Lus,
pendant quelques jours d'un long « voyage » :
-
« Meursault, contre-enquête » de Kamel DAOUD aux
Editions Actes Sud. Kamel DAOUD est un journaliste algérien – il
écrit au quotidien d'Oran et ses éditos sont très lus – de 44
ans, qui a eu une idée très intéressante : donner « l'autre
version » de « L'Etranger » de Camus c'est à dire
se placer à la place de la famille du jeune algérien tué par
Meursault sur la plage à Alger. Original et bien fait, le récit du
frère de Moussa, vieil homme dans un bistrot d'Oran, pose bien
entendu des tas de questions et réflexions sur la présence
française en Algérie, la décolonisation, l'identité algérienne.
Roman
à lire, même si l'écriture accroche parfois.
-
« Ce sont des choses qui arrivent » de Pauline DREYFUS
chez GRASSET.
C'est
curieux, la première partie de ce roman se situe au même endroit et
à la même époque que le « Charlotte » de Foenkinos :
sur la Côte d'Azur sous l'occupation. « Ce sont des choses qui
arrivent », sont, de fait, les affaires de famille dont on ne
parle pas. Dans l'aristocratie française de cette époque – mais
est-ce que cela a véritablement changé ? -, on taisait les
égarements conjugaux et les naissances de « bâtards »
(comme le mot résonne vulgairement).
Même,
et surtout, si le père naturel est juif. Triste livre, très bien
écrit.
-
« Pas pleurer » de Lydie Salvayre, au Seuil qui a obtenu
le Goncourt. Un coup de projecteur poignant sur la République
Espagnole, à travers un échange à distance entre Georges BERNANOS,
plutôt engagé du côté de la droite phalangiste mais très vite
bouleversé par les éliminations barbares des républicains dans
l'île de Majorque, et la mère de l'auteure, ou tout du moins de la
narratrice, qui avait 16 ans en 36 et qui a vécu un été de rêve
libertaire à Barcelone. On y voit décrits à la fois la violence
insupportable du franquisme naissant avec la bénédiction coupable
et compromise de l'église espagnole et, en face, les divisions
invraisemblables des républicains entre communistes staliniens et
anarchistes libertaires. C'est un très beau livre de témoignage sur
cette époque. Et comme la mère de la narratrice vit en France
depuis la guerre où elle devint réfugiée politique, c'est écrit
avec un français « hispanisé » qui, parfois, est tout
simplement de l'espagnol écrit comme il est parlé.Mais pourquoi
donc l'auteure et l'éditeur ont-ils renoncé à traduire en français
tous ces passages ??
Dommage
…Mais cela reste un Goncourt mérité.
-
« Voyage au bout de la nuit » de Louis Ferdinand CELINE,
dans la collection FOLIO chez GALLIMARD. Le livre-culte de CELINE.
Admirable. Même si les sentiments magnifiés par ce héros dans son
périple sont bien peu estimables : la lâcheté, le racisme, le
mensonge, l'incapacité de s'élever, à être généreux … Ça
fait beaucoup.
Mais
le livre est construit, cohérent, puissant.
-
« De sang froid » de Truman Capote toujours dans la
collection FOLIO chez Gallimard, traduit de l'anglais par Raymond
GIRARD.
Le
livre-culte du roman américain, tiré à plus de huit millions
d'exemplaires, et inspiré d'un épouvantable fait divers :
l'assassinat, en novembre 59 de la famille CLUTTER, dans leur ferme
de l'ARKANSAS. Je ne l'avais jamais lu et je comble un vide.
-
« La promesse de l'aube » de Romain GARY chez Gallimard.
Ça date de 1960 mais ça vieillit bien. Très bien. La très belle
histoire, autobiographique, d'amour entre une mère et son fils. Une
mère qui, avant-guerre, se sacrifie corps et âme pour son fils,
rêvant les plus belles choses pour sa destinée (« Tu seras
écrivain, ambassadeur, héros ... ») jusqu'à la séparation
de la guerre qui obligea le fils en question à la laisser seule et
malade à Nice. Pendant toute la guerre, chaque mois il recevra une
lettre d'elle. Une lettre d'amour et d'encouragement. A la
libération, quand il rentre à Nice, il apprend qu'elle était morte
depuis 3 ans et qu'avant de mourir, elle avait rédigé 250 lettres
pour lui, confiées à une amie chargée de les envoyer mois après
mois. Emouvant.
-
« Un cœur simple » de Gustave Flaubert chez Louis CONARD
éditeur.
Magnifique
petit livre d'un classicisme délicieux, contant l'histoire d'une
servante, dans un petit village de Normandie dans la première
moitié du 19e siècle. Quelle formidable écriture ! Flaubert
quoi.
- « L'immeuble
YACOUBIAN » de Alaa EL ASWANY, traduit de l'arabe égyptien par
Gilles GAUTHIER, aux éditions Actes Sud. Cet EL ASWANY est un
nouveau Naguib MAHFOUZ ! Sa chronique contemporaine d'un
immeuble du Caire et de ses habitants est un merveilleux conte des
faits et gestes d'une population diverse où toute la richesse et
toutes les avaries de l'Egypte moderne sont recensées. De
l'autoritarisme fascisant à l'islamisme qui ne l'est pas moins en
passant par la débauche et la corruption. Mais tout cela est d'une
immense sensibilité.
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