mercredi 27 septembre 2023

Lu « Son odeur après la pluie » de Cedric Sapin-Defour paru chez Stock, avec une préface de Jean-Paul Dubois.

En lisant ce joli livre, j’ai pensé sans cesse à cette jolie citation d’Alphonse de Lamartine: « On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on en n’a pas ». Et le grand poète romantique d’apporter ainsi une contribution majeure à une définition de l’humanisme par laquelle on jugera du degré de civilisation d’une société à sa manière de traiter les animaux. Sujet pour moi majeur.
J’ai été le Ministre de l’Agriculture qui a fait inscrire dans le Code rural que «les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité » ouvrant, je le crois, une page majeure dans l’histoire du bien-être animal dans notre société. Quelques années plus tard, redevenu parlementaire, j’ai fait inscrire la même formule dans le Code Civil, malgré les oppositions véhémentes de bien des lobbies conservateurs voire réactionnaires depuis les chasseurs jusqu’à la FNSEA en passant par la Droite, au Sénat notamment. Je le répète, une vraie question de société qui qualifie un degré de civilisation.
Voilà pourquoi cette histoire d’amour et de mort entre un homme, l’auteur, prof de gym en Savoie, et son chien Ubac, un bouvier aussi tendre que courageux, a quelque chose d’universel. Tous ceux qui ont ou ont eu un chien ou, plus largement, un animal de compagnie savent ce qu’une telle relation peut créer de liens affectifs, de compagnonnage de tous les instants, de richesse des échanges. Ils savent aussi de quelle tristesse, de quelle douleur se paye la fin de ces histoires communes. Et voilà pourquoi ils se retrouvent dans ce récit aussi véridique qu’émouvant.
Si j’ai un seul reproche à faire non pas à l’auteur qui, parfois, joue avec l’allégorie un peu tirée par les cheveux, mais à l’homme, à l’acteur de cette belle liaison, c’est d’avoir laissé souffrir son chien dans une longue agonie vers la mort. Car le droit à mourir dans la dignité, qui n’est pas encore acquis en France pour les humains, est plus facile à mettre en œuvre pour les animaux. Et les vétérinaires, dont l’auteur fait, à juste titre, l’éloge appuyé, savent très bien faire cela, avec toute la délicatesse requise. Une leçon à apprendre pour les médecins ?

Un livre édifiant à lire et à méditer.
 

vendredi 22 septembre 2023

Lu « L’enragé » de Sorj Chalandon, paru chez Grasset.

L’ancien journaliste de Libération désormais chroniqueur au Canard Enchaîné, auteur
de dix romans - déjà !…-, fait une infidélité à l’Irlande de toutes ses passions, de toutes ses attentions et de tous ses engagements pour se rapprocher un peu de nous tout en restant dans cette culture celte qu’il affectionne tant, et poser son sac à Belle-Île dans le Morbihan. Décor somptueux déjà décrit par tant d’écrivains et peint par tant d’artistes majeurs à commencer par Monet, bien sûr, qui donne à ce récit à caractère historique une ambiance toute particulière, attachante en diable pour ceux qui aiment la Bretagne et ses îles, dont je suis sans retenue. Le fondement historique du roman est le suivant: dans l’entre-deux-guerres existait à Le Palais, port principal de Belle-Île, au sein de la citadelle construite par Vauban à la fin du XVIIème siècle, une « colonie pénitentiaire » pour mineurs, établissement qu’on situera entre la maison de redressement et le bagne pour enfants. Un lieu d’une violence inouïe dont bien des aspects s’apparentent à l’esclavagisme, et qui fabriquait, on le devine, des…. Enragés. Toujours dans la vérité historique, en février 1934, une révolte de ceux qu’on appelle les « colons », c’est-à-dire les pensionnaires de la « colonie » aboutit à leur évasion. Une chasse à l’homme d’une grande violence à laquelle se joignent bien des habitants de l’île attirés par une prime, facilitée par le fait qu’on se trouve dans une île d’une taille relative, permet de retrouver tous les évadés. Tous…sauf un. Et le roman raconte l’histoire de cet homme que je ne veux pas divulgâcher.

J’ai tout aimé dans ce livre. D’abord, j’ai une vieille affection pour l’auteur qui n’est pas seulement un écrivain de talent mais qui est aussi un humaniste vrai et sensible. J’aime aussi, je l’ai dit, cette ile, Belle-Île où j’ai vécu tant de moments de mon enfance, de ma jeunesse, de ma vie entière et où j’ai fait escale tant de fois avec, toujours, le même plaisir. J’aime en particulier Sauzon, « l’autre port » de l’île, sans doute mon port préféré de Bretagne, où je retourne régulièrement en pèlerinage sur les traces de mon vieux père que j’emmenais chaque année là-bas jusqu’à sa mort ou presque. Juste pour un plat de langoustines au bistrot de la cale…. Sauzon où se déroule une grande partie du récit. J’ai aimé cette histoire qui m’a fait découvrir des moments douloureux du passé de l’île . Et j’ai aimé cet « enragé » au sens propre du terme, pour qui je n’ai pu m’empêcher d’avoir une certaine tendresse.

Merci à celui qui m’a offert ce livre. C’était un beau cadeau. Très beau . 

jeudi 21 septembre 2023

Vu « Un métier sérieux », le film de Thomas Lilti avec Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin….

 Thomas Lilti est ce réalisateur qui se spécialise dans l’étude cinématographique
des métiers. Après Hippocrate qui l’avait vu dépeindre celui de médecin hospitalier, il aborde ici le métier d’enseignant. Benjamin, jeune professeur de maths inexpérimenté, débarque dans un collège animé par une équipe d’enseignants très soudée. Ses premiers pas - et faux pas !…- lui font découvrir que le plaisir de transmettre est affaire de vocation certes, mais aussi d’esprit d’équipe et de solidarité. Cette chronique sans scénario particulier ( ce qui m’évitera de divulgâcher quoi que ce soit !) qui s’étend sur une année scolaire est agréable à voir et très bien jouée. On pourra lui reprocher une certaine forme d’optimisme: il y a des collèges bien plus difficiles et des équipes pédagogiques bien moins soudées…. Mais, au total, cet hymne au beau métier d’enseignant est assez convaincant.

jeudi 14 septembre 2023

Vu « Slava Ukraini «  le documentaire de  Marc Roussel et Bernard-Henri LEVY par celui-ci.

 Le titre signifie, on le devine, « Gloire à l’Ukraine » et ce documentaire a été tourné
au deuxième semestre de 2022 c’est à dire quelques mois après le début de la guerre. C’est un documentaire engagé, et un témoignage de soutien actif et de solidarité à l’égard du peuple ukrainien, tant dans son volet militaire auprès des soldats dans les tranchées, que dans son aspect civil et de cette population martyrisée mais résistante, résiliente, courageuse. A cet égard, ce film est estimable et éminemment respectable tant sur le fond bien sûr, que dans la démarche. Mais alors…pourquoi faut-il, une fois de plus, que BHL se mette en scène ainsi avec un narcissisme débordant ? Être à l’image à chaque instant, dans toutes sortes de situations donne l’impression d’un film de promotion personnelle et dévalue considérablement la portée de l’exercice. D’autant que, ce n’est qu’un détail mais il est révélateur ( révèle-acteur ?), qu’un reporter de guerre en costume et manteau cintré, comme on dit maintenant, « Ça l’fait pas »…tout cela me fait trop penser à cette rubrique « Ma binette partout » du Canard Enchainé où sont tournés en dérision tous les élus qui, dans leurs journaux d’information à destination de leurs électeurs, ne peuvent pas résister à se mettre en photo un nombre invraisemblable de fois….désolant.

Lu le « Dictionnaire amoureux du rugby des temps modernes » de Daniel HERRERO, qui vient de paraître chez Plon.

 

Daniel est un de mes amis et l’on me pardonnera donc un parti-pris quelque peu
subjectif. Au-delà de la passion du rugby qui nous réunit et se trouve évidemment vivifiée en la période par la Coupe du monde en terre de France et par une équipe de France qui ne nous avait pas autant régalés depuis bien longtemps, se cache une autre passion commune : le goût du voyage, du parcours à travers le monde, de la rencontre avec l’Autre, l’autre homme ou l’autre femme, l’autre peuple, l’autre pays, l’autre culture. Nous avons beaucoup voyagé ensemble, sur mer bien sûr -bien que ce ne soit pas son truc…- ou dans les déserts de Mauritanie ou de Palestine, dans les jungles d’Afrique et d’Asie. Et c’est en cela que ce dictionnaire-là est intéressant parce qu’il n’est pas du tout un livre ésotérique pour les amateurs éclairés de rugby mais un bréviaire où l’on découvre que pour le barde provençal au bandeau rouge dans la tignasse grisonnante, cette passion dévorante pour le rugby, vécue depuis sa plus tendre enfance, jour et nuit, sept jours sur sept et 365 jours par an, n’est au fond qu’un moyen : un moyen d’aller vers l’autre. Le jeu, la balle, le ballon forment alors un chemin pour un humanisme des temps modernes qui n’est pas classique mais d’une originalité féconde.

dimanche 10 septembre 2023

Vu « Toni en famille », film de Nathan Ambrosioni avec Camille Cottin, Léa Lopez ( de la Comédie Française) et quatre autres adolescents de talent.

 Toni est la mère de 5 adolescents, veuve de 43 ans, ancienne chanteuse à succès
qui chante encore le soir dans les bars pour gagner un peu d’argent. Mais elle est d’abord et avant tout mère de famille au foyer se tapant tout courageusement : les courses, le ménage, la lessive, la cuisine, les chagrins des enfants, leurs caprices, leurs colères, le tout dans une ambiance de grande, très grande tendresse. Mais, alors que ses deux aînés vont avoir leur bac et partir du foyer familial pour leurs études supérieures, Toni entrevoit la fin de l’éducation de ses derniers enfants, la solitude, l’inaction et pense à une reconversion. On la suit dans ses réflexions, ses démarches, ses hésitations.

Ce cinéma qu’on qualifiera de « portraitiste » mettant en scène une famille qu’on dira « normale », pas vraiment riche et sans histoire particulière, a quelque chose de « à portée de main », à notre hauteur, représentatif de notre société et, rien que pour cela est convaincant et très interessant. Mais c’est aussi un monument de tendresse, avec tout ce que cela implique comme spontanéité, humour, tristesse, émotion. En un mot, touchant. Très touchant. Et c’est enfin une formidable performance d’actrice avec une Camille Cottin assez éblouissante dans toutes les facettes de son rôle : aussi à l’aise au naturel en jean passant l’aspirateur que ( c’est plus rare dans le film) maquillée et élégante. Assurément une actrice de grand talent.
Et je ne veux pas oublier ces cinq adolescents, si différents, au diapason de l’actrice principal. J’ai beaucoup aimé ce film pour son côté simple et touchant, un « feel-good-movie » à la française de très grande qualité.

Lu « Le salon de massage » le dernier roman de Mazarine Pingeot paru chez Mialet-Barrault.

 On connaît Mazarine, philosophe à l’éclectisme impressionnant, professeur de
 philo, éditorialiste, animatrice de divers festivals, scénariste, conférencière, romancière aussi. Elle en est, déjà, à une quinzaine de livres et livre ici son dernier roman. L’histoire de Souheila, jeune institutrice parisienne, d’origine marocaine ( on retrouvera le Maroc vers la fin du livre pour une sorte de « retour aux sources paternelles »), qui vit avec Remi une vie tendre mais sans aspérité. Une vie sans histoire quoi. Une vie qui manque de désir. Un jour, sans trop savoir pourquoi, elle entre dans un salon de massage thaï où elle découvre le plaisir du lâcher-prise, l’abandon de la pensée au bien-être de son corps, une évasion bénéfique à beaucoup d’égards. Elle n’en parle pas à Remi, cela devient son jardin secret. Mais ce jardin secret ne va pas le rester longtemps car ce salon, surveillé par la police, est l’objet d’un scandale. Une association des femmes victimes d’un voyeurisme commercial, va se créer et être prise en mains par des féministes très virulentes. La vie de Souheila bascule dans cette tourmente, l’obligeant à faire des choix auxquels elle se refusait par une faiblesse routinière un peu lâche, mais on ne divulguera pas la suite et la fin.

J’ai bien aimé ce livre de notre temps, écrit ( très bien !) avec naturel, simplicité, humour et aussi férocité pour certains comportements politiques. C’est agréable à lire.

samedi 9 septembre 2023

J’ai la passion de l’éducation depuis très longtemps.

 Je n’oublie pas que j’ai commencé ma vie professionnelle en enseignant, pendant plusieurs des années 70, les sciences économiques dans des lycées -pas toujours faciles!- de la banlieue parisienne le temps de finir mes études. J’ai profondément aimé cette expérience et je garde, d’ailleurs , des contacts avec d’anciens élèves qui n’ont peut-être pas détesté l’expérience non plus….mais je savais déjà que je n’enseignerais pas toute ma vie car j’avais une sacrée crainte du risque de la routine. J’ai repris l’enseignement à Sciences Po à deux reprises, l’une au début des années 90 et l’autre depuis quelques années, toujours en cours. Je ne le fais ni pour l’argent gagné - une misère mais ça m’est égal -, ni pour ma carte de visite - à mon âge…- mais fondamentalement pour le plaisir - je pourrais même écrire

«le bonheur »- de transmettre. Et je n’oublie pas non plus, bien sûr, que j’ai été Secrétaire d’Etat en charge de l’enseignement technique et professionnel et que, comme Ministre de l’Agriculture, j’avais en charge l’enseignement agricole, un enseignement très professionnalisé et très efficace, machine formidable à broyer l’échec scolaire. J’ai fait tout cela avec passion, comme j’ai assumé aussi, et toujours avec passion la responsabilité de « responsable du secteur éducatif » au groupe socialiste de l’Assemblée de 93 à 97 ( Ah ! Le débat sur l’aggravation de la loi Falloux fin 93…quel souvenir !) .
Pourquoi rappeler tout cela ? Pour dire que cette passion pour la chose éducative me vient de loin et dure toujours. J’écoute et je lis tout ce qui concerne ce domaine majeur avec un interêt soutenu. Et donc, en particulier, depuis l’élection de l’actuel Président, qui vient de faire une déclaration qui m’a interpellé où il affirmait que l’Education faisait partie de son « domaine réservé ». Déclaration troublante…d’un côté mon vieux fond parlementariste n’aime pas du tout cet élargissement du « domaine réservé » présidentiel qui n’a aucun fondement constitutionnel. Aucun. Et dans un état de droit, c’est quand même très gênant qu’un Président s’arroge des droits qu’il n’a pas et qui relèvent purement et simplement de la compétence gouvernementale. Bon, c’est dit.
Après, pour démontrer que mon esprit d’ouverture et de tolérance est plus grand de jour en jour, ma passion pour l’Education ne déteste pas que le Président s’y intéresse. C’est même mieux que le contraire. Mais, car il y a bien sûr un « mais », tout dépend pour quoi faire ? Si c’est pour dédoubler les classes du primaire dans les zones défavorisées avec l’efficacité que l’on sait contre le décrochage scolaire ( et preuve, entre parenthèses, de l’ineptie de la position doctrinaire des inspecteurs des finances pour qui il y a bien assez de profs en France …), j’applaudis des deux mains. Oui, sans réserve.
Quand, en revanche, le Président nomme successivement comme Ministres les sieurs Blanquer, Pape N’Diaye et Attal, je cherche la cohérence. Une cohérence entre le Président et le récent nommé , oui puisque, si j’ose dire, la fidélité absolue peut amener aussi bien aux contradictions étouffées qu’aux virages en épingle dissimulés ou bien encore aux couleuvres avalées. Mais bon, cohérence entre les trois ? Et je me dis que ces nominations qu’on dira « hétérogènes » pourraient bien être la traduction d’une pensée présidentielle hésitante .
Et malheureusement, je trouve au moins une trace concrète et spectaculaire de ces hésitations et contradictions: le Président vient de faire plusieurs déclarations très volontaristes sur les rythmes scolaires, dénonçant tour à tour les journées trop lourdes ou bien les vacances estivales trop longues. Soit. Ce n’est pas faux et c’est vrai, connu, évalué depuis longtemps. Mais alors, pourquoi avoir décidé de réduire le temps hebdomadaire il y a quelques années avec l’ instauration de la semaine de 4 jours, ineptie pédagogique, coup terrible porté au système éducatif en accroissant l’échec scolaire par l’alourdissement des journées ? Incompréhensible…
Pour être très clair, je me souviens de la réforme des rythmes scolaires étudiée et proposée par Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem il y a une dizaines d’années. C’était une très bonne réforme, concrète et indispensable, utile socialement. Mais quelle déroute politique ! A force de n’être soutenue politiquement ni par le Président ni par le 1er Ministre, à force de ne pas avoir été expliquée aux acteurs du système éducatif, négociée avec les collectivités locales, à force de ne pas lui avoir accordé les moyens nécessaires. 
Une belle et bonne idée sabotée par une méthode déplorable….

jeudi 7 septembre 2023

Vu « L’expérience Almodovar » ,

      un spectacle cinématographique du célèbre cinéaste espagnol, constitué de deux
courts-métrages, moins d’une heure au total, sorti en salle la semaine dernière :

- d’abord « La voix » humaine avec Tilda Swinton, un monologue d’une femme qui vient d’être quittée par son compagnon et qui l’attend, avec son chien, devant ses valises dont elle espère qu’il reviendra les chercher. Il l’appelle au téléphone et l'essentiel du film tient dans cette conversation mais sans jamais qu’on l’entende lui. Une conversation de rupture comme un monologue donc. L’actrice a beau dire son tourment profond à partir d’un texte puissant, son visage l’exprime assez peu. Et elle trouvera une manière inattendue - que je ne divulgâcherai  pas !- de faire son deuil de ses quatre années d’amour. Interessant et, à certains égards, émouvant .
- Ensuite « Strange Way of Life » , un western, avec Ethan Hawke et Pedro Pascal. Un cow-boy arrive dans une petite ville du Far-west et y retrouve le shérif qui fut son amant. Ils passent la nuit ensemble mais, au petit jour, il a la confirmation que le shérif est à la recherche de son fils, accusé de meurtre. Peut-on retrouver son amant dans ces circonstances ou bien protéger la fuite de son fils à tout prix ? Là encore ne pas divulgâcher…d’autant que le film, toute œuvre  d’Almodovar fût-elle, n’est pas d’un grand intérêt !

vendredi 1 septembre 2023

Vu « Anatomie d’une chute » le film de Justine Triet,

     , sorti en salle la semaine dernière, sur un scénario de la réalisatrice avec Arthur
Harari son compagnon, avec Sandra Hüller, Swann Arlaud et Milo Machado, ce gosse qu’on avait déjà vu dans la série « En thérapie » ou dans le magnifique film  «En attendant Bojangles » et qui poursuit une sacrée carrière précoce.

L’histoire d’un couple de deux écrivains, l’un français qui a beaucoup de mal à rencontrer le succès et l’autre, allemande qui connaît celui-ci avec constance. Ils ont un enfant de 10 ou 12 ans qui est malvoyant suite à un accident de la circulation qui a traumatisé son nerf optique et ont décidé, sur la proposition - et l’insistance- du mari, de quitter Londres pour venir s’installer dans un chalet savoyard, dans la vallée de la Maurienne dont il est originaire, qu’ils ont commencé d’aménager pour en faire des gîtes et leur assurer des revenus réguliers.
Un jour, rentrant de promenade avec son chien, l’enfant découvre son père mort dans la neige et une mare de sang devant la maison. Une enquête est ouverte pour mort suspecte et la mère mise en examen. Un procès a lieu et permet la confrontation des deux thèses : homicide par la femme, thèse du procureur, ou suicide, celle de la défense. Et ce procès a quelque chose de fascinant pour deux raisons: d’abord parce que « l’anatomie d’une chute » ( de la victime qui est tombée du 2eme étage et dont on ne sait s’il s’est jeté et blessé en rebondissant sur le toit du garage ou bien s’il a reçu un coup violent à la tête avant d’être basculé) laisse place à la « dissection d’un
couple », de son histoire, son passé, sa psychologie, ses hauts et ses bas, ses crises…et, d’autre part parce que tout cela se déroule sous les yeux de l’enfant qui a souhaité assister au procès et qui va en devenir un acteur majeur. Je ne vais pas dévoiler l’issue du procès pour ne pas être accusé de « spoiler » ( c’est le mot à la mode je crois mais je préférerais sa traduction française, merci de votre aide) mais je dirais que, d’une certaine manière, ça n’a pas d’importance car, après le verdict, justice a été rendue certes, mais on ne sait toujours pas la vérité. L’éternelle question : rendre la justice ou dire la vérité ?
Ce film est un grand film et l’on peut dire que la Palme d’Or qu’il a reçu au festival de Cannes est tout sauf usurpée. Malgré quelques longueurs ( il dure 2h30 !) , il prend aux tripes et parfois, bouleverse. Les acteurs sont exceptionnels, en particulier ce jeune garçon qui m’a bluffé, ou bien Sandra Hüller qui a une capacité d’expression d’une diversité étonnante telle qu’elle en rajoute magnifiquement sur la question centrale : cache-t-elle bien son jeu, sait-elle si bien mentir ? La manière de filmer de Justine Triet, faite de gros plans et de silences ou de voix off et de musiques soigneusement choisies crée une ambiance intimiste dans laquelle on plonge sans retenue. Un grand et beau film.