mercredi 3 mars 2021

Je signe avec Gilles Clavreul sur le site de «L’Aurore « à propos de l’islamo-gauchisme »

 https://www.laurorethinktank.fr/blocnote/derriere-la-querelle-de-lislamo-gauchisme-la-liberte-menacee-par-les-anti-lumieres/


Derrière la querelle de «l’islamo-gauchisme», la liberté menacée par les anti-Lumières

Gilles CLAVREUL, Jean GLAVANY - 3 Mars 2021 

 Pouvait-on introduire débat plus légitime de façon plus maladroite ?

Maladroite et, d’une certaine façon irresponsable quand on sait la période de crises (sanitaire, économique, sociale, morale) que traverse notre pays et qui exige que la parole publique donne du sens et des repères et non point sème la confusion, sans parler du malaise et du « mal-être » étudiants sur fond de précarité qui se généralise et qui devrait exiger de la Ministre en charge de ce secteur qu’elle ne se distraie pas de cette urgence.

En déclarant qu’elle voulait « commander une enquête » sur « l’islamo-gauchisme » dans notre université, la Ministre de l’enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a non seulement déclenché une de ces polémiques inutiles dont notre pays et nos médias raffolent ; elle a surtout manqué une belle occasion de mettre le doigt sur un vrai problème.

Occasion manquée

Passons sur le choix malheureux du mot « enquête » qui résonne par trop comme accroché à l’action de la Justice ou de la police, ce qui n’est jamais innocent dans un milieu marqué par la tradition des franchises universitaires, quand le terme « étude » eût paru plus approprié. Les mots ont un sens, et un poids.

Le vrai problème n’est d’ailleurs pas celui qu’on croit. 

Tout le monde, médias et universitaires en tête, s’est précipité sur ce terme d’ « islamo-gauchisme » comme s’il s’agissait de l’horreur des horreurs. Cachez ce sein que je ne saurais voir....On a même lu et entendu que ce terme venait de l’extrême-droite et n’avait aucune valeur scientifique, ce qui ne manque pas de piment  quand on sait que le concept a été imaginé il y a une vingtaine d’années  par le politiste  Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et l’un des tout meilleurs spécialistes de l’extrême-droite, justement.

Quant à ceux qui, comme Olivier Faure, déclarent qu’ils ne savent pas ce qu’est « l’islamo-gauchisme », on ne saurait trop leur recommander soit  de réfléchir à une définition simple et à la portée des lycéens du genre « rapprochement stratégique entre certains courant d’extrême-gauche et l’islam politique », ou bien, plus facile encore, de se souvenir de ce qui avait retenu les socialistes de participer à une manifestation fin 2019, place de la République - qui portait bien mal son nom ce jour-là- où,  sous l’égide du CCIF, cet islamo-gauchisme s’exprimait au grand jour. D’accord pour dire que l’initiative de Mme Vidal est mal venue et mal amenée, d’accord, aussi, pour s’essayer à réactualiser ou modifier une expression parce qu’elle s’est chargée d’un sens polémique qu’elle n'avait pas à l’origine ; mais il est absurde de nier le phénomène en lui-même, né des rapprochements de fait observés depuis longtemps, et qui ne font que s’amplifier.

Qu’on le renomme ou qu’on le prenne avec des guillemets, ce que nous préférons, « l’islamo-gauchisme » correspond à une réalité qu’on peut facilement rencontrer : à Trappes où certains semblent découvrir la lune comme dans la société tout entière, y compris au sein des universités, comme un courant de pensée politique. Et comme pendant de cette « islamophobie » qu’il dénonce à longueur de journée, en l’inventant même quand elle n’existe pas, en la martelant matin, midi et soir pour dissuader de toute critique de l’islamisme, fût-ce au grand dam de nombreux musulmans eux-mêmes, premières victimes de celui-ci. Reste que « l’islamo-gauchisme » n’est plus aujourd’hui qu’une partie d’un phénomène beaucoup plus large : la critique des Lumières au nom de l’Identité. Genre, « race », intersectionnalité et autres appels à tout « décoloniser » sont la novlangue d’une offensive qui ne cesse de s’étendre contre l’universalisme et le primat de la Raison, repeints aux couleurs blafardes de « l’Occident blanc patriarcal ».

Les nouveaux anti-Lumières

S’il n’y avait là qu’une bataille d’idées entre deux familles de pensées, entre deux postures, ce serait là le jeu normal, parfois vif, de la démocratie, et nous pourrions tranquillement renvoyer les combattants dos à dos au nom de la liberté d’expression. Or il est là, précisément, le vrai sujet en grande partie manqué par l’intervention de la ministre et la polémique qui s’en est suivi. Le vrai sujet, c’est celui du pluralisme et de la liberté d’expression à l’université et dans la recherche. Car quoi qu’en disent ses contempteurs, ce n’est pas l’Etat qui menace les libertés académiques aujourd’hui, mais bien ceux qui ont appelé à censurer, tour à tour, Marcel Gauchet, Sylviane Agacinski, les Suppliantes d’Eschyle , Elizabeth Badinter, le spectacle autour de la pièce de Charb, et même un ancien Président de la République venu faire une conférence à l’université de Lille ! Au-delà de ces exemples emblématiques, se déploie et tend à s’imposer au champ académique tout une pensée sectaire, jamais mieux résumée que par l’un de ses hérauts, le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, qui déclarait au micro de France Inter le 30 septembre dernier : « Je suis contre le paradigme du débat et je l’assume. Il faut rétablir la censure dans l’espace public pour que les idées justes prennent le pouvoir sur les idées injustes ». Au moins, le programme est clair ! Et lorsqu’on voit la situation sur certains campus nord-américains où des enseignants sont poussés à la démission ou à d’humiliantes excuses publiques pour un mot de trop, on se dit que la menace est à prendre au sérieux.

Et, face à cette menace, on s’attriste de voir un pouvoir et une majorité écartelés, le porte-parole du gouvernement évoquant de « situations marginales si elles existent » (sic !)  au mépris de toute réalité, les mêmes s’écartelant dans un même temps sur le menu des cantines lyonnaises, débat dont chacun voit bien les arrières-pensées qui ne sont ni diététiques ni sanitaires !

Face à une majorité embourbée, à une droite comme anesthésiée par le débat sur le projet de loi confortant les principes républicains, et une extrême-droite toujours à l’affût dès qu’il s’agit de donner dans l’anti-intellectualisme le plus douteux, la gauche avait presque la partie facile pour poursuivre son intéressant redressement républicain et universaliste amorcé fin 2019 et dont nous nous étions réjouis en ces pages.

  
Une gauche sans boussole

Las, les mauvaises habitudes sont revenues à toute vitesse : d’abord sur l’affaire de Trappes où toute la gauche s’est retrouvée derrière le maire et toute la droite derrière l’enseignant quand la moindre des sagesses eût été de faire la part des choses dans une commune marquée par le record des départs en Syrie pour le jihad...et par une élection municipale à refaire dans laquelle tous les communautarismes électoraux sont à l’œuvre. Et, à nouveau, dans cette polémique sur « l’islamo-gauchisme » en se joignant à la bronca et en prenant la défense d’une gauche radicale qui, derrière Jean-Luc Melenchon, n’eut qu’un mot à la bouche : Islamophobie ! Au risque de sombrer dans les analogies les plus glauques en évoquant le « maccarthysme » et les chasses aux sorcières des années 1930 comme si les « islamo-gauchistes » d’aujourd’hui étaient dénoncés comme les « judéo-bolcheviques » de l’époque. Affligeant et déshonorant.

Que retiendront nos concitoyens de tout cela ? A en croire les enquêtes d’opinion, ils pensent très différemment de bien des responsables politiques, des médias et des pétitionneurs, fussent-ils universitaires. D’abord, ils pensent que « l’islamo-gauchisme » existe. A droite cela va sans dire, et dans l’électorat de Macron aussi nettement. Mais à gauche aussi et majoritairement ! Une fois de plus le décalage entre les citoyens et les élites est flagrant et ce constat devrait, pour le moins, faire réfléchir ceux qui font profession de connaître et de comprendre la société. De même qu’il devrait faire réfléchir ceux qui se lanceront dans la compétition électorale de l’an prochain : les plus audibles seront celles et ceux qui auront les idées claires sur ces sujets qui préoccupent les françaises et les français. Car ne nous y trompons pas : le devenir des sciences sociales n’intéresse sans doute qu’un public restreint, mais la fracturation culturelle et idéologique qui traverse notre pays est un sujet que nul responsable politique, digne de ce nom, ne doit ignorer.



Lu « La rafle des notables » d’Anne SINCLAIR paru chez Grasset.

 Un joli petit livre plein d’émotion qui résonne essentiellement comme le devoir de
mémoire d’une petite-fille à l’égard de son grand-père, un devoir accompli avec une sorte de soulagement tant cette histoire hantait l’auteure depuis son enfance.

Le 12 décembre 1941 a lieu à Paris la première rafle de grande envergure: 743 juifs sont arrêtés et internés au camp de Compiègne. On appelle cette rafle « la rafle des notables » car les juifs arrêtés étaient chefs d’entreprises, avocats, magistrats, enseignants, écrivains.... 743 dont Léonce Schwartz, le grand-père d’Anne qui en survécut miraculeusement après une hospitalisation au Val-de-Grâce et une évasion de celui-ci. Il survivra tant bien que mal et mourut quelques jours après la libération. Le camp de Compiègne était évidemment la première étape vers les camps de la mort où les prisonniers furent déportés en mars 42, après trois mois de vie dans des conditions épouvantables où la faim sévit comme une faucheuse odieuse : le camp de la mort lente....
Ces 743 « notables » furent vite rejoints par trois cent juifs étrangers venus de toute l’Europe qui s’étaient réfugiés en France croyant y trouver le refuge salvateur. Et c’est sans doute les conséquences de cette mixité, celle de ces deux groupes distincts de juifs emprisonnés, distincts mais réunis dans le même malheur tragique, qui m’a le plus passionné dans ces pages. Car ces deux groupes ne vivaient pas leur judéité de la même façon : les notables étaient des citoyens français très intégrés, français avant d’être juifs, beaucoup ne fréquentant pas les synagogues d’ailleurs, qui ne comprenaient pas pourquoi ils étaient là. Ou, en tout cas, qui ne comprenaient pas bien et pas tout de suite. Tandis que les étrangers, de conditions sociales beaucoup plus modestes, eux, savaient parfaitement que cette étape était la suite logique d’une ségrégation, d’une persécution qu’ils vivaient depuis des mois, des années...Cette confrontation, dans son récit et sa logique tragiques est assez bouleversante. 

Joli petit témoignage bien écrit, agréable à lire et ajoutant utilement à notre devoir de mémoire collectif.

lundi 22 février 2021

Lu « Une terre promise » de Barack Obama, paru chez Fayard traduit de l’anglo-américain par Pierre Demarty, Charles Recoursé et Nicolas Richard. 

Je n’avais que modérément envie de lire le pavé ( 8OO pages) du premier tome des
mémoires de l’ancien Président américain. Mais deux de mes proches en qui j’ai vraiment confiance m’y ayant encouragé, je m’y suis attelé presque à reculons : ces tirages faramineux, ces droits d’auteur exorbitants, cette campagne de promotion délirante...je ne sais pas, mais cela créait une ambiance qui me rebutait. Eh bien, mea-culpa ! D’abord c’est plutôt bien écrit, voire très bien et hommage doit être rendu aux traducteurs dont on ne parle pas beaucoup mais dont le rôle est si essentiel.

Il y a de tout dans cet essai, et notamment des longueurs ! Mais, c’est une sorte de self-service de haut de gamme où l’on trouve à la fois des épisodes de sa vie familiale - la difficulté de mener une vie de famille « normale » à la Maison Blanche n’est pas vraiment une découverte très originale..-, des portraits de ses collaborateurs qui sont d’autant moins intéressants qu’on ignore totalement qui ils sont, des réflexions assez émouvantes sur tel ou tel évènement douloureux de la vie publique, les catastrophes, les fusillades, des descriptions édifiantes sur la manière du Président d’animer son équipe de collaborateurs où l’on discerne assez bien un « capitaine d’équipe » (de basket ? Son sport favori...) où l’on devine un charisme évident, fait d’autorité naturelle et de chaleur humaine voir d’humour. On lira aussi avec intérêt ses descriptions des sommets internationaux, ses portraits des chefs d’Etats et de gouvernements, ses interlocuteurs, et notamment un portrait sévère, drôle, et en même temps si juste de Sarkozy, agité et paradeur, même si on peut aussi y voir un brin d’arrogance...Rassurons-nous, l’auteur est encore plus sévère à l’égard de Trump, son successeur et de son populisme dont il décrit bien les liens avec les protestants intégristes.

Mais ce qui m’a le plus passionné, ce sont les longs récits du fonctionnement des pouvoirs publics américains, et notamment ces longues, très longues négociations du Président avec le pouvoir parlementaire, Chambre des représentants et Sénat, pour l’obtention de « compromis » qui sont l’expression-même du mode de fonctionnement de la politique américaine. Où l’on découvre que le Président « tout-puissant » de la première puissance du monde ...n’est pas si puissant ! Et doit composer au quotidien avec des contre-pouvoirs tout aussi puissants.
Au total, un livre d’une grande richesse et assez passionnant.

lundi 15 février 2021

Mon ami Kader Belarbi, étoile de l’opéra de Paris, grand danseur, grand chorégraphe...

...et depuis quelques années directeur du ballet du Capitole à Toulouse concourt pour un prix important, le prix Fedora pour deux œuvres, «Les Saltimbanques» et «Toulouse-Lautrec».


Elles font donc partie des 34 projets retenus (sur 200) partagés sur 4 prix : Ballet, Opéra, Digital et Education. Les Saltimbanques est en lice pour le prix Ballet et Toulouse-Lautrec pour le prix Digital.

Un jury dans chaque catégorie désignera les trois finalistes sur étude du dossier.
Le prix du Public permet de participer aux campagnes de levées de fonds qui auront lieu au printemps sur la plateforme de Fedora. L'enjeu est important en termes d'impact, de visibilité, de rayonnement, de prestige. Que deux projets de Kader soient sélectionnés pourraient apporter une belle dynamique à la danse.

Cette campagne de votes dure jusqu'au 26 février.
Je vous invite à lui donner sa chance en votant pour ces deux projets. Merci pour lui, pour la danse, pour la culture.

▶️Pour soutenir Toulouse-Lautrec : https://bit.ly/2MKqGqJ
▶️Pour soutenir Les Saltimbanques : https://bit.ly/2MeU6gN


Lu « L’empire des mers » de Paul Guimard, paru en 1974 chez Hachette-Litterature.

 2021 est l’année du centenaire de la naissance de Paul Guimard, délicieux
personnage que j’ai assez bien connu puisqu’il fut conseiller culturel à l’Elysée en 1981 et que j’ai eu l’immense privilège et plaisir d’aller à la pêche en mer avec Benoîte Groult, sa femme, et lui en Irlande à cette époque. 

Comme, avec quelques amis, dont ses filles, nous envisageons de célébrer ce centenaire comme il se doit, je me suis mis à relire son œuvre, en commençant par ce livre où il expose sa passion pour la mer et la navigation à voile. L’occasion lui en fut donnée par une des premières courses autour du monde à la voile avec escales et en équipage, la « Whitbread » en 1973 et, plus particulièrement, la course du bateau français « Neptune » dont le skipper était Bernard Deguy. Paul, pour ce faire, s’était rendu à chacune des escales ( Porsmouth, Le cap, Auckland, Rio ) pour y retrouver l’équipage, consulter le livre de bord mais aussi les journaux intimes des équipiers, vivre l’atmosphère particulière des escales avec tous les équipages ( il y avait plusieurs bateaux français engagés dont deux « Pen Duick » l’un avec Tabarly, l’autre rebaptisé « Gauloises » ).

L’ouvrage est un peu décousu car Paul se fait aussi bien écrivain libre et passionné que journaliste scrupuleux, étant entendu qu’il excelle infiniment mieux dans le premier exercice.

lundi 8 février 2021

Lu « Âme brisée » de Akira Mizubayashi, paru chez Gallimard.

L’auteur est un universitaire japonais francophile et francophone. Il écrit en français, a
déjà publié plusieurs romans et obtenu quelques prix dans le domaine de la francophonie littéraire. Il livre là un très joli petit roman qui démarre en 1938 au Japon, à Tokyo, où quatre musiciens passionnés de musique classique, répétant quasi-clandestinement, sont interrompus brutalement par des soldats qui les soupçonnent de comploter. Il faut dire : ils sont japonais et chinois, mélangés...le petit garçon du japonais est caché juste à temps dans une armoire et assistera à l’embarquement des musiciens dont son père qu’il ne reverra jamais, et récupère le violon brisé de celui-ci. Sa vie en sera durablement marquée. Recueilli et adopté en France, il deviendra luthier, mettra des années à réparer le violon de son père et partira à la recherche des autres acteurs de la tragédie de 1938 ou leurs descendants. Et ça fait une bien jolie histoire....


lundi 1 février 2021

Lu « Les impatientes » de Djaïli Amadou Amal, paru aux Éditions Emmanuelle Collas, prix Goncourt des Lycéens.

J’ai souvent constaté que les Goncourt des Lycéens étaient de meilleure qualité que


leurs grands frères ... c’est encore le cas cette année . 

Petit livre-coup de poing écrit par une femme peule du nord du Cameroun pour raconter la condition féminine là-bas : mariage forcé, polygamie, violences faites aux femmes, viols.... pourquoi «impatientes »? Parce que c’est ce que disent les mères des jeunes filles entraînées de force dans cet engrenage infernal et qui clament leur besoin de liberté et d’égalité: ne sois pas impatiente... récit-vérité, réalité bouleversante, livre poignant.