dimanche 29 novembre 2020

Je ne comprends toujours pas ce qui a pris le gouvernement avec cette satanée loi sur « la sécurité globale » qu’il tente, bon an-mal an, de faire adopter par le Parlement mais dans laquelle il semble un peu plus empêtré chaque jour qui passe...

 Sur la forme tout d’abord : le Gouvernement nous annonce pour les semaines qui viennent une grande loi sur laquelle il travaille depuis longtemps et qui devrait être la marque d’une doctrine sophistiquée et rassembleuse dans le domaine régalien, une loi qu’il appelait « sur les séparatismes » mais qui a changé de nom car personne ne comprenait ce que ça voulait dire, et qui serait devenue « loi sur le renforcement des principes républicains ». Soit.
Mais alors pourquoi donc polluer la préparation de ce « monument législatif » avec un débat préalable qui embrouille les esprits, détourne l’attention et place le gouvernement sur une position défensive ? On dirait un sabotage organisé. C’est incompréhensible.
Pourquoi donc, au demeurant, traiter de sujets aussi graves que la sécurité par le biais d’une « proposition de loi » d’initiative parlementaire donc et non gouvernementale qui, comme le savent les spécialistes, est toujours plus fragile juridiquement car n’étant pas soumise au filtre du Conseil d’Etat ? On me dit qu’ «il faut bien que la majorité parlementaire vive un peu son autonomie et prenne des initiatives »...je connais cette musique pour l’avoir vécue et, parfois, subie. Mais franchement, de là à prendre ces risques, je trouve l’autonomie bien cher payée !
Sur la forme toujours, je trouve au passage qu’en cette période tourmentée de crises superposées où le pouvoir peut sembler hésitant et contradictoire et où il importe plus que jamais de faire oeuvre de pédagogie, se foutre la presse à dos en s’attaquant à la liberté d’informer est d’une autre maladresse folle...Mais on n’était pas au bout de nos surprises on le verra un peu plus loin.
Voilà pour les donneurs de leçons de 2017 qui voulaient mettre le « vieux monde » au rencard et qui nous annonçaient qu’on allait voir ce que l’on allait voir.
Reste le fond et c’est bien là le plus important.
On pourra nous raconter tout ce qu’on voudra, cet article 24 visant peu ou prou à « encadrer » ( si l’on est indulgent) , à « limiter » si on est moins aimable ou à « contraindre » la liberté d’informer nous est proposé quelques semaines après qu’une vidéo a fait le tour du monde pour démontrer et dénoncer l’assassinat odieux d’un citoyen noir américain, George Floyd, par un policier raciste. Et l’on voudrait que l’opinion ne fasse pas le rapprochement ? Et l’on voudrait que cela ne passe pas comme une volonté délibérée d’empêcher de laisser voir ces vidéos citoyennes ? Peine perdue.
Alors on m’explique que, pas du tout, il s’agit juste de protéger les policiers exposés à la vindicte et à la dénonciation sur les réseaux sociaux, et que cela aurait fait l’objet d’un « deal » avec un syndicat de policier. Je ne savais pas que les syndicats faisaient la loi sous ce gouvernement et j’aimerais bien savoir lequel. Mais ce que je sais c’est qu’un article du projet de loi «Principes républicains » , travaillé si soigneusement par le gouvernement et devant passer par le filtre du Conseil d’Etat aborde ce sujet compliqué et délicat et qu’il eût été utile d’attendre sagement cette discussion et le «mûrissement » de la solution quelques semaines de plus sans agir dans cette précipitation.
Et puis vient le ponpon : une nouvelle bavure policière, raciste très probablement et d’une violence insoutenable est révélée par une vidéo de sécurité. Patatras, on ne pouvait imaginer réquisitoire plus convaincant contre l’article 24 !
On se dit alors que le gouvernement et sa majorité vont comprendre qu’il serait dangereux d’insister. Eh bien non, on voit le Ministre de l’Intérieur se précipiter dans un journal télévisé de 20h annoncer que, « sur sa proposition» ( je me souviens de sa phrase : « je remercie le Premier Ministre d’avoir accepté ma proposition »...) il va demander à une « commission indépendante » le soin de « réécrire » l’article 24.
Une commission indépendante pour écrire la loi !! Une commission indépendante à la place du Parlement élu démocratiquement ??
On croit rêver : jamais le mépris du Parlement ne s’était exprimé si explicitement...
Même le bon Richard Ferrand, Président de l’Assemblée Nationale, a vu rouge ! Il a eu bien raison d’ériger et d’obtenir que cette ineptie soit retirée de la table.
Tout cela laisse pantois. Je n’aime pas accuser d’amateurisme les gouvernants de la République car c’est se placer soi-même au rang des donneurs de leçons que je dénonçais plus haut. Pourtant....

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