jeudi 27 février 2020

Lu « Le siècle vert » de Régis Debray paru chez Gallimard dans la collection Tracts.


Un pamphlet de 60 pages à peine avec un Régis à son meilleur niveau question formulations et allégories. 
Il prend acte de la révolution écologique comme un fait entendu. Mais cela ne l’empêche pas de la railler avec, parfois, des accents très «ancien monde» ce qui ne fait jamais de mal...mais surtout ce qui m’a intéressé parce que c’est ce qui me préoccupe, Régis appelle l’attention du lecteur sur le risque de religiosité que tout cela apporte : une nouvelle religion, la religion écologique avec, comme toutes les religions, son intégrisme et son obscurantiste... Cela sonne comme un appel à la raison : que la révolution verte soit rationnelle ! 
Je souscris à fond.

mercredi 26 février 2020


Puy-Guillaume, petit village du Puy-de-Dôme.
Un peu plus de 2500 habitants comme Chateau-Chinon ou... Maubourguet. Je suis venu rendre un dernier hommage à mon copain Michel CHARASSE mort dans la nuit de jeudi à vendredi . Un vieux copain auquel me liait une affection particulière. Il faut dire que nous avons vécu tant de choses ensemble !! Je l’ai connu en 1975 quand j’ai été recruté par le Groupe socialiste de l’Assemblée Nationale alors présidé par Gaston Defferre. Michel était mon supérieur hiérarchique... François Mitterrand m’ayant recruté en 1979, j’ai quitté Defferre et CHARASSE mais j’ai retrouvé Michel à l’Elysée en 1981 dans la première équipe du président socialiste. Pendant tout le premier septennat, nous nous sommes vus quotidiennement, nous parlant sur la ligne intérieure plusieurs fois par jour, déjeunant sur un plateau dans le bureau de l’un ou l’autre, dînant ensemble dans l'appartement de permanence quand on était de garde pour des soirées chaleureuses, passionnées, joyeuses..J’ai quitté l’Elysée en 88 pour vivre d’autres aventures mais j’ai retrouvé Michel...au gouvernement ! Quand Pierre Beregovoy m’a confié la responsabilité de l’enseignement technique alors que Michel était Ministre du Budget j’ai retrouvé ce vieux copain chaleureux. Puis nous ne nous sommes jamais perdus de vue, déjeunant ou dînant régulièrement pour refaire le monde ou, plutôt, la vie politique française. Enfin, je l’ai beaucoup vu tout au long de sa maladie, le visitant souvent à l’hôpital, à Paris ou à Clermont, où sa passion de la chose publique ne l’a jamais quitté.
Michel était d’une fidélité incroyable. A François Mitterrand d’abord, l’homme de sa vie, qu’il a servi avec autant de dévouement que de discrétion jusqu’à sa disparition. Taillable et corvéable à merci ce qui n’était pas une mince affaire pour un travailleur de cette force ! Fidèle et discret comme une tombe : François Mitterrand savait qu’il pouvait tout dire à Michel parce qu’il savait tenir un secret. C’était loin d’être le cas de tous ses collaborateurs ! Mitterrand en jouait d’ailleurs ... Mais il était fidèle aussi à Defferre, à ses amis, nombreux .
Michel était un amoureux de la République, de son histoire, de sa culture, de ses traditions, de ses valeurs . Ah comme la Laïcité perd là un de ses plus grands serviteurs !! Sur son lit d’hôpital, il m’encourageait : « tu devrais dire ci tu devrais faire ça ! ». J’obtempérais bien sûr...
Enfin Michel était un homme truculent bourré d’humour. Jusqu’au bout nous avons partagé tant de rigolades à n’en pas compter, à ne pas conter ! Il aimait les bonnes bouffes avec les copains où l’on boit de bons coups et où on rigole comme des fous . Rabelaisien le bougre ...Je revis toutes ces anecdotes vécues ensemble et en souris encore.
On raconte que Michel était un homme des mauvais coups et que, par exemple il aurait diligenté des contrôles fiscaux sur des politiques ou des journalistes qui ne lui auraient pas plu . Cette réputation est née d’une menace- maladroite et presque idiote au demeurant - qu’il avait proférée publiquement à l’égard de deux femmes journalistes qui l’avaient énervé . Je viens d’apprendre 30 ans après que non seulement il n’en avait rien fait mais que dès le lendemain de l’incident il leur avait envoyé des bouquets de fleurs avec un mot d’excuses. Mais sans rien dire à personne quitte à traîner cette réputation usurpée...
Sacré Michel . La République perd un grand serviteur et tu me manques déjà.

vendredi 21 février 2020

Lu " Miroir de nos peines" de Pierre Lemaitre, paru chez Albin Michel.


Dernier volet de la trilogie ouverte avec " Au-revoir là-haut", sans doute le plus réussi.
Un regard particulièrement vivant et évocateur sur la France de 1940 . Ça commence en avril 40, avant la déclaration de guerre, et ça se termine quelques mois plus tard, au début de l'été après la débâcle. Ça commence à Paris, sur une petite place où se trouvent à la fois le restaurant de Jules, où va déjeuner chaque jour un vieux médecin et la maison de famille d'une institutrice, Louise, et ça se termine au bord de la Loire à l'issue d'un exode généralisé vers le sud, dans un drôle de camp de réfugiés mi-hôpital de campagne, mi-hospice de charité chrétienne . Et, entre temps, on va suivre les itinéraires convergents - du moins géographiquement- de personnages divers : Louise, à la base de l'histoire principale, Jules, deux soldats de la ligne Maginot que tout oppose, y compris violemment, mais qui se retrouvent embarqués dans un périple où la solidarité finit par être au rendez-vous, Fernand sous-officier de gendarmerie et sa femme Alice fragile et cardiaque et, enfin, Désiré, incroyable personnage mythomane professionnel , falsificateur et malhonnête au culot tel, qu'il est capable de jouer bien des rôles....
Tout cela est captivant, vivant, sensible, tendre, douloureux et parfois drôle, bref humain, et édifiant sur la France de l'époque . Et c'est, bien sûr, très bien écrit.
Très beau roman.

vendredi 7 février 2020

Lu " Pour rendre la vie plus légère" de Mona OZOUF sous la direction d'Alain Finkielkraut paru chez Stock.


Pour être précis, ce livre est une transcription des émissions " Répliques " sur France Culture, auxquelles a participé Mona OZOUF à l'invitation d'Alain Finkielkraut. 
Un mot sur celui-ci : autant quand il intervient dans le débat public il est souvent excessif, provocateur et, pour tout dire, réac, autant quand il s'agit de parler culture, littérature ou philosophie il mène ses entretiens avec beaucoup de talent . Quant à Mona OZOUF, j'ai suffisamment dit en ces pages l'estime voire l'admiration que je lui porte pour ne pas en rajouter outre mesure. Cette femme de Gauche, philosophe devenue historienne, philosophe et historienne, dialogue dans ces entretiens avec plusieurs autres intellectuels de littérature, de livres, des femmes et du féminisme, de la galanterie et des " manières ". Mona OZOUF est une féministe de toujours mais elle ne vit pas son féminisme comme une revanche, comme une agressivité contre les hommes. Elle dit son indulgence et même plus que ça pour la galanterie au sens du " galant homme" du 17ème siècle .
Et elle disserte sur les " manières " comme des marques de respect et de civilité. La civilité... au temps où la violence verbale ( et pas seulement ) emporte tout sur son passage, il est des messages comme celui de Mona OZOUF qui apparaissent comme salvateurs !

mardi 4 février 2020

Au moment où le projet de loi sur les retraites vient en discussion à l'Assemblée Nationale,


j'entendais un débat sur une chaîne d'information réunissant notamment un économiste, un chef d'entreprise de médias, et la présidente d'une Fondation de recherche économique très médiatique et qui se signale par une aversion maladive à l'égard de tout ce qui peut être public, sorte de Mme Thatcher des temps modernes. 
Un point commun à tous ces débatteurs : ils sont tous libéraux, idéologiquement libéraux, ce qui, d'ailleurs, ôtait beaucoup d'intérêt à ce qui n'était plus un débat. Un discours commun aussi : la réforme des retraites est une bonne réforme, le système dit "universel par point" est un bon projet .... tout juste reprochaient-ils tous au gouvernement un petit problème de méthode ! Pas une voix pour dire que ce fameux "point" dont ils se gargarisent ne veut rien dire en soi, qu'il n'est ni bon ni mauvais en soi, que tout dépend de son montant, de la méthode pour le cumuler, en particulier des rythmes différenciés selon la pénibilité, de son mode de gestion, paritaire ou non, des verrous que l'on met ou pas pour empêcher concrètement qu'il ne baisse etc... pas une voix pour dire que le diable se cache toujours dans les détails et qu'en la circonstance, les français avaient bien des raisons de se méfier .
Seulement voilà, les faits sont têtus !
Et coup sur coup l'avis du Conseil d'Etat d'une part, la publication des études d'impact d'autre part ont jeté, c'est le moins que l'on puisse dire, une douche froide sur ces optimistes béats.
L'avis du Conseil d'Etat, qui n'est qu'un avis certes, mais qui éclaire d'un point de vue juridique avisé le projet du gouvernement , notamment - mais pas seulement - au plan constitutionnel , est d'une sévérité assez rare. Il reproche au gouvernement une précipitation de son calendrier qui l'empêche de sécuriser juridiquement son projet - ce qui est un comble quand on se souvient que ce gouvernement se targuait d'avoir concerté longuement les partenaires sociaux par l'entremise du fameux Haut Commissaire, Monsieur Delevoye -, de renvoyer trop de choses aux futures ordonnances ce qui empêche d'avoir une vue d'ensemble de la réforme - et qui, accessoirement, mais ça n'est pas accessoire , bride dangereusement les droits du Parlement - et, enfin de se livrer à des "injonctions" au gouvernement, notamment pour les hausses des rémunérations des fonctionnaires, qui sont bien fragiles juridiquement... rien que cela !
Quant aux études d'impact, elles ne sont pas moins révélatrices : l'une montre que la part des retraites dans le PIB qui est stable depuis de longues années ( entre 13,8 et 14%) baissera sensiblement à cause de la réforme ( en-dessous de 13), comme si c'était bien là le but premier de la réforme, l'autre montre à travers des simulations que les grandes perdantes de celle-ci seront les mères de famille etc...
Au total, tout cela donne une drôle d'impression : ou bien on est face à un degré d'impréparation et d'amateurisme accablant pour un "nouveau monde" qui se targuait hier avec arrogance de voir enfin le professionnalisme arriver au pouvoir, ou bien on est dans une vaste opération d'enfumage qui ne vise qu'à bien dissimuler les vrais objectifs de cette réforme : faire des économies sur notre système de retraites dont on sait que nos aimables inspecteurs de finances considèrent qu'il contribue à un système de protection sociale trop coûteux . Ou bien les deux....
Et l'on découvre tout cela au moment où le mouvement social s'essouffle... . Coïncidence ? Ou bien résultat de la mobilisation ? 
En tout cas, il reste une belle impression de malaise et je ressens comme l'intuition que cette affaire n'est pas terminée.