mercredi 24 mars 2021

Lu « Vivre avec nos morts » de Delphine Horvilleur paru chez Grasset.

 Delphine Horvilleur est rabbine, vivant à Paris et c’est une personnalité assez
médiatique dont la démarche intellectuelle et culturelle m’intéresse depuis longtemps ce qui m’a naturellement amené à cette lecture. Autant le dire, cet essai, à l’image de son titre, n’est pas d’une gaité folle même s’il est émaillé de quelques blagues juives comme pour détendre l’atmosphère. Car il raconte un certain nombre de « kaddichs », prières juives, prononcés par elle à l’occasion de funérailles de personnalités diverses. Ce livre est, à ce titre, une initiation à la culture juive et à sa liturgie religieuse assez instructive...il comporte deux moments très forts ( ce qui ne veut pas dire que les autres soient sans intérêt !) :

-Le kaddich prononcé à l’occasion des obsèques d’Elsa Cayat, psychologue athée et chroniqueuse à Charlie Hebdo, décédée dans l’attentat de janvier 2015 qui décima cette rédaction dans les conditions que l’on sait. Devant beaucoup d’amis de la défunte et de Charlie, pas vraiment portés sur la ou les religions, Delphine Horvilleur est présentée par les enfants de la défunte comme « une rabbine laïque »...ce qu’elle est effectivement et qu’elle prouve dans ses propos en la circonstance. Profitons-en pour éclaircir ce soi-disant paradoxe : comment peut-on être religieux et laïque ? C’est pourtant simple : il suffit d’accepter que les lois de la République sont supérieures aux lois religieuses...ce qui est le cas de nombreux croyants fort heureusement et d’un certain nombre de religieux. Et ce qui les différencie des croyants ou religieux « intégristes » qui, de toutes religions et pas seulement de l’Islam,  n’acceptent pas cette supériorité des lois de la République. Eh bien, Delphine Horvilleur est une religieuse laïque, ouverte et tolérante.
- le récit de sa participation à la grande manifestation pour la paix à Tel-Aviv le 4 novembre 1995 à l’issue de laquelle le Premier Ministre israélien, Yitzhak Rabin fut assassiné. Occasion de rappeler, ce que l’on oublie trop souvent, que son assassin ne fut nullement un islamiste mais un juif orthodoxe opposé au processus de paix... occasion aussi pour Delphine Horvilleur de prendre conscience avec stupeur et tristesse que le sionisme de ce salaud n’était pas le même que le sien, ne pouvait pas être le même. Occasion de réfléchir tous à cette déviation tragique du sionisme, depuis le sionisme originel de Theodor Herzl et Ben Gourion, celui de la création de l’Etat d’Israël après la tragédie de la Shoah, devenu aujourd’hui avec Netanyahou et les partis religieux de sa coalition, un sionisme colonialiste et oppresseur pour le peuple palestinien. Le premier recueillait l’adhésion des gens de paix comme Delphine Horvilleur bien sûr, le second leur farouche opposition....
Ce livre est inégal et sans doute incomplet. Mais il révèle une sacrément belle personnalité, une intelligence lumineuse qui sait dire des choses profondes dans un langage simple et très moderne, une femme de paix et de concorde qui expose sereinement à ses concitoyens ce qui devrait les réunir, au-delà des religions. Paradoxe bien riche et fécond pour une rabbine...

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