Il faut rendre hommage à Ségolène
ROYAL : si sa proposition de supprimer les péages autoroutiers le dimanche
n’a pas vraiment convaincu, notamment au plan écologique, elle a eu l’immense
mérite d’appeler l’attention de l’opinion sur les conditions ahurissantes – je
pèse mes mots – dans lesquelles le Gouvernement de M. de Villepin a privatisé
les autoroutes il y a 7 ans, ce que François BAYROU avait qualifié, à juste
titre, de « scandale d’Etat » et sur la rente extravagante dont
bénéficient les sociétés privées
d’autoroutes depuis cette date.
A l’heure où le gouvernement
souhaite s’attaquer aux rentes, notamment celles dont bénéficient – ou bénéficieraient !
– les professions réglementées, il ne faudrait pas que la rente des autoroutes
soit laissée aux mains des concessionnaires privés.
C’est pourquoi il peut être utile
de regarder de très près l’étude réalisée par le Cabinet Microéconomix qui soulève,
notamment la piste d’une résiliation anticipée des contrats de concessions
autoroutières[1].
Sur la forme, cette étude révèle
la possibilité offerte par les contrats de concession d’une résiliation
anticipée des contrats de concessions.
L’article 38 des contrats de concessions (décret n° 2007-938 du 15 mai
2007) précise en effet les conditions de
mise en œuvre de cette possibilité : « A compter du 1er janvier
2012, l’Etat pourra, dans un motif d’intérêt général, racheter la concession
par arrêté conjoint du ministre chargé de la voirie nationale, du ministre
chargé de l’économie et du ministre chargé du budget. Ce rachat ne pourra
s’exécuter qu’au 1er janvier de chaque année, moyennant un préavis
d’un an dûment notifié au concessionnaire ». Un préavis donné avant le 31 décembre
prochain permettrait donc de renationaliser les autoroutes au 31 décembre 2016.
« En cas de rachat le concessionnaire aura droit à une indemnité
correspondant au préjudice subi par lui du fait de la résiliation et dont le
montant net d’impôt dû au titre de sa perception et après prise en compte de
toutes charges déductibles sera égal à la juste valeur de la concession
reprise, estimée selon la méthode d’actualisation des flux de trésorerie
disponibles, ces derniers étant pris après impôts ».
On voit donc que le rachat des
concessions est une option tout à fait réaliste et réalisable. Il permettrait à
l’Etat de nationaliser la rente dont bénéficient les sociétés concessionnaires
et de l’utiliser pour financer les travaux d’infrastructures de transport dont
nous avons encore besoin. Le rachat des concessions n’impliquerait nullement
que la nationalisation de l’exploitation des autoroutes soit définitive car
l’Etat pourrait très bien décider de confier leur exploitation au secteur privé
à l’issue – ce coup-ci ! – d’une véritable mise en concurrence. A la clé
l’étude démontre que ce sont plusieurs milliards d’euros que l’Etat pourrait
gagner.
Sur le fond et, notamment, la
problématique financière, cette étude évoque 2 possibilités :
. Soit l’Etat met en œuvre une
résiliation anticipée des concessions actuelles (comme le prévoient les
contrats) et organise une mise en concurrence pour une nouvelle période de
concession.
. Certes , la résiliation
anticipée des concessions obligerait l’Etat à verser une indemnité de l’ordre
de 39 milliards d’euros aux concessionnaires actuels (hors réseau Cofiroute).
Mais la remise en concurrence des concessions lui permettrait d’engranger une
somme bien supérieure. La mise en concurrence conduirait les candidats à mieux
valoriser les concessions (taux d’actualisation plus faibles, évolution du
trafic plus réaliste, baisses des coûts d’exploitation). Les 39 milliards
correspondant à la valorisation sur la base des hypothèses biaisées défendues
par les concessionnaires en place, la mise en concurrence conduirait à des
valorisations bien supérieures, de l’ordre de 45 à 50 milliards d’euros.
Résultat : une plus-value immédiate pour l’Etat de 5 à 10 milliards
d’euros !!
. Soit l’Etat reprend le contrôle
des concessions en résiliant les contrats actuels et en assurant lui-même la
gestion des autoroutes (quitte à déléguer à des opérateurs privés
l’exploitation des autoroutes et la réalisation des travaux). Pour cela, l’Etat
devrait emprunter de l’ordre de 43 milliards d’euros correspondant grosso modo
à 39 milliards d’euros pour indemniser les concessionnaires en place (hors
réseau Cofiroute) plus 3,6 milliards pour financer le plan de relance. Mais à
un taux de 1,25% sur 15 ans, cela représente une annuité de remboursement d’environ
3 milliards d’euros par an, somme qui serait largement couverte par les
excédents brut d’exploitation générés par les recettes de péages sur cette
période (de l’ordre de 4 milliards d’euros par an sur 2015-2030). Autrement dit
l’Etat engrangerait en moyenne 1 milliard d’euros de plus-value par an durant
les quinze prochaines années. Et à l’issue des 15 ans, la dette étant effacée,
l’Etat peut engranger la totalité des excédents bruts d’exploitation générés
par les péages, soit plus de 4 milliards d’euros par an à partir de
2030 !!
« Ainsi loin d’endetter
l’Etat, le rachat des concessions génèrerait au contraire des gains financiers
considérables. Les 39 milliards qui devraient être versés aux concessionnaires
ne constitueraient pas une dette supplémentaire pour l’Etat, mais un
investissement pour de réapproprier une rente dont les revenus annuels excèdent
le montant des annuités. Il ne s’agirait donc pas de s’endetter pour financer
une dépense publique, mais d’investir pour engranger des recettes ».
La République, quand elle s’est fait gruger n’a-t-elle pas
le devoir de se défendre ? Ce faisant elle ne ferait que défendre l’argent
du contribuable.
Chiche ??
[1]
Comme je fais beaucoup référence à ce travail pour lui rendre hommage, que
Microéconomix m’excuse si les guillemets ne sont pas toujours présents.
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