteté.
Mais bon, je suis allé au bout....ne vous croyez surtout pas obligé !

vendredi 18 octobre 2019

Le débat qui a envahi les médias ces derniers jours après l'incident provoqué au Conseil Régional Bourgogne-Franche-Comté a quelque chose d'irrationnel, démesuré, ahurissant, en même temps qu'il est très révélateur de l'état de la démocratie et de la vie politique française.


Commençons par dire que l'attitude du Président en ces moments a eu quelque chose de déroutant : quoi, il y a une semaine à peine il tenait un discours, martial s'il en est, contre l'islamisme radical et il n'avait ni prévu la suite ni préparé ses troupes au risque de les voir s'écharper sur la place publique comme aux pires moments des frondeurs sous HOLLANDE ?! Cela laisse un peu pantois....
Prenons-donc cette affaire par son commencement : un élu du Rassemblement National se livre, en séance publique du Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté, à une provocation de la pire espèce à l'égard d'une femme voilée assise dans les rangs du public où elle accompagne un groupe scolaire dans lequel se trouve son fils . Tollé...
Tollé et relance, dans les pires conditions, du débat sur le fameux dossier des "accompagnants" des sorties scolaires et sur leur "neutralité " ...
Est-il nécessaire de dire ici la condamnation ferme et sévère de l'attitude et des propos de cet élu ? Cela tombe sous le sens de tout républicain digne de ce nom.
Mais essayons de faire la pédagogie de cet incident, de cette provocation : elle est la preuve formelle, spectaculaire que le RN n'est pas un Parti laïque, quoiqu'il en dise, quoiqu'il s'en revendique, puisqu'avec ce différentialisme d'exclusion, il tourne le dos à l'universalisme républicain. C'est un Parti raciste qui ne peut en aucun cas être qualifié de laïque : sa soi-disant laïcité ne lui sert qu'à combattre une religion et une seule pour défendre une conception de l'identité nationale en laquelle la République ne peut se reconnaître. Une nouvelle preuve est faite.
Poursuivons l'étude de cas : la jeune mère de famille, "traumatisée" dit-elle, ce que l'on serait tout disposé à comprendre, va s'épancher dans les colonnes non pas de la presse locale ou nationale, mais sur le site du.... Comité Contre l'Islamophobie ! Un comité bien connu, proche des Frères musulmans, qui a inventé ce concept , " l'islamophobie", pour en faire un délit alors que ce n'est qu'un délit d'opinion, afin de "coaliser" les musulmans de France contre la République, en défendant la théorie selon laquelle la laïcité serait l'expression d'un "racisme d'Etat" . Et que dit cette femme dans ces colonnes-là ? Qu'elle ne fait pas confiance à la République.....quelle surprise ! Vous pourrez toujours lui expliquer que le RN, ce n'est pas la République, que cet élu idiot et politiquement pervers n'a rien de républicain, elle ne l'entendra pas puisque - on me permettra ce mot qui n'est qu'un mot - sa "religion " est faite . Deuxième partie de la démonstration.
Et nous avons ainsi sous les yeux une nouvelle et spectaculaire démonstration de l'existence de cette "tenaille identitaire" formée de deux pinces, celle de l'identité de la race pure d'une part, celle d'une identité inventée des "indigènes de la République" et des postcoloniaux d'autre part. Entre les deux, la République. Prisonnière et contrainte, malmenée par cette tenaille. Dit-elle la nécessité de respecter les différences et on l'accuse de communautarisme et de lâcheté. Dit-elle la nécessité de préserver notre commun, notre unité et on l'accuse de racisme assimilationniste.
Il faut bien comprendre la "sainte alliance " des deux pinces de cette tenaille : elles s'auto-alimentent l'une et l'autre, elles ont besoin l'une de l'autre.
L'une justifie l'autre. Oui, je l'affirme, le Rassemblement National et les complices de l'islamisme politique - volontaires ou par naïveté - sont des alliés objectifs, deux forces unies l'une et l'autre dans un combat commun contre la République et ses valeurs.
C'est pourquoi il faut que tous les citoyens républicains se dressent pour desserrer cet étau mortifère. Se dressent et tiennent un discours aussi ferme que serein pour rejeter ces deux extrêmes et pour affirmer que la République est universaliste, qu'elle rejette et combat toutes les formes de racisme et d'antisémitisme qui, soyons lucides, sont bien présents de part et d'autre de cet étau, et qu'elle est une terre de liberté, d'égalité notamment entre les hommes et les femmes et de fraternité.
Autant le dire, j'ai plutôt apprécié la mise au point du Premier Ministre à l'Assemblée cette semaine et, transformant - à peine !- sa formule, je dirais que les naïfs et les lâches me sidèrent et que les racistes m'effraient.

Reste la question précise d'où est partie le problème : faut-il légiférer sur les accompagnants de sorties scolaires afin d'interdire- soyons clairs- le port du voile pour les femmes qui y participent ? Sincèrement, je veux être très prudent car le vieux parlementaire que je fus sait très bien qu'on légifère trop et donc mal, et que légiférer dans l'émotion, ce que fit tant Sarkozy à si mauvais escient, est une très mauvaise manière de servir l'intérêt général.
Mais je ne veux pas fuir le débat et je prendrai pour cela deux exemples:
- il y a quelques années, c'était à Angers je crois, sur le passage de Christiane TAUBIRA, Ministre de la Justice, dans une manifestation contre le mariage pour tous, des enfants, tenus par la main par leurs parents tendaient des bananes en criant "c'est pour qui la banane ? C'est pour la guenon !". Les mères de ces enfants n'étaient pas voilées mais je ne veux pas que les enfants de la République soient accompagnés dans leurs sorties scolaires pas ce genre de personnages inqualifiables.
- ces derniers années aussi, une femme dont le fils, soldat de la République, a été assassiné par Mohamed Merah à Montauban, fait le tour de France des écoles pour prôner les valeurs de la République. Elle s'appelle Latifa Ibn ZIATEN et est voilée. Elle est digne d'accompagner des sorties scolaires des enfants de la République.
Pourquoi dis-je cela ? Parce que le problème n'est pas le voile, c'est le prosélytisme.
Je ne méconnais en rien que le voile peut être, est souvent, l'expression d'une domination dont sont victimes les femmes mais il ne faut pas tout mélanger : personne ne demande une législation pour les accompagnatrices de sorties scolaires au nom du féminisme .... non, le risque, le danger dont la République doit se prémunir en la circonstance, c'est bien le prosélytisme.
C'est lui qu'il faut empêcher pour préserver la neutralité du service public de l'éducation et, par là, protéger les consciences de nos enfants.

Alors je me souviens de mon ami Guy Georges, ancien instituteur et syndicaliste républicain s'il en fut, disparu hélas, qui me disait : " Jean, la sortie scolaire est un exercice pédagogique placé, comme le cours, sous la responsabilité du maître. C'est lui et lui seul qui doit l'imaginer, l'organiser, l'animer et en contrôler le déroulé pédagogique. Et, aussi, valider les accompagnateurs dignes, ou pas, d'y participer. C'est lui qui est donc le mieux apte à trancher ce problème."
Alors je réfléchis à une proposition pour le Ministre de l'Education.
Pourquoi ne rédigerait-il pas une circulaire aux enseignants de France pour leur rappeler cette responsabilité et insister, en particulier sur l'absolu nécessité d' empêcher tout prosélytisme des accompagnateurs lors des sorties scolaires ?
Cette circulaire serait inattaquable d'un point de vue juridique, elle.
Et je fais le pari qu'elle ne serait pas inutile.

Jean Glavany

mardi 15 octobre 2019

Au Sud et à l'Est de la Méditerranée soufflent des vents politiques qu'il faut suivre de très près et juger dans la durée :


- au Sud, en Tunisie, l'élection à la présidence de la République tunisienne de Kaïs Saïed, professeur de droit constitutionnel tout juste retraité, ne manque pas d'inquiéter : l'homme est un conservateur invétéré, partisan de la peine de mort, de la pénalisation de l'homosexualité, farouche opposant à l'égalité Hommes-Femmes dans la question de l'héritage ce qui n'a rien, on en conviendra, de réjouissant. D'autant moins réjouissant que cet hyper-conservatisme sociétal lui a valu, bien sûr, le soutien des islamistes d'Ennahdha pourtant en nette régression électorale mais qui s'offrent une victoire inespérée...par procuration.

L'autre pilier de l'inquiétude qu'il génère est ce qu'on peut qualifier sans crainte de "populisme" puisqu'il ne cesse de dénoncer la démocratie représentative comme mère de tous les maux de la Tunisie et qu'il n'a qu'un mot à la bouche, "le peuple". D'où un projet de décentralisation très poussée où l'on créerait des "Assemblées du peuple" un peu partout sans que l'on sache, par exemple, ce que deviendront les pouvoirs régaliens...
Mais, parce qu'il y a toujours un "mais", la vague qui l'a porté, près de 75% des voix, 90% des moins de 25 ans - attention aux jugements hâtifs : la jeunesse l'a massivement soutenu...- est telle qu'elle lui impose une sorte d'obligation de réussir . Et comme l'homme, à force de dénoncer les partis, n'en a pas créé un (y cèdera-t-il comme de Gaulle ?), et que les élections législatives ont commencé de se dérouler sans candidats estampillés par lui, il sera forcément contraint, pour rassembler, de passer des compromis.
Et puis cette vague s'est imposée à un autre populisme, celui des médias et de l'argent-roi, de la corruption et de la fraude auxquelles il a opposé une rigueur absolue, une austérité rébarbative, refusant par exemple de collecter des fonds pour sa campagne, histoire de ne pas se compromettre.
Je ne tranche pas : je ne sais pas ce qui était le mieux - ou le moins pire- de l'hyper-réactionnaire ou du corrompu-corrupteur mais au moins réjouissons-nous de l'élimination du second....
Enfin, n'oublions jamais le poids des femmes dans la société civile tunisienne, un des grands acquis du "Bourguibisme". Leur capacité de résistance et de mobilisation contre toute atteinte, notamment religieuse et intégriste, à leurs libertés fondamentales est exceptionnelle. Et parmi celles-là, il y en a une dont on ne parle pas et qui pourrait avoir un rôle essentiel : l'épouse du nouveau Président. Je ne la connais pas mais je l'observe : C'est une magistrate qui est peut-être croyante, je ne sais, mais qui ne porte pas le voile...et, je ne sais pas pourquoi, sans d'ailleurs que cela nous ramène à un débat d'actualité en France, si mal posé, si contradictoire et brouillon, j'y vois comme un signe d'espoir.

- À l'Est, ERDOGAN.... le Président turc sanctionné récemment par le suffrage universel à Istanbul mais qui sait , comme tous les dictateurs, faire jouer le nationalisme le plus élémentaire pour ressouder son peuple autour de lui. Erdogan qui, avec la complicité explicite de Trump, ce pitre qui ne trompe plus personne avec ses hésitations et ses contradictions, vient donc de lancer son armée, l'une des plus puissantes et des mieux équipées de l'OTAN, - mais au fait, comment lire l'utilité de l'OTAN en la circonstance ?- dans le Nord de la Syrie, à l'assaut des positions kurdes.
Erdogan est un maître-chanteur qui tenait déjà les européens, son couteau sous leur gorge, avec le chantage de l'immigration : " foutez-moi la paix ou bien j'ouvre en grand les portes des camps de réfugiés sur mon sol et des centaines de milliers d'entre eux vont déferler sur l'Europe "...
Ça ne lui suffit pas car ces gens là, comme le disait si bien Thucydide, "vont toujours au bout de leur pouvoir". Il veut donc un deuxième objet de chantage : " Foutez-moi la paix ou bien je relâche les milliers de djihadistes venus de vos pays - et qui n'aspirent qu'à y retourner -, qui étaient les prisonniers des kurdes et qui vont devenir les miens".
Et l'Europe est quasiment mutique. Le Conseil européen a mis des heures à trouver un compromis sur une condamnation bien molle. La France et l'Allemagne, il est vrai, sont allés un peu plus loin avec l'embargo sur les armes et une condamnation plus ferme. Mais faut-il être cruel ? La porte- parole du gouvernement a vendu la mèche en souhaitant que cette opération militaire "se termine au plus vite "... on ne saurait dire plus explicitement "terminez vite cette sale besogne et qu'on n'en parle plus". Sous-entendu" puisque vous nous dites qu'il ne s'agit que de créer une zone de sécurité le long de votre frontière, on veut bien vous croire mais faites-en vite la démonstration" !
Seulement les kurdes sont les kurdes. On ne dira jamais assez combien et avec quel courage ils se sont battus contre Daesch. En première ligne, les armes à la main, rue par rue, immeuble par immeuble, protégeant de leurs vies nos pays et nos libertés. Avec, aux côtés des hommes, ces femmes kurdes combattantes, auxquelles Caroline FOUREST rend hommage dans un film qui sort ces jours-ci et qui tombe bien, ou mal je ne sais, pour nous mettre le nez dans notre honte. Des femmes non voilées, laïques, seulement courageuses.
Ça n'a jamais été dit mais tout le monde le sait, il y avait - et il y a toujours sans doute- quelques centaines de soldats français des forces spéciales pour aider ces combattants kurdes. Il se trouve que je connais bien un officier qui en commanda certains et qui m'expliqua un jour la solidarité admirative et fraternelle que ses hommes éprouvaient pour ce qu'on peut bien appeler en la circonstance ces " frères d'armes" . Frères et sœurs d'armes. Il n'imaginait pas une seconde qu'on puisse un jour les laisser tomber. On va voir......

vendredi 11 octobre 2019

Lu " La maison" d'Emma Becker paru chez Flammarion.


Voilà un sacré livre, étonnant, très étonnant, original, atypique, dérangeant mais pétri d'humanité, de féminité, sensible, émouvant, parfois bouleversant. J'arrête là et je m'explique : Emma Becker est une jeune, puisqu'elle a une trentaine d'années, et très jolie, - ce qui n'est pas sans importance dans le livre-, écrivaine qui, après avoir déjà écrit plusieurs romans, est partie vivre à Berlin où, pendant deux ans, elle a vécu la vie d'une prostituée avec, d'entrée de jeu, l'idée d'en faire un livre. Et c'est cette vie, cette expérience qu'elle raconte avec une distanciation, une lucidité, et en même temps un engagement assumé tout à fait étonnants .
" La maison" ( cf le titre) n'est rien d'autre qu'un bordel de Berlin qui a pignon sur rue puisque les bordels sont autorisés par la loi allemande . Mais c'est une bordel "pas comme les autres" ( j'emploie cette expression avec prudence sur la base du récit de l'auteure qui a vécu, et raconte l'expérience d'un autre bordel que je qualifierais, pour être compris de "mafieux" et potentiellement violent).
" La Maison", elle, est une sorte de pension de famille, où l'on amène pas des clients racolés sur la voie publique mais où on les "accueille", où les femmes viennent librement et vivent une vie de groupe solidaire, amical, presque affectueux.
C'est déjà très étonnant à découvrir . Mais le plus décoiffant est, bien entendu, la manière dont Emma Becker parle des rapports avec les hommes, de sexe, et même de jouissance. (C'est très surprenant de la voir raconter comment, dans la vente de son corps à un rythme quotidien presque inhumain, il lui arrivait, parfois, rarement, d'avoir envie de jouir..... ou bien de l'entendre dire que ce rapport avec son corps lui a permis de mieux vivre les rapports amoureux qu'elle peut avoir en dehors de son métier) .
C'est cru, très cru, décoiffant, très décoiffant, dérangeant quelquefois. Mais c'est d'une telle liberté de ton et d'une spontanéité qui sonnent si juste que cela remet en cause bien des schémas établis et prouve au moins qu'il y a prostitution et prostitution. En tout cas elle assume le fait d'ouvrir ce débat. Bref, c'est le récit d'une femme libre qui est bien écrit, facile à lire au point d'être captivant, et mérite vraiment d'être lu.

dimanche 29 septembre 2019

Vu deux films décevants :


- le dernier Woody Allen, « un jour de pluie à New York» avec Timothée Chalamet et Elle Fanning Selena. Je ne sais trop quoi dire de ce film qui raconte l’histoire d’un couple d’étudiants qui vont passer le week-end à New York. Elle veut juste aller faire une interview d’un cinéaste célèbre pour le journal de leur université. Mais elle se fait draguer et fait attendre son copain qui erre dans les rues de New York comme une âme en peine.
Le scénario est pauvre, les dialogues aussi, les acteurs mièvres et je me suis ennuyé...

 
-« Au nom de la terre » de Edouard Bergeon avec Guillaume Canet. 

On devine, et on en a la confirmation à la fin du film, que le réalisateur veut rendre un hommage à son père, agriculteur qui s’est suicidé. Soit, mais ça ne suffit pas à faire un bon film , même en mobilisant Guillaume Canet, d’autant que celui-ci « surjoue » son rôle et n’est jamais réellement crédible. Dans cet objectif, récemment, « Petit paysan » avait réussi son coup . Mais l’absence de scenario véritable est cruelle et transforme ce film en reportage ou en chronique. Depardon a fait mieux. Bien mieux.

samedi 28 septembre 2019

Lu deux beaux livres de femmes, deux jolis romans sur un même thème, le viol,


on pourrait même dire le viol dans la France contemporaine, le Paris contemporain et dans les mêmes milieux, celui des classes sociales intellectuello-médiatiques, " Se taire " de Mazarine Pingeot chez JUILLARD et "Choses humaines" de Karine Tuil chez Gallimard. Un même thème, sérieux, douloureux, grave, d'une brûlante actualité, mais deux approches très différentes :

- Mazarine Pingeot raconte le viol "vu de l'intérieur" c'est-à-dire le vécu de la


femme violée, le traumatisme physique et psychologique, l'incapacité de raconter, de porter plainte, les conséquences sur la vie sociale et, en particulier, les rapports avec les hommes, la difficulté à créer un couple, à faire l'amour, avoir un enfant.... et toujours, dans la tête, l'image du souvenir qui hante. L'impossibilité d'en faire le deuil, de tourner la page. Le viol et ses conséquences dans la durée. Le viol dans l'intimité de l'être.
C'est un livre écrit avec une très grande sensibilité, sans fioriture aucune. Un récit simple et direct, un témoignage émouvant que l'auteur conclut d'une façon extrêmement originale et intelligente. À lire absolument .


- Karine Tuil adopte un angle très différent, presqu'opposé : le viol vu de
l'extérieur, le viol dans la société . Avec cette question lancinante : comment un homme devient-il violeur ? Comment, en particulier, un jeune homme de bonne famille, diplômé de l'enseignement supérieur, brillant et équilibré, ne présentant a priori aucun signe avant-coureur d'une telle violence sexuelle, peut se retrouver au banc des accusés ? Où l'on s'intéresse plus au violeur qu'à la victime. Avec une approche judiciaire très intéressante et très bien documentée, nourrie d'une "enquête" minutieuse de l'auteure dans les palais de justice. Un livre moins émouvant que celui de Mazarine Pingeot, mais très complémentaire et très instructif, utilement nourri de l'actualité. J'aime chez cette auteure sa capacité à raconter la société française contemporaine dans un style concret et dépouillé.
 

Deux auteures de qualité, deux beaux livres sur un sujet grave. À lire vraiment.

Vu au théâtre Michel, «La machine de Turing »


de Benoit Solès sur une mise en scène de Tristan Petitgirard avec Matyas Simon et Eric Pucheu ( mais ces deux acteurs jouent en alternance avec Benoit Solès - l’auteur- et Amaury De Crayencour). 
La pièce qui a recueilli 4 Molières...Je connaissais l’histoire d’Alan Turing, ce mathématicien anglais qui, pendant la seconde guerre mondiale, avait réussi à élaborer une « machine », en fait un précurseur des ordinateurs, capable de déchiffrer les codes de l’armée allemande et, ainsi, d’anticiper ses offensives vers le Royaume-Uni et éviter des milliers de morts, mais je ne savais pas qu’il était homosexuel, ce qui n’aurait pas d’importance particulière si ce n’est que la législation britannique a longtemps, très longtemps, trop longtemps réprimé l’homosexualité en Grande Bretagne et que l’intéressé, pourchassé par la justice a fini suicidé dans les années 50. 
C’est toute cette histoire que raconte cette pièce et, autant le dire, c’est absolument remarquable, presque époustouflant, tant dans la mise en scène que par le jeu des acteurs. 
Du très grand théâtre.

lundi 16 septembre 2019

Ci-dessous le lien avec une tribune que je publie sur le site de « L’Aurore » ,

 le think-tank politique que j’ai l’honneur et le plaisir de présider et que je consacre à la situation du logement social dans notre pays, un sujet qui me passionne depuis longtemps et qui continue à me mobiliser. 

jeudi 12 septembre 2019


J'ai déjà tellement dit ce que je pense de Tariq Ramadan que j'ai scrupule à y revenir. Mais la répétition est parfois la base d'une bonne pédagogie....
En 2008, quand l'Assemblée nationale avait constitué une commission pour juger de l'opportunité de légiférer sur l'interdiction du port de voiles intégraux dissimulant les visages dans l'espace public, je m'étais opposé à son audition par ladite commission, considérant que notre Assemblée allait lui donner, en lui offrant une tribune inespérée, un label de respectabilité qu'il ne méritait pas. Je n'avais pas obtenu gain de cause, battu par une alliance Droite-Gauche dont on devine les fondements politiciens...
Du coup, lors de son audition, je lui avais expliqué pourquoi je m'étais en vain opposé à son audition et je lui avais dit clairement et fermement ce que je pensais de lui, de ses falsifications, de ses usurpations, de ses manipulations....notre échange avait été vif, très vif, suivi d'une campagne sur les réseaux " asociaux" d'une violence extrême, où les menaces, y compris de mort, avaient fleuri à mon égard.
Aujourd'hui, autant dire que tout ce que j'ai appris de lui depuis ne m'a pas fait changer d'un iota dans mon jugement.
Il publie un livre pour se défendre des accusations qui sont portées contre lui par plusieurs femmes, notamment musulmanes. C'est bien son droit et il n'est pas inutile de lui rappeler combien dans un État de droit comme le nôtre , la Justice protège les droits de la  défense et la liberté d’expression  ce qui n'est pas vraiment le cas dans les pays administrés par ses amis les “frères”....
Dans ce livre , il évoque le complot raciste, islamophobe dont il serait victime . Franchement, pouvait-on attendre autre chose de sa part ?? Il faut bien comprendre que le prédicateur en question ne s'adresse pas à l'opinion en général ni à la Justice en particulier, il s'adresse à ses fidèles, ceux qui croient encore en lui, - même s'ils sont de moins en moins nombreux- pour préserver un minimum d’audience auprès d’eux  . Et comment faire si ce n'est en se faisant passer pour une victime ? La victimisation est une grosse ficelle vieille comme le monde... Procès politique ? Ramadan et Balkany ( ou bien d'autres ) même combat ? Dérisoire non ? 
Reste le clou du spectacle : dans cette entreprise de victimisation, il se compare au capitaine Dreyfus qui, en son temps a été victime d’un complot d’ État de caractère raciste. C’est là où l’odieux rejoint le dérisoire : non seulement parce que l’Etat français n’est en rien concerné par ses démêlés avec la Justice qui sont la suite de plaintes de femmes à titre privé, non seulement encore l’Etat et la Justice ont prouvé leur capacité à protéger ses droits et sa liberté d’expression , mais surtout comparer l’antisémitisme systémique exprimé  du temps de Dreyfus avec le racisme - qui existe, ne le nions pas- latent dans la société française contemporaine , n’est pas seulement un abus de langage, une perversion de la pensée . C’est une forme de négationnisme, de réécriture de l’histoire . 
Mais je le répète, d’un usurpateur, manipulateur et falsificateur , il faut s’attendre à tout . Ces gens-là, ça ose tout...
Raison de plus pour rester vigilant et ne pas baisser la garde.

dimanche 8 septembre 2019

Lu " Les mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar dans la collection Folio de Gallimard.


Je n'avais pas encore lu ce monument de la littérature du XXème siècle
(Marguerite Yourcenar l'a écrit dans la fin des années 20) et suis heureux d'avoir comblé cette lacune. L'exercice littéraire est original : une autobiographie sur le mode du "Je" , romancée et non pas ouvrage d'histoire au sens scientifique du terme, mais évidemment pétrie d'histoire pour la crédibilité de l'exercice, consacrée à Hadrien, empereur romain du premier siècle.
La construction de l'ouvrage est très progressive : lente et descriptive au début, tant que le sujet n'est pas encore empereur, elle monte en puissance avec son avènement, puis encore avec la mort de son jeune amant et, enfin, à l'approche de sa propre mort. Tout est sagesse, équilibre, modération chez cet empereur amoureux des arts et des lettres, qui passe beaucoup de temps hors de Rome .(Il faut dire que l'empire romain, en ces temps-là, recouvrait toute l'Europe ou presque, et débordait sur le Nord de l'Afrique et l'Ouest de l'Asie...). Le roman ainsi construit, sérieux et crédible offre alors une très belle vision de la vie à cette époque et des grandes questions du moment. J'en retiendrai deux qui m'ont amusé au sens intellectuel et même politique du terme :
- l'apparition de la chrétienté : une secte comme beaucoup d'autres à l'époque dont le prophète, Jésus, intrigue notre empereur qui fait enquêter sur lui. Une secte généreuse dans ses principes mais qui porte en elle les mêmes risques que toutes les sectes..." la féroce intransigeance du sectaire".
- la difficulté à gérer Jérusalem et à faire s'entendre juifs et perses...... Israël "qui se refuse depuis des siècles à n'être qu'un peuple parmi les peuples, un dieu parmi les dieux"..."Je n'en tenais, dit l'empereur, que davantage à faire de Jérusalem une ville comme les autres, où plusieurs races ( ce mot, aujourd'hui, n'aurait plus sa place ici...) et plusieurs cultes pourraient exister en Paix ; j'oubliais trop que dans tout combat entre le fanatisme et le sens commun, ce dernier a rarement le dessus".
Brûlante actualité...
Un joli exercice de littérature.

mercredi 28 août 2019

Lu "Le bateau qui ne voulait pas flotter" de Farley Mowat,


traduit de l'anglais par François Ponthier, et paru chez Gallimard dans la collection Folio.
L'histoire d'une goélette que son propriétaire considère comme une personne, à qui il parle et se confie. Jusque-là, rien que du très classique, la personnalisation des bateaux fait partie intégrante de la littérature maritime. Sauf que ladite goélette, pour manifester sa mauvaise humeur, se met à prendre l'eau et à commencer de couler à chaque fois que son skipper la contrarie ! En particulier quand il veut l'emmener dans une direction qui ne lui convient pas. Et comme l'histoire se passe ente Terre-Neuve, Saint-Pierre et Miquelon et le golfe du Saint-Laurent, c'est-à-dire dans des eaux où la navigation n'est pas particulièrement facile et douce, cela donne des situations d'un grand cocasse.
C'est sans doute un peu répétitif, mais l'humour de l'auteur rend le récit assez amusant.

samedi 24 août 2019

Lu "Les victorieuses" de Laetitia Colombani, paru chez Grasset.


L'auteure est une femme de culture éclectique et intéressante : romancière - son précédent roman "La tresse" avait eu un succès considérable- , elle est aussi comédienne et cinéaste.
Son nouveau roman raconte l'histoire trop méconnue d'un établissement parisien consacré à l'accueil des femmes exclues de la société, mères célibataires souvent, SDF, femmes battues, immigrées avec ou sans papiers. Cet établissement gigantesque, "le Palais de la femme", qui accueille près de 400 personnes a été créé à la fin des années 20, bientôt un siècle, par l'armée du salut.
Pour raconter le "Palais de la femme", Laetitia Colombani raconte en parallèle l'histoire du couple Peyron, gens de dévouement et de générosité exemplaires, et leur combat pour la création de ce foyer et celle, contemporaine, d'une jeune avocate qui, après un "burn out " violent, répond à une annonce pour le recrutement d'un écrivain public dans le foyer.
C'est un beau plaidoyer féministe, bien écrit et facile à lire, qui permet de découvrir un établissement incroyable et socialement si précieux.

mercredi 21 août 2019

Lu " Le schmock" de Franz-Olivier Giesbert paru chez Gallimard.


On connaît Giesbert le journaliste, éditorialiste de talent, un homme qui porte assez haut la profession et ses valeurs, au " Point " notamment, depuis quelques années.
J'apprécie cet homme de conviction, et même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui, je respecte sa pensée et ses écrits. J'aime aussi son humour et une forme de modestie qui l'honore. Il dit de ce livre que "ce n'est qu'un roman", manière de dire qu'il ne faut pas y voir un essai historique sur la montée du nazisme en Allemagne dans l'entre-deux guerres et son corollaire, celle de l'antisémitisme. Et pourtant....et pourtant ce roman qui n'est qu'un roman est aussi bardé de références historiques qui, mises bout-à-bout, lui donne une vraie crédibilité historique. Si j'ose dire, on en oublie presque l'histoire épouvantablement tragique des personnages de l'histoire pour n'en retenir que le contexte. Un contexte qui met en scène Hitler bien sûr - c'est lui " le schmock" , ce qui en yiddish signifie à la fois "penis, con et salaud"-, Himmler, Goering et tant d'autres, parfois même dans leur intimité ce qui ouvre la porte à des traits d'humour surprenants.
La quête de Giesbert est assez simple : il voulait comprendre comment, concrètement, tant d'allemands, éduqués, cultivés, respectables avaient pu à ce point sous-estimer la montée du nazisme, pourquoi tant de juifs allemands avaient tant tardé à fuir. Et bien la démonstration par le récit romance est très réussi.
Voilà un sacré livre qu'il faut lire absolument.

mardi 13 août 2019

Lu " Transparence" de Marc Dugain paru chez Gallimard.


Un roman qu'on pourrait qualifier de science-fiction puisqu'il se passe en 2060.
Une française qui vit en Islande avec un vulcanologue du pays dont elle a eu un fils disparu à son adolescence, a créé une start-up ambitieuse en diable qui aboutit à un résultat spectaculaire : d'une part, à force de collecter des données personnelles sur tous les humains qui ne se protègent pas, elle en arrive à détrôner Google qu'elle va finir par absorber et, d'autre part, à force de travailler ces données, elle parvient à "reconstituer la vie", donc à accorder l'éternité aux êtres qui le souhaitent, et ainsi à pérenniser l'espèce humaine menacée par le désastre écologique et l'effondrement de la fertilité....l'entreprise pourrait paraître totalitaire et machiavélique si elle n'était accompagnée de considérations morales draconiennes : pour atteindre l'éternité , les candidats doivent obtenir l'aval d'un jury qui ne valide que les dossiers de ceux qui le méritent au regard d'un modèle écologique mais aussi de citoyenneté et de responsabilité : en gros, ne survivront que les gentils et les bons ! Et voilà notre française, devenue la personne à la fois la plus puissante et la plus riche du monde, courtisée par les plus grands de la terre, du pape à la Présidente américaine (en 2060 ce sera une femme) en passant par le Président français et tant d'autres. Ce délire prendra fin par la coalition de l'ex-mari de l'intéressée, prédisant la fin du monde par éruption gigantesque et du chef du renseignement américain inquiet de la puissance émergente de la dame : ils lui proposeront un voyage dans l'univers avec ses données et ses collaborateurs afin que, le moment venu, entendez " à la fin du monde", elle puisse reconstituer la vie ailleurs...
Derrière un exercice de fiction assurément audacieux et plutôt bien écrit, ainsi qu'une tentative de prospective sur les dangers du règne de la cyber société , on nage dans le déconnant le plus ahurissant . On va au bout par curiosité sans jamais y croire véritablement.
Drôle d'exercice littéraire...