dimanche 26 avril 2020

QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA CRISE SANITAIRE...


Comme tout le monde, je lis, écoute, réfléchis beaucoup à cette crise sanitaire et j’ai envie de partager quelques idées simples fondées non pas sur la science - je ne suis pas compétent- ni sur la politique - je ne fais plus partie de ce monde-là-, mais sur la raison et la rationalité. 4 ou 5 réflexions pour continuer à réfléchir ensemble :
 
1. La France compte, au moment où j’écris ces lignes environ 23.000 morts du Covid-19 selon les statistiques officielles. Mais celles-ci ne recensent que les décès en hôpital ou en EHPAD et si l’on y ajoute les décès à domicile , on doit probablement être entre 30 et 35.000. Et, sans faire de pronostic funèbre, on peut imaginer sans peine que l’on atteindra ou dépassera les 50.000 victimes.
Il est interessant de situer ce nombre impressionnant dans le contexte de la mortalité française: il meurt environ 600.000 personnes en France chaque année. Et les deux principales causes de ces décès sont le cancer ( environ 160.000) et les maladies de l’appareil circulatoire ( environ 140.000). Les maladies respiratoires viennent en troisième position à peu près au même niveau que les causes violentes ( accidents, chutes, suicides, homicides) avec un peu plus de 35.000 décès pour chacune de ces deux catégories. Dans « maladies respiratoires » il faut entendre notamment les grippes, pneumonies etc..
Relativiser n’est pas minimiser mais essayer d’y voir clair : le Covid-19 est plus mortel que les maladies respiratoires en temps « normal », mais 12 fois moins que la mortalité globale, 3 à 4 fois moins que le cancer, 4 à 5 fois moins que les infarctus ou les AVC...
Apprenons à regarder qui sont nos morts.
  1. Comme tout le monde, je suis frappé par les discours variables et parfois même contradictoires des scientifiques et j’essaye de comprendre. La première explication tombe sous le sens : « On ne sait pas ». Je veux dire «on ne connaît pas le virus Covid-19 » et la démonstration en a été faite brillamment, je l’ai déjà dit et écrit, par Madame Ader, infectiologue lyonnaise invitée à s’exprimer dans la conférence de presse du Premier Ministre: voilà ce qu’on sait/voilà ce qu’on ne sait pas. Alors, les scientifiques....cherchent ! Ils cherchent à savoir, à connaître et pour cela, avancent des hypothèses, débattent et se confrontent. Et comme nous sommes désormais dans une société de la transparence absolue, ils cherchent sous nos yeux . D’où l’expression très juste de Gérard Bronner: « nous assistons collectivement à la science en train de se faire ».
    Sommes-nous suffisamment formés à cela ? Sûrement pas. Nos responsables politiques le sont-ils plus ? Je ne veux pas m’exprimer sur la question mais tout ce que je sais c’est que gouverner, exercer des responsabilités c’est souvent gérer des crises et, donc, souvent gérer l’imprévu. « Devant le risque, gère le risque », tel pourrait être ma proposition de devise, et comme conseil à tous les responsables politiques.
     
    3. Dans ce genre de situation, il est bien normal de regarder ailleurs comment les choses se passent . Pour comparer et, surtout, pour apprendre. La situation allemande fait l’objet de beaucoup de commentaires et d’éloges. Elle les mérite.
    Mais pourquoi l’Allemagne a-t-elle ces résultats ? Tout le monde martèle l’idée que c’est parce qu’elle a utilisé les tests à très grande échelle mais je n’en suis pas si sûr : d’abord parce que les tests mesurent mais ne guérissent guère, ensuite parce qu’un test effectué est aussitôt obsolète ( quand j’entends certains commentateurs dire «il faut tester tout le monde !», je me pince : pour les testés positifs, on les isole, très bien, mais les négatifs on en fait quoi? On recommence le lendemain ? Et ainsi de suite ?...), et enfin parce que la différence du nombre de tests effectués dans nos deux pays n’explique que très marginalement les différences de mortalités.
    Je suggère donc une autre piste : j’ai appris que près de 80% des cas des contaminés en Allemagne avaient été repérés par les médecins de ville. Je ne connais pas le chiffre en France mais c’est beaucoup, beaucoup moins. Et si l’explication se trouvait là, dans l’abandon de la médecine de ville par tous les gouvernements successifs, dans la destruction de tout lien entre les généralistes et les hôpitaux, dans ces « déserts médicaux » qui ont fleuri un peu partout, dans les banlieues dégradées comme dans le monde rural ? L’Allemagne a sûrement des choses à nous apprendre sur ce plan.

    4. Comment la démocratie peut-elle faire face à une telle secousse ?
    Je pense, on me le pardonnera, au football : on sait bien qu’en France il y a des dizaines de millions de sélectionneurs qui savent mieux que tout le monde ce que doit être la composition de l’Equipe de France. Mieux que le sélectionneur en tout cas, Didier Deschamps. Le pauvre, il est vrai n’a été champion du monde que deux fois , un comme joueur, l’autre comme sélectionneur !
    Alors, comme tout le monde sait tout, tout le monde juge de tout et tout le monde propose tout, prenant part sans vergogne au débat scientifique étalé sur la place publique. Et tous les complotismes les plus irrationnels de fleurir avec leurs lots de destruction de civisme....Je voyais cet étonnant sondage affirmant que 59% des français étaient favorables à l’usage de la chloroquine, et je me disais « bon sang, mais c'est bien sûr, il faut sonder pour décider! ». Et comme il n’y a pas meilleur sondage qu’un référendum, me souvenant de la proposition phare des gilets jaunes, le référendum d’initiative populaire, je proposerais volontiers « un RIC sur la chloroquine ! Et vite !!! ». Je plaisante bien sûr et je préfère le préciser....mais on voit le chemin qui reste à parcourir d’une part pour réhabiliter la confiance dans la démocratie représentative qui confie la responsabilité de gérer les crises à ceux qui nous gouvernent parce que le peuple les a choisie pour cela, mais aussi le chemin pour éduquer nos enfants dans nos écoles à la raison et la rationalité. La philosophie des Lumières n’est pas encore triomphante...

    5. Je finis par les Écoles. Ainsi le Ministre de l’Education a-t-il décidé tout seul du calendrier progressif de la sortie du confinement scolaire. Sans consulter les maires responsables des écoles, les présidents de conseils généraux en charge des collèges et ceux des conseils régionaux pour les lycées. Ce sont pourtant ces collectivités qui vont gérer le transport scolaire, les cantines, les locaux nécessaires, leur désinfection etc...Curieuse méthode encore bien verticale. Mais là où je vis, dans les Hautes-Pyrénées, je suis frappé d’entendre les maires avec qui je parle me dire les très grandes réticences des parents d’élèves à voir leurs gosses reprendrent l’école à ces dates et dans ces conditions. Très grandes réticences pour ne pas dire opposition. Les raisons en sont d’ailleurs multiples mais il semble bien que les parents de jeunes enfants aient bien intégré cette gestion du risque. Et comme il est acquis que tous les enfants ne pourront pas être ensemble dans les établissements, je fais une proposition : décider que les enfants ne retourneront pas dans les établissements avant la rentrée de septembre sauf les « décrocheurs » qui seront accueillis pour un soutien scolaire, un rattrapage, une mise à niveau. Ces « parcours personnalisés » dont tout le monde sait l’absolue nécessité n’auraient-ils pas là une possibilité de laboratoire à grande échelle ? Et si ces décrocheurs sont concentrés dans un nombre limité d’établissements,y aurait-il une opposition à y redéployer les enseignants dont les établissements ne seraient pas rouverts ?
    L’Ecole de la République profiterait de la crise pour, enfin, réduire les inégalités devant le savoir.

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