mardi 4 février 2020

Au moment où le projet de loi sur les retraites vient en discussion à l'Assemblée Nationale,


j'entendais un débat sur une chaîne d'information réunissant notamment un économiste, un chef d'entreprise de médias, et la présidente d'une Fondation de recherche économique très médiatique et qui se signale par une aversion maladive à l'égard de tout ce qui peut être public, sorte de Mme Thatcher des temps modernes. 
Un point commun à tous ces débatteurs : ils sont tous libéraux, idéologiquement libéraux, ce qui, d'ailleurs, ôtait beaucoup d'intérêt à ce qui n'était plus un débat. Un discours commun aussi : la réforme des retraites est une bonne réforme, le système dit "universel par point" est un bon projet .... tout juste reprochaient-ils tous au gouvernement un petit problème de méthode ! Pas une voix pour dire que ce fameux "point" dont ils se gargarisent ne veut rien dire en soi, qu'il n'est ni bon ni mauvais en soi, que tout dépend de son montant, de la méthode pour le cumuler, en particulier des rythmes différenciés selon la pénibilité, de son mode de gestion, paritaire ou non, des verrous que l'on met ou pas pour empêcher concrètement qu'il ne baisse etc... pas une voix pour dire que le diable se cache toujours dans les détails et qu'en la circonstance, les français avaient bien des raisons de se méfier .
Seulement voilà, les faits sont têtus !
Et coup sur coup l'avis du Conseil d'Etat d'une part, la publication des études d'impact d'autre part ont jeté, c'est le moins que l'on puisse dire, une douche froide sur ces optimistes béats.
L'avis du Conseil d'Etat, qui n'est qu'un avis certes, mais qui éclaire d'un point de vue juridique avisé le projet du gouvernement , notamment - mais pas seulement - au plan constitutionnel , est d'une sévérité assez rare. Il reproche au gouvernement une précipitation de son calendrier qui l'empêche de sécuriser juridiquement son projet - ce qui est un comble quand on se souvient que ce gouvernement se targuait d'avoir concerté longuement les partenaires sociaux par l'entremise du fameux Haut Commissaire, Monsieur Delevoye -, de renvoyer trop de choses aux futures ordonnances ce qui empêche d'avoir une vue d'ensemble de la réforme - et qui, accessoirement, mais ça n'est pas accessoire , bride dangereusement les droits du Parlement - et, enfin de se livrer à des "injonctions" au gouvernement, notamment pour les hausses des rémunérations des fonctionnaires, qui sont bien fragiles juridiquement... rien que cela !
Quant aux études d'impact, elles ne sont pas moins révélatrices : l'une montre que la part des retraites dans le PIB qui est stable depuis de longues années ( entre 13,8 et 14%) baissera sensiblement à cause de la réforme ( en-dessous de 13), comme si c'était bien là le but premier de la réforme, l'autre montre à travers des simulations que les grandes perdantes de celle-ci seront les mères de famille etc...
Au total, tout cela donne une drôle d'impression : ou bien on est face à un degré d'impréparation et d'amateurisme accablant pour un "nouveau monde" qui se targuait hier avec arrogance de voir enfin le professionnalisme arriver au pouvoir, ou bien on est dans une vaste opération d'enfumage qui ne vise qu'à bien dissimuler les vrais objectifs de cette réforme : faire des économies sur notre système de retraites dont on sait que nos aimables inspecteurs de finances considèrent qu'il contribue à un système de protection sociale trop coûteux . Ou bien les deux....
Et l'on découvre tout cela au moment où le mouvement social s'essouffle... . Coïncidence ? Ou bien résultat de la mobilisation ? 
En tout cas, il reste une belle impression de malaise et je ressens comme l'intuition que cette affaire n'est pas terminée.

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